Sécurité sociale | l'Encyclopédie Canadienne

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Sécurité sociale

La sécurité sociale désigne l'ensemble de mesures destinées à maintenir, protéger et à améliorer les conditions de vie essentielles.

Sécurité sociale

La sécurité sociale désigne l'ensemble de mesures destinées à maintenir, protéger et à améliorer les conditions de vie essentielles. L'expression recouvre plus spécifiquement les programmes financés et administrés par l'État en guise de compensation pour les pertes de revenus attribuables à divers facteurs : grossesse, maladie, accident, invalidité, décès ou absence du soutien de famille, chômage, vieillesse ou retraite, etc.

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, la notion de sécurité sociale au Canada a été élargie en vue de protéger les revenus des personnes et des familles contre les coûts des soins médicaux et hospitaliers, d'aider les familles nombreuses et de participer aux coûts du logement, bien que le Canada, contrairement à beaucoup de pays d'Europe de l'Ouest, n'offre qu'une aide limitée pour éviter que la part du revenu destinée au logement ne soit disproportionnée par rapport au revenu total. Les gouvernements ont également instauré des lois sur le SALAIRE MINIMUM et viennent en aide aux travailleurs qui doivent se perfectionner ou qui sont affectés à un autre poste. Dans les années 70, les gouvernements fédéral et provinciaux ont tenté d'implanter des programmes de « revenu annuel garanti », mais leurs craintes relatives aux coûts de ces programmes ont bloqué tout progrès nouveau en matière de sécurité sociale.

Histoire de la sécurité sociale au Canada

L'histoire de la sécurité sociale au Canada est une histoire qui se déroule presque exclusivement au XXe siècle, et plus précisément durant la deuxième moitié du XXe siècle, sous l'impulsion de la Deuxième Guerre mondiale. Pour bien comprendre la situation, il faut cependant se reporter aux contributions des premiers colons européens du XVIIe siècle, à la Confédération de 1867 et à l'ACTE DE L'AMÉRIQUE DU NORD BRITANNIQUE, aux conséquences de la Première Guerre mondiale, à la Crise des années 30 (époque où les Américains mettaient en oeuvre leurs propres programmes de sécurité sociale, et où les Canadiens nommaient une Commission royale d'enquête pour étudier les relations entre les deux ordres de gouvernement) et enfin aux répercussions de la Deuxième Guerre mondiale, ce cataclysme qui a poussé les gouvernements à mettre au point un système de sécurité sociale qui réponde aux besoins d'une société industrielle évoluée. Ce système sera mis au point sans plan bien déterminé, entre 1945 et 1971.

Une nouvelle loi plus libérale, la LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE, adoptée en 1971, est le point culminant des programmes de sécurité sociale au Canada. Par la suite, les gouvernements deviennent plus restrictifs, face à la hausse croissante des dettes et des déficits, ainsi que devant une nouvelle menace (la stagflation) qui pointe à l'horizon. Une nouvelle ligne de pensée en matière de sécurité sociale apparaît : les concepts d'universalité sont rejetés au profit d'interventions sélectives et bien ciblées. Certaines notions séculaires et discréditées du XIXe siècle sont dépoussiérées et présentées comme des idées nouvelles. Tout comme les lois des pauvres (« poor laws ») adoptées au XIXe siècle ont été l'objet de critiques pour avoir favorisé le paupérisme, la loi sur l'assurance-chômage fait l'objet de critiques à la fin du XXe siècle pour avoir fait grimper le nombre de chômeurs. Les « soupes populaires » des années 30 réapparaissent dans les années 80 sous le vocable de « banques alimentaires », et une pratique courante au XIXe siècle, qui limitait l'aide aux pauvres « méritants » est reprise en 1989, avec le crédit d'impôt sur les revenus, conçu pour venir en aide aux familles à faible revenu, mais qui restreint l'aide à ceux qui ont un parent sur le marché du travail. Ces idées, et d'autres, tout aussi discréditées, en matière de programmes de sécurité sociale, font partie de nos traditions et doivent être examinées à la lumière de certains faits saillants.

Révision des programmes sociaux canadiens

En 1994, le nouveau gouvernement libéral au pouvoir à Ottawa rend public un document de travail en vue d'une restructuration du système canadien de sécurité sociale. Les premières cibles de cette réforme sont le régime d'assurance-chômage et le soutien du fédéral aux programmes provinciaux de la santé, de l'aide sociale et de l'enseignement supérieur. Les pensions de vieillesse ne sont pas abordées.

L'accès des Canadiens au marché du travail est au centre de cette réforme. Un constat se dégage de ce document de travail : les chômeurs canadiens manquent de formation ou de motivation. On jette le blâme sur les programmes de soutien tels que l'assurance-chômage et l'aide sociale qui seraient à l'origine du manque de motivation des travailleurs. Ces programmes doivent adopter parmi les types d'aide offerte un caractère plus « actif ». On ne porte que peu d'attention à la création d'emploi.

Dans ce document de travail, le gouvernement perçoit les mêmes faiblesses que celles qu'ont soulevées ses prédécesseurs du Parti conservateur 10 ans auparavant.

L'époque coloniale

Les premiers colons de la NOUVELLE-FRANCE introduisent une pratique française du XVIIe siècle qui consiste à confier le soin des vieillards, des malades et des orphelins à l'Église catholique et à ses institutions. Pour leur part, les Britanniques qui se sont établis à Halifax au milieu du XVIIIe siècle introduisent la législation anglaise sur l'assistance publique (poor law) instaurée en 1598 par le Parlement britannique. Cette loi confie la responsabilité des pauvres à la plus petite unité administrative anglaise, la paroisse, qui puise ses fonds à même les taxes foncières locales. Cette législation britannique introduit l'idée que les autorités publiques sont responsables des démunis et remplace une très ancienne tradition voulant qu'ils obtiennent l'autorisation de mendier et qu'ils dépendent de la charité publique.

La législation anglaise sur l'assistance publique est également introduite dans les colonies américaines, et les LOYALISTES l'introduisent à leur tour au Nouveau-Brunswick actuel. En 1763, la Nouvelle-Écosse adopte une loi conçue sur ce modèle, imitée par le Nouveau-Brunswick en 1786. Les fonds recueillis localement sont parfois complétés par des subventions provinciales, lorsque survient une situation d'urgence, un grave incendie, par exemple, ou une épidémie de fièvre typhoïde.

Ailleurs en Amérique du Nord britannique, ce modèle de législation sur l'assistance publique n'est pas repris aussi fidèlement. À l'Île-du-Prince-Édouard, par exemple, qui ne compte qu'une ou deux villes d'une certaine importance, les fonds destinés aux situations d'urgence ne proviennent que de ces villes; à Terre-Neuve (où le ministère des Colonies de Londres n'encourage nullement l'établissement d'institutions municipales), les organismes de bienfaisance, les amis et la famille sont les principales sources d'aide. En 1792, lorsque le droit civil anglais est presque intégralement introduit dans la nouvelle province du HAUT-CANADA, on ne réussit pas à faire adopter une loi sur l'assistance publique, ce qui a pour effet d'encourager les oeuvres de charité. Au BAS-CANADA, de tradition française, on compte sur les dons pour financer les oeuvres de bienfaisance de l'Église catholique. Les protestants anglais du Bas-Canada mettent sur pied leurs propres institutions charitables pour prêter secours aux pauvres de langue anglaise.

À l'époque coloniale, la majorité de la population vit dans de petites communautés rurales et elle est plus autosuffisante qu'elle ne l'est aujourd'hui, non seulement par nécessité, mais parce que le contexte s'y prête mieux. Les Canadiens vivent alors surtout des produits de la ferme et font du troc pour les autres biens de première nécessité. Dans les situations d'urgence, on s'entraide entre voisins. Toutefois, la charité est le seul recours de ceux qui n'ont ni amis ni famille et, dans bien des cas, y recourir est un symbole d'échec personnel. Au Canada français, le simple fait de demander de l'aide aux églises est rebutant. D'ailleurs, l'aide consentie par les organismes de charité est souvent infime, de nature paternaliste, et fréquemment administrée d'une manière rude et humiliante. L'exemple classique de cette situation est l'hospice municipal, une institution de l'assistance publique que l'on trouve dans les villes de grande et de moyenne importance, où l'on abrite des indigents de tout âge, des malades, des personnes séniles, des déficients mentaux, des chômeurs, des enfants et des nourrissons. Sa réputation est si horrible que seules les pires victimes de la faim y vont chercher secours. Au Nouveau-Brunswick, dans certaines des plus petites localités, où l'on n'a pas les moyens d'établir une institution de ce genre, on laisse le soin des pauvres à des familles, pratique extrêmement humiliante qui s'est perpétuée jusqu'à la fin du XIXe siècle.

De la Confédération à la Deuxième Guerre mondiale

En vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (maintenant la Loi constitutionnelle de 1867), le rôle plutôt mince que jouent les gouvernements en matière d'aide sociale relève des provinces et inclut le droit exclusif de légiférer sur « l'établissement, l'entretien et la gestion des hôpitaux, des asiles, des oeuvres de bienfaisance et des organismes de charité »; c'est là une description sommaire des institutions en place. En fait, on considère alors implicitement que la santé et le bien-être social sont des questions d'intérêt purement local et que les provinces doivent déléguer une bonne partie de ces responsabilités aux municipalités ou aux organismes de charité. Toutefois, les gouvernements provinciaux se chargent de plus en plus de toute une série de programmes de santé et d'assistance sociale, en particulier dans les provinces de l'Ouest, où les organismes municipaux sont rudimentaires, voire inexistants.

Après 1867, l'industrialisation attire la population vers la ville. Partis pour améliorer leur situation économique, beaucoup finissent par se rendre compte qu'ils ont délaissé la sécurité relative de la ferme familiale pour l'insécurité du travail en usine. On dépend maintenant d'un salaire régulier, et toute interruption de ce revenu menace sérieusement les conditions de vie. Au cours des années qui suivent la Confédération, la perception de la population quant au rôle du gouvernement sur le plan de la sécurité économique est encore teintée des valeurs d'indépendance et d'individualisme des pionniers. Des débats publics enflammés ont cours sur le bien-fondé de l'instruction publique, des services de santé publics et des interventions du gouvernement sur les conditions de travail. Les secours apportés aux pauvres sont toujours aussi stigmatisés, et la PAUVRETÉ, que l'opinion publique associe à l'échec personnel, est souvent attribuée à l'alcoolisme.

Pour ne pas dépendre de la charité publique, les travailleurs du XIXe siècle s'organisent en fraternités. Les membres versent régulièrement une petite cotisation dans un fonds spécial dont ils peuvent se prévaloir, si la maladie ou un accident les empêche de travailler. Les syndicats, qui commencent à se former à cette époque, luttent pour améliorer les conditions de vie et se protéger contre les pertes salariales, mais cette protection est limitée et n'est accessible qu'à une minorité de travailleurs. Avec l'industrialisation croissante de la fin du XIXe siècle, le nombre d'accidents du travail augmente. Les syndicats et autres regroupements portent le problème sur la place publique. Le débat se traduit en 1914 par l'instauration du premier programme moderne de sécurité sociale, la Loi sur les accidents du travail de l'Ontario. Les accidentés du travail ont dorénavant le droit de réclamer un revenu régulier, et l'exemple de l'Ontario est bientôt imité par d'autres provinces.

Notons toutefois qu'un travailleur victime de la négligence de son employeur renonce à son droit de le poursuivre, en vertu de cette indemnité. Comme ce genre de poursuites devient plus courant et que les travailleurs ou les personnes laissées dans le deuil ont plus fréquemment gain de cause, les propriétaires d'entreprises n'ont pas grand-chose à perdre, et encore moins qu'avant, grâce à cette loi. C'est ce qui explique la rapide apparition au Canada des premières mesures de sécurité sociale. Il faudra attendre 1940 avant qu'une autre mesure de sécurité sociale ne soit adoptée, soit la Loi sur l'assurance-chômage.

L'assurance sociale, fondée sur la reconnaissance que l'insécurité financière n'est pas une tare, mais plutôt quelque chose de normal dans une société urbaine industrialisée, est une idée émise pour la première fois en Allemagne, vers 1880. La Grande-Bretagne adopte un premier programme d'ASSURANCE-CHÔMAGE en 1911. Ces mesures font prendre conscience aux travailleurs qu'ils sont en droit d'obtenir de l'aide et, dès lors, le principe est rapidement accepté partout dans le monde industriel.

Première Guerre mondiale et sécurité sociale

La Première Guerre mondiale accélère les processus d'urbanisation et d'industrialisation et intensifie les revendications visant à obtenir des PENSIONS DE VIEILLESSE et des allocations pour les veuves des civils, les femmes et les enfants abandonnés ainsi que des allocations familiales. En 1916, le Manitoba est la première province à adopter une Loi sur les pensions qui prévoit un revenu modeste, mais garanti, aux veuves, aux femmes divorcées ou abandonnées avec des enfants, qui toutes sont considérées comme des pauvres « méritantes ». En cinq ans, toutes les provinces à l'ouest du Québec adoptent une loi similaire. Cette aide appelée « assistance publique », basée sur l'examen des ressources, est une version moderne des anciennes lois sur l'assistance sociale en Angleterre.

En 1919, le Parti libéral fédéral s'engage à adopter une loi sur l'assurance-maladie, sur les pensions de vieillesse contributives et sur l'assurance-chômage. Aucune de ces promesses n'est tenue en raison de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui, semble-t-il, serait le principal obstacle. Mais les milieux d'affaires, qui finançaient les deux principaux partis politiques, sont un obstacle important, sinon le plus important.

Pour répondre aux attentes de la population qui réclame des lois sur l'aide sociale et pour contourner l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, le gouvernement fédéral crée les subventions conditionnelles qui lui permettent d'instaurer des programmes et de partager les frais de diverses catégories d'assistance publique avec les provinces, lesquelles seraient également responsables de l'administration de ces services (voir FINANCES INTERGOUVERNEMENTALES). C'est dans le cadre de cet arrangement que le premier régime de pension de vieillesse est instauré en 1927, et on ajoute à ce régime une pension pour les aveugles en 1937. Ce sont là deux exemples d'aide restrictives aux pauvres « méritants ». Pour être admissibles à ces programmes, les bénéficiaires se plier à des vérifications strictes et souvent humiliantes, qui témoignent une fois de plus de l'influence persistante des anciennes lois des pauvres sur cette forme rudimentaire d'assistance sociale.

La Crise des années 30 (1929-1939)

La CRISE DES ANNÉES 30 frappe durement la société canadienne. Des milliers de Canadiens jusque-là indépendants viennent grossir les rangs des assistés sociaux. Le gouvernement fédéral est confronté à un problème de taille qui consiste à venir en aide aux chômeurs, alors que cette question relevait auparavant des localités. Les programmes des années 30 visant à soulager la pauvreté et l'indigence s'inspirent essentiellement des méthodes du XIXe siècle, qui consistent en une aide municipale, appuyée par des organismes de bienfaisance. Plutôt que de donner de l'argent, on distribue des vivres, du combustible et des vêtements. On entasse les chômeurs célibataires dans des camps comparables à des camps militaires, qui rappellent les hospices du XIXe siècle (voir CHÔMEURS, CAMPS DE SECOURS POUR LES).

). En Alberta, les Indiens et les Métis non inscrits peuvent bénéficier d'une assistance sociale seulement s'ils vivent dans des colonies agricoles métisses. En 1939, une majorité de Canadiens se rendent compte que la faute incombe au système et non aux personnes ou aux familles.

Deuxième Guerre mondiale et programmes de sécurité sociale

La Deuxième Guerre mondiale règle le problème du chômage au Canada et le gouvernement fédéral, jusque-là paralysé devant la catastrophe économique et sociale de la Crise des années 30, est en mesure d'organiser et de financer l'effort de guerre. Cette initiative marque un changement majeur de la part du gouvernement, qui s'impose davantage, ce que les Canadiens apprécient. Ils veulent en effet que le gouvernement passe à l'action et le Parti social démocratique, le parti politique qui se montre le plus favorable à l'idée que le gouvernement intervienne davantage, acquiert de plus en plus de popularité en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et en Ontario.

Loi sur l'assurance-chômage de 1940

En 1935, la tentative visant à introduire une loi sur l'assurance-chômage est voué à l'échec, car cette loi est constitutionnellement ultra vires. En 1940, le gouvernement fédéral effectue les amendements nécessaires à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et adopte la Loi sur l'assurance-chômage, qui constitue un changement de cap total sur le plan de la sécurité sociale canadienne.

Il s'agit du premier programme de sécurité social à l'échelle nationale (les programmes d'indemnisation des accidents de travail étaient des initiatives provinciales et ne couvraient que les accidents de travail, la maladie et les décès). Lorsque les Canadiens sont en chômage, ils peuvent dorénavant réclamer des prestations d'assurance-chômage plutôt que de se présenter, main tendue, au bureau d'assistance sociale de la municipalité.

La mobilisation de la main-d'oeuvre, qui est un élément clé de l'effort de guerre, est à l'origine de la mise en place de ce programme en 1940. C'est d'ailleurs en se fondant sur cet effort de guerre que Léonard Marsh publie son Report on Social Security for Canada (rapport Marsh) en 1943. Cet ouvrage qui décrit en partie le programme de reconstruction d'après-guerre du gouvernement fédéral, se veut en même temps un exercice de mobilisation du moral dans un contexte de plein emploi, où l'on veut faire comprendre aux hommes politiques que la population ne tolérerait pas, après la guerre, un retour à la situation des années 30.

Ce rapport propose un programme de sécurité sociale global, fondé sur le plein emploi. Il met l'accent sur le recours à une assurance sociale contributive pour protéger le travailleur contre tout risque de pertes salariales, en plus d'un régime universel d'assurance-santé publique. Bien qu'il suscite beaucoup d'intérêt au pays, il s'avère trop radical et le gouvernement fédéral le relègue aux oubliettes. L'une des propositions du rapport de Marsh sert toutefois de plateforme électorale au Parti libéral, aux élections fédérales de 1945. Cette année-là, les libéraux adoptent en effet une loi sur les allocations familiales qui leur permet de conserver le pouvoir pendant cinq années supplémentaires (voir ALLOCATION FAMILIALE). En laissant tomber le rapport Marsh, le gouvernement abandonne également l'idée d'un régime pleinement intégré de sécurité du revenu qui aurait permis d'améliorer le niveau de vie, grâce à la formation professionnelle et à l'engagement du gouvernement à assurer le plein emploi.

En 1945, le gouvernement fédéral présente son propre programme de sécurité sociale (les propositions du livre vert) aux provinces. Les références au rapport de Marsh brillent par leur absence. Ce programme propose une assurance médicale et une assurance-hospitalisation à frais partagés, la prise en charge par le fédéral d'une pension pour les personnes âgées de 70 ans et plus, un régime de pension à frais partagés pour les personnes de 65 à 69 ans, et enfin, la prise en charge par le fédéral des chômeurs qui ne sont pas admissibles aux prestations d'assurance-chômage. On l'abandonnera toutefois en cours de route, en raison de disputes sur la question du partage des revenus entre les deux ordres de gouvernement.

Une partie des propositions du livre vert refait surface en 1951 avec l'institution d'un régime universel de pension de vieillesse pour les personnes de 70 ans et plus, qui remplace la loi de 1927 et le régime de retraite évalué en fonction des ressources, honnis de tous. Toutefois, une entente sur le partage des coûts des pensions de vieillesse pour les Canadiens de 65 à 69 ans, évaluée en fonction des besoins, garde bien vivants les préjugés du XIXe siècle vis-à-vis de l'assistance publique, et ce n'est que vers 1965 que l'on commence à s'en défaire progressivement. À cette époque, les gouvernements ne font que boucher les trous dans le système de sécurité sociale canadien pour répondre aux attentes des groupes de pression politique les plus puissants. Toute planification globale et coordonnée est abandonnée et le système de sécurité sociale se développe au petit bonheur et au gré du vent politique du moment.

Assurance-hospitalisation et assurance médicale

L'accès aux soins de santé, qui a toujours été un problème pour les pauvres, devient une difficulté généralisée au Canada, durant la Crise des années 30. La question de l'assurance-santé provoque beaucoup d'agitation à cette époque, et le Parti libéral fédéral promet qu'il interviendra en 1919.

En 1945, un programme d'assurance-hospitalisation couvrant l'ensemble des citoyens de la province de la Saskatchewan remporte un franc succès. Les autres Canadiens veulent dès lors obtenir la même protection. En 1957, le gouvernement fédéral accepte de partager les coûts des programmes d'assurance-hospitalisation provinciaux et, en 1961, les 10 provinces bénéficient de ce même programme. Les services de charité dans les hôpitaux disparaissent du jour au lendemain, mais les honoraires des médecins sont toujours hors de portée de nombreux citoyens. Le gouvernement de la Saskatchewan, un fois de plus pionnier à ce chapitre, adopte en 1962 un régime d'assurance-maladie universel, subventionné par les deniers publics et administré par l'État. C'était une première en Amérique du Nord.

En 1966, le gouvernement fédéral adopte la Loi sur l'assurance-maladie, en vertu de laquelle il contribuera aux programmes d'assurance-maladie des provinces, dans la mesure où ces programmes, uniformisés à l'échelle nationale, répondront aux objectifs qu'il s'est fixé. Ainsi veut-il garantir aux provinces une couverture universelle des services de médecine générale et spécialisée, quel que soit l'âge, la situation ou la capacité de débourser des citoyens. En 1971, l'ensemble des provinces canadiennes adhèrent à ce programme, conformément aux dispositions de cette loi (voir SANTÉ, POLITIQUE SUR LA SANTÉ).

Améliorations apportées au régime de pensions

Plus tôt, en 1965, le gouvernement fédéral instaure le RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA, qui offre des prestations d'aide sociale aux retraités, aux personnes handicapées et aux conjoints survivants. Ce programme, visant à améliorer le régime de pensions de vieillesse, reconnaît que la majorité des travailleurs ne sont pas protégés par les plans de pension de leurs employeurs. Appliqué à l'échelle nationale, à l'exclusion du Québec, qui adopte un régime équivalent, le RÉGIME DES RENTES DU QUÉBEC, ce programme permet aux travailleurs de conserver leurs droits d'adhésion au régime, même s'ils changent d'emploi ou déménagent dans une autre province. Ce régime d'assurance obligatoire couvre la presque totalité des travailleurs. C'est également le premier programme de sécurité sociale canadien à indexer les avantages sociaux au coût de la vie (voir PENSION DE VIEILLESSE).

Redécouverte de la pauvreté

Une enquête du Sénat effectuée en 1969 révèle qu'un Canadien sur quatre vit en deçà du seuil de pauvreté et que près de deux millions de Canadiens sont des travailleurs à faible revenu, des gens dont le revenu d'emploi est insuffisant pour qu'ils puissent arriver à s'en sortir. Des provinces commencent à accorder un supplément de revenu aux familles à faible revenu, après vérification du revenu et des biens. C'est le cas de la Saskatchewan en 1974, du Québec en 1979 et du Manitoba en 1980. Le fédéral propose en 1975 de partager les coûts du supplément de revenu, mais les provinces rejettent cette proposition parce qu'elle leur semble trop onéreuse. En réalité, très peu d'efforts sont consentis pour aider les travailleurs à faible revenu, et les enfants qui grandissent dans la pauvreté continuent d'être un sujet de préoccupation.

Sécurité sociale dans les années 80

Les années 80 sont des années décisives pour le système de sécurité sociale du Canada. Cette décennie commence avec un taux d'inflation à deux chiffres, suivi de la plus grave récession économique (1981-1983) depuis les années 30. Il s'ensuit un taux de chômage très élevé, une réduction de la croissance économique, une baisse marqué des revenus fiscaux avec, comme corollaire, une forte croissance des déficits gouvernementaux. Devant cette situation, les gouvernements fédéral et provinciaux passent les programmes sociaux au peigne fin et mettent de l'avant des politiques de restriction budgétaire. D'aucuns considèrent les programmes universels telles les allocations familiales et les pensions de vieillesse extravagants dans le présent contexte économique, tandis que d'autres préconisent même des compressions dans les programmes d'assurance-chômage, alors que le taux de chômage est de plus de 11 p. 100 au pays. Des propositions visant à revoir les programmes canadiens de sécurité sociale pointent à l'horizon.

Vers un système d'assurance santé à deux niveaux?

De l'avis de nombreux observateurs, le régime d'assurance-maladie donnant libre accès à une multitude de services médicaux est de plus en plus remis en question à partir du début des années 80. Les médecins exigent des honoraires supplémentaires, et des frais d'utilisation des services hospitaliers sont imposés dans certaines provinces. Ces pratiques ont pour but de pallier l'austérité grandissante des budgets pour la santé, tant au fédéral qu'au provincial.

En 1984, avec l'appui de tous les partis politiques, le gouvernement fédéral intervient pour endiguer le courant qui menace l'accès universel en adoptant la Loi canadienne sur la santé. Cette loi qui réaffirme le principe d'accès universel demande aux provinces d'éliminer les frais d'utilisation des hôpitaux et les honoraires supplémentaires des médecins en trois ans. Il s'agit là d'une condition préalable au partage fédéral des coûts pour les soins de santé avec les provinces. Dans le cas contraire, les provinces sont pénalisées par un montant égal au montant facturé aux patients. En 1987, la Loi canadienne sur la santé atteint son but en grande partie. Même si les tenants des honoraires supplémentaires et du ticket modérateur affirment que l'on n'a plus la maîtrise des coûts relatifs aux soins médicaux et que des revenus additionnels sont nécessaires, un examen des dépenses publiques sur les soins de santé par une commission royale d'enquête fédérale formée en 1984 révèle une relative stabilité des dépenses publiques dans ce secteur, depuis la mise en vigueur du régime d'assurance-maladie.

De plus, les économistes spécialistes de la santé considèrent qu'une meilleure allocation des ressources existantes est possible et identifient les possibilités d'épargne. Cette initiative visant à introduire un système de soins de santé à deux niveaux au Canada, l'un déboursé par les patients, l'autre par le secteur public se traduira, si l'on en juge par les expériences au Royaume-Uni et aux États-Unis, par un service de première classe dans le secteur privé pour ceux qui ont des ressources suffisantes, et un service du secteur public se détériorant à un rythme constant pour la majorité. Or la population canadienne repousse ce système. Le régime canadien d'assurance-maladie demeure, et de loin, le programme social le plus populaire du pays.

Pensions et inflation

L'inflation, qui atteint les deux chiffres pour la première fois au milieu des années 70, et dont la hausse se poursuit jusqu'au début des années 80, a de graves conséquences sur la population à revenus fixes. La politique relative aux pensions de vieillesse devient par la suite un enjeu majeur. Diverses questions sont débattues à l'échelle nationale : l'accroissement de la pauvreté chez les personnes âgées et plus particulièrement chez les femmes âgées et célibataires; l'inquiétude que soulève le coût du régime de pensions dans une population canadienne vieillissante; la nécessité de mettre sur pied un régime de retraite qui reconnaisse les nouveaux rôles des femmes et, question peut-être la plus litigieuse, le fait que la majorité des régimes de retraite privés (plus de 14 000), couvrant quelque 4,1 millions de travailleurs, ne sont pas indexés au coût de la vie, contrairement aux régimes de retraite publics.

Les syndicats ouvriers, les organisations d'aide sociale, les groupes de défense des droits des femmes, les gouvernements du Québec et de la Saskatchewan, de même qu'un rapport d'un comité sénatorial proposent d'améliorer le régime de retraite public et d'adopter des normes de rendement plus élevés pour les régimes de pension privés, incluant l'indexation intégrale au coût de la vie.

Les milieux d'affaires, le secteur économique des pensions et les provinces de l'Ontario et de la Colombie-Britannique favorisent l'approche du marché privé en matière de régime de retraite et s'opposent à toute expansion du régime de retraite publique. Les représentants des régimes de retraite du secteur privé sont également contre la quantité de règlements exigés des programmes de retraite privés et rejettent catégoriquement les propositions d'indexation au coût de la vie.

Lorsque le taux d'inflation baisse en 1983, les pressions exercées en vue d'une réforme du régime de retraite diminuent et aucun changement important n'intervient. Le gouvernement fédéral tente de réduire son déficit en 1984 en désindexant partiellement les prestations de pension de vieillesse, mais recule devant le lobby efficace des organismes de défense des droits des retraités. Pour régler le problème des retraités vivant dans la pauvreté, le gouvernement fédéral augmente alors le supplément de revenu garanti de 50 dollars par mois. En 1985, il adopte une stratégie similaire en désindexant partiellement les allocations familiales et le crédit d'impôt pour enfants, et il augmente le crédit d'impôt pour enfant en fonction du revenu (voir ALLOCATIONS FAMILIALES).

Tentative infructueuse de réforme de l'assurance-chômage

L'assurance-chômage fait l'objet d'une commission fédérale d'enquête dans les années 80. Des taux de chômage particulièrement élevés amplifient les coûts de ce programme, et les représentants des milieux d'affaires soutiennent que l'existence même de l'assurance-chômage contribue à faire grimper le taux de chômage. Le rapport de la commission penche également en ce sens et recommande une série de mesures visant à réduire les prestations qui, argue-t-on, encouragent les chômeurs à demeurer prestataires plus longtemps que nécessaire. La majorité des membres de la commission recommandent également que les quelque 3 milliards de dollars ainsi récupérés à même les prestations soient transférés aux programmes de recyclage des travailleurs, de relocalisation ainsi qu'aux programmes de subventions salariales.

Une minorité de membres publient un rapport d'avis contraire. Ils font valoir que le taux de chômage est le reflet d'une pénurie d'emplois et de la lenteur de la croissance économique et qu'il n'a rien à voir avec la motivation personnelle. Ils pressent le gouvernement de rendre l'assurance-chômage plus facilement accessible et d'augmenter les prestations. Le rapport de cette commission est rendu public en novembre 1986, mais les propositions de la majorité des membres sont tellement controversées que le rapport est par la suite relégué aux oubliettes.

Vers un régime de revenu annuel garanti?

Un programme visant à revoir l'ensemble du système de sécurité sociale canadien fait surface en 1984, à l'issue du rapport de la COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR L'UNION ÉCONOMIQUE ET LES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA. Ce rapport fait valoir qu'avant la fin du XXe siècle, le Canada sera forcé d'entreprendre des changements économiques majeurs qui pourraient bouleverser de nombreux travailleurs canadiens et que le système de sécurité sociale devra être redéfini de façon à mieux refléter la réalité.

La Commission recommande un régime de revenu annuel garanti appelé le Régime universel de sécurité du revenu, lequel serait financé et administré par le gouvernement fédéral. Il prévoit la somme optionnelle de 3 875 dollars annuellement pour tous les adultes et pour le premier enfant d'une famille monoparentale, et 765 dollars pour les autres enfants (9 150 dollars par année pour subvenir aux besoins d'une famille de quatre personnes, sans autre revenu). Ce programme serait financé en éliminant certains programmes de sécurité sociale déjà existants, et certains allégements fiscaux seraient éliminés. Étant donné qu'en 1984, un revenu de 9 150 dollars pour une famille de quatre membres vivant dans un important centre urbain se situe à 55 p. 100 sous le seuil de la pauvreté, les provinces seraient tenues de compléter le manque à gagner des familles et des personnes sans autres moyens de subsistance que leur prestation du gouvernement fédéral. La commission propose d'imposer ces revenus au taux de 20 p. 100. Ces propositions qui, aux dires de la Commission, sont « radicales et non superficielles », sont toutefois considérées comme trop radicales par les hommes politiques, et le rapport se retrouve finalement sur les tablettes. Une variante des idées formulées dans ce rapport pourra éventuellement être intégrée aux programmes canadiens de sécurité sociale à venir, étant donné que le nombre d'emplois permanents et à temps plein tend à diminuer.

Sécurité sociale canadienne en décroissance

Le flot de programmes de sécurité sociale atteint son point culminant en 1971, année de révision de la Loi sur l'assurance-chômage, afin de lui donner une portée plus large et d'augmenter les prestations. Depuis, le système de sécurité sociale prend du recul. Un ralentissement de l'économie, une hausse des taux d'inflation, une réduction des revenus gouvernementaux et des dépenses plus élevées que prévu destinées à l'aide sociale et aux prestations d'assurance-chômage ainsi qu'un nombre sans cesse croissante de Canadiens à la retraite donnent lieu à une campagne orchestrée par les milieux d'affaires et les grandes compagnies pour une réduction draconienne des dépenses publiques.

Le gouvernement conservateur, au pouvoir à Ottawa en 1984, est à l'origine de ces compressions. Son objectif général étant d'améliorer la situation économique canadienne, il identifie quatre faiblesses du système de sécurité sociale au Canada : le niveau des dépenses est trop élevé, les programmes ne s'adressent pas toujours à ceux qui en ont le plus besoin, l'assistance publique est devenue un substitut au revenu gagné et les programmes de revenu garanti incitent moins au retour au travail et à l'autonomie.

C'est dans ce contexte que le gouvernement décide de mettre un terme à l'universalité des allocations familiales et des pensions de vieillesse payées par le gouvernement. En 1989, il adopte une disposition de récupération, forçant les familles à revenus élevés à rendre la totalité des prestations de ces deux programmes universels. La même règle s'applique aux personnes âgées à revenus élevés. En 1992, les allocations familiales et le crédit d'impôt pour enfants sont remplacés par un nouveau programme de prestation fiscale qui prévoit un revenu mensuel non imposable pour chaque enfant, calculé d'après le revenu familial net déclaré dans les déclarations de revenus de l'année précédente. Des prestations maximales sont accordées aux familles à revenus faibles et modérés, tandis qu'elles sont progressivement réduites pour les familles dont le revenu familial atteint un plafond fixé à 25 921 dollars (le revenu moyen par famille est de 38 565 dollars en 1992).

Lorsque les libéraux reprennent le pouvoir en 1993, ils poursuivent ce désengagement de l'État vis-à-vis de l'universalité des prestations et annoncent en 1996 que le programme de pensions de vieillesse sera remplacé en l'an 2001 par des prestations de la Sécurité de la vieillesse fondées sur le revenu. Cette brèche faite au principe de l'universalité des programmes de sécurité sociale semble être la formule la plus populaire au Canada, celle qui demeure intouchable sur le plan politique. Pourtant, il y a 10 ans, la population tenait les mêmes propos au sujet des allocations familiales et de la sécurité de la vieillesse.

Régime d'assurance-chômage à deux niveaux

Dans un changement de cap « orwellien », le gouvernement décide de remplacer l'expression « assurance-chômage » par « assurance-emploi ». Ce nouveau système mis en place le 1er juillet 1996 fait une distinction entre les prestataires « normaux » et les prestataires « habituels ». Ces derniers sont sujets à des réductions de prestations et, éventuellement, à des vérifications du revenu. Par ailleurs, l'admissibilité aux prestations peut être assujettie à la volonté du prestataire de prendre part à des projets de travaux communautaires ou à des programmes de formation. Il ne s'agit plus d'une assurance sociale, mais bien d'une forme d' « assistance-travail ».

Réforme de l'aide sociale

Le régime d'assistance publique du Canada (RAPC) à frais partagés, mis sur pied en 1966, a pour but d'améliorer les programmes ordinaires d'aide sociale des provinces communément appelés l' « assistance sociale ». Le RAPC présente pour la première fois des normes d'assistance sociale à l'échelle nationale : pour que le fédéral fournisse 50 p. 100 des coûts de l'assistance sociale, les provinces doivent répondre aux besoins financiers, quels que soient les motifs et le lieu de résidence. Cette politique met fin à la confusion entourant les catégories de programmes basées sur les pratiques de la loi de l'assistance sociale voulant que les pauvres « méritants » aient des programmes d'aide distincts de ceux des pauvres « non méritants » tels que les programmes pour les aveugles, les handicapés, les personnes âgées et les mères célibataires avec des enfants. Ces programmes sont remplacés par un seul programme d'aide sociale provinciale, qui inclut également la catégorie des « non méritants », soit ceux qui sont en mesure d'intégrer le marché du travail. Une mesure inusitée, la procédure d'appel, est également instituée en vertu du RAPC.

Deux programmes de transfert fédéraux depuis longtemps en vigueur sont abolis le 1er avril 1996, soit le financement des programmes établis, en vertu duquel le fédéral transférait de l'argent dans des programmes provinciaux de santé et de l'enseignement supérieur, ainsi que le régime d'assistance publique du Canada, par lequel Ottawa partageait les coûts de l'assistance sociale provinciale et de multiples services sociaux connexes dans une proportion de 50 p. 100 (en 1991, le gouvernement conservateur avait réduit sa contribution en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique pour un contrôle plus rigoureux des dépenses). Pour suppléer à ces programmes, un mécanisme de financement global est mis en place, le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), en espèces et en points d'impôt, mais le budget alloué à cet effet subit une importante baisse de 7 milliards de dollars échelonnée sur deux ans, soit de 1996 à 1998. Par ailleurs, le TCSPS stipule que les standards nationaux pour la santé seront maintenus, mais dans les faits, tous les standards du RAPC sont abolis, sauf un.

Il reviendra aux provinces de répartir ce qui reste des paiements de transfert du fédéral. Certaines, comme l'Ontario et l'Alberta, ont déjà décidé de sabrer dans les paiements d'aide sociale aux familles et aux personnes les plus démunies, tandis que la Colombie-Britannique, dans un geste de défi à l'endroit du gouvernement fédéral qui n'a maintenu qu'un seul standard du RAPC, exige, depuis le 1er décembre 1995, que les bénéficiaires soient résidents depuis au moins trois mois avant d'être admissible à toute forme d'aide sociale.Sabrer dans les prestations d'aide sociale est politiquement facile, sinon avantageux, du fait que notre perception de la PAUVRETÉ est encore ancrée à la mentalité qui prévalait au XIXe siècle. Toutefois, lorsque les compressions dans les TCSPS commenceront à frapper les provinces, les protestations politiques seront difficiles à maîtriser. L'enseignement supérieur et les services de santé touchent un segment de la population qui fait beaucoup plus de bruit. Les défenseurs de l'aide sociale craignent que la santé et l'enseignement supérieur ne récoltent l'argent destiné à l'aide sociale, afin d'apaiser la colère des défenseurs de ces services. Certains voient dans ces transferts fédéraux et les quelques conditions s'y rattachant une tentative de la part d'Ottawa de calmer les nationalistes québécois qui se rebiffent à la moindre interférence du fédéral dans un domaine de juridiction provinciale.

Dépenses relatives aux programmes sociaux trop élevées?

Si l'on compare les dépenses relatives aux programmes sociaux du Canada à celles d'autres sociétés industrialisées, le Canada occupe une position médiane. Pour les trois catégories suivantes : a) une famille à faible revenu, dont la mère est le seul soutien de deux enfants; b) une famille à salaire unique et irrégulier; et c) une famille dont le soutien est depuis longtemps sans travail, les fonds publics sont moins généreux au Canada que dans huit autres pays de l'OCDE.

Sécurité sociale au Canada : une nouvelle orientation

L'évolution de la sécurité sociale au Canada depuis le milieu des années 70, et plus particulièrement dans les années 80 et 90, est axée vers ce que R.M. Titmuss désigne comme le « modèle de politique sociale de la servante », c'est-à-dire que l'on considère les programmes sociaux comme le prolongement de l'économie. La flexibilité du marché du travail est la clé de la prospérité dans un contexte d'économie mondiale, dit-on aux Canadiens. Tout programme social qui fait entrave à la flexibilité tels les prestations d'assurance-chômage trop généreuses ou des paiements d'aide sociale « passifs » doivent être revus.

D'après le « modèle de la servante », les prestations doivent être payées selon « le mérite, la performance au travail et la productivité » plutôt qu'en fonction des besoins. C'est dans cette perspective que la nouvelle « assurance-emploi » entre en vigueur en 1996. Elle pénalise toutefois les travailleurs saisonniers, même dans les régions où les possibilités d'emplois sont inexistantes. Le concept d'assistance-travail, une idée véhiculée en Amérique et qui fait maintenant son chemin au Canada, est également derrière cette initiative qui exige des bénéficiaires de l'aide sociale de travailler ou d'obtenir une quelconque formation pour être admissible aux prestations. Bien que l'on reconnaisse l'importance de la formation, ces programmes d'assistance-travail sont critiqués aux États-Unis, car ils ne répondent pas aux normes établies et offrent peu d'espoir de mener à des emplois correctement rémunérés. L'idée sous-jacente à l'obligation de travailler pour être admissible aux prestations d'aide sociale est que les pauvres sont paresseux et qu'ils se servent du filet protecteur de l'aide sociale comme d'un hamac. On se rappelle que durant la Deuxième Guerre mondiale la liste des rationnaires avait fondu comme neige au soleil devant la multitude de possibilités d'emploi que l'effort de guerre avait entraînées dans son sillage. Cette expérience aurait pourtant dû mettre fin à un tel sectarisme.

Un modèle de sécurité sociale tout à fait différent et plus répandu dans les pays d'Europe de l'Ouest est axé vers l'intégration et la redistribution et offre des services universels multiples. Ce modèle lutte contre l'exclusion sociale, vise l'égalitarisme et cherche à sortir les familles et les personnes seules de la pauvreté.

Les cas d'exclusion sociale abondent au Canada : les sans abri; les enfants qui grandissent dans la pauvreté, les habitués des banques alimentaires et l'armée des sans emploi en sont autant d'exemples. Le système de soins de santé public, universel et payé d'avance, constitue toutefois un bel exemple d'inclusion et de promotion de la vie communautaire au Canada.

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