Nord-Américains autochtones au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Nord-Américains autochtones au Canada

Autochtones.

Les peuples indigènes du territoire aujourd'hui appellé Canada ont été nommés de maintes façons, différentes de celles qu'ils se donnaient eux-mêmes. Ils ont souvent été appellés Indiens (plutôt qu'Anishnabes, Dènès, Haudenosaunes, Innus, etc.) et Esquimaux (plutôt qu'Inuit), ou autochtones, ou encore, et plus spécifiquement dans les contextes politiques contemporains, reconnus comme Premières Nations. La plupart des non-autochtones acceptent les preuves archéologiques de la migration en Amérique du Nord des ancêtres des Amérindiens et des Inuit via le détroit de Behring (les Inuit depuis environ 4000 ans et les Amérindiens depuis 20 000 à 40 000 ans). La preuve n'est toutefois pas définitive et les autochtones croient que leurs origines se trouvent sur le continent nord-américain bien qu'ils reconnaissent qu'il y ait eu des déplacements depuis et vers le nord de l'Asie. En 1981, Statistique Canada comptait 491 000 Inuit, Métis et Amérindiens avec ou sans statut, bien que d'autres enquêtes estiment qu'il serait plus juste d'en compter de 1 000 000 à 1 500 000 au total. Cinquante-trois langues distinctes, issues de onze familles linguistiques différentes, sont parlées dans les communautés autochtones canadiennes. C'est la diversité de langues et d'habitats qui a contribué au riche foisonnement des cultures.

Face à de fortes pressions en vue de leur assimilation, et ceci dès l'arrivée des Européens au XVIe siècle, la culture des autochtones a souvent été menaçée mais elle a su s'adapter et demeurer vivante et distincte. La recherche concernant les effets des interactions historiques sur les aspects expressifs des cultures autochtones, tant entre les nations amérindiennes qu'entre Amérindiens et Européens, en est à ses débuts. Depuis les années 1980, les Amérindiens manifestent un intérêt renouvelé pour leur mode de vie traditionnel, et plus particulièrement pour leur spiritualité et les systèmes de croyances qui lui sont intégrales. Le dynamisme inhérent aux célébrations intertribales (powwows, rassemblements, festivals) atteste du rôle important que joue la musique dans cette renaissance.

Aucune notion distincte analogue au concept « musique » n'existe dans les langues autochtones. La musique procure à un individu un moyen d'exprimer sa relation avec les autres êtres, tant humains que non humains, et avec le monde naturel. Pour eux, l'expression « toute parentale » qu'ils emploient souvent, réfère à toutes les entités vivantes de l'univers. Presque toutes les Nations renouvellent ces liens par des cérémonies d'action de grâce et de respect, et ritualisent les bases les plus fondamentales de leur culture. Par contre, la spiritualité autochtone n'est pas un domaine sacré isolé du domaine profane, mais elle s'inscrit plutôt dans la continuité de l'expérience vécue quotidiennement. À l'intérieur de ce cadre conceptuel, la musique fonctionne de diverses manières. Jouer du tambour et chanter peuvent servir d'outils de chasse, de moyen d'affirmer son appartenance clanique, de façon d'endormir un enfant ou de remède lors d'une cérémonie de guérison du corps et de l'esprit.

La relation se confirme également par la manière avec laquelle les chants s'inscrivent dans un répertoire. Chez certaines Nations, un individu peut recevoir un chant dans un rêve ou lors de la recherche d'une vision (un jeûne solitaire qui permet à quelqu'un de vivre une expérience introspective intense et accroît sa sensibilité aux messages qui l'entourent). Dans d'autres contextes, des chants et des objets chamaniques peuvent être confiés à la garde d'une personne. Dans d'autres cas, des chants peuvent être sciemment « composés » (les « eskanye » iroquois ou les chants cérémoniels bella coolas).

Discuter de la musique des Amérindiens indépendamment des autres aspects de leur vie témoigne donc d'une perspective eurocanadienne plutôt qu'amérindienne. De plus, le fait d'établir une distinction entre différents modes discursifs (par exemple, appeler, parler, chanter, etc.) peut également, dans bien des cas, témoigner d'ethnocentrisme. Les chercheurs travaillant sur une multitude de sujets et de régions se sont rendus compte que ces modes discursifs font parfois partie d'un continuum plutôt que d'une série de catégories discrètes et isolables.

Une perspective non autochtone met l'accent sur des catégories ou des aspects potentiellement différents de ceux dont parlent les autochtones. Un Anishnabek, par exemple, pourra parler d'un « tambour à rêver », ou d'un « tambour de la paix » alors qu'un non-autochtone choisit de faire référence à ses caractéristiques physiques en affirmant qu'il s'agit d'un tambour sur cadre ou d'un tambour-tonneau. Par exemple, plusieurs sources non-autochtones affirment que la majorité des instruments autochtones est constituée de tambours et de hochets, sans insister sur le fait qu'il en existe des douzaines de types. On mentionne parfois des instruments à cordes moins répandus (le violon apache ou le violon inuit par exemple) ou bien on met l'accent sur les flûtes. Une perspective non-autochtone (et spécialement celle formée par la connaissance de la musique classique européenne) pourra peut-être souligner des structures scalaires ou des formes musicales, alors qu'un chercheur autochtone portera une attention plus particulière aux subtilités de changements des timbres et à leur relation avec les phénomènes sonores du monde naturel. De la même façon, parce que l'histoire musicale européenne tient la polyphonie en haute estime, on attache de l'importance au fait que presque toute la musique amérindienne soit monophonique (bien qu'une seconde partie rythmique soit la norme pour plusieurs genres) et on pourrait l'interpréter comme de la simplicité alors que l'insistance sur d'autres facteurs - par exemple, les changements subtils de timbres ou la complexité des longueurs de phrases dans plusieurs genres - pourrait plus adéquatement témoigner de la sophistication expressive de la musique amérindienne.

Quelle que soit la perspective adoptée, il est difficile d'avancer des généralisations très précises à propos des musiques amérindiennes, à cause du grand éventail des genres et des styles de chacune des Nations. En ce qui concerne le style vocal par exemple, c'est sans doute le registre aigu et tendu employé par les tambourineurs masculins de la région des Plaines qui est le mieux connu. Pourtant, il existe de nombreux styles contrastants : les sons respirés et rythmés d'un « katajjaq » inuit; un style vocal moins marquant de certains chants cérémoniels kwakiutls; les chants du jeu de pari des Dènès; le son nasalisé plus délicat d'une berceuse naskapie.

Toutefois, en ce qui concerne les textes de chants, il semble plus admissible de procéder par généralisations. On peut par exemple affirmer que l'usage de vocables (ou syllabes sans connotation lexicale spécifique) prédomine dans plusieurs répertoires et qu'ils remplissent une diversité de fonctions : soit qu'ils servent de repères structurels, ou de références onomatopéiques, ou de signaux, etc. Par contre, certains genres chantés ont un contenu narratif important (par exemple, les « pisiit » des Inuit) tandis que d'autres (par exemple, un « nikamun » montagnais) n'utilisent qu'une série d'expressions ou de mots isolés qui susciteront toute une série d'associations chez le chanteur et chez l'auditeur. Dans d'autres chants encore, les vocables de certaines strophes sont remplacés par des paroles dans les autres strophes (par exemple, les chants d'Honneur (« honour songs ») ou les chants pour les Rondes (« round dance songs ») chez les Cris). Bien que les textes soient normalement en langues autochtones, l'anglais peut également y être incorporé, comme on le trouve fréquemment, par exemple, dans les danses de Guerre (« war dance ») de la région des Plaines.

Plusieurs types de chant, mais pas tous, sont intégralement liés aux traditions de danse. Ainsi, il arrive fréquemment que des différences rythmiques (qu'il s'agisse de métrique, de tempo ou de motif) soient importantes pour différencier les genres et leurs fonctions. Souvent, aussi, les motifs des pas de danse sont symboliques : le cercle est le symbole prédominant dont les directions vitales varient d'une région à l'autre (par exemple, dans le sens horaire chez les Algonquiens, dans le sens contraire chez les Iroquoiens).

Les groupes culturels autochtones ont fréquemment pratiqué des emprunts aux traditions musicales d'autres peuples avec lesquels ils ont eu des contacts. Des airs de musique populaire ont été intégrés à des « eskanye » iroquoiens. Des instruments de facture européenne, tels que le violon et la guitare, sont parfois utilisés pour créer des styles tout à fait uniques, fondés en bonne partie sur des principes musicaux autochtones (voir Lederman, 1987 dans BIBLIOGRAPHIE de la section 5). Des hymnes chrétiens ou des cantiques avec des textes en langues autochtones constituent autant de répertoires importants de musique autochtone (voir Preston, 1985; Whidden, 1985; Keillor, 1987; Cavanagh, 1987 dans BIBLIOGRAPHIE de la section 5). Des instruments européens de fanfare se retrouvent dans des contextes bien spécifiques (voir Lutz, 1978 au sujet des fanfares de cuivres des Inuit de Nain au Labrador, et History of Music in British Columbia de McIntosh, 1990, au sujet des fanfares de Colombie-Britannique à la fin du XIXe siècle et au début du XXe , tous deux dans BIBLIOGRAPHIE de la section 5). Des chants populaires contemporains en anglais, en français ou dans diverses langues autochtones constituent également un répertoire important pour les jeunes compositeurs, les guitaristes et les chanteurs (voir Innu Nikamu).

Les anthropologues et les ethnomusicologues ont souvent tenté d'expliquer l'énorme variété et la richesse des cultures autochtones en définissant des « régions culturelles ». En ce qui concerne la musique, des tentatives d'organisation en « régions » ont été faites par Helen Roberts (1936, BIBLIOGRAPHIE de la section 2) et Bruno Nettl (North American Indian Musical Styles, Philadelphie 1954). Ces schémas reflètent les perceptions non autochtones de cette question et continuent d'influencer la structure d'articles comme celui-ci. C'est donc la musique autochtone de quatre grandes régions géographiques que nous allons ici examiner.

La Côte nord-ouest

Au Canada, la région musicale de la Côte nord-ouest se répartit selon les différents membres des familles linguistiques suivantes : haida (du nord : Massett; du Sud : Skidegate), tsimshienne (de l'intérieur : Nisga'a, Gitksan; de la Côte : Tsimshian), wakashenne (du nord : Haisla (Kitimat), Haihai (Klemtu), Heiltsuk (Bella Bella, Waglisla), Oowekyala (Rivers Inlet) et Kwakwala (nord de l'Île de Vancouver et terre ferme adjacente); du sud : Nootka et Dididat (Nuuchahnulth), et enfin salishenne (Nuxalk [Bella Coola] et salishenne de la Côte [Comoax, Sechelt, Squamish, Halkomelem et Salish des détroits]).

La carte qui accompagne cet article donne une idée approximative des lieux d'habitation de ces groupes et, dans certains cas, les sites des réserves. Depuis les deux dernières décennies, les autochtones ont enlevé les noms qui leur avaient été imposés pour les remplacer par des termes indigènes. Ainsi, on appelle maintenant Nuxalk les Bella Coolas, ceux de Rivers Inlet se nomment les Oowekeenos, les locuteurs d'oowekyala, les Nootkas sont devenus les Nuuchahnulth, et ainsi de suite. Même la dénomination « Indiens » est maintenant remplacée en Colombie-Britannique par l'expression « Premières Nations », du moins au niveau politique le plus général.

La variété des styles musicaux amérindiens de la Côte nord-ouest n'a pu être perçue dans le passé à cause de cette indifférence envers les appellations indigènes. Le terme Kwakiutl en est un bon exemple. À la suite des recherches intensives de Franz Boas, en anthropologie postboasienne, les Kwagulth de Fort Rupert en sont venus à représenter par erreur toute la culture wakashenne du Nord. Mais en fait, ils ne constituent qu'un des douze groupes parlant le kwakwaka et sont aujourd'hui connus sous le nom de Kwakwaka'wakw (« ceux qui parlent le kwakwaka »).

Ce ne sont pas seulement les termes qui doivent être changés pour comprendre et apprécier la musique des Amérindiens de la Côte nord-ouest. Ce qu'il faut, c'est comprendre comment la musique est systématiquement reliée à toutes les habitudes de vie de la Côte nord-ouest, connaître un peu de l'histoire des traditions musicales au XIXe siècle, et rejeter tout préjugé auditif qui empêcherait les chercheurs non autochtones de considérer cette tradition musicale parmi les plus éminentes. Mais avant de présenter un modèle musical de la Côte nord-ouest, nous décrirons brièvement la tradition de recherche sur la musique de cette région.

Les Athapascans

Distribution géographique et culturelle. Le terme « athapascan » désigne une famille linguistique distribuée sur un vaste territoire et comprenant un grand nombre de tribus. Il existe une branche méridionale athapascane au sud des États-Unis; cependant, c'est la branche septentrionale qui nous concerne ici. Situées dans la zone subarctique, au Canada et en Alaska, certaines tribus comme les Kutchins, les Hans et les Tananas chevauchent la frontière canadienne-américaine. Il règne une confusion énorme au sujet des nombreuses appellations des tribus, selon les auteurs, et selon les périodes dont ils parlent. Dans cet article nous avons adopté le système en usage dans le Handbook of North American Indians, vol. VI : Subarctic (Washington, D.C. 1981) qui discute et unifie les diverses identifications et affiliations des groupes et des sous-groupes.

Au Canada, les groupes principaux dans les montagnes Rocheuses et plus à l'ouest en Colombie-Britannique sont constitués des Chilcotins, des Porteurs (Carrier), des Sekanis, des Tsetstauts et des Tahltans. Des groupes comme les Tagishs, les Tlingits de l'intérieur et les Kaskas vivent de part et d'autre de la frontière de la Colombie-Britannique et du Yukon. Les Tutchones, les Hans, les Kutchins (parfois appellés Loucheux) habitent le Yukon. Les Castors (Beaver) résident principalement dans le nord de l'Alberta mais également en Colombie-Britannique. Dans les régions qui bordent le fleuve Mackenzie (Territoires du Nord-Ouest) on trouve les Tchipewyans, dont le territoire s'étend du nord des Prairies jusqu'à la Baie d'Hudson, les Flancs-de-Chiens (Dogrib), les Esclaves (Slavey) et les Peaux-de-Lièvre (Hare ou Hareskin). Un groupe qu'on appelle les Montagnards (Mountain), habitant jadis le côté oriental des montagnes Mackenzie, réside maintenant dans un village en bordure du fleuve Mackenzie.

Les Amérindiens des Territoires du Nord-Ouest se désignent eux-mêmes par le nom Dènè, ce qui veut dire « homme » ou « être humain » et nomment alors leur territoire Denendeh, c'est-à-dire « la terre des hommes ».

Les Plaines

Les territoires ancestraux des Amérindiens des Plaines au Canada étaient situés au sud et au centre du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta (le nord de l'Alberta étant occupé par des Athapascans). Les Cris, les Pieds-Noirs (Blackfoot) (dont les Gens-du-Sang (Blood) et les Peigans, les Sarcis, les Cris des Plaines (Plains Cree), les Stonys, les Assiniboines, et les Saulteux (Sauteaulx, ou Ojibwas des Plaines) constituent les principales tribus des Plaines canadiennes. Bien que ces tribus parlent des langues différentes et inintelligibles l'une pour l'autre, les musiques sont remarquablement semblables et demeurent étroitement apparentées aux musiques des nombreuses tribus des Plaines amér. au Montana, aux Dakotas, et plus au sud.

La vie musicale traditionnelle (encore pratiquée en 1990 mais largement réduite comparativement aux temps anciens) s'élabore autour d'un ensemble riche et complexe de cérémonies et de rites liés à des cultes religieux, à la guerre, à la guérison, à la purification, à la mort ainsi qu'à des sociétés formées par groupes d'âge. Chacune de ces cérémonies entremêle des aspects sociaux et profanes avec des aspects sacrés. Chaque cérémonie ou rite comportait plusieurs douzaines, ou même plus, de chants spécifiques qui lui étaient associés. Les chants pour les cultes aux sacs d'amulettes, les chants pour la danse du Soleil (« sun dance ») ou la Loge de médecine (« medecine lodge ») et les chants associés avec la guerre formaient la plus grande catégorie de chants. Plusieurs cérémonies employaient les services de musiciens spécialisés. Certains chants, considérés comme sacrés, ne devaient pas être chantés en dehors de leur contexte rituel spécifique. D'autres activités comportaient des répertoires de chants différents : les chants pour les danses sociales, les chants pour les jeux de pari et pour d'autres jeux, des berceuses, des chants pour marcher ou pour monter à cheval, ou des sérénades de nuit, etc. Il y avait aussi une grande quantité de chants personnels reçus par les individus en rêve ou lors de visions, ou bien hérités d'ancêtres. Au XIXe siècle disparaissait le bison, l'élément le plus central de l'écologie et de la vie traditionnelles des Amérindiens des Plaines. À la suite de l'établissement du système de réserves, plusieurs des cérémonies et rites traditionnels tombèrent en désuétude ainsi que les répertoires musicaux y étant associés. Ce sont les chants de Guerre qui ont le mieux survécu.

La vie musicale contemporaine dans les réserves des Plaines présente de multiples facettes. À côté des vestiges des cérémonies et de la vie musicale traditionnelles (et de leur timide renouveau), il existe également ce que l'on pourrait appeller une vie musicale et une musique « moderne-traditionnelle », qui évolue à partir des danses sociales profanes du corpus traditionnel et qui les perpétue. Les genres de danses sociales sont nombreux, comportant chacun une chorégraphie spécifique (et dans certains cas, des costumes élaborés). Musicalement, ils se distinguent principalement par leur tempo, leur regroupement métrique (binaire ou ternaire) et par de petits détails dans la façon de les pratiquer (signaux aux danseurs, etc.). Les genres à métrique binaire incluent la danse des Herbes (« grass dance »), la danse de la Grande poule des prairies (« Prairie chicken dance »), la danse du Cerceau (« hoop dance »), la danse du Chien fou (« crazy dog dance ») et plusieurs types de chants pour les danses de Guerre (« war dance songs »). Ce sont toutes des danses collectives mais chacun danse individuellement, c'est-à-dire que les danseurs, sans interagir, font tous à peu près les mêmes gestes. Le genre à métrique ternaire le plus populaire est la danse du Hibou (« owl dance ») pendant laquelle des couples (mixtes ou de même sexe) effectuent un double pas glissé (« shuffling two step ») autour d'un grand cercle tournant très lentement.

L'impact des goûts musicaux et des pratiques musicales des Blancs se fait aussi sentir. Que ce soit à l'école, à l'église, en voyageant ou, bien sûr, via les médias, la plupart des Amérindiens des Plaines sont exposés à une grande variété de musiques non autochtones et il peut arriver qu'ils préfèrent la musique de Blancs (comme certains l'appellent) à la musique amérindienne. Ces dernières années, il arrive fréquemment qu'une danse sociale dans une réserve des Plaines utilise de la musique rock ou de la musique country (bien que souvent chantée par des interprètes autochtones) plutôt que de la musique amérindienne, et quelquefois on trouve les deux lors d'un même événement (voir section 6 ci-après).

Comme la plupart des musiques amérindiennes, celle des Amérindiens des Plaines est presque exclusivement une musique vocale monophonique, accompagnée d'un partie percussive relativement simple. Sans presque jamais de changement de tempo, la battue uniforme des tambours se fait selon une métrique binaire, mais parfois ternaire (courte-longue, courte-longue, etc.).

La qualité vocale du chant amérindien des Plaines se caractérise par une grande tension de l'appareil vocal et - surtout sur les notes longues - par l'utilisation de sons dits « gazouillés », ou de pulsations (c'est-à-dire des trémolos ou des fluctuations rythmées d'amplitude). La tension et les pulsations sont produites respectivement par l'adduction des cordes vocales et par la manipulation de la cavité pharyngienne. Par ailleurs, le timbre vocal tendu du chant est d'autant plus mis en évidence que le chant exige l'utilisation de hauteurs à l'extrême limite du registre vocal aigu et ce, à plein volume.

Une autre caractéristique remarquable de la musique amérindienne des Plaines se situe dans l'interrelation rythmique complexe du chant et de la percussion. Une écoute distraite peut faire penser que les deux sons manquent de coordination ou qu'ils n'ont qu'une relation aléatoire, mais une étude attentive révèle l'existence d'une façon d'utiliser la syncope ou le déphasage (l'articulation du chant juste après l'articulation au tambour) extrêmement précise rythmiquement. On évite systématiquement les unissons rythmiques entre partie vocale et articulations percussives. (Ceci peut se vérifier à l'aide d'un enregistrement à tempo réduit sur un appareil à vitesse variable.) Il est à noter que chanteurs et tambourineurs sont les mêmes et qu'il n'y aucune différenciation de ces rôles lors de l'interprétation. La relation si complexe tambour-voix ne résulte donc pas d'un manque de coordination de l'ensemble de musiciens.

Il est évident en écoutant les enregistrements faits depuis la fin du XIXe siècle que les caractéristiques stylistiques ci-haut mentionnées sont devenues particulièrement importantes au fil des ans. Le style musical des Plaines et les danses lui étant associées ont été largement diffusés au-delà de la région des Plaines et constituent les styles principaux des chanteurs et danseurs de powwows de toute l'Amérique du Nord. Dès lors, la musique et la danse des Plaines symbolisent l'identité panamérindienne et la solidarité intertribale.

Le chant relève principalement du domaine masculin, mais les femmes chantent également et semblent aussi bien connaître l'ensemble du répertoire que les hommes. Ceci devient évident si on considère leur participation comme assistantes musicales dans un certain nombre de contextes publics de performance, notamment dans la danse des Herbes. Pour celles-ci, les voix féminines doublent parfois à l'octave les voix masculines, lorsque le registre des chants descend suffisamment pour le permettre, c'est-à-dire surtout en fin de sections. La complémentarité des rôles sexuels respectifs (les hommes débutent et les femmes réalisent) se reflètent dans divers autres aspects de la culture amérindienne. Le chant des femmes ne fait pas usage d'autant de tension, de volume, de pulsation et de déphasage caractéristiques de la manière de chanter masculine, bien qu'il y ait une tendance vers le style masculin depuis l'émergence dans les années 1970 de groupes de chanteurs de powwows mixtes ou exclusivement féminins (voir Hatton, 1986).

La musique et la vie musicale des tribus des Plaines font l'objet d'une documentation abondante, de fait, la plus abondante de tous les groupes amérindiens d'Amérique du Nord.

Plusieurs études ethnologiques approfondies de la vie amérindienne des Plaines ont été subventionnées par l'American Museum of Natural History au début du XXe siècle, incluant des sujets musicaux (voir Goddard, Skinner, Wallis et Wissler); des enregistrements sur rouleaux de cire furent également faits par un certain nombre de chercheurs du début du siècle. La collecte de chants et le travail ethnologique s'est poursuivi chez les Amérindiens des Plaines jusqu'en 1990. Ainsi, par exemple, pour la tribu de la Confédération des Pieds-Noirs (Blackfoot Confederacy), il existe 41 collections d'enregistrements disponibles (collections de terrains et collections diffusées commercialement). Celles-ci couvrent les années 1897-1984 et comprennent au total 1469 chants. Des échantillons de plusieurs genres peuvent être entendus sur le disque Indian Music of the Canadian Plains (Folk. FE-4464), choisis parmi l'immense collection des années 1953-54 de Kenneth Peacock (conservée au Musée canadien des civilisations). À partir des années 1970, disques et cassettes se firent de plus en plus nombreux, provenant de maisons canadiennes telles que Sunshine Records (Winnipeg) et le Saskatchewan Indian Cultural Centre (Saskatoon), ou de maisons amér. telles que Canyon Records et Indian House. En 1990, la plupart des groupes connus de chanteurs des Plaines (dénommés « tambours ») peuvent être entendus sur des enregistrements commerciaux (voir DISCOGRAPHIE pour des échantillons représentatifs; voir aussi Powwow). En ce qui concerne les études portant spécifiquement sur la musique, ce sont les tribus les plus populeuses, par exemple les Gens-du-Sang du sud-ouest de l'Alberta et leurs cousins Pieds-Noirs du nord du Montana (voir Nettl et Witmer) qui ont fait l'objet de plus d'attention.

Discographie

An Historical Album of Blackfoot Indian Music : compilé par Bruno Nettl; 1979; Folkways FE-34001.

Assiniboine Jr. Singers : Pow-Wow : Manitoba; 1988; Sunshine Records SSCT-4090.

Blackfoot A-1 Club Singers I et II : Alberta; 1972; Indian House IH-4001-4002.

Blackfoot Oldtimers : Old Songs from the Past : Alberta; 1980; Canyon Records CR-9004-C.

Calgary Drummers : Blackfoot : Alberta; 1980; Canyon Records CR-9002-C.

The Canadian Blackfoot Indians : Alberta; 1982; Lyrichord LLST-7373.

Dakota Hotain Singers : Pow-Wow : Manitoba; 1987; Sunshine Records SSCT-4069.

Elk's Whistle : Saskatchewan; 1989; Saskatchewan Indian Cultural Centre Audio-Visual Department EW-140689.

Indian Music of the Canadian Plains : musique recueillie par Kenneth Peacock, Alberta; 1953-54; Folkways FE-4464.

Old Agency Singers of the Blood Reserve I et II : Alberta; 1972; Indian House IH-4051-4052.

Plains Ojibway Singers : Pow-Wow : Manitoba; 1987; Sunshine Records SSCT-4076.

The Red Bull Singers : Saskatchewan; 1988; Saskatchewan Indian Cultural Centre Audio-Visual Department RBS-230889.

Sarcee Broken Knife Singers : Alberta; 1975; Canyon Records CR-6135-C.

Sarcee Bull Head Youth Club Singers : Songs of the Sarcee : Alberta; 1975; Canyon Records CR-6176-C.

Songs from the Blood Reserve : Alberta; 1975; Canyon Records CR-6133.

Clark WISSLER, « Ceremonial bundles of the Blackfoot Indians », Anthropological Papers of the American Museum of Natural History, V (New York 1912).

-, « Societies and dance associations of the Blackfoot Indians », ibid., XI, 4e partie (New York 1913).

Les régions boisées de l'Est

La littérature ethnographique identifie souvent la vaste région qui s'étend entre la frontière de l'Ontario et du Manitoba et la Côte est comme faisant partie d'une aire culturelle nommée « régions boisées de l'Est », bien que les groupes qui y vivent soient très diversifiés. Deux familles linguistiques non apparentées y sont représentées, la famille iroquoienne et la famille algonquienne, et dans cette dernière, les branches du Nord (Cris, Ojibwas, Ottawas, Algonquins, Attikameks, Montagnais et Naskapis) et du Sud (Micmacs, Malécites, Passamaquoddy, Abénakis, Pénobscots) dont les parlers sont mutuellement inintelligibles.

Les six Nations constituant la Confédération iroquoise (dont les Sénécas, les Cayugas, les Oneidas, les Onondagas, les Tuscaroras et les Mohawks) occupent le sud de l'Ontario et l'État de New York. Les Hurons (sur la Baie Georgienne et près de la ville de Québec), et, antérieurement, les Neutres et les Pétuns du sud de l'Ontario font également partie de la famille linguistique iroquoienne. Les Algonquiens s'étendent sur une région encore plus vaste, incluant les provinces Maritimes, le Québec et le Labrador, le nord de l'Ontario et les provinces de l'Ouest. Les anthropologues tendent à considérer les branches occidentales des Nations cries et ojibwas comme faisant plutôt partie de la région des Plaines. Par contre, il existe des différences d'importance équivalente entre les Nations souvent regroupées sous l'expression « régions boisées de l'Est » dans des publications telle que celle-ci. Il y a de grandes différences entre les Innus (Attikameks, Montagnais-Naskapis) du Labrador et du Québec nordique, et les Anishnabes (Algonquins du nord de l'Ontario, Cris, Ojibwas, Ottawas); il y en a également parmi les traditions des diverses Nations, des différentes communautés, des groupes ou des individus. Ainsi, ceux qui font l'étude de la musique des régions boisées de l'Est doivent porter une attention particulière à l'origine spécifique de l'histoire qu'ils lisent ou entendent. Par contre, un cycle annuel de déplacements importants ainsi que des alliances formées pour des motifs commerciaux, culturels ou politiques (et surtout au XVIIe et XVIIIe siècles) ont facilité l'interaction considérable qui eut cours entre les différents groupes des régions boisées de l'Est. Ainsi, la dynamique de développement culturel et un contexte historique spécifique aux différentes traditions musicales exigent une attention particulière.

La Musique non traditionnelle

Cette section traite des styles musicaux adoptés en dehors des contextes cérémoniels et sociaux traditionnels, qui mêlent les cultures indigènes et les styles populaires courants. Du country au reggae, du « step dancing » au jazz, ce mélange syncrétique reflète la diversité des communautés amérindiennes, métis et inuit, qui ont chacune une histoire, une langue et des traditions distinctes.

En dépit de l'abondance de recherches concernant la culture amérindienne au Canada, il existe relativement peu de publications sur les musiques indigènes non traditionnelles, et ceci en dépit du fait que depuis plus d'un siècle, ces musiques ont fait partie intégrante de mariages, de rencontres sociales paroissiales, de concerts à la Légion, de soirées de danses carrées, et de soirées dans les maisons privées. L'histoire de la musique non traditionnelle est reliée en partie à un historique complexe d'interaction multiculturelle entre les autochtones et les non-autochtones. Dès le XVIIIe siècle, des violoneux cris et métis au centre et au nord du Canada, et des violoneux micmacs dans les Maritimes ont adapté les mélodies à danser françaises et celtiques amenées au Canada par les marchands de fourrure (voir Violoneux). Au XIXe et au XXe siècles, il arriva souvent que des autochtones séjournent dans des pensionnats où on enseignait le violon, le luth, la mandoline, la musique vocale ou la musique de clavier. D'autres répertoires émergèrent en réponse à des contextes historiques spécifiques de rencontres entre cultures : par exemple, parmi les communautés métis de la Saskatchewan, certains chants furent transmis de génération en génération, traçant ainsi - dans les termes mêmes de l'écrivaine métisse Wendy Roy - « la quête d'autonomie allant de la Bataille de Seven Oak, 1886, à la Bataille de Batoche, 1885 ».

Au sud et au centre du Canada, du milieu du XVIIIe siècle jusqu'aux années 1970, des ensembles instrumentaux sont apparus en quantité, modelés sur les fanfares civiles et sur celles des régiments britanniques. Il y eut des fanfares (« Indian Bands »), appartenant à chaque communauté, de la Colombie-Britannique au Labrador, qui se produisaient en costumes traditionnels, attirant ainsi des autochtones et des non-autochtones aux parades, aux foires et aux expositions. Un autre phénomène émergea au tournant du XXe siècle alors que des entrepreneurs, comptant sur la popularité des spectacles du « Wild West », organisèrent des tournées internationales de musiciens autochtones. Dans les années 1890, la North American Indian Concert Band se produisit en Grande-Bretagne, en Italie et en Allemagne. Bien qu'elle ait été amér., cette fanfare incluait des musiciens iroquois et ojibwas des Premières Nations canadiennes.

Les musiciens autochtones désirant s'établir professionnellement au Canada affrontèrent des défis particuliers. En 1914, un amendement à la Loi sur les Indiens dit que toute participation à des danses, des rodéos et des expositions publiques en dehors des réserves des provinces de l'Ouest et des Territoires serait sujette à l'approbation du représentant local du gouvernement auprès des Indiens (Indian Agent). De plus, jusqu'à la révision en 1951 de la Loi sur les Indiens, il était illégal pour les autochtones d'entrer dans des restaurants et des bars ayant un permis de vente d'alcool et de s'y produire, bien qu'on ait souvent dérogé à cette règle.

Quelques musiciens firent fi de ces barrières dès le début du XXe siècle, dont le baryton Os-Ke-Non-Ton (Louie Deer de Kahnawake, Québec) et le pianiste de jazz Robert Jamieson (1917-1966) de la Six Nations Reserve (près de Brantford, Ont.). Os-Ke-Non-Ton poursuivit une remarquable carrière d'interprète tant sur les scènes européennes que canadiennes. Jamieson a travaillé dans les années 1930 jusqu'au début des années 1940 dans les clubs de nuit du sud de l'Ontario et dans l'État de New York. Dans les années 1940, il s'engagea dans l'armée amér. et séjourna à Reykyavik en Islande. Il retourna plus tard à Six Nations et continua de jouer aux danses locales et en concert.

Dans les années 1940 et 1950, on trouve des musiciens de plusieurs réserves du sud du Canada en groupes semi-professionnels ou informels, jouant de la guitare, du tambour, du piano, du violon ou de l'accordéon. En plus des danses carrées et des « step dances » de l'ancien temps, le swing western et la musique hillbilly (précurseure de la musique country et, à l'époque, fréquemment entendue sur les ondes des radios locales dans les réserves) furent des plus populaires chez les Amérindiens. Mais les nouveaux genres ne remplacèrent pas automatiquement les anciens répertoires; pour les danses des communautés cries de l'ouest et du centre du Canada, les musiciens continuent d'alterner des sections de style hard-rock avec des chansons country et des mélodies de violon.

Dès les années 1960 et tout au long des années 1970, les auditoires urbains non autochtones, encouragés par le dynamisme du climat politique et social canadien, se sont découvert un nouvel intérêt pour les questions aborigènes. Des représentations théâtrales telles que The Ecstasy of Rita Joe (par George Ryga, et une musique originale en partie composée par Willie Dunn) et les toiles aux couleurs chatoyantes de Norval Morriseau et d'autres artistes du style dit « Woodlands School » attiraient l'attention publique, à la même époque que des chanteurs folk tels que Dunn et Buffy Sainte-Marie commençaient leur carrière dans des cafés à Toronto, Vancouver, Montréal et New York, dans des circuits de festivals folkloriques régionaux et dans des concerts-bénéfices. Winston Wuttunee, Shingoose, et le Guyanais de naissance David Campbell font partie de la première vague d'artistes autochtones bien connus qui présentèrent les préoccupations des Amérindiens à un public non autochtone. D'autres interprètes eurent un impact dans les années 1970, comme Willie Thrasher et Morley Loon. Au début des années 1990, la musique folk en était venue à inclure des éléments empruntés au jazz, au rock et à la musique traditionnelle aborigène; parmi les principaux, on remarque le duo montagnais Kashtin, le chanteur-acteur de Winnipeg Tom Jackson, le chanteur inuk Charlie Adams, l'interprète algonquin-mohawk Willy Mitchell de Maniwaki, Québec, la chanteuse-cinéaste abénakise Alanis Obomsawin et le guitariste de Toronto Don Ross.

La musique non traditionnelle contemporaine ne se morcelle pas facilement en catégories. Il n'est pas surprenant que les Premières Nations du Canada adoptent différents styles, car ceci reflète la diversité des auditoires urbains autochtones et ceux des réserves en ce qui a trait aux influences musicales, à l'histoire culturelle et à la démographie. La musique de blues par exemple, semble tout particulièrment populaire dans les communautés amérindiennes du centre du Canada. Des interprètes tels que Murray Porter de Six Nations, et Leonard Martin de Moose Factory, près de la Baie James au nord de l'Ontario, ont été influencés par les styles de blues amér. urbains, et ils effectuent souvent un mélange de perspectives amérindiennes contemporaines avec des styles de danses populaires. La chanson de Porter « The Last Struggle » fait un commentaire à la fois lyrique et mordant sur le combat que mènent les Cris lubicons pour préserver leurs droits territoriaux. Plusieurs Mohawks l'adoptèrent comme chanson thème à l'époque de leur confrontation avec l'armée canadienne à Kanesatake, Québec, durant l'été 1990.

Russell Wallace à Vancouver et le groupe 7th Fire d'Ottawa, connu pour son éclectisme, se tiennent à l'avant-garde de la fusion pop et reggae. Ce dernier groupe, auparavant appellé Thom E Hawk and the Pine Needles, incluait des musiciens autochtones et non autochtones. Son nom s'inspire d'un enseignement ojibwa qui annonce une époque (celle du « septième feu ») marquée soit par l'unification ou par la destruction de l'humanité, une thématique présente dans plusieurs de ses chansons. C'est sans doute le plus innovateur des groupes pop canadiens, qui combine l'interprétation artistique et la musique de club et qui compte sur l'humour pour faire passer efficacement un message social dans des chansons telles que « The Death of John Wayne » et « High Tech Teepee Trauma Mama ». Un collage satirique, « Buffalo Cliff », qui se trouve sur une cassette qu'ils ont eux-mêmes produite et qui s'intitule Well What Does It Take (1990), juxtapose de la musique originale à des extraits d'entrevues avec des politiciens fédéraux et des dirigeants aborigènes qui discutent des luttes territoriales autochtones. Les musiciens des Premières Nations expliquent que l'humour - une valeur si importante de la société traditionnelle - permet aux gens de s'exprimer sur des questions chargées d'émotion mais d'une manière accessible à tous les publics.

Dès le début des années 1970, des groupes rock locaux ont surgi en grand nombre dans presque toutes les réserves amérindiennes. Plusieurs groupes contemporains ont remporté du succès : les Harrapashires (de la région de la Baie James dans le nord de l'Ontario), les Tymes (de la réserve Enoch en Alberta) et Kinroq (plus tard Kinrawk, originaire du sud de l'Alberta mais basée à Albuquerque, N.-Mex.). Comme tant de musiciens rock amorçant une carrière au Canada, ces trois groupes prirent part à des compétitions régionales appellées « Battles of the bands » commanditées par des clubs de nuit locaux et des stations de radio, méritant ainsi du temps de studio et l'assurance d'une diffusion radiophonique. Se fiant au fait qu'il remporta du succès dès le début, le groupe Kinroq voulut donner une à la suite de l'autoproduction en 1984 de son album Red, Raw and Ready; ainsi, en 1991, il enregistrait sur une étiquette entièrement amérindienne, Sounds of America, basée au Nouveau-Mexique.

De par leur style mordant, les Harrapashires incarnent un son rock typique des Cris nordiques, rythmiquement aggressif mais ne faisant qu'un usage réduit de synthétiseurs ou de transformateurs du son. Leur musique reflète les thèmes romantiques populaires habituels de peines de coeur, bien que des chansons telles que « Tienanmen Square » expriment leurs inquiétudes face à des événements du monde contemporain. Pour Kinrawk, la musique rock constitue un lieu culturel commun en créant des ponts entre différents auditoires. Il a composé des mélodies pour danser ainsi que des ballades lyriques qui reflètent les expériences et les valeurs traditionnelles. Jane Hawley, membre du groupe Gone Wild d'Edmonton, et Robbie Robertson sont aussi des musiciens rock d'origine autochtone.

Dans les communautés autochtones, certains genres demeurent plus populaires : la musique country, le swing western, et le rock country, joués par des artistes tels que les Pierce Brothers et Herb Desjarlais de la Colombie-Britannique; Paul Del (Desjarlais) et Dave Rumley de Lac la Biche, Alb.; Laura Vinson et Red Wyng d'Edmonton; Pat Cardinal, dernièrement de Calgary; les Gardipys de North Battleford, Sask.; Ernest Monias de Cross Lake, Man.; Mark Laforme de New Credit, Ont.; Pessamiskueut (un groupe de femmes) de Betsiamites, Québec; et enfin, Eagle Feather, de Big Cove, N.-B. Le groupe C-Weed, mené par le chanteur Errol Ranville, a été le principal soutien de la musique country amérindienne et il a enregistré des disques à Winnipeg sur les étiquettes Sunshine et Hawkes. Certaines de ses chansons ont été populaires auprès d'auditoires non autochtones de country, par exemple, « Evangeline » en 1980, « High and Dry » en 1981 et « Magic in the Music » en 1985. « I Want to Fly » de Ranville (pour Thunder Records) fut l'une des chansons country les plus populaires en 1991. Vinson et Eagle Feather ont également eu du succès dans le courant principal de la musique country. D'autres artistes country d'origine amérindienne incluent Ray Saint-Germain, Randall Prescott (du groupe Family Brown) et Ed Peekeekoot, qui joue de multiples instruments et qui a mérité deux mises en nomination comme « Instrumentiste de l'année » par la British Columbia Country Music Assn.

Plusieurs articles savants ont exploré la question de la musique amérindienne en tant que phénomène syncrétique exprimant les émotions profondes d'un peuple. Comme l'expliquent les chanteurs algonquiens Clifford et Joan Tenasco de Maniwaki, Québec, « la musique country est comme un langage international... elle fait partie de la vie de chacun parce qu'elle raconte les amours perdues, elle chante les chagrins, les bons moments et les mauvais moments, les épreuves que les gens ont à traverser... elle contient toujours un souvenir, il y a toujours un lien à entretenir avec elle » (cité dans Sound of the Drum).

Le compositeur et chef d'orchestre mohawk John Kim Bell, un musicien connu, originaire des Premières Nations mais de formation classique, a participé à la composition du ballet In the Land of the Spirits, une production entièrement amérindienne alliant des styles de danse de jazz, modernes et autochtones. Pour encourager d'autres artistes aborigènes, Bell a fondé la Canadian Native Arts Foundation qui commandite la formation de musiciens dans tous les styles musicaux et dans l'administration des arts.

Pour certains interprètes, la musique non traditionnelle constitue avant tout un véhicule pour des échanges sociaux; pour d'autres, elle procure un divertissement et une échappatoire émotionnelle. Ce sont les liens étroits entre chant et danse (une association partagée par toutes les cultures des Premières Nations), ainsi que l'humour et la vigueur avec lesquels les perspectives et les valeurs autochtones sont affirmées, qui créent l'unité dans la diversité des concepts et des styles.

Une majorité d'artistes autochtones n'a pas encore adopté, ou ne s'est pas encore fait adopter par l'industrie musicale canadienne principale. Conséquemment, dès le milieu des années 1980, il y eut des efforts en vue d'établir des infrastructures alternatives qui permettraient de créér un réseau ou une vaste communauté d'interprètes autochtones. Plusieurs agences de promotion autochtones furent établies, dont la Pacific Society for Native Music, basée à Vancouver, et l'All Nations Talent Group à Oshweken Ont. L'Assn for Native Development in the Performing Arts, située à Toronto, encourage la formation dans tous les aspects des arts de la scène et elle a développé un réseau informatisé de musiciens autochtones de tout le Canada.

Plusieurs interprètes, comme Willie Dunn ainsi que les chanteurs inuit Charlie Adams, Susan Aglukark et Charlie Panigoniak, ont enregistré pour le Service nordique de la SRC. Certains de ces enregistrements ont été produits commercialement par Boot. Presque 70 p. cent des artistes enregistrés chez Sunshine sont Amérindiens ou Métis; cette étiquette, établie en 1973, a produit un vaste répertoire de musique, allant du powwow traditionnel au violoneux à l'ancienne. Des organismes culturels locaux tels que l'Ojibwe Cree Cultural Centre à Timmins ont également produit des albums présentant des musiciens reconnus régionalement. Cependant, la majorité des cassettes et des « démos » sont enregistrés indépendamment, souvent dans des studios privés ou à des stations de radio locales, et distribués par les musiciens eux-mêmes.

À cause de l'expérience relativement limitée des musiciens autochtones en matière de commercialisation, tant dans les centres urbains que dans les réserves, on a reconnu, au début des années 1990, le besoin d'une compagnie de disque canadienne et totalement autochtone, semblable à Sounds of America, elle-même établie seulement en 1989. Elaine Bomberry du All Nations Talent Group a fait remarquer (dans une entrevue inédite avec l'auteur) que « nous sommes ceux qui peuvent le mieux développer notre propre musique. Nous restons attachés à nos racines et nos traditions, et nous pouvons décider ce que nous apporterons à cette autre sphère non traditionnelle ».

Ce sont sans doute les stations indépendantes de radio des réserves qui constituèrent le facteur d'unification le plus fort de la musique autochtone au début des années 1990. Résistant aux formats standards d'émissions dominant les ondes, ces stations communautaires mêlent la musique de powwow avec la musique country ou avec les productions locales dont les standards valent bien les « top 40 » du palmarès. La Native Aboriginal Communication Society, fondée en 1985, atteignit le nombre de 14 réseaux régionaux en 1991 et elle a établi le contact avec plus d'une centaine de stations autochtones à travers le Canada. Dans les centres urbains, des stations de radio alternatives ou universitaires, comme à Halifax, Toronto, Edmonton, Vancouver et Victoria, ont également diffusé des émissions sur la musique autochtone, quoique de façon irrégulière.

La musique autochtone a d'autres moyens de se faire connaître, soit les festivals. En 1991, on pouvait assister au festival Innu Nikamu à Mani-Utenam, Québec; à Jammin' on the Bay dans la région de la Baie James dans le nord de l'Ontario; et au Lac la Biche Jamboree en Alberta. Le festival annuel Stein Valley, tenu en Colombie-Britannique, fut organisé en 1985 par le Lytton Band and Lilloet Tribal Council afin de protester contre la coupe forestière sur des territoires ancestraux; des interprètes autochtones et non autochtones s'y présentèrent. Des interprètes des Premières Nations ont fait leur apparition dans de nombreux festivals folkloriques canadiens - par exemple, au Festival de folklore Mariposa qui a programmé une section autochtone de 1970 à 1978.

Bien qu'il y ait des parallèles évidents entre les genres non traditionnels des Premières Nations et les genres pop courants non autochtones, certains éléments fondamentaux soulignent l'originalité de la musique autochtone. Les musiciens ne s'occupent pas uniquement de questions autochtones mais leur travail reflète l'environnement physique et culturel distinct qui a façonné leurs sociétés. La majorité des artistes du sud du Canada se présentent en anglais mais plusieurs musiciens chantent également dans leurs langues autochtones traditionnelles (par exemple, le groupe innu Kashtin) ou bien combinent une langue aborigène avec de l'anglais ou du français (par exemple, Susan Aglukark et Leonard Martin). L'usage de langues traditionnelles permet de célébrer la culture autochtone et de se maintenir en rapport avec la communauté d'origine.

Des questions d'identité constituent souvent un obstacle pour les musiciens des Premières Nations, obligés de se débrouiller avec des contraintes culturelles, géographiques et stylistiques installées par l'entreprise commerciale de la musique. Les artistes autochtones ont fortement réagi aux sortes de séparations qui surviennent lorsqu'un peuple impose à un autre une manière rigide d'ordonner les choses, et ce, d'une manière subtile ou inconsciente. Comme nous l'a expliqué Susan Aglukark (entrevue inédite avec l'auteur) : « Je suis fière d'être Inuk, je suis fière d'être une autochtone, mais avant tout je veux être reconnue comme une musicienne qui est Inuk. » Comme bien des musiciens, Aglukark accepte de servir de voix politique à son peuple, mais elle souhaite être considérée comme une artiste véritable. Par ailleurs, certains interprètes rejettent également l'appellation « musiciens canadiens »; plusieurs autochtones s'identifient plutôt comme citoyens d'Amérique du Nord et pour eux, les frontières relativement récentes qui séparent le Canada des États-Unis n'ont que peu de pertinence.

Dans Rencontre, l'auteur montagnais Gilles Chaumel dit que « la nouvelle musique autochtone concerne précisément la construction de la réalité. Cette nouvelle musique est vivante parce qu'elle change constamment. C'est qu'elle reflète la société aborigène... elle-même en voie de transformation ». La force de la musique des Premières Nations provient justement des communautés indigènes; ses orientations et son succès seront déterminés par les façons qu'ont les musiciens des Premières Nations de s'établir et de s'affirmer.

À la fin de la section 7 (Inuit), sous le titre « Les genres influençés par la tradition euroaméricaine », on trouvera d'autres informations à propos de la musique inuit non traditionnelle.

Les Inuit

La musique des Inuit (certains les appellent les Esquimaux) en Alaska, au Canada arctique, et au Groënland se répartit en deux grandes catégories : les chants et les danses traditionnelles, et les chansons contemporaines empruntées à divers styles euroaméricains. L'ancienneté des contacts entre les autochtones et les non-autochtones a varié d'un groupe à l'autre : il y eut environ 200 ans d'interaction entre les Moraves et les Inuit dans des communautés du Labrador comme Nain, alors que des relations relativement nouvelles furent créées, dans les années 1960, lors de l'établissement d'administrations gouvernementales dans des communautés netsilik. Depuis les années 1970, la plupart des Inuit passent toute l'année, ou la majeure partie de l'année, dans des communautés. Jusqu'à un certain point, ils continuent toutefois de compter sur les animaux marins et les animaux terrestres pour leur subsistance, et occasionnellement pour leurs vêtements et pour leurs outils.

Bibliographie

Lynn WHIDDEN, « How can you dance to Beethoven? Native people and country music », RMUC, 5 (1984).

Wendy ROY, « Métis song », New Breed, XVI (no 7, 1985).

« Native Nashville North », The Native Canadian (print. 1987).

« Kim Bell : in the land of the spirits », Kahtou, VI (no 1, 1988).

Tim POWIS, « La Musique amérindienne », ScM, 368 (juill.-août 1989).

Gilles CHAUMEL, « Music, a cry from the heart », Rencontre (sept. 1989).

M. Sam CRONK dir., Sound of the Drum (Brantford, Ont. 1990).

Historique de la recherche

Les premières sources européennes qui font mention de musique sur la Côte nord-ouest proviennent d'écrits d'explorateurs, de voyageurs et de marchands. Parmi les plus anciens, on trouve les écrits provenant de l'expédition Perez de 1774-75, celle qui semble avoir établi les premiers contacts avec la Nation haida. Bien que ces documents anciens nous en disent aussi long sur ceux qui les ont écrits et sur leur conception toute européenne de l'univers que sur les peuples indigènes, ils jettent néanmoins de la lumière sur des sujets tels que les instruments, les styles de chants et la pratique musicale. On trouve beaucoup d'information ethnohistorique valable dans les écrits de Gunther (1972), Mozino (1970), Brown (1896), Lamb (1970) et Vancouver (1967).

Il est ironique que le tout début de la préoccupation anthropologique et musicologique pour les traditions de la Côte nord-ouest coïncide avec la déclaration d'illégalité des potlatchs et des cérémonies d'hiver en vertu de la Loi sur les Indiens de 1884. On peut faire remonter les origines de cet intérêt à une tournée en Allemagne en 1885 par neuf chanteurs Nuxalk pendant laquelle ils présentèrent des chants et des danses dans plusieurs villes. Le musicologue Carl Stumpf et l'anthropologue Franz Boas les entendirent et réussirent à les questionner. L'étude de Stumpf Lieder der Bellakula Indianer (1886), dans laquelle on trouve des transcriptions musicales des deux hommes, résulte de cette rencontre.

La fascination de Boas pour la Côte nord-ouest l'amena à effectuer des missions de recherche chez les Kwakwaka'wakw en 1886, et deux ans plus tard une des premières publications découlant de ce séjour parut (Boas, 1888).

La majorité des publications subséquentes de Boas traitant de la Côte nord-ouest comportent des données sur la musique. Dès les années 1920, Boas présentait même l'état de la recherche sur la musique des Amérindiens d'Amérique du Nord en général. « L'état actuel de nos connaissances sur la musique primitive ne nous permet pas de définir des régions musicales, mais [...] nous pouvons reconnaître une série de régions musicales se caractérisant chacune par des traits fondamentaux communs » (1955, p. 343).

C'est surtout grâce à Boas que des chercheurs tels que Fillmore (1893) et Curtis (1907) en vinrent à avoir accès à la musique amérindienne de la Côte nord-ouest. Boas apporta dans l'est des États-Unis des enregistrements sur rouleaux de cire et y amena des danseurs. Ces enregistrements ne sont malheureusement pas, pour la plupart, de qualité suffisante pour contribuer à la recherche actuelle.

Edward Curtis a aussi travaillé avec un assistant remarquable de Boas, George Hunt, et il contribua de façon importante à la connaissance de l'histoire de la musique de la Côte nord-ouest (Curtis, 1970). Par ses observations sur la composition et la diffusion des chants, et par les transcriptions contenues dans ses publications, mais faites par Henry Gilbert, Curtis offre un complément au travaux de Boas. L'anthropologue canadien Thomas McIlwraith joua un rôle semblable chez les Nuxalk (1948).

À la suite des travaux de Stumpf, ceux de Helen Roberts contiennent des analyses musicales approfondies de la musique de la Côte nord-ouest (1955). On doit à Roberts d'avoir insisté sur l'importance de la variation thématique dans la musique de la Côte nord-ouest et d'avoir, la première, tenté une description systématique des régions musicales en Amérique du Nord (1936).

Les travaux qui suivirent concernant cette région contiennent un grand nombre d'enregistrements et de transcriptions. Parmi ceux-ci, les plus remarquables furent ceux de Frances Densmore sur la musique Nuuchahnulth (1939, 1943), les enregistrements de Marius Barbeau de presque 300 chants gitksans et nishgas (1933, 1962) et la collection d'Ida Halpern d'environ 350 chants des Kwakwaka'wakw, des Nuuchahnulth et des Haidas (1967, 1974, 1986). Ernest MacMillan ayant séjourné avec Barbeau à la rivière Nass en 1927, a transcrit environ 70 chants. Plusieurs enregistrements recueillis par d'autres collecteurs se trouvent également au musée provincial de la Colombie-Britannique, au Musée canadien des civilisations et dans des institutions européennes et américaines; plusieurs de ces collections doivent encore être documentées et mises à la disposition des chercheurs.

Plus récemment, des recherches portent sur les types de chants gitksans (Moses, 1980), et sur les musiques nuxalk-bella coolas (Kolstee, 1982) et heiltsuk-bella bellas (Kolstee, 1988).

Malgré la tradition de recherche décrite ci-haut, il reste bien des trous à combler quant à la documentation des musiques de la Côte nord-ouest. Il y manque également la contribution de savants autochtones. Parce qu'on ne leur procure aucune éducation musicale, ni au niveau secondaire ni au niveau postsecondaire, les étudiants autochtones n'ont pu poursuivre des études d'ethnomusicologie en Colombie-Britannique. En Alaska, les étudiants tlingits sont plus avantagés, certains ayant commencé des études d'ethnomusicologie dans des universités amér.

La reconstruction d'un archétype musical de la Côte nord-ouest

Avant de décrire les différences entre les styles musicaux de la Côte nord-ouest et de présenter une interprétation parmi d'autres de l'histoire des relations entre les différents styles au XIXe siècle, nous examinerons certaines caractéristiques stylistiques et contextuelles communes à tous les groupes.

La caractéristique la plus générale de cette région se situe dans la dualité inhérente au cycle annuel du mode de vie de la Côte nord-ouest. Au printemps et en été, les groupes se dispersaient pour rendre plus efficace la cueillette, la chasse et la pêche. C'était une période moins sacrée que l'hiver, pendant laquelle on chantait des chants de chasse et de pêche, des chants d'amour, des chants de pari, et ainsi de suite.

À partir de l'automne et jusqu'à l'équinoxe du printemps, les gens de la Côte nord-ouest se rassemblaient dans des villages d'hiver permanents afin d'y célébrer leurs cérémonies d'hiver. Durant cette période les humains servaient de nourriture aux êtres surnaturels, renversant ainsi les rôles chasseurs-chassés de l'époque printemps-été.

On définit ici les chants cérémoniels comme étant associés exclusivement avec la saison cérémonielle d'automne-hiver, ce qui permet de les différencier des chants de chamans utilisés tout au long de l'année. Tandis que les chants non cérémoniels relevaient pour la plupart du domaine public, les chants cérémoniels étaient considérés propriété privée.

Les contextes des chants

La « grande maison » (« big house ») fournissait au répertoire de chants cérémoniels leur contexte premier. Appellées maisons-longues par les Salish de la Côte, les grandes maisons portaient chacune un nom et servaient de modèles de l'univers au sein duquel se renouvelait le monde chaque année. Souvent, on frappait les plafonds et les murs des grandes maisons avec de longues perches, créant ainsi des effets sonores à partir de leurs toits et d'autres parties. Ainsi, on peut considérer ces grandes maisons comme des instruments musicaux.

En route vers les cérémonies d'hiver, qui n'étaient pas toujours des potlatchs, les invités chantaient des chants pour Pagayer (« paddle songs ») dans leurs canots. À leur arrivée, leurs hôtes leur chantaient la bienvenue. Ainsi, durant les étapes préliminaires des cérémonies, on entendait des chants de Bienvenue (« welcome songs »), des chants d'Adieux (« farewell songs »), des chants d'Entrée (« entrance songs ») et des chants pour Pagayer.

Les spécialistes des chants

Les cérémonies d'hiver étant longues et compliquées, les spécialistes des chants étaient en grande demande et les répétitions fréquentes. On tenait d'abord des réunions pour décider des chants à choisir, des sortes de nouvelles chansons à créer ou des textes de chanson à utiliser, etc. On ne laissait rien au hasard parce que des erreurs de présentation seraient coûteuses, tant d'un point de vue spirituel que d'un point de vue économique.

Un maître de chant dirigeait les groupes de chanteurs, utilisant divers signaux pour leur communiquer ses intentions et parfois pour les communiquer également aux autres participants. S'aidant à l'occasion d'un éventail de plumes d'aigle, un maître de chant pouvait entonner un chant dans un style responsorial ou antiphonal, invitant les gens à battre des mains et à produire toute une gamme d'effets spéciaux. Un des assistants du maître de chant, un annonceur, criait les mots de chaque subdivision de textes à venir, permettant à tous de les entendre.

Instrumentation

Dans la grande maison, on se servait surtout d'instruments musicaux percussifs; par ailleurs, des sifflets servaient à imiter les sons des êtres surnaturels. Des tambours de bois sculpté, les plus grands, étaient suspendus au plafond de la grande maison et frappés avec le poing. Des tambours sur cadre, des claquettes de baguettes fendues (« split-stick clappers »), des crécelles, des rhombes, ainsi que d'autres sons créés par des effets spéciaux se partageaient la création d'un environnement sonore unique et fort impressionant exigé par la nature chamaniste des cérémonies.

Les textes de chants. Dans les textes des chants, il y a soit uniquement des vocables, ou du texte ayant une signification, ou encore des vocables et des mots ayant une signification. Dans ce dernier cas, les strophes alternent entre vocables et texte, ou bien une même strophe comporte les deux. Un couplet et un refrain constituent le plus souvent les strophes et c'est surtout dans les refrains que l'on trouve des vocables.

Il y a deux groupes de vocables prédominants dans la musique de la Côte nord-ouest. La plupart des vocables se caractérisent par le jeu entre les familles syllabiques « ha » et « ya » : ha(hai)-ya(yai); he-ye; hi-yi; ho-yo; hu-yu. On trouve également des vocables de familles syllabiques de moindre importance « na », « wa » et « la ».

Bien que l'on trouve des vocables dans toutes les parties du répertoire, on les trouve moins souvent dans les chants contenant une information comme les chants de Pleur ou de Deuil (« cry/mourning songs ») et les chants de Coiffe (« headdress songs »). Dans les seuls chants hámáca on trouve des vocables qui ne se trouvent nulle part ailleurs (Kolstee, 1988b).

C'est peut-être à cause de la complexité linguistique de la Côte nord-ouest que l'on trouve fréquemment des vocables dans les chants des étapes préliminaires des cérémonies tels que les chants d'Entrée, les chants de Bienvenue, les chants pour Pagayer et les chants d'Adieu. Souvent empruntés, ces chants symbolisent ainsi les voyages et les alliances lointaines.

Généralement, les vocables tout autant que les mots reçoivent un traitement syllabique, c'est-à-dire que les syllabes ont un rapport de un à un avec les hauteurs. Un traitement neumatique, c'est-à-dire lorsque deux plus hauteurs ou plus sont associées à une syllabe, sert à souligner des mots particulièrement significatifs du texte.

Le contenu du texte varie selon le genre de chant sélectionné, le masque que l'on cherche à représenter, la légende associée à la danse, les blasons familiaux que l'on étale, et ainsi de suite. Les chants de Pleur et de Deuil décrivent la place du chef dans l'univers avant et après la mort, alors que les chants de Coiffe nomment les animaux-blasons ou soulignent la puissance du nom et du statut du chef vis-à-vis de la communauté; plusieurs textes de chants font référence à des incidents dans des mythes. Les chants ont en commun la présence de mots décrivant les pouvoirs surnaturels d'un chef ou d'un être surnaturel.

La structure des chants

Ils sont en général strophiques; dans la plupart des cas, la longueur des chants varie selon le type de danse. On y retrouve une organisation en quatre parties, tant au niveau de l'ensemble des strophes qu'à l'intérieur de chaque strophe. Dans les strophes, couplet et refrain tendent à utiliser un thème en deux parties, les phrases (a) et (b), une extension du thème (b)1 et un motif cadentiel (d), ce dernier étant plutôt stéréotypé et fréquemment constitué uniquement de vocables.

Les paramètres tels que la structure scalaire, l'ambitus et le contour mélodique varient selon les types de chant. En général, des chants non cérémoniels utilisent des gammes pentatoniques anhémitoniques, de larges ambitus et des contours mélodiques descendants. Les chants cérémoniels, aux styles plus hétéroclites que ceux des chants non cérémoniels, sont plus fréquemment associés à des gammes tétratoniques, des ambitus plus étroits et des contours mélodiques ondulants. Dans la région centrale de la Côte, chez les Wakashans du nord et chez les Nuxalk, les chants de Pleur utilisent un parlando-rubato, alors que les chants hámáca ont un motif d'accompagnement en ostinato, très distinctif, et les chants de Coiffe sont caractérisés par leur utilisation d'un accompagnement rythmique continu de battues à intervalles de temps réguliers. En bref, les types de chants ont chacun leur identité sonore propre grâce à leurs combinaisons de traits. Dans la région centrale de la Côte, au niveau structurel le plus élevé du potlatch contemporain, les chants constituent l'une des plus puissantes manifestations de la structure en quatre parties sous-jacente à ce rituel essentiellement chamaniste de renouveau de la vie (Kolstee, 1988a).

La qualité de voix varie également selon le type de chant, mais la musique amérindienne de la Côte nord-ouest fait davantage usage de registres vocaux plus graves. La plupart du temps, ce sont les chants non cérémoniels qui utilisent le registre le plus aigu. Les chants cérémoniels se chantent avec un visage immobile, aux lèvres en apparence figées, comme si c'était une être surnaturel qui chantait à travers le chanteur.

L'histoire musicale de la Côte nord-ouest

Lorsqu'on examine la carte de la Côte nord-ouest, il devient aussitôt évident que les locuteurs wakashans prédominent. De bien des façons, leur position ressemble à celle que détiennent les peuples latins dans l'Europe occidentale (et spécialement en Italie, en France et en Espagne). Il semble utile de poursuivre cette analogie, mais uniquement dans un but heuristique, et de comparer les Tsimshians avec les Allemands (les Tlingits avec les Scandinaves) et les Haidas avec les Anglais. De ce point de vue, les Haidas et les Nuuchahnulth (qui peuvent être comparés aux Espagnols d'Europe) sont, relativement parlant, isolés des groupes de la région centrale de la Côte. Ceci vaut également pour les Tsimshians et les Salish de la Côte. C'est ce modèle, selon lequel les Wakashans du nord constituent le noyau culturel de la région, qui rend le mieux compte de l'histoire de la musique de la Côte nord-ouest à la suite des contacts avec les Européens.

À l'exception des Nuxalk, des locuteurs salish adaptés aux modes de vie wakashans, les locuteurs salish de la Côte ne correspondent pas à l'archétype musical décrit plus haut. Parce que les structures sociales et les systèmes de croyances salish étaient essentiellement non hiérarchiques, leurs traditions musicales répondaient à un contexte distinct de danses d'hiver (voir Jilek, 1982). Autant leur formes d'art se démarquent de l'art classique de la Côte nord-ouest, autant les Salish de la Côte ont-ils une tradition musicale unique qu'on pourrait éventuellement interpréter comme étant une extension de la région musicale des Salish de l'intérieur ou du Plateau.

Ainsi, les locuteurs de Wakashan se trouvent au coeur de la région musicale de la Côte nord-ouest. C'est à partir d'ici, et surtout à partir de la partie wakashane du haut-nord (excluant les Kwakwaka'wakw), que les soi-disant chants de sociétés secrètes furent diffusées au XIXe siècle à travers toute la région côtière. Au centre de cette région, les locuteurs de Heiltsuk-Oowekyala se situent entre les sociétés matrilinéaires de la partie nord de la Côte et les groupes du sud à tendance patrilinéaire. Grâce à l'étendue de leurs échanges vers l'intérieur par l'intermédiaire des Nuxalk, et grâce à leur système élaboré d'alliances avec les groupes du nord et du sud, les Heiltsuks-Oowekyalas occupaient une position idéale quant à leur rôle de promoteurs culturels sur la Côte nord-ouest. Il est tout probable que les chefs heiltsuks, connus pour leur compétence chamaniste, ont façonné les chants et les danses des sociétés secrètes, tant appréciées, et diffusées aussi loin au nord que le sud-est de l'Alaska et aussi loin au sud que le nord-ouest de l'État de Washington.

Dès le début du XIXe siècle, alors que les épidémies et l'intrusion de modes de vie étrangers commençaient à avoir un impact dramatique sur les populations côtières, les Tsimshians commençaient à emprunter aux Heiltsuks leurs chants et leurs danses de sociétés secrètes (comme ceux pour le complexe du Mangeur-de-chien (« Dog-Eater dance complex »)). À leur tour, les Haidas et les Haislas empruntèrent aux Tsimshians de la Côte, et directement aux Heiltsuks, plusieurs de leurs suites de danses hiérarchiques. De la même façon, les Nuxalk prirent également à leur compte des portions choisies de ces rituels. Lorsque Boas arriva chez les Kwakwakas, le processus d'emprunt était déjà bien enclenché et les chefs kwakwakas obtenaient des Heiltsuks et des Oowekeenos le droit d'utiliser des danses hámáca (voir Kolstee, 1988a, p. 123-140).

Ce processus d'emprunt de chant peut se comprendre en tant que réponse de type chamaniste à l'intrusion étrangère. De toute évidence, des groupes commençaient à partager un cadre rituel et musical commun, au-delà de la tradition de potlatch déjà existante. À cause de l'activité missionaire et des interventions légales, cette réaction culturelle en tant que phénomène pancôtier ne serait que de courte durée.

Ce n'est que dans la dernière moitié du XXe siècle qu'on assiste à un renouveau culturel sur la Côte nord-ouest. Grâce à la sculpture de nouveaux mats totémiques et grâce à un intérêt général croissant envers l'art de la Côte nord-ouest en général, un nouveau climat culturel s'installe. Des groupes de chanteurs et de danseurs ont été ressuscités, alors que se manifeste un nouvel intérêt pour l'étude des langues autochtones. En bref, les perspectives d'avenir des traditions musicales de la Côte nord-ouest sont encourageantes.

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Écrits concernant la musique des Amérindiens athapascans

Il n'y a que peu d'écrits concernant la musique des Amérindiens athapascans canadiens, et ceux qui existent n'offrent que de brèves descriptions que l'on trouve dans des ethnographies générales. Néanmoins, les ouvrages de Petitot (fin XIXe siècle), Mason et Osgood (années 1920-40), Honigmann (années 1940-50) et d'autres font la lumière sur les significations des traditions de chant et de danse que l'on voit encore aujourd'hui. Fort heureusement, certains auteurs accordent une grande importance à la musique. En 1966, les anthropologues Helm et O'Lurie publiaient The Dogrib Hand Game dans lequel tout un chapitre est consacré aux chants et au tambourinage caractéristique du jeu de pari. En 1972, la thèse de doctorat de M. Asch discutait de la danse à tambour esclave; une version révisée de cette thèse parut en 1988, y ajoutant une remarquable discussion à propos de la relation entre le système de parenté et la danse à tambour. En 1974, M.-F. Guédon décrivit un événement cérémonial tanana lors duquel chants et danses jouent un rôle primordial. Les écrits de R. Ridington discutent principalement de la vie spirituelle des Castors, s'attachant à ses composantes musicales. La thèse de C. Mischler (1981) porte sur les danses et la musique kutchins. En 1991, deux chercheurs se penchaient sur la musique des Dènès : Elaine Keillor sur les Flancs-de-Chiens et Nicole Beaudry sur la musique et les jeux traditionnels des Amérindiens athapascans canadiens et plus particulièrement sur les traditions des Esclaves du nord.

Le nombre restreint de recherches concernant la musique de ces régions est d'autant plus surprenant que le fait de chanter, danser et jouer du tambour constituent des activités essentielles à la tenue d'événements sociaux et cérémoniels, et qu'elles demeurent intimement liées à l'idéologie spirituelle amérindienne. Plusieurs de ces traditions, bien que modifiées ou transformées, demeurent vivantes aujourd'hui, et conservent toute leur importance.

Instruments pour faire du son

Tant à l'est qu'à l'ouest, les Athapaskans utilisent un tambour sur cadre à une membrane, souvent appellé « tambourin » dans la littérature. La peau d'un jeune caribou ou d'un jeune orignal est tendue autour du cadre et y est attachée de diverses façons : soit qu'on la fixe au cadre en y passant une lanière par des trous dans le bois, soit qu'on attache l'un à l'autre les bords de la peau sous le tambour, soit que l'on fixe la peau au cadre à l'aide de petits clous. La grandeur des tambours varie mais en moyenne un tambour athapascan mesure environ 46 cm de diamètre. On trouve parfois un dessin gravé sur le dessus ou sur le dessous du tambour.

Des ficelles (de une à quatre) sont tendues en travers du dessus du tambour. Lorsque le bâton du tambourineur frappe la peau, ces ficelles ajoutent des vibrations créant ainsi un son bourdonnant typique. En général, le bâton consiste en une mince baguette légèrement recourbée d'environ 30 cm de long. Sous le tambour, deux ou trois brins de tendons tendus en travers du diamètre du cadre se croisent au centre. Là où ils se rencontrent, on ajoute parfois une petite pièce de bois ou des bouts de tendons supplémentaires afin que le tambourineur ait une meilleure prise sur son instrument.

Lors des soirées de danses à tambour, les tambourineurs chauffent périodiquement le dessus de leurs tambours au-dessus d'un poêle à bois, afin de tendre la peau jusqu'à ce que celle-ci produise une résonance satisfaisante.

Chez les Athapascans de l'ouest, on utilisait quelquefois dans certaines cérémonies des tambours de planche. Ceux-ci n'étaient faits que d'une planche, peinte en rouge, et frappée avec un bâton. À l'occasion, on trouve également des références à des claquettes de bois.

D'autres instruments sonores sont constamment décrits comme étant des jouets d'enfants : des hochets, des sifflets, des rhombes et des bourdons. Il arrive parfois, bien que rarement, que les hochets et les rhombes soient liés à des pratiques magiques et chamanistes (Mason, 1946; Honigmann, 1949). Quoique vraiment plus petit que le tambour, le hochet est construit sur le même principe; toutefois, ce sont deux membranes qui sont tendues de part et d'autre du cadre. Entre elles sont insérés des petits cailloux ou des petis grains. De plus, la languette de bois qui sert à former le cadre se prolonge au-delà du cadre, formant ainsi un manche. On fabrique le plus souvent les sifflets à partir du revêtement d'écorce d'une branche de saule encore verte. Dans cette coquille d'écorce, on perce quelques trous. Quelques auteurs font mention d'un bouchon inséré à l'extrémité du tube. Quant aux bourdons et aux rhombes, seuls quelques textes en font la description : il s'agit d'une pièce de bois, effilée aux deux bouts et attachée à une extrémité par une ficelle qui sert à la faire tournoyer, créant ainsi un son bourdonnant.

Caractéristiques musicales des Athapascans

Il est important de faire la distinction entre des chants qui furent composés ou inventés et transmis selon la tradition orale, et ceux reçus lors de rêves ou de visions. Les premiers sont utilisés dans les récits et pour le jeu de pari, dans les berceuses et les chants d'amour. Les seconds réfèrent à la croyance autochtone en l'existence d'êtres surnaturels puissants qui confèrent des chants et du pouvoir aux individus à qui ils sont apparus lors de rêves ou de visions.

On raconte plusieurs histoires dans lesquelles les paroles de certains personnages (humains, animaux ou spirituels) s'expriment en chant. Certaines font allusions au rôle du chant et de l'action de chanter dans des contextes magiques, contribuant ainsi à la valeur enculturative de ces récits.

Chanter et jouer du tambour font aussi partie intégrante du jeu de pari, le jeu préféré des Athapascans, appellé, selon les endroits, idzi ou udzi. Au début d'une joute, chaque équipe exprime son énergie et sa volonté de gagner par des chants d'équipe vigoureux. Plus tard dans le jeu, les tambours joués très forts à l'unisson contribuent à intensifier le jeu. Ils sont joués par les membres de l'équipe des « devinés ». Les tambourineurs font également des sons vocaux sur des syllabes indéterminées mais comportant des pulsations vocales syncopées par rapport aux coups de tambours. Le volume élevé et continu des tambours est maintenu tout au long de la période de devinage.

Plusieurs textes anciens mentionnent l'existence de berceuses. Ni textes ni mélodies n'ont toutefois été retrouvés. Aujourd'hui, on dit qu'il n'y a pas de chants pour nourrissons, sauf pour les sons doux et murmurés que chaque mère invente pour son propre enfant. On dit aussi que les chants d'amour, chantés autant par des hommes que par des femmes, étaient utilisés en souvenir nostalgique d'une personne aimée ou bien en tentant d'attirer l'attention d'une personne désirée. Certains chants d'amour sont même empreints de pouvoirs magiques.

Chaque individu pouvait compter sur la protection de son propre esprit-gardien, le plus souvent (mais pas toujours) un esprit d'animal. C'était cet esprit qui donnait à l'individu ses chants, qu'on appellait alors des chants d'animaux, à n'utiliser qu'en cas de besoin, à la chasse par exemple, ou dans des cas graves. Certaines personnes recevaient plus de pouvoirs que d'autres et, conséquemment, un plus grand nombre de chants. Ceux-ci devenaient des chamans à qui on faisait appel pour effectuer des guérisons, pour prédire les événements futurs, pour influencer les conditions climatiques, et pour faciliter les déplacements. Les Blancs les appellent souvent les « guérisseurs » mais leurs fonctions allaient bien au-delà de celle de la simple guérison.

Les chamans utilisaient différents objets magiques pour accomplir ce qui leur était demandé, dont les chants, et plus rarement des hochets ou des tambours, et une variété de cris et de sons soufflés.

Depuis environ une centaine d'années, et sans doute à la suite de la venue de missionnaires dans les régions subarctiques, un autre type de personnage « avec des pouvoirs » est apparu. Les prophètes reçoivent des messages divins et des chants dans des rêves et des visions d'anges. Il semble ainsi que les prophètes joignent les idéologies chrétienne et amérindienne. Si les chants révélés par les esprits-gardiens demeurent secrets, les chants des prophètes sont du domaine public et plusieurs font même l'objet d'une large diffusion. Ainsi, les chants de prophètes sont utilisés en guise de prière (les chants de Prière (« prayer songs ») d'aujourd'hui) et pour la danse à tambour (les chants pour Danse à tambour (« drum dance songs »)).

Un chant athapascan ne comporte que de courtes mélodies dont l'organisation formelle est plutôt simple (AAB ou ABB ou ABCC, etc.). Ces mélodies sont par contre répétées inlassablement jusqu'à ce que l'effet désiré soit atteint. La plupart des mélodies ont un ambitus étroit et un petit nombre de hauteurs mais quelques-unes vont au-delà de l'octave. Le contour descendant typiquement amérindien est présent bien qu'il ne soit pas aussi évident que dans certains styles des Plaines ou du Sud-Ouest américain. Les mélodies tendent à procéder graduellement de leur registre le plus aigu à la note la plus grave, une note longue qui joue un rôle semblable à ce qu'on appelle « tonique » dans la musique européenne. Les mouvements mélodiques font preuve d'une préférence marquée pour les intervalles de tierces (majeures ou mineures), de secondes, et de quartes, mais on en trouve également d'autres sortes. Les textes de chants sont brefs et ne contiennent en général qu'une ou deux paroles significatives auxquelles sont ajoutées des syllabes sans signification (les plus fréquentes étant « he, he »; « hiya... »; « heya... »; etc.). Que les paroles soient peu nombreuses ou qu'il y ait plusieurs syllabes sans signification ne veut pas dire que la valeur symbolique des chants soit réduite. Bien au contraire, c'est le contexte qui renforce les significations d'un chant.

Les traditions de danses et de fêtes

Les traditions de danses et de fêtes diffèrent de part et d'autre des montagnes Rocheuses. Les groupes les plus à l'ouest dont les sociétés étaient organisées en clans et en moitiés avaient une fête du potlatch. À l'est des Rocheuses, une tradition sans tambour dite « tea-dance » eut cours au moins jusqu'au début du XXe siècle alors que la danse à tambour gagna en popularité. Mais quelle que soit la période ou la région, ce sont les mêmes types de circonstances qui prévalaient lors des rencontres de groupe, soit pour festoyer, prononcer des discours, prier et danser. Certaines étapes du cycle de vie d'un individu, telles que la naissance, la puberté, le mariage et la mort, étaient célébrées ou du moins marquées d'activités rituelles. D'autres occasions incluaient des fêtes de Bienvenue ou d'Adieu à des visiteurs de marque, des rassemblements de grands groupes au printemps à la suite de la période de dispersion en petites bandes l'hiver, etc. Aujourd'hui, les fêtes chrétiennes de Noël ou de Pâques, ou d'autres célébrations d'origine eurocanadienne, telles que le Nouvel An, les Jours de Traité (« Treaty Days »), les inaugurations, ne font qu'ajouter aux raisons de festoyer.

Pour les tribus à l'ouest des Rocheuses, le potlatch constituait l'événement musical le plus important, caractérisé par des offrandes rituelles de cadeaux à leurs invités par ceux qui donnaient la fête, ainsi qu'à la personne pour qui la fête était donnée. En plus des fêtes commémoratives célébrées un certain nombre de mois après le décès de quelqu'un, les potlatchs avaient lieu en l'honneur de quelqu'un ayant accompli un exploit exceptionnel, ou bien en l'honneur d'un jeune garçon ayant tué son premier gibier, ou encore pour célébrer une guérison, ou même en guise de compensation pour une offense commise à l'égard de quelqu'un. Si l'offrande de dons distingue le potlatch des autres types de fêtes, celui-ci n'en utilisait pas moins les discours, les festins, les chants, les danses et les tambours. Certaines danses étaient préparées d'avance et les danseurs costumés, d'autres utilisaient la formation en cercle ou en ligne caractéristiques. Les chants et les danses faisaient partie d'un répertoire fixe ou composé spécialement pour la circonstance.

Le potlatch exigeait une répartition sociale en deux parties : ceux qui donnaient la fête et ceux pour qui la fête était donnée, alors que pour la danse du thé (« tea-dance ») typique des régions athapascanes orientales, une participation universelle était souhaitable. Pour cet événement, il n'y avait pas de tambours mais tous ceux qui dansaient chantaient aussi. Formant un grand cercle et faisant face à l'intérieur du cercle, les danseurs évoluaient d'un pas peu complexe, mi-sauté mi-traîné, en se déplaçant très lentement dans le sens horaire. Le bruit des pieds frappant à l'unisson le sol ou le plancher marquait fortement le rythme.

À une époque reculée, un événement dit « tea-dance » se tenait le plus souvent sans tambour. Mais en 1990, c'est la danse à tambour qui est devenue l'événement social d'importance, et qui requiert aussi la participation de toute la communauté. Pendant la danse à tambour, seules quelques danses originant dans la « tea-dance » ont cours. Une danse à tambour débute d'ordinaire par un festin et plusieurs discours, suivis d'une ou plusieurs prières chantées sur lesquelles on ne danse pas. Plusieurs tambourineurs (de 2 à 10) chantent les chants pour danse à tambour et lorsqu'ils les entonnent les gens se joignent librement au cercle qui grossit à mesure. Ce cercle progresse dans le sens horaire, tous effectuant de petits pas (séquences orteils-pied) quoique bien marqués rythmiquement. Chaque mouvement de pied correspond à un battement au tambour mais leur séquence est indifféremment composée de deux, trois ou quatre mouvements, selon le goût de chaque danseur.

Pendant une danse à tambour, certaines danses utilisent la formation en ligne double pour laquelle quelques femmes font face à leurs partenaires masculins. Les lignes avancent l'une vers l'autre et reculent. Une autre formation exige que ce soit des couples qui évoluent autour du cercle plutôt que des individus.

Les tambours font à l'unisson une battue régulière. Les Montagnards utilisent également parfois ce qu'ils appellent une « double battue » (« double beat »), c'est-à-dire une séquence répétée de valeurs courtes et longues. Lorsque d'autres Dènès adoptent ce type de battue, c'est pour accompagner un chant typiquement Montagnard et que l'on identifie comme tel. Les régions nord athapascanes ont également une tradition musicale importée dans cette région par les premiers explorateurs, marchands de fourrure, chercheurs d'or et trappeurs. Les traditions de violon, de danses carrées et de gigues descendent de traditions françaises et écossaises, mais en 1990, après avoir été utilisées depuis plus d'un siècle par les Athapascans, ces traditions sont maintenant considérées comme typiques de cette région. Les jeunes demeurent fidèles à la danse à tambour traditionnelle, mais ils ont également adopté et adapté plusieurs des styles country-western et rock populaires dans toute l'Amérique du Nord.

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Régions culturelles

Les linguistes et les anthropologues ont identifié plusieurs grandes aires culturelles et linguistiques. Celles-ci chevauchent les frontières de plusieurs pays comme la Communauté des États indépendants, les États-Unis, le Canada et le Groënland. Tous les groupes linguistiques sont représentés en Alaska : Aleut, Chugach, Yupik et Inupiak; en Sibérie, les Yuit parlent un dialecte yupik; dans les autres régions arctiques allant du nord de l'Alaska au Groënland, on parle l'inupiak. Le présent article concerne les groupes qui parlent l'inupiak et qui habitent le Canada arctique. D'ouest en est on trouve : les Inuit de l'Arctique de l'ouest, c'est-à-dire résidant dans le delta du Mackenzie et au Yukon, culturellement apparentés aux Inuit du nord de l'Alaska; les Inuit du Cuivre, les Netsilik, les Igloolik et les Inuit du Caribou de l'Arctique central; les Inuit de l'Arctique de l'Est sont situés sur la Terre de Baffin, au Québec arctique et au Labrador, ainsi que les Inuit polaires (district de Thule) et les gens habitant l'est et l'ouest du Groënland. Il est parfois nécessaire de faire référence à des traditions musicales inuit qui ont cours au-delà des frontières canadiennes. Il faut se rappeller qu'en 1986 (l'année du dernier recensement), les 27 000 Inuit canadiens constituaient environ le quart de la population inuit totale.

L'intérêt universitaire pour la musique inuit a connu un essor important depuis les années 1970, et bien qu'il reste beaucoup à faire, la connaissance sur le sujet a considérablement augmenté. Une chose apparaît maintenant évidente : bien que plusieurs éléments soient communs à tout l'Articque, on y trouve plusieurs coutumes, des terminologies et des styles différents, non seulement d'un groupe culturel à l'autre mais également d'une communauté à l'autre. Nous devons garder cela à l'esprit en lisant cet article puisque celui-ci porte sur les traditions musicales communes à tous les groupes.

Les danses et les rituels traditionnels

Vers la fin du XIXe iècle et au début du XXe, les ouvrages ethnographiques décrivent des fêtes périodiques, plus ou moins élaborées selon les régions. Ces fêtes comprenaient maintes activités sociales dont la danse à tambour, c'est-à-dire, de la danse, du chant monodique et la battue d'un tambour sur cadre à une membrane. Toutefois, il y a une démarcation claire à faire entre les styles de l'est et ceux de l'ouest qui se rencontrent, et même coexistent, dans la région du delta du Mackenzie.

Le tambour de l'Arctique de l'ouest est fait d'un cadre de bois étroit (environ 4 cm) recouvert d'une membrane de foie de baleine ou d'estomac de morse. Le tambour est tenu par un manche de bois comportant une encoche et frappé avec une longue et mince baguette. Deux timbres distincts peuvent être produits : le premier, par un coup léger qui ne touche que le cadre du tambour; et le second, par un coup plus vigoureux qui frappe simultanément le cadre et la membrane. Dans les régions de l'ouest, des groupes de deux hommes ou plus jouent des tambours sur un côté de l'aire de danse, chacun étant assis, le dos droit et les jambes allongées devant lui : ce sont les tambourineurs ; d'autres hommes autour d'eux chantent les chants pour les danses à tambour.

Dans les régions centrales et orientales, on trouve un tambour sur cadre plus grand (allant souvent jusqu'à 40 cm de diamètre). Appellé « kilaut », celui-ci comporte un cadre plus robuste (d'environ 8 cm de profondeur) recouvert d'une peau de caribou. Un danseur solo le frappe avec un bâton en forme de gourdin (« katuk »), en alternant un côté et l'autre du cadre tout en faisant pivoter le tambour à chaque coup.

Les gens dans le delta du Mackenzie et dans le delta de la rivière Coppermine partagent plusieurs des coutumes du nord de l'Alaska. Des groupes de danseurs effectuent des mouvements mimétiques décrivant des scènes de chasse, un comportement d'animal ou des épisodes mythiques. Les danseurs portent fréquemment des coiffes en peaux de huards ou des mitaines de danses spéciales, et dans certaines régions, tiennent des éventails de danse en plume. Un danse de femmes spéciale (« taliq ») du nord de l'Alaska imite le geste de pagayer. Dans le nord-ouest de l'Alaska, on classe les danses en « aatuutipiaq » (utiliser des gestes improvisés) ou « sayuun » (utiliser des mouvements convenus); ces termes s'appliquent aussi bien aux chants composés pour chacune des sortes de danses. Les deux sortes de danses sont utilisées lors d'une fête d'accueil en résidence (« inviting-in »), quand des visiteurs vont passer plusieurs jours dans d'autres communautés pour festoyer et pour des compétitions de danses. D'autres chants pour diverses danses cérémonielles ont cours dans le nord de l'Alaska, dont plusieurs sont en rapport avec les fêtes locales pour la baleine, certaines étant considérées secrètes : pour la danse de la Toupie (« spinning-top dance »), la danse des baleiniers (« kiapsaq »), la cérémonie des Marionnettes (« tohoyaqhuuqaun »), les danses de Mascarade des baleiniers (« uingarung »), les danses des Aurores boréales (« kigugiyataun »), la danse du Tambour carré (« kalukhaq »), et les chants, si fréquemment enregistrés, pour les danses de Lancer-en-l'air (« nalukataun »). Ce dernier type de chant fait usage de pièces humoristiques accompagnant le lancer en l'air d'un compétiteur que l'on fait rebondir sur une couverture de peau. (Tous ces genres sont décrits dans Thomas Johnston, 1976, p. 69-76.)

Dans l'Arctique central, mais aussi dans le delta de la rivière Coppermine, là où se rencontrent les styles de l'est et de l'ouest, une seule personne à la fois fait la danse à tambour. Pour ce faire, le danseur plie ses genoux et fait pivoter sa tête et ses épaules. Dans certaines communautés, tant les hommes que les femmes dansent, mais dans d'autres cette activité est exclusive aux hommes. Le rythme du tambour est constant, bien que le temps soit un tant soit peu élastique, et qui plus est, il évolue souvent à un tempo légèrement différent de celui du chant qui l'accompagne. Plusieurs membres de la communauté (souvent seulement des femmes) chantent en choeur un chant lyrique ou narratif (« pisiq ») composé par le danseur ou par un parent ou un ami.

Dans les temps anciens, le rassemblement de larges groupes justifiait la tenue d'une danse à tambour, pour célébrer l'arrivée de visiteurs, par exemple, ou encore au temps du camp d'hiver sur la glace chez les Netsilik. Un danseur pouvait avoir un « idlurik », c'est-à-dire un « partenaire de chant », une personne d'une autre communauté avec qui on entretenait une compétition amicale en échangeant des chants de moquerie. Des combats de boxe ou d'autres jeux compétitifs faisaient souvent à la suite de ces chants. Les événements y étaient moins structurés que dans les événements des régions de l'Arctique de l'ouest. Depuis les années 1970, les danses à tambour survivent en tant que célébrations sociales tenues périodiquement tout au long de l'année dans certaines communautés (par exemple, à Eskimo Point et à Pelly Bay), mais surtout à Noël et à Pâques. Il n'y a plus de liens entre la danse à tambour et le chamanisme (voir, par exemple, l'illustration dans Pelinski, Inuit Songs from Eskimo Point, p. 9), bien que les textes des chants emploient des mots anciens et des phrases liées au chaman (« angakuq »).

Il est probable que la danse à tambour n'ait pas été pratiquée au Québec arctique et au Labrador depuis la fin du XIXe iècle. L'ethnographe Lucien Turner, par exemple (Indians and Eskimos in the Quebec-Labrador Peninsula [1894], Québec 1979, p. 94-95), a observé qu'un violon à deux cordes était le seul instrument inusité de cette région. Toutefois, au Québec arctique, plusieurs chants pour la danse à tambour ont survécu dans le répertoire traditionnel.

Des chants pour danse à tambour ont été recueillis au nord et à l'est du Groënland, où chaque groupe s'accompagne d'un petit tambour sur cadre recouvert d'une peau. On y chantait pour le divertissement, lors de rituels chamanistes et de duels de tambour, ceux-ci étant semblables aux duels de chants de l'Arctique central.

Dans la société inuit traditionnelle, les danses à tambour avaient lieu à différents endroits, variant selon les régions. Sur des photographies prises lors de duels de tambour au Groënland (Thuren, « On the Eskimo music in Greenland », figures 4 et 5), l'on voit que l'on est à l'extérieur; au contraire, dans certains régions de l'Arctique central, des tabous défendaient la tenue de danses à l'extérieur. Dans plusieurs régions, on érigeait une maison de danse spécialement consacrée à cet effet, qu'on appellait « qaggi » ou « kashim ». Dans le sud-ouest de l'Alaska, cette maison servait en fait de lieu d'entreposage dont l'entrée-tunnel était creusée sous le plancher (M. Lantis, « The Social culture of the Nunivak Eskimo », Transactions of the American Philosophical Society, 1946, p. 35). Dans la région centrale, une grande maison de neige pouvait contenir 50 ou 60 personnes; les Netsilik reliaient leurs maisons familiales au dôme principal. C'est là que l'on répartissait la nourriture rapportée de la chasse, que l'on jouait à des jeux et que l'on faisait des acrobaties ou bien que l'on dansait. Des bâtiments préfabriqués ont remplacé les structures traditionnelles de neige ou de toile et, depuis, les danses se tiennent dans les écoles, dans les salles communautaires ou chez des particuliers.

Le style textuel et musical des chants de danse à tambour varie d'une région à l'autre. Les textes de chants des Inuit polaires comportent presque exclusivement des syllabes sans signification (voir les transcriptions de Leden, 1952; et Hauser, « Formal structure in Polar Eskimo drumsongs », Ethnomusicology, 1977, p. 34), alors que les textes des chants des Inuit du Caribou se composent de courtes strophes significatives (voir les transcriptions dans Pelinski, 1979). Les chants des Inuit du Québec comportent des strophes mais avec un nombre restreint de termes significatifs (voir Beaudry, 1985, livret). Les chants netsilik comportent de longues narrations, le plus souvent à propos d'expériences de chasse (voir Cavanagh, 1982, vol. II). La plupart de ces chants sont strophiques, et chaque strophe contient une phrase narrative (à l'exception des chants sans texte des Inuit polaires) et un refrain sur les syllabes « ajajai » qui, incidemment, font partie des chants de toutes les régions inuit, malgré les variations dialectales. À cause de ces refrains, on qualifie souvent « d'ajaija » au lieu de « pisiq » un chant pour danse à tambour.

La plupart des mélodies sont anhémitoniques (sans demi-tons) et, souvent, appartiennent à l'une des variantes pentatoniques, bien que l'on retrouve plusieurs structures tonales différentes dans cette catégorie. Dans la plupart des régions, les mélodies ont en commun tout un corpus de formules ou de motifs combinés de multiples façons. Les motifs intervalliques réels varient d'une région à l'autre; chez les Netsilik, par exemple, il est fréquent de trouver à l'intérieur d'un ambitus de septième mineure des grands intervalles ascendants ainsi que des secondes majeures et des tierces mineures descendantes. Au nord de l'Alaska, des ambitus plus larges et des sauts d'intervalles allant jusqu'à la neuvième ont été remarqués par Johnston (p. 11). Des données analytiques à propos des types d'échelles et de matériau mélodique ont servi à Hauser pour retracer les patterns de migration du sud de la Terre de Baffin au nord du Groënland. Tous les répertoires affichent une ornementation par microtons ou par l'exploitation de régions intonatives flexibles.

Dans l'ouest, la battue du tambour coïncide avec la pulsation du chant et semble ainsi soutenir une organisation métrique. Cependant, les regroupements de battues se font d'après des critères textuels plutôt que rythmiques. Dans l'Arctique de l'est et au Groënland, le tempo et la métrique du tambour sont souvent indépendants du tempo et de la métrique du chant.

Alors que le répertoire des chants pour danses à tambour est surtout monophonique, une certaine polyphonie (souvent, un parallélisme d'intervalles flexible) a été observée chez les Inuit du Caribou (voir Estreicher, 1950, et Pelinski).

D'autres genres musicaux traditionnels

Les jeux vocaux (« katajjait » au Québec arctique, « pikusiraqtut » dans la région d'Igloolik) occupent une place unique parmi les créations sonores de la culture inuit, bien que ceux-ci soient très différents de toute tradition de chant. Ils sont joués dans l'Arctique du Centre et de l'Est par deux femmes, debout ou accroupies, qui se font face, très proches l'une de l'autre (de quelques centimètres jusqu'à 15), et qui procèdent à un échange rapide de sons répétés en rythme, faits de mots ou de syllabes sans signification. Chaque son est soumis à une variété de traitements vocaux : l'alternance d'inspiration et d'expiration, en combinaison avec d'autres alternances telles que les sons voisés et les sons non voisés, un registre aigu et un registre grave, une bouche ouverte ou fermée, etc. se superposent en un produit vocal complexe. Dans certaines régions (chez les Netsilik, par exemple), un texte peut sous-tendre chaque jeu, alors que dans d'autres régions (au Québec arctique, par exemple), les sons n'ont aucune référence narrative et on s'amuse de leur qualité timbrale. D'aucuns disent que certains jeux imitent des cris d'animaux; certains jeux exploitent des mélodies familières, bien que dans la majorité des cas, l'exactitude des hauteurs n'ait que plus ou moins d'importance. Les femmes se servent parfois d'une marmite, d'un moule à pain, d'un capuchon de parka, ou de tout autre objet semblable, afin de bien diriger le son vers leur partenaire, ou en guise de résonateur. Parfois, ce sont des équipes qui jouent dans un esprit compétitif (voir Beaudry, 1978, 1988). Pour une discussion plus détaillée de ces jeux vocaux et de gorge, voir l'article sur les jeux vocaux inuit.

Des chants spéciaux accompagnent plusieurs autres jeux, dont les jeux de jonglage (« iglikisaak » dans le nord-ouest de l'Alaska, « iglukitarut » dans l'Arctique du Centre et de l'Est) sont les plus connus. Les textes de ces chants juxtaposent des fragments de mythes, des références à des fonctions du corps, des rimes pour enfants, et des syllabes sans signification. Leurs mélodies se composent de la concaténation de motifs de deux ou trois notes, chacun étant répété plusieurs fois (aaa..., bbb..., ccc..., etc.). Dans certaines régions (les régions d'Igloolik, de la Terre de Baffin et d'Alaska, par exemple), on se sert de chants pour accompagner une variété de jeux de ficelle. La plupart des communautés ont un répertoire de chants pour accompagner toute les variantes indigènes des jeux de cache-cache, de sautillement, de poursuite ou de rires.

Les chants qui font partie de récits constituent un autre genre traditionnel. Les récits comprennent des descriptions d'aventures de personnages légendaires tels que Kiviuq ou Qautjaqjuq, tandis que des chants très brefs (ne comportant habituellement qu'une seule strophe) sont attribués à des animaux ou à des oiseaux. Souvent, certains des animaux se moquent de l'apparence ou des comportements des autres créatures d'une manière qui n'est pas sans rappeler les concours de chants des danses à tambour. Souvent aussi, des mots ou des motifs musicaux y représentent des cris de divers animaux ou d'oiseaux. Les chants pour les récits font un plus ou moins grand usage de parole rythmée bien que les hauteurs relatives soient également importantes. Lorsque des hauteurs précises sont utilisées, elle se limitent à un ambitus relativement étroit et subissent de fréquentes répétitions. Il n'est pas surprenant de trouver souvent des échelles de deux ou trois notes seulement.

Comme dans la plupart des cultures, l'heure du coucher des enfants fournit une occasion de récits et de chants. Par ailleurs, certains chants sont spécialement composés pour des enfants par leurs parents ou par quelque autre membre de leur famille étendue. Ces chants ressemblent aux chants de Caresses (« petting songs ») du Groënland. Dans ces chants (« aqausiq » ou « maksatuq »), un diminutif affectueux du nom de l'enfant est répété plusieurs fois, ainsi que d'autres termes qui seront importants dans la vie de l'enfant. Ces chants ont pour but de consoler un enfant triste ou en colère, mais aussi, d'une certaine manière, ils consacrent la relation entre l'enfant et la personne qui a fait le chant. Ceci rappelle la tradition de l'Arctique central où c'est un membre de la famille qui compose un chant pour la danse à tambour.

Si, comme il est mentionné plus haut, les liens entre la musique et le chamanisme sont rarement discutés ouvertement dans les communautés chrétiennes d'aujourd'hui, plusieurs facteurs indiquent qu'on fait usage de musique dans des rituels. Des répertoires dits de chants magiques ont été recueillis au Groënland et dans la région d'Igloolik et des rituels chamanistes entiers ont été enregistrés dans l'est du Groënland.

Les genres influencés par la tradition euroaméricaine

Plusieurs études par des non-autochtones ont conclu que là où la musique traditionnelle perdure, les styles des genres traditionnels ont malgré tout subi très peu de modifications au contact des cultures européennes et nord-américaines, bien que les lieux et les événements associés aux chants et aux danses aient changé considérablement. Il n'est pas surprenant que la musique traditionnelle subsiste surtout dans la mémoire des gens âgés. Depuis les années 1970, un regain d'intérêt a fait surface à travers tout l'Arctique, grâce surtout à la quête d'identité inuit et en conjonction avec leurs revendications territoriales. Des rencontres panarctiques telles que le festival annuel des jeux de l'Arctique (« Arctic Games »), dans lequel des compétitions de danse tiennent une part importante, ont beaucoup contribué à la renaissance des traditions. Des régions comme le Groënland et le Labrador, où les contacts avec la société européenne se sont prolongés le plus longtemps, ont préservé très peu de musique traditionnelle.

Les résultats les plus marquants de contacts culturels se voient toutefois dans l'adoption de nouveaux instruments, de nouvelles danses et de nouveaux styles de chants. Les hymnes traduits en inuktitut (la langue inuit) sont les plus connus des musiques imitatives de styles étrangers. Plusieurs adaptations stylistiques ont eu cours dans le domaine de la musique profane. Les gigues et les reels des baleiniers et des explorateurs du XIXe iècle, par exemple, ont été transformés et appellés « danse esquimaudes » (« Eskimo dances ») dans plusieurs communautés, tandis que la musique d'accordéon qui les accompagne est connue sous l'appellation de « musique esquimaude » (« Eskimo music ») (voir Lutz, 1978, p. 119). Des violons (« agiarut » ou « tautirut ») inspirèrent les gens du Québec arctique à les imiter; ces imitations n'étaient faites que de simples boîtes avec trois cordes. Dans la même région, certains Inuit sont devenus d'habiles joueurs de guimbarde, utilisant une technique semblable à la technique traditionnelle pour faire vibrer une plume d'oie entre les dents (« suluk » au Québec arctique). La communauté de Nain au Labrador, établie par les frères missionaires moraves avant le milieu du XIXe siècle, a, depuis ce temps, maintenu une fanfare (voir Missions moraves au Labrador).

Certains genres profanes peuvent imiter leurs modèles du sud tout en préservant certaines caractéristiques traditionnelles. Chez les jeunes, les genres populaires sont le country-western, les styles folk pour voix et guitare, et le rock et tous ses développements récents, composés en inuktitut par un nombre de plus en plus grand de musiciens inuit. Au Canada, des compositieurs folk tels que Charlie Panigoniak d'Eskimo Point, Charlie Adams d'Inukjuak, Tumassi Quissa de Povungnituq, William Tagoona de Baker Lake, et Etulu Etidloie de Cape Dorset sont parmi les plus connus. Il y a maintenant des groupes de danse locaux dans la plupart des communautés (des échantillons du groupe de Pangnirtung se trouvent sur le disque accompagnant l'étude de Lutz, 1978). Le groupe Northern Haze d'Igloolik a été le premier à produire commercialement de la musique rock (SRC, 1985).

Discographie

Chants et jeux des Inuit : collection Unesco; 1978; Philips 6586036, Auvidis D-8032 et Auvidis AD-090.

Chants et jeux traditionnels inuit : 1985; 2-SRC SQN-108.

Chants inuit - gorge et guimbarde : musique des Esquimaudes de Povungnituk : (1980); Music Gallery Editions-Canadian Music Heritage MH-001.

The Eskimos of Hudson Bay and Alaska : musique recueillie par Laura Boulton; 1954; Folk FE-4444.

The Inuit (Eskimos) of Greenland and Northern Canada, 2 vol. : Lyrichord LLST-7379.

Jeux vocaux des Inuit : Inuit du Caribou, Netsilik et Igloolik; 1989; Ocora C-559071 (CD).

Music of the Inuit : The Copper Eskimo Tradition : collection Unesco; EMI 64-2402781.

Des enregistrements sont inclus dans les publications de Cavanagh, Lutz et Pelinski mentionnées ci-après.

Bibliographie

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Algonquiens : les Anishnabes

Dans les années 1980, les Anishnabes ont joué un rôle important pour le renouveau des traditions spirituelles algonquiennes. Les Anciens entretiennent la connaissance de ces traditions, dont l'enseignement relatif à certains instruments tels que les tambours, lors d'événements comme les Conférences d'Anciens, et lors de cérémonies et de rassemblements. Un des aspects fondamentaux de la vie anishnabe est souvent racontée dans leur légende de la migration qui décrit les « sept feux » (« seven fires »), c'est-à-dire les lieux où se sont arrêtés les gens lors de leur voyage de la Côte est vers l'ouest du continent nord-américain. Les « feux » représentent à la fois un fait historique et un ensemble d'enseignements. Les Anishnabes traditionnels adultes dans les années 1980 se considèrent être de la génération du « septième feu » et acceptent leur devoir de faire revivre les traditions. Les récits de la migration contredisent les rapports historiques publiés (voir Hickerson, 1970) qui situent les Ojibwas autour du lac Supérieur tout au long de leur histoire.

La légende de la migration décrit également le don du Midéwiwin aux Anishnabes à l'époque du « quatrième feu ». Pour les Ojibwas du nord-ouest de l'Ontario, le Midéwiwin demeure une institution religieuse fondamentale. La loge où se tiennent les cérémonies représente métaphoriquement le cosmos et le cheminement de la vie. Le grand mythe de Nanabush raconte les origines du Midéwiwin et enseigne le déroulement rituel en plusieurs étapes des cérémonies d'initiation. Les sons qu'on entend dans le contexte du Midéwiwin lui sont particuliers : des tambours d'eau, des hochets de calebasse ou des hochets faits avec des contenants de métal (de préférence en cuivre) accompagnent divers types de chants cérémoniels. Deux types de tambours appartiennent aux cérémonies de la loge Midé : le « petit garçon » (un petit tambour d'eau avec des cailloux attachés à la membrane), le tambour le plus utilisé et comportant une attache de corde nouée selon différentes formes ou motifs; cependant, c'est le « grand-père », un tambour d'eau fait d'un long tronc évidé, que l'on trouve le plus souvent dans les collections historiques. Le tambour « grand-père », comme beaucoup d'instruments de musique, est considéré comme un don du Créateur (voir, par exemple, la description par James Redsky dans Great Leader of the Ojibway Mis.quona.quab, Toronto s.d.) : le tronc très droit de l'arbre devint le contenant, le cerf fit cadeau de sa peau afin qu'il ait une bonne voix, le serpent enroula son corps autour de la tête du tambour afin de bien l'enserrer, la tortue en boucha le fond de ses écailles tandis que le huard s'envola vers le tambour pour le frapper avec son bec. Dans les années 1990, l'appartenance au Midéwiwin demeure importante et le nombre de ses adeptes ne cesse d'augmenter.

La musique joue un rôle majeur dans d'autres activités de guérisons, dans les tentes à suer et dans diverses cérémonies. Souvent, des hochets à disques (ou plaquettes couvertes de peau dont le cadre de bois se prolongeait pour former un manche) tenaient lieu de hochets de guérison; leur fonction spécifique déterminait quels types de peaux et de plaquettes secouées seraient utilisés. Les hochets en peau de poisson ou ceux faits de la membrane d'estomac d'oiseau avaient plus de valeur à cause de leur pouvoir de guérison. Des hochets-tambours à petits cadres, dénommés tambours « wabeno » dans les collections muséologiques documentées servaient tout probablement d'instruments de médecine. Certains groupes utilisaient des types spécifiques de hochets de médecine qui représentaient des oiseaux, des animaux ou d'autres matériaux naturels de la région qu'ils habitaient.

Encore aujourd'hui, les jeunes hommes anishnabes, adeptes des enseignements traditionnels, entreprennent des jeûnes durant lesquels, souvent, ils reçoivent les chants que leur donnent les esprits, parfois par le biais de rêves. Les images peintes sur les tambours, ou la construction particulière d'un instrument musical, originent sans doute de directives reçues en rêve. Les tambours dénommés « tambours à rêver » dans la documentation accompagnant les collections d'archives réfèrent aux instruments reçus au cours de cette expérience personnelle si intense; parfois, ils réfèrent également à de larges tambours horizontaux utilisés par les Sociétés de rêveurs (« dreamers societies »).

C'est à faire la cour que servent les flûtes anishnabes dans les descriptions d'usage. Les strophes des chants alternent avec des versions pour flûte de la même mélodie (voir Vennum, 1989, p. 13). La fabrication et le jeu de la flûte connaissent un essor depuis les années 1980.

La danse à tambour, une tradition cérémonielle considérable, a également été donnée aux Anishnabes. La structure et l'usage mêmes du tambour renferment des enseignements spirituels : son orientation par rapport aux quatre directions cardinales, sa membrane divisée en deux parties (souvent peinte en rouge et en bleu avec une ligne la traversant diamétralement d'est en ouest), son laçage croisé, sa décoration minutieuse, ainsi que les offrandes de tabac qui lui sont faites. Le tambour représente une manière de vivre fondamentale pour plusieurs jeunes hommes anishnabes. Les tambours cérémoniels ont souvent leur propre répertoire de chants devant être chanté avant toute autre musique lors d'événements publics. Même si le tambour de powwow est en réalité une grosse caisse commerciale, il imite le tambour de danse et il est significatif qu'il demeure selon un axe horizontal.

Les powwows contemporains, reliés, selon les anthropologues, aux complexes de la danse de Guerre et de la danse des Herbes des Plaines, ont lieu en plein air dans les communautés anishnabes (ainsi que dans les communautés iroquoiennes), surtout pendant les week-ends d'été. Les « tambours » (terme qui désigne les ensembles de musiciens aussi bien que les instruments) demeurent sous un abri central, au coeur même de l'espace consacré à la danse. Souvent, l'on affirme que leur son rappelle les battements de coeur des Nations. Les powwows, qui durent plusieurs jours, débutent par une prière suivie d'un grand défilé d'ouverture (« Grand Entry ») de tous les participants, de danses intertribales, de chants d'honneur et, dans la plupart des cas, de compétitions de danses selon des regroupements par types de costumes, de répertoire musical et de pas de danse : par exemple les styles dits Traditionnels (« traditional »), ou de Fantaisie (« fancy »), des Herbes (« grass dance ») et de Robes à grelots (« jingle-dress »). Le style de chant et le contour musical général ressemble à celui décrit pour la région des Plaines. Des types de danses spécifiques se distinguent par les tempos et les motifs rythmiques des chants en rapport avec les mouvements de danse. Des artisans et des kiosques de nourriture entourent l'aire de danse. Les powwows sont des événements des plus agréables qui procurent l'occasion de renouer avec d'anciennes connaissances et de réaffirmer son identité amérindienne.

Des traditions musicales spécifiques à des Nations individuelles continuent d'exister. Par exemple, les Algonquins du nord de l'Ontario utilisent un grand hochet en sabot d'orignal (le « shinaueshikan ») inconnu dans les autres régions. Au début du XXe siècle, d'autres types d'instruments furent décrits dans la littérature ethnographique de cette Nation. Frederick Johnson (manuscrit, Heye Foundation Archives, V-L) décrit un tambour « fait d'un tronc de cèdre [thuya] évidé, avec une peau fixée aux deux bouts par des cerceaux. Des cordes tirant sur les boucles permettaient de resserrer les peaux ». Il note également la présence d'un hochet « fait en alternant des dents d'ours et des griffes de tortue de vase sur un petit bâton » (op. cit.). Chez les Algonquins, on décorait souvent les appeaux pour l'orignal de couches alternées de motifs négatifs et positifs à l'image des diverses couches de l'univers. On utilisait au début du XXe siècle un tambour sur cadre à grand rebord, ressemblant quelque peu à une caisse claire, quelque fois lors de processsions avec des violons.

Les Cris du nord de l'Ontario se servaient de tambours sur cadre semblables à ceux de leurs voisins à l'est mais comportant un « chemin » bordé de ficelles-sonnailles parallèles et quelques fois de couleurs vives (généralement du bleu et du jaune). De temps en temps, leurs tambours de chaman affichaient deux oiseaux face à face. Au début du XXe siècle, dans certaines communautés, on trouvait un violon fait avec une omoplate de caribou.

Les Innus : Algonquiens du subarctique

Les Innuat (Innu au singulier) ou Algonquins du nord, dépendaient de la chasse, du piégage et de la pêche; en 1990, ces activités continuaient d'être vitales pour bon nombre d'entre eux. C'est la raison pour laquelle, dans les années 1980, les Innus étaient contre les essais de vols à basse altitude au Labrador car ils sentaient leur survie culturelle menacée.

Pour les Naskapis, les Montagnais et les Cris du Québec nordique, le savoir culturel traditionnel concernant la musique et les autres domaines est surtout associé à la chasse (et surtout la chasse au caribou) et à la vie en forêt, bien distincte de la vie de village (voir Tanner, 1979). Les projets contemporains de renouveau culturel tels que le « Nutshimiu Atusseun » (littéralement, « ils travaillent en forêt ») reconnaissent l'importance culturelle de la forêt en y amenant des jeunes gens pendant plusieurs mois afin de leur inculquer un savoir traditionnel et de leur apprendre à y survivre.

Parmi les choses se rapprochant de la notion désignée en français par le mot musique, on retient les sons des appeaux de chasse produits par une variété d'objets (surtout les appeaux pour l'orignal faits d'écorce de bouleau et ayant une forme conique). Toutefois, c'est dans l'ensemble du répertoire traditionnel qui concerne la chasse que l'on trouve les chants les plus importants. Les « nikamuna » (au singulier « nikamun », qui s'écrit également « nikamowin », « nagamon », « nakamun ») sont accompagnés du « teueikan », un tambour sur cadre comportant des ficelles-sonnailles. C'est au cours de rêves que l'on reçoit les « nikamuna », rêves dans lesquels ils peuvent être associés avec un animal en particulier, avec un objet concernant la chasse (par exemple un canot, des raquettes), ou avec une personne particulièrement importante pour le chanteur. L'utilisation des chants de ce répertoire aide le chasseur à localiser son gibier ou sert à fêter le succès d'une chasse. Le bourdonnement des sonnailles du tambour représente, dit-on, les voix des esprits. Quelquefois, on peint des points rouges sur les « teueikana » qui, parfois, sont interprétés comme étant des étoiles ou des motifs de soleil ruisselant à travers le feuillage (Speck, 1935, p. 193). Le « teueikan » constitue un symbole vital de l'identité montagnaise. Il remplit à la fois la fonction d'un outil de chasse et celle d'un instrument musical qui accompagne les événements sociaux (par exemple les danses de mariage, les réceptions publiques et les festivals). Les chants qui servent d'outils de chasse ou pour les danses sociales emploient soit une battue trémolo ou un motif iambique, ce dernier servant à accompagner la danse. Sur les ondes des postes de radio autochtones tels que ceux opérés par la SOCAM (Société de communication attikamek-montagnaise), on entend autant les « nikamuna » que les répertoires contemporains. Certains chanteurs font la distinction entre une section haute et une section plus grave des « nikamun ». Ces chants comportent en général deux courtes phrases (qui demeurent souvent à l'intérieur d'un ambitus étroit) répétées plusieurs fois. Les textes, souvent personnels, sont obscurcis par le timbre vocal du chanteur et par le bourdonnement des sonnailles. Plusieurs disques sont disponibles : Music of the Algonkians, Cree, Montagnais, Naskapi, Folk. FE-4253; Puamuna : rêves de chasse montagnais / Montagnais Hunting Songs, 1983, SRC SQN-100; 1982, Chansons montagnaises d'hier et d'aujourd'hui / Utakushit mak'kashikat, 1982, SRC

Bien qu'elle n'existe plus dans plusieurs régions, la tente tremblante est encore bien réelle dans les souvenirs des gens. Il s'agit d'un rituel de divination lors duquel un individu communique avec des esprits qui s'introduisent à l'intérieur d'une tente spécialement construite à cet effet, lui causant ainsi de trembler, sans intervention humaine. Des chants appartiennent à ce contexte (voir, par exemple, Preston, 1976). Comme dans la région anishnabe, les cérémonies de guérison exigent différents types de hochets. On trouve dans certaines collections muséologiques remontant aux années 1920, ou même avant, un hochet naskapi inusité façonné à partir de deux omoplates de caribou.

Plusieurs répertoires de chants ne sont pas considérés être des « nikumana ». Les femmes composent des berceuses (appellées « bebe kataushu » ou « bebe ataushu » au Québec nordique et au Labrador) comportant un refrain avec des syllabes telles que « bai bai ». D'autres répertoires pour enfants sont associés aux cérémonies des premiers pas et du choix d'un nom des Cris et des Ojibwas. De courts chants peuvent également faire partie du récit de mythes que dans la plupart des Nations algonquiennes subarctiques l'on répartit entre les mythes dits classiques (« atnuhan ») et les autres histoires (« tipatshimun »).

L'histoire de l'interaction entre les musiques autochtones et européennes dans cette région remonte loin. Depuis la fin du XVIe siècle et du début XVIIe, la musique de violon et les hymnes chrétiens, par exemple, ont subi d'importantes transformations, afin de créer des styles distincts et de constituer un nouveau répertoire dans les communautés autochtones. Ainsi, certaines communautés considèrent ces répertoires comme traditionnels. Parmi les premiers convertis chrétiens, plusieurs hommes et femmes naskapis et montagnais possèdent, dans leurs langues respectives, de grands répertoires d'hymnes et de cantiques. Pour les gens restés fidèles à leurs croyances catholiques romaines, ces chants constituent en quelque sorte des prières. La Fête de la Sainte-Anne, fin juillet, est l'une des fêtes les plus importantes, alors que des milliers d'autochtones se déplacent vers des lieux sacrés (tels que le sanctuaire de Sainte-Anne de Beaupré, Québec) afin de prier ensemble dans leur propre langue et avec leurs propres hymnes.

La musique de violon a été particulièrement populaire chez les Cris, les Algonquins et les Attikameks. Par ailleurs, chez les Montagnais, un mouvement contemporain de chant a débuté dans les années 1970 avec le chanteur-guitariste Philippe McKenzie. Depuis ce temps, des douzaines de groupes ont émergé, composant surtout dans un style appellé « folk innu ». Le groupe Kashtin (Florent Vollant et Claude McKenzie) avait remporté le plus grand succès commercial en 1990. Un festival annuel important, Innu Nikamu (« l'Indien chante ») a débuté en 1985 à Maliotenam, près de Sept-Îles, Québec, et présente sur scène des musiques tant traditionnelles que contemporaines.

La Confédération wabénakise : les Algonquiens maritimes

Les Micmacs, les Malécites et les Abénakis (ainsi que les Pénobscots et les Passamaquoddys aux États-Unis) appartiennent à la Confédération wabenakise. La Nation mohawk, « Gardienne de l'entrée de l'Est » (« Keeper of the Eastern Doorway ») pour la Confédération iroquoise des Six Nations, entretient une relation historique avec les Nations wabénakises. Les Abénakis occidentaux (au sud-est de Montréal) se distinguent quelque peu de leurs parenté maritime.

Comparativement aux Nations algonquiennes subarctiques, les Micmacs et les Malécites ont subi plus de perte quant à leur musique traditionnelle. Les documents historiques demeurent souvent contradictoires ou confus. Néanmoins, des sources comme les collections d'enregistrements de Mechling (1911) et des transcriptions dans des ethnographies (par exemple, Speck, Penobscot Man, 1940) aident les chercheurs et les interprètes à en reconstruire les bases.

Les récits historiques décrivent la musique cérémonielle associée aux mariages (par exemple, Mechling 1958, p. 37), aux funérailles et aux rituels de deuil (par exemple, Wallis et Wallis, 1957, p. 24); ils décrivent également les danses sociales, dont la danse du Serpent (« snake dance »), une danse d'Accueil (« greeting dance ») et une danse du Troc (« trading dance ») (voir la transcription dans Nathalie Curtis Berlin, The Indian Book, Londres 1907, p. 16). Speck écrit que les Pénobscots ont une « danse du Colporteur » (« peddlar's dance ») (1940, p. 295) et il décrit une « danse micmaque » qui, par ses mouvements et son tempo, se distingue de celles des Malécites, des Passamaquoddys et des Pénobscots (op. cit., p. 296). Les cérémonies d'investiture des chefs (Prince, 1897) comportent également des chants.

Il n'y a que peu de tambours, de hochets ou d'autres instruments micmacs ou malécites dans les collections de musées ou d'archives. (Ce sont des paniers faits d'éclisses de hêtre tissées, de jolies boîtes faites de piquants de porc-épics, et des sacs ou des vêtements décorés de perles de couleurs qui représentent le plus fréquemment les Nations wabénakises dans ces institutions.) La place des tambours dans l'histoire micmaque fait l'objet d'une controverse. Des sources du XVIIe et du XVIIIe siècles décrivent l'usage d'un bâton pour frapper une feuille d'écorce de bouleau, un arbre, ou une marmite, en guise d'accompagnement de chants. Bernard Hoffman (1955) s'appuie sur différents auteurs dont Le Clercq (p. 686), Dièreville (p. 688) et Maillard (p. 677-678) et il cite ce dernier dans le contexte d'un festin micmac durant lequel « des filles et des femmes entrent, la plus âgée en tête portant dans sa main gauche une grande pièce d'écorce de bouleau, très dure, sur laquelle elle frappe comme s'il s'agissait d'un tambour » (1758, p. 4-10). Des documents de la fin du XIXe et du début du XXe siècles attestent de l'usage de tambours par les Passamaquoddys et par les Pénobscots, voisins et alliés des Micmacs. Prince (1901) fait référence à un tambour de chaman lorsqu'il parle du texte d'un chant de Sorcière (« witch song ») passamaquoddy et Speck décrit aussi un tambour sur cadre tendu de ficelles-sonnailles utilisé par un chaman Pénobscot (1919, p. 242). Dans les collections d'archives du début du XXe siècle, il est fait mention d'un tambour pénobscot à deux membranes, ainsi que de plusieurs tambours sur cadre différents, ne comportant qu'une seule membrane, dont un, attribué aux Micmacs, n'existent plus. Ils sont tous recouverts d'une peau non tannée mais blanchie, qui passe par-dessus un large cadre, « cousue » à son bord inférieur en passant une lanière par des « trous de boutons ».

À présent, tant les Micmacs et les Malécites que les Abénakis utilisent des tambourins et à l'occasion des tambours d'eau iroquois, des tambours à deux membranes de diverses tailles, ou de grands tambours de style intertribal. Ce sont les « traditionnalistes » qui utilisent ces derniers, s'identifiant ainsi au renouveau intertribal d'enseignement spirituel et de cérémonies. Dans les Maritimes, les ensembles traditionnels de musiciens fabriquent souvent leurs propres tambours et les font purifier et bénir dans des cérémonies à cet effet. Au cours de telles cérémonies, on incorpore parfois des danses sociales iroquoiennes, accompagnées du grand tambour.

Toutefois, il arrive fréquemment que les troupes de danses utilisent des tambourins; ce sont généralement les femmes qui en jouent et qui accompagnent les danses sociales qui sont, pour la plupart, des reconstructions historiques. Ces reconstructions fonctionnent bien dans la vie des communautés de la fin du XXe siècle. Par exemple, à Odanak, une communauté abénakise occidentale, il existe un musée tenu par des autochtones sur les lieux d'un ancien pensionnat depuis les années 1970. De jeunes chanteurs et danseurs y réapprennent les danses sociales et les présentent au cours des cérémonies du Printemps, ou lors de la fête du Maïs, tenues dans la communauté ou dans des contextes non autochtones comme la Fête annuelle des Abénakis ou les festivals de folklore de Québec, Montréal et Drummondville. Il en est de même dans les Maritimes où une troupe telle que les Micmac Dancers, dirigée par Sarah Denny, à Eskasoni, Cap-Breton, présentent des danses telles que la danse de Bienvenue (« welcome dance »), la danse de la Plume (« feather dance »), la danse du Serpent (« snake dance ») et la danse Amérindienne (« native dance »), tant dans la communauté que dans des rassemblements plus importants comme les Jeux d'été de la Nouvelle-Écosse, et pour des auditoires de diverses cultures.

Les documents historiques font mention de quelques types de hochets faits avec des ergots (Le Clercq, 1910, p. 220-223) ou des bois d'orignaux (Parsons, 1925, p. 83) ainsi que d'une cloche, qu'on dit appartenir au Trickster Kluskap. Les sources historiques font également mention du « jikmaq'n », typique des Micmacs, façonné à partir d'un bâton de hêtre fendu à une extrémité en plusieurs lamelles ensuite battues contre la main. Cependant, les sources les plus anciennes ne s'accordent pas : par exemple, Rand (1888, p. 115) le décrit comme étant « une sorte de tambourin que l'on bat avec un bâton », mais il traduit son nom par « hochet ». Les collections muséologiques contiennent surtout des hochets complètement faits en corne de vache, dont certains sont délicatement sculptés. D'autres types de hochets incluent les hochets-paniers faits d'éclisses tressées, surtout utilisés (par les Abénakis) comme hochets de bébés, des hochets en carapace de tortue, des hochets constitués de boules de cuir, et des hochets en calebasse. Toutefois, plusieurs ressentent un certain malaise à discuter d'instruments si intimes.

Dans la mythologie micmaque, la flûte (« pipukwaqn ») apparaît souvent en relation avec l'esprit Mikmwesu, et dans ces récits, le son sert à transformer l'auditeur.

Les répertoires traditionnels d'hymnes en micmac et en malécite sont importants tant dans les contextes chrétiens que pour les veillées aux morts et pour les chants du Milieu du jour (« noon day singing »). Un hymnaire micmac, accompagné d'une cassette, a été publié en 1985 par la Micmac Assn for Cultural Studies.

Comme dans d'autres régions, dans les communautés modernes, la musique de violon demeure populaire et tout à fait typique. Lee Cremo est sans doute le violoneux micmac le mieux connu.

Les Haudenosaunes : la Confédération iroquoise

Les communautés iroquoiennes de l'État de New York (Allegheny, Cattaraugus, Tonwanda, Onondaga et Oneida), du Québec (Kahnawake et Kahnesetake) et de l'Ontario (Six Nations et Oneida Settlement, Akwesasne) ont conservé une riche tradition musicale et cérémonielle, dont la Longue Maison constitue le noyau. La culture haudenosaune, un mode de vie qui a encore cours, est en partie fondée sur le « Gaiwi:ya:h » c'est-à-dire la « Bonne parole » du prophète sénéca Handsome Lake, et sur la Grande Loi de la Confédération iroquoise. Dans ces communautés, chanter fait intégralement partie des célébrations et des guérisons parce que cela procure un moyen de communiquer avec le monde environnant, de se mettre en rapport avec lui.

Il y a trois types fondamentaux de chants traditionnels de la Longue Maison : les chants pour les danses sociales ou « yoedza'geka » (« de la terre »); des chants cérémoniels et les chants des sociétés de médecine. Les chants cérémoniels tels que la danse de la Grande plume (« great feather dance ») et les chants des sociétés de médecine comme ceux pour les Sociétés des visages-de-bois, ont été amplement discutés dans la littérature ethnographique. Mais les Iroquoiens s'inquiètent de l'intérêt des non-autochtones pour ces répertoires puisque dans leurs propres communautés, l'usage des chants cérémoniels et de guérison est restreint afin de les préserver d'un mauvais usage ou de leur exploitation.

Dans plusieurs communautés, les gens se rencontrent pour des soirées qui ont lieu à toutes les quelques semaines, afin de tenir une « soirée sociale » à la maison-longue. Comme tout événement de maison-longue, les soirées sociales débutent avec une prière d'action de grâces récitée par un orateur désigné au préalable. Ce discours formel rend hommage à toutes les forces environnementales et spirituelles « allant de la terre et par-delà le ciel », qui aident les humains à survivre. On danse alors une première suite de deux danses du genre « Standing quiver », constituée de danses non accompagnées de type « stomp » dans laquelle le chanteur principal et les autres danseurs alternent des phrases courtes dans un style responsorial, pendant qu'ils évoluent autour de la maison-longue. Cette suite est suivie d'une danse des Mocassins (« moccasin dance »). C'est alors que des suites de chants peuvent être sélectionnées parmi plus d'une trentaine de types de danses sociales comportant chacune ses mélodies, ses motifs rythmiques, et ses pas de danse caractéristiques. Un petit tambour d'eau joué par le chanteur principal, qui tient un hochet en corne de vache, accompagne plusieurs des danses sociales.

L'« eskanyeh » (« ladies shuffle dance »), une danse de femmes utilisant un pas glissé, est une danse sociale chantée par des hommes ou des femmes mais dansée seulement par des femmes. Cette forme de danse a une longue histoire tout en étant l'une des rares pour lesquelles l'on crée constamment de nouveaux chants. Deux fois par année, des sociétés de chant de différentes communautés se rassemblent pour un « sing », un genre de soirée sociale intercommunautaire, au cours de laquelle chaque groupe fait une suite « d'eskanyeh » (deux fois sept chants). Les chants « d'eskanyeh » peuvent emprunter ou adapter des musiques d'autres chants, et leurs textes, plutôt humoristiques, sont faits de vocables et/ou de phrases courtes en sénéca, ou parfois en anglais. Les sociétés de chants émergent principalement d'organismes de charité qui ramassent des fonds ou qui aident selon les besoins.

La recherche

Ce sont les missionnaires, les explorateurs et les premiers colons qui, au XVIIe et XVIIIe siècles, ont produit les premiers documents écrits sur la musique des Nations des régions boisées de l'Est. Si les Relations des Jésuites demeurent les plus élaborés, des traités historiques comme ceux de Lescarbot (1609), Le Clercq (1691), et Maillard (1758) constituent également une source de connaissance, même fragmentaire, d'une riche culture musicale au XVIIe siècle (voir Ethnomusicologie).

Depuis la fin du XIXe siècle, les études anthropologiques et ethnologiques ont proliféré. Les ethnographies anciennes concernant les Naskapis de Franck Speck (1935) et Lucien Turner (1894) contiennent d'importantes descriptions d'événements musicaux, d'instruments de musique, et à un moindre degré, de style musical. De la même façon, en ce qui concerne les Algonquins maritimes, l'ouvrage de Speck Penobscot Man (1940) est un des premiers classiques contenant des transcriptions de chants et de nombreuses informations sur la vie sociale et cérémonielle, tandis que le travail de Hallowell (1955) est inestimable pour l'attention qu'il a porté aux modes de connaissance autochtones. Parmi les ethnographies du milieu du XXe siècle, les études suivantes contribuent plus particulièrement à une démarche ethnomusicologique : Wallis and Wallis (1955), Rousseau (1958), Rogers (1967), Tanner (1979) et Vincent (1973). Le Midéwiwin anishnabe a été documenté au tournant du siècle par W.J. Hoffman (1885-86) et Skinner (1921), et par Blessing quelques décennies plus tard (1977).

Bien que débordant des frontières canadiennes, il est à noter que la première étude ethnomusicologique faite à partir du son enregistré, l'étude sur les Passamaquoddys de Fewkes (1890), demeure la plus pertinente pour cette région. La brève étude de Nicholas Smith au sujet des danses abénakises (1962) est l'une des rares publications ethnomusicologiques du milieu du siècle faisant preuve de recherche dans cette région, antérieure à celles de Franziska von Rosen (1987).

Les études musicales concernant les Algonquiens subarctiques sont plus nombreuses. Il y eut des enregistrements faits pour Folkways (FE-4523) par Owens vers les années 1950, complétés dans les années 1970 par plusieurs disques produits par le Service nordique de la SRC et, dans les années 1980, par une série produite par l'Ojibwe-Cree Cultural Centre à Timmins, Ont. Deux numéros spéciaux de Recherches amérindiennes au Québec (vol. XV, no 4, 1985; vol. XVIII, no 4, 1988) ont contribué à nos connaissances sur cette région. Richard Preston (1969, 1976) et Lynn Whidden (1985) ont étudié des genres spécifiques de musique crie. Le livre Ojibwe Dance Drum de Thomas Vennum se fonde principalement sur une recherche dans le Minnesota et le Wisconsin, mais il contient également des références aux groupes canadiens. Le groupe de recherches SPINC, sous la direction de Berverley Diamond Cavanagh, a produit un certain nombre d'études collectives ou individuelles (1988).

La musique iroquoienne a fait l'objet du plus grand nombre d'études sur n'importe lequel des groupes de la partie nord-est des régions boisées de l'Est. Les études ethnographiques portant sur divers aspects de la culture iroquoienne sont nombreuses : L.H. Morgan (1851), Arthur C. Parker (1909, et autres), John Hewitt (1928), William Fenton (1951, 1987) et Elizabeth Tooker (1970). Les études linguistiques de Michael Foster (1974, 1984) demeurent significatives pour l'ethnomusicologie, puisque les « événements discursifs » incluent le chant. La musique et la danse ont fait l'objet des publications de Kurath (surtout celle de 1968) dont plusieurs contiennent des transcriptions des danses et des musiques. Conklin et Sturtevant (1953) ont étudié les instruments de musique, Heth (1980) a examiné les interactions avec la musique Cherokee, et Cronk (1987) s'est penché sur les circonstances d'utilisation de cette musique. Des enregistrements de musique cérémonielle publiés par la Bibliothèque du Congrès, sans la permission de la Confédération, sont toujours sujets à controverse. Par contre, des enregistrements de musique de danse sociale ont été produits, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des communautés. Les enregistrements les plus facilement disponibles contenant des échantillons provenant de communautés canadiennes sont Iroquois Social Dance Songs (3 vol., Iroqrafts) et Six Nations Singers (Music Gallery Editions MGE-16).

Un certain nombre de projets et de publications concernant la musique, ainsi que des autobiographies par des chasseurs comme Mathieu André et Michel Grégoire, qui discutent de leurs usages du « teueikan », sont issus de communautés amérindiennes dans les années 1980. Des trousses éducatives sur la musique ont été produites par le Native Canadian Centre (Toronto) et le Woodland Indian Cultural Education Centre (Brantford). Ce dernier a parrainé, en 1990, une conférence-exposition avec catalogue sur les traditions musicales amérindiennes intitulée The Sound of the Drum.

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