Profession musicale | l'Encyclopédie Canadienne

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Profession musicale

    La profession musicale englobe un large éventail de carrières directement ou indirectement associées à la musique.
John Weinzweig, compositeur, pédagogue, administrateur
John Weinzweig, compositeur canadien (avec la permission de Ruth Kaplan).
Dessane, Antoine
Antoine Dessane (portrait réalisé par Théophile Hamel avec la permission du Musée du Québec). Pour entendre un extrait de son Ouverture, de 1863 (interprétée par l'Orchestre métropolitain, sous la direction de Gilles Auger), cliquez sur le bouton \u00ab Son \u00bb (avec la permission de la Société Radio-Canada).

Profession musicale

    La profession musicale englobe un large éventail de carrières directement ou indirectement associées à la musique. Outre les musiciens qui gagnent leur vie à exécuter de la musique, ce domaine comprend les compositeurs, les arrangeurs et les auteurs-compositeurs de chansons; les chefs d'orchestre, les professeurs de musique et les répétiteurs; les imprésarios, les agents, les managers et les administrateurs de représentations musicales; les bibliothécaires et les archivistes musicaux; les musicologues, les critiques de musique, les journalistes, les rédacteurs et éditeurs; les techniciens du son, les ingénieurs radio et les réalisateurs d'émissions musicales pour la radio, la télévision, les compagnies de disques et de vidéos; les fabricants, réparateurs et accordeurs d'instruments; les musicothérapeutes, etc. Les musiques classique, populaire, militaire et sacrée sont autant de domaines de spécialisation de la profession musicale. Le terme « classique » est couramment utilisé pour désigner la musique « de concert » ou « d'art » de toutes les périodes de l'histoire, tandis que le terme « populaire » s'applique à toute la gamme de musiques non classiques, comme le JAZZ, le blues, la musique folklorique (voir MUSIQUE FOLKLORIQUE CANADIENNE-ANGLAISE et MUSIQUE FOLKLORIQUE CANADIENNE-FRANÇAISE), le rock-and-roll, la musique pop (voir MUSIQUE POPULAIRE), le jazz-rock, la MUSIQUE COUNTRY ET WESTERN, la world music, ainsi que leurs nombreuses sous-catégories.

Au Canada, les premiers musiciens professionnels sont les membres des fanfares ou harmonies militaires des régiments français et britanniques affectés au Canada à l'époque coloniale, aux XVIIe et XVIIIe siècles. Une fois leur période de service terminée, certains d'entre eux choisissent de rester au Canada, mais ils y gagnent difficilement leur vie comme musiciens. Ils doivent se faire chefs d'harmonie, musiciens à la pige, entrepreneurs en musique, marchands d'instruments, ou professeurs privés, par exemple et, dans bien des cas, s'adonner à des activités non musicales pour s'assurer un revenu suffisant. Les organistes d'église font aussi partie des premiers musiciens professionnels au Canada. Étant donné que leurs tâches ne leur demandent que quelques heures par semaine, ils doivent, eux aussi, se faire tour à tour organistes, maîtres de chorale, tuteurs, compositeurs afin de continuer leur carrière musicale. Cette situation perdure, en s'améliorant graduellement, pendant tout le XIXe siècle et une partie du XXe siècle, au cours desquels le Canada perd de bons musiciens, attirés par de meilleures conditions à l'étranger. Par exemple, Calixa LAVALLÉE, le compositeur d'Ô CANADA, quitte le pays et y revient plusieurs fois avant de s'installer en permanence aux États-Unis, où il réussit à s'imposer comme musicien professionnel et y atteint même une notoriété nationale vers la fin du XIXe siècle.

Jusqu'aux années 50 environ, il demeure impossible pour de nombreux musiciens professionnels au Canada de gagner un salaire suffisant par leurs activités musicales. Cependant, leur situation s'améliore considérablement après la création du CONSEIL DES ARTS DU CANADA en 1957, et par la suite, de divers conseils des arts provinciaux, régionaux et municipaux dans tout le pays. Pour un nombre croissant de musiciens, il devient donc possible, au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, de gagner leur vie uniquement par la pratique de leur art, et plusieurs y parviennent en s'adonnant à une seule activité particulière, comme professeurs de musique aux niveaux primaire, secondaire et universitaire, chanteurs d'opéra ou de comédies musicales, ou comme exécutants d'orchestres symphoniques, de ballet, d'opéra ou de théâtre, dans les studios d'enregistrement ou encore dans de petits ensembles de jazz ou des groupes rock.

Même si ce n'est plus nécessaire pour s'assurer un salaire suffisant, certains musiciens canadiens, vers la fin du XXe siècle, choisissent de s'adonner simultanément à plus d'une occupation musicale. Ainsi, le Canadien Robert AITKEN est compositeur, chef d'orchestre et flûtiste classique. Il fait des tournées internationales comme soliste spécialisé en musique d'avant-garde, est professeur de flûte à la Staatliche Hochschule für Musik à Freiburg, en Allemagne, et est directeur artistique des Concerts de musique nouvelle à Toronto. Daniel LANOIS, un musicien et auteur-compositeur rock canadien bien connu, et aujourd'hui installé à la Nouvelle-Orléans, est également un producteur de disques acclamé, ayant travaillé à ce titre avec des vedettes internationales comme Peter Gabriel, Brian Eno et Bob Dylan. De nombreux symphonistes et musiciens de jazz transmettent leurs connaissances et expertise musicales en étant enseignant ou conseiller à temps partiel dans des conservatoires ou des écoles de musique de niveau collégial et universitaire partout au pays.

Depuis les années 50, l'enseignement de la musique, particulièrement dans des institutions ou pour le compte de commissions scolaires, fournit aux musiciens des salaires et des conditions de travail relativement stables. Ceux qui gagnent leur vie comme exécutants, même s'ils sont attachés à des orchestres symphoniques, mais surtout s'ils sont pigistes ou jouent dans des groupes rock ou des ensembles de jazz, jouissent souvent de revenus moins stables, et les conditions de travail et les avantages sociaux des musiciens, à l'exception de ceux qui sont attachés en permanence à des orchestres symphoniques bien établis, laissent beaucoup à désirer. Jusqu'au milieu des années 60, même l'ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE TORONTO (OST), l'un des orchestres professionnels les plus importants et les mieux financés au Canada, ne garantit à ses musiciens que 30 semaines de travail par année. Si, au cours de la décennie suivante, la durée annuelle d'emploi à l'OST passe à 48 semaines, cette augmentation se révèle bientôt insoutenable et, en 1995-1996, le contrat de l'OST n'assure plus que 42 semaines de travail au salaire de base de 1167 dollars par semaine. Tout comme d'autres grands organismes musicaux du Canada (orchestres, compagnies d'opéra et de ballet) dans les années 90, l'OST subit d'importantes compressions budgétaires en raison de la diminution des subventions en provenance des gouvernements de tous les ordres et de l'érosion de leur auditoire causée par des facteurs économiques et démographiques.

En dépit des multiples défis que doivent surmonter les musiciens en herbe aussi bien que les professionnels, les Canadiens talentueux demeurent attirés par la vie musicale. Une carrière musicale peut comporter un immense potentiel de croissance et de satisfaction personnelle pour peu qu'on soit prêt à consentir l'engagement et les sacrifices essentiels à l'atteinte de l'excellence. Entreprendre une carrière musicale est à la fois très coûteux et exige beaucoup de temps. En plus des dépenses engagées dans l'achat d'instruments et d'équipement et dans les leçons de musique, qui commencent habituellement, mais pas toujours, dans les années de préadolescence, il faut consacrer plusieurs années d'études pour perfectionner talents et connaissances et acquérir l'expérience nécessaire. Dans bien des cas, il est nécessaire de poursuivre des études en vue d'obtenir le diplôme d'un conservatoire, d'un collège ou d'une université. Par exemple, pour enseigner la musique dans les écoles primaires et secondaires de la plupart des régions du Canada, il faut maintenant être diplômé d'un collège ou d'une université.

Connaître le succès comme exécutant ou créateur dans telle ou telle autre discipline musicale est sans doute extrêmement satisfaisant, mais peu de musiciens réalisent le rêve de faire des tournées internationales et d'exécuter ou de créer de la musique pour de grands auditoires admiratifs. Pour bon nombre de musiciens professionnels, y compris ceux qui acquièrent une certaine célébrité ou prospérité financière, il faut en réalité beaucoup de travail, de discipline et de chance pour obtenir ne serait-ce qu'un succès limité ou à court terme. Pour se maintenir en pleine forme, la plupart des musiciens professionnels doivent passer plusieurs heures par semaine à s'exercer seuls en plus de répéter et de jouer avec d'autres. Ce qui, même sans tournées, laisse peu temps aux loisirs et à la vie familiale. Les problèmes de santé ou la perte d'habiletés d'exécution, même temporaires, peuvent avoir de lourdes conséquences. Certains domaines de la profession sont extrêmement stressants et peuvent entraîner un épuisement professionnel ou des problèmes physiques incapacitants (par exemple, tendinite, syndrome de tension répétée) ou même ces deux désordres à la fois.

Les musiciens peuvent aussi être victimes de décisions arbitraires ou injustes de la part d'employeurs, bien que la plupart des types d'exploitation soient réduits au fil des ans grâce aux efforts des syndicats et des associations professionnelles représentant les musiciens, les professeurs de musique et les compositeurs. La Fédération américaine des musiciens des États-Unis et du Canada négocie des ententes syndicales avec les grands employeurs comme la SRC, le réseau CTV, l'ONF, l'industrie du disque et les compagnies productrices de messages publicitaires à contenu musical pour la radio et la télévision. Les sections locales de la Fédération américaine des musiciens négocient séparément avec les orchestres symphoniques, les salles de concert, les théâtres, les boîtes de nuit et les autres établissements où l'on présente des concerts ou des spectacles de musique, en vue d'assurer à leurs membres des niveaux de salaires et des conditions de travail convenables. L'Union des Artistes (UDA) et l'Association of Canadian Television and Radio Artists (ACTRA) protègent les droits de leurs membres et les droits d'enregistrement pour la radio et la télévision, la Canadian Actors' Equity Association protège les exécutants de la scène et la SOCAN assume la collecte et la distribution des droits d'auteur des compositeurs, des chansonniers et des paroliers pour l'exécution en public de leur musique, que ce soit en direct ou par enregistrement.

Bien que ces agences et d'autres permettent à bon nombre d'artistes et de créateurs musicaux d'être rémunérés convenablement pour leur dur travail et leur créativité, il reste au Canada des boîtes de nuit et d'autres lieux de divertissement qui ne sont pas soumis à des ententes syndicales et où les musiciens ne jouissent pas des salaires ou des avantages offerts par les établissements syndiqués. En outre, la deuxième phase des réformes à la Loi sur le droit d'auteur, qui est attendue depuis longtemps et doit enchâsser pour la première fois au Canada la notion de droits d'auteur payables aux musiciens dont les disques sont joués à la radio et à la télévision (en sus des droits d'auteur des compositeurs et des paroliers), n'était toujours pas adoptée au début de 1997. Il en résulte que les musiciens professionnels demeurent privés de revenus auxquels plusieurs d'entre eux croient, à juste titre, avoir droit. En 1992, le gouvernement fédéral adopte la Loi sur le statut de l'artiste, qui reconnaît pour la première fois que les artistes canadiens sont des travailleurs professionnels autonomes ayant les mêmes droits et privilèges que les autres professions et qui leur accorde l'accès aux programmes sociaux comme les pensions, l'assurance-invalidité et l'assurance-chômage. Mais le Québec demeure la seule province canadienne à avoir adopté une loi semblable. Étant donné que plusieurs questions d'ordre culturel et artistique échappent à la juridiction fédérale, les effets de la loi de 1992 demeurent limités et les musiciens professionnels en sont réduits à attendre l'adoption d'autres mesures au niveau provincial.

Il est de plus en plus possible pour les jeunes musiciens qui poursuivent des études de musique au Canada d'obtenir une excellente formation et de se préparer ici même à une carrière professionnelle. Les collèges et les universités du pays offrent maintenant un large éventail de programmes menant au baccalauréat en musique. Ces programmes comprennent l'étude du jazz, l'exécution de musique classique ou populaire, la théorie et la composition, l'enseignement de la musique, la musicologie, la critique musicale et la musicothérapie. Les universités canadiennes plus importantes offrent certains de ces programmes aux niveaux de la maîtrise et du doctorat. La majorité de ceux qui cherchent à faire carrière aux niveaux les plus élevés de la profession continuent à poursuivre une formation supérieure et à acquérir une expérience professionnelle à l'étranger. Pour plusieurs de ceux qui étudient la musique populaire et pour plusieurs Canadiens anglophones étudiant la musique classique, la destination préférée est les États-Unis, tandis que les Canadiens francophones préfèrent poursuivre leur formation en musique classique en Europe. Les musiciens qui reviennent au pays et cherchent de l'emploi dans les grands orchestres professionnels et dans les universités continuent de découvrir, dans la dernière décennie du XXe siècle, que la majorité des employés de ces institutions sont encore des étrangers, surtout des Américains. Toutefois, le fait que, au début des années 90, le tiers des musiciens de l'OST sont des Canadiens est la preuve que les temps changent.

Les Canadiennes sont actives dans la profession musicale depuis au moins le milieu du XIXe siècle. Bien qu'il y ait plus de 100 ans qu'elles se taillent une place dans les compagnies d'opéra professionnelles et dans l'enseignement de la musique, particulièrement dans les studios privés et dans les écoles primaires, il leur faut plus de temps pour être acceptées comme compositrices ou instrumentistes professionnelles. En 1940, les femmes n'étant pas acceptées dans les orchestres, la violoniste Ethel Stark devient la co-fondatrice du Montreal Women's Symphony Orchestra, un ensemble professionnel qu'elle dirige et qui survit jusque dans les années 60, époque où les femmes commencent à pénétrer les rangs des grands orchestres. Les premières compositrices employées par une université canadienne sont Jean COULTHARD et Barbara PENTLAND à l'U. de la Colombie-Britannique en 1947 et 1949, respectivement. D'autres femmes finissent pas être nommées professeures dans des écoles de musique canadiennes mais, alors que la fin du siècle approche, elles demeurent toujours moins nombreuses que leurs collègues masculins dans les universités et les orchestres professionnels au Canada. En 1990, par exemple, 23 des 101 musiciens de l'OST sont des femmes.

Dans les années 90, les orchestres canadiens comptent au moins trois premiers violons féminins. Cependant Gwen Hoebig à l'ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE WINNIPEG, Chantal Juillet (co-premier violon) à l'ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL, et Jean Lamon continuent de diriger l'orchestre baroque TAFELMUSIK à Toronto depuis la chaise du premier violon. De plus, Maureen FORRESTER, la chanteuse d'opéra de réputation internationale, occupe le poste prestigieux de présidente du Conseil des arts du Canada de 1983 à 1988. Entre-temps, plusieurs générations de Canadiennes jouent des rôles importants dans le domaine de la musique populaire. Depuis LA BOLDUC, au Québec, dans les années 20 et 30, jusqu'à Joni MITCHELL, Anne MURRAY, Céline DION, K.D. LANG et Shania Twain, pour ne nommer que cinq chanteuses étoiles des années 90, un nombre croissant de Canadiennes sont acclamées au pays et à l'étranger.

Si l'on en juge d'après les succès internationaux de plus en plus nombreux de la fin du XXe siècle, dont ceux des chanteurs rock Bryan ADAMS et Alanis Morrissette, du CANADIAN BRASS et du pianiste classique Louis LORTIE, des chanteurs d'opéra Nancy Argenta et Ben HEPPNER, de l'orchestre symphonique de Montréal et de Tafelmusik à Toronto, les musiciens et les ensembles canadiens présentent au monde une maturité et une confiance artistiques nouvelles qui augurent extrêmement bien de l'avenir de la profession musicale au Canada à l'aube du troisième millénaire.

Voir aussi  : MUSIQUE DE CHAMBRE; MUSIQUE, DIFFUSION DE; CRITIQUE MUSICALE; MUSIQUE, INSTRUMENTS DE; MUSICOLOGIE; OPÉRA; MUSIQUE ORCHESTRALE; DISQUE, INDUSTRIE DU; MUSIQUE RELIGIEUSE; CHANSONS, COMPOSITION DE.