Cour suprême du Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Cour suprême du Canada

La Cour suprême du Canada est le tribunal d’appel de dernier ressort pour toutes les questions juridiques au pays, en toute matière relevant des compétences fédérales et provinciales. Alors qu’à ses débuts, la Cour n’est qu’un organe judiciaire modeste et opaque dont les décisions peuvent être annulées par le Comité judiciaire du Conseil privé, elle rend aujourd’hui des jugements sans appel sur un large éventail de questions juridiques et sociales, allant de la disponibilité de l’avortement à la constitutionnalité de la peine capitale et du suicide assisté.
Supreme Court of Canada

Système de précédents et d’appels

La Cour suprême du Canada constitue la plus haute cour d’appel du système judiciaire canadien. Elle prend des décisions sans appel au sein d’un système judiciaire fondé principalement sur la common law (recourant aux précédents jurisprudentiels) et sur le respect de la doctrine de Stare Decisis – l’idée voulant que les cours d’appel puissent modifier ou annuler les décisions des tribunaux inférieurs afin d’assurer l’application uniforme de la loi. Dénommés décisions d’appel, les jugements des cours d’appel deviennent contraignants pour les tribunaux inférieurs. Le principe du respect des jugements antérieurs constitue l’un des fondements du système judiciaire.

1867-1875 : création de la Cour

La Cour suprême est établie à peine une décennie après la Confédération. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique (la loi constitutionnelle fondant le Canada), adopté en 1867, comprend une disposition prévoyant l’établissement par le Parlement d’une « Cour générale d’appel pour le Canada ». L’idée suscite cependant devifs débats chez les politiciens canadiens.

En 1869 et 1870, le gouvernement conservateur du premier ministre John A. Macdonald tente de créer une cour d’appel générale, ce à quoi s’opposent de nombreux députés libéraux et conservateurs, certains d’entre eux redoutant que le nouveau tribunal ne puisse porter atteinte aux droits des provinces. De nombreuses personnes craignent que le gouvernement Macdonald ne compromette l’impartialité de la Cour en nommant des juges qui pencheront vers l’octroi de droits plus importants au gouvernement fédéral.

Enfin, le 8 avril 1875, le gouvernement libéral du premier ministre Alexander Mackenzie persuade le Parlement d’adopter un projet de loi créant la Cour suprême, faisant valoir la nécessité d’uniformiser le droit canadien et de fournir des interprétations constitutionnelles sur des questions destinées à peser sur l’évolution de la jeune fédération.

Mackenzie, Alexander (premier ministre)
(avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada/C-20052).

La Cour se trouve à l’origine dans la Salle des chemins de fer du complexe du Parlement , puis dans divers bâtiments d’Ottawa, avant de s’installer dans son édifice permanent sur la rue Wellington, en 1946.

Dans les années qui suivent sa création, la Cour suprême peut voir ses décisions faire l’objet d’un appel en vue d’une interprétation définitive par le Comité judiciaire du Conseil privé de Grande-Bretagne.

1875-1949 : Comité judiciaire du Conseil privé

L’histoire de la Cour suprême peut être divisée en trois périodes. Durant la première d’entre elles, la majorité des cas constitutionnels importants étudiés par la Cour sont liés aux questions de répartition des compétences entre Ottawa et les provinces. De nombreuses décisions sont portées en appel à Londres, où le Comité judiciaire du Conseil privé établit un certain équilibre dans la division des responsabilités législatives. Cependant, le Comité judiciaire voit son travail compliqué par son inexpérience en matière de traitement des questions concernant un État fédéré tel que le Canada, qui se distingue de la nature unitaire de l’État britannique.

Les critiques du Comité judiciaire font valoir que ses jugements favorisent les provinces et constituent des manipulations juridiques. La Cour suprême a également tendance à interpréter l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de manière très littérale, alors que le Comité judiciaire a tendance à tenir compte des considérations sociopolitiques.

1949-1982 : Déclaration des droits et canadianisation

Les appels au Comité judiciaire pour les affaires pénales sont supprimés en 1933, tout comme les affaires civiles, en 1949. Pendant ce temps, la Cour suprême fait face à des questions de plus en plus controversées au sujet des libertés religieuses, des procédures policières et de la censure. Les juges ne disposent cependant que d’un nombre limité de moyens, tels que la jurisprudence ou les textes législatifs, à même de les aider à parvenir à leurs décisions.

En 1960, le gouvernement du premier ministre John Diefenbaker tente de résoudre cette lacune en promulguant la Déclaration canadienne des droits, qui encourage le pouvoir judiciaire à tenir compte des garanties relatives aux droits de la personne. Dans les premiers cas suivant la promulgation, la Cour suprême préconise une interprétation extensive de la Déclaration. Les juges en abandonnent toutefois rapidement les objectifs, car bien qu’ayant été adoptée par le Parlement, celle-ci n’a pas l’autorité ultime qu’aurait conféré son enchâssement dans la Constitution.

Les juristes – y compris le jeune ministre de la Justice de l’époque, Pierre Trudeau – reconnaissent que la Cour ne peut modifier ou abroger des lois qu’en vertu de droits qui sont inscrits dans la Constitution. Par conséquent, en 1981, le gouvernement du premier ministre Trudeau demande à la Cour suprême de se prononcer sur un cas historique, à savoir si Ottawa peut, de son propre chef, ​canadianiser la Constitution de la Grande-Bretagne et la modifier. Sept des neuf juges soutiennent que le Parlement a le droit légal d’agir unilatéralement. Mais sur une deuxième question, une majorité de six juges estime qu’une action fédérale unilatérale visant à modifier la Constitution et ne jouissant pas d’un appui substantiel des provinces contreviendrait néanmoins à une convention de longue date.

La canadianisation de la Constitution

Des suites d’une série de négociations et de machinations avec les provinces, la Constitution finit par être canadianisée. On y enchâsse la Charte canadienne des droits et libertés, entérinant ainsi certains droits de la personne dans la Constitution et changeant de façon définitive les décisions judiciaires canadiennes, ou la jurisprudence.

De 1982 à aujourd’hui : Charte des droits et libertés

La Charte des droits et libertés entre en vigueur le 17 avril 1982. Dès lors, tous les yeux se tournent vers des décisions judiciaires prises par des tribunaux inférieurs, puisqu’elles font de plus en plus fréquemment l’objet d’appels jusqu’à la Cour suprême.

D’emblée, les juges de la Cour suprême accueillent positivement l’idée de s’appuyer sur la Charte, un nouvel outil judiciaire puissant, pour moderniser le droit pénal et offrir des interprétations extensives des droits de la personne. Les garanties de la Charte en matière de droits démocratiques, de libertés fondamentales et de garanties contre les comportements discriminatoires confèrent à la Cour suprême d’importants nouveaux pouvoirs, modifiant à la fois son rôle dans le processus politique et les perceptions du public à son égard.

Neuf juges

La Cour suprême est composée d’un juge en chef et de huit autres juges nommés par le gouverneur en conseil (le gouverneur général, conseillé par le cabinet fédéral). Les membres peuvent être choisis parmi les juges des cours provinciales supérieures ou parmi les avocats qui sont membres d’un barreau provincial depuis au moins 10 ans.

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La Loi sur la Cour suprême stipule qu’au moins trois des juges doivent provenir du Québec. La raison d’être de ce quota repose en grande partie sur le Code civil distinct de cette province. Les juges d’autres provinces n’ont généralement pas d’expérience avec le Code civil et ne sont donc pas en mesure d’entendre les appels sur des jugements du Québec. Traditionnellement, l’un des juges du Québec provient du Barreau de Montréal et un autre est membre de celui de Québec.

Trois des neuf juges proviennent invariablement de l’Ontario, un de la région de l’Atlantique et deux des provinces de l’ouest. Ces considérations géographiques sont respectées depuis si longtemps qu’il serait pratiquement impossible d’en faire abstraction. Il existe également une convention, quoique moins rigide, voulant que les sièges réservés aux régions de l’Atlantique et des Prairies soient accordés tour à tour à chacune des provinces de ces régions.

La plupart des juges de la Cour suprême proviennent d’une cour d’appel provinciale, où ils ont pu siéger en appel, apprendre à évoluer dans un environnement collégial et prendre des décisions par groupes de trois.

Le nombre d’années d’expérience en cour est un critère important dans la sélection des juges. On considère qu’il est nécessaire d’avoir un certain équilibre entre les juges possédant une expertise en droit pénal, en droit civil et en droit des sociétés. Souvent, au moins un juge est un ancien professeur de droit. En outre, il y a généralement un juge qui est directement issu des rangs des avocats, cela afin que leurs préoccupations et leur savoir pratique soient représentés. On considère également qu’il est important de compter au moins un juge ayant déjà exercé les fonctions d’avocat en droit pénal, étant donné qu’une proportion importante des appels entendus par la Cour sont de nature criminelle.

En 1970, Bora Laskin devient le premier juge juif nommé à la Cour suprême, alors que Bertha Wilson, nommée en 1982, en est la première femme. Plusieurs autres femmes suivront, y compris Beverley McLachlin, qui en 2000 devient la première femme juge en chef du Canada. À ce jour, la Cour n’a jamais compté de juge autochtone ou issu d’une minorité visible.

Bien que les gouvernements essaient généralement de s’assurer que les juges nommés soient bilingues, il s’agit d’une aspiration plutôt que d’une obligation. Dans certaines régions, l’exigence du bilinguisme réduirait considérablement le nombre de candidats qualifiés. La question du bilinguisme fait l’objet d’un débat vigoureux en 2011, après la nomination du juge Michael Moldaver, un juriste de l’Ontario très qualifié mais unilingue anglophone. Bien des observateurs estiment que le bilinguisme est en passe de devenir une condition indispensable d’une nomination à la Cour suprême.

Les juges ne peuvent occuper aucun autre poste salarié lorsqu’ils siègent à la Cour suprême et doivent vivre dans la région d’Ottawa. Ils peuvent siéger jusqu’à l’âge de départ obligatoire, fixé à 75 ans. Néanmoins, de nos jours les juges prennent bien souvent leur retraite plus tôt et retournent travailler dans des cabinets privés.

La Cour suprême est créée en 1875 en vertu de laLoi surlaCour suprême, une loi fédérale. Cependant, la Loi constitutionnelle de 1982 constitutionnalise en quelque sorte le tribunal, puisqu’elle prévoit que tout changement ne puisse être effectué que par voie de modification officielle à la Constitution. À partir de 1982, toute modification apportée à la composition de la Cour exige le consentement du Sénat, de la Chambre des communes et de l’Assemblée législative de chaque province. Les autres modifications apportées à la Cour exigent le consentement du Sénat et de la Chambre des communes ainsi que des assemblées législatives des deux tiers des provinces (sept provinces), totalisant au moins 50 % de la population du Canada.

Rôle de la Cour

Le tribunal se réunit en janvier, en avril et en octobre pour des séances de trois mois. Cinq juges constituent le quorum (le nombre minimum requis pour délibérer et prononcer un jugement), mais la majorité des appels – en particulier ceux qui ont trait à des questions constitutionnelles – sont entendus par les neuf juges.

En vertu de la Loi sur la Cour suprême, en plus de prononcer des jugements, la Cour conseille les gouvernements fédéral et provinciaux sur des questions importantes de droit ou relatives à l’interprétation de la Constitution. Elle donne également son avis sur la constitutionnalité ou l’interprétation de la législation fédérale ou provinciale ou sur les pouvoirs du Parlement et des assemblées législatives provinciales. La décision sur la canadianisation de la Constitution, en 1981, est peut-être la plus importante des décisions rendues par la Cour. En 1998, la Cour rend également une décision importante sur le droit d’une province de se séparer du Canada (Renvoi relatif à la sécession du Québec).

La Cour suprême fonctionne comme une cour générale d’appel pour les affaires pénales. En théorie, tout citoyen peut comparaître devant la Cour suprême pour plaider sa cause, mais ces cas sont rares.Dans les affaires pénales, la Cour entend les appels si un acquittement (un verdict de non-culpabilité) est annulé ou s’il existe un jugement dissident sur une question de droit dans une cour provinciale. Un verdict de culpabilité dans un cas de meurtre au premier degré peut être automatiquement porté devant la Cour suprême. Dans le cas d’autres affaires criminelles, si la Cour autorise initialement à interjeter appel, elle peut également entendre des appels en matière de droit découlant de procédures sommaires ou d’actes criminels.

Dans les affaires civiles, les appels ne peuvent être présentés qu’avec l’autorisation préalable de la Cour, que l’on appelle l’autorisation à interjeter appel. L’autorisation est accordée lorsque la Cour estime que l’affaire comporte une question d’importance pour le public, une question importante de droit, ou une question mixte de droit et de fait qui, par sa nature, justifie l’intervention de la Cour dans l’intérêt national.

Le tribunal entend de 70 à 90 appels par année, qui sont sélectionnés parmi des centaines de demandes d’autorisation. Les demandes sont examinées par des groupes de trois juges dans le cadre d’un processus complexe qui permet à l’un des juges de recommander l’audition d’un appel.

Décisions orales et écrites

Dans environ une cause sur quatre, la Cour rend sa décision oralement, à l’issue des débats et des arguments. Elle procède toutefois généralement de façon écrite, six mois après ces derniers. Grâce aux explications sur le raisonnement de la Cour, ces décisions fournissent une aide essentielle aux juridictions inférieures et aux avocats. Ce raisonnement peut étendre ou restreindre l’interprétation des lois existantes, ce qui crée des précédents que les juridictions inférieures sont obligées de respecter.

Dans les cas où la Cour suprême choisit de rendre une décision écrite, les juges se réunissent après avoir entendu les arguments des parties afin de comparer leurs opinions initiales. Un juge est alors choisi par le juge en chef pour rédiger les motifs de la majorité. Si au moins un juge exprime une opinion dissidente lors de la réunion, les motifs de dissidence de la minorité sont rédigés et publiés parallèlement à l’opinion de la majorité. La possibilité d’exprimer sa dissidence est un aspect important du système puisqu’elle permet de révéler les tendances au sein de la Cour. Les opinions de la minorité peuvent également servir de modèle pour les décisions futures si la Cour est appelée à examiner des arguments ou des principes semblables.

Les règles de procédure garantissent que les parties qui s’opposent dans un cas particulier fournissent à la Cour un dossier écrit présentant les détails de ce qui s’est passé dans les tribunaux de première instance et en appel (dans une cour d’appel provinciale ou fédérale), y compris tous les principaux documents et transcriptions. De plus, les parties doivent présenter un mémoire présentant un résumé des faits relatifs à l’affaire, les points en litige, les raisons pour lesquelles l’affaire est débattue, et leurs conclusions.

Cour et Constitution

Depuis la création de la Charte des droits et libertés en 1982, une question suscitant la controverse consiste à déterminer si les tribunaux doivent interpréter la loi et la Constitution de manière littérale, ou s’ils doivent considérer également le contexte social, politique et économique. La Cour suprême a eu une grande influence sur ce qu’est devenue la Charte. Ce faisant, le nouveau rôle de la Cour suprême, avec ses dimensions sociales et politiques, a eu un effet sur la perception qu’en ont les Canadiens.

En conséquence, on parle encore aujourd’hui de la possibilité de modifier la méthode de nomination des juges ainsi que la composition de la Cour et sa façon de travailler. On s’attend à ce que la Cour s’efforce de refléter les traits dominants de la société canadienne, tels que le régionalisme, le dualisme et le multiculturalisme.

Charte canadienne des droits et libertés
Copie de la Charte canadienne des droits et libertés (avec la permission du Secrétariat d'état du Canada).

Afin d’apaiser les inquiétudes concernant de possibles abus de pouvoir des tribunaux dans l’interprétation de la Charte, les rédacteurs de cette dernière la dotent d’une « disposition dérogatoire » qui permet à une législature provinciale ou au Parlement de rejeter une décision judiciaire et de rétablir une loi contestée qui contreviendrait à certains des articles de la Charte.

En pratique, le recours à la disposition dérogatoire (article 33 de la Charte) n’est que sporadique. L’exemple le plus marquant de son utilisation est l’application générale qu’en fait le Québec dans les années 1980 afin de soustraire ses lois à la Charte. Pour la province, cet usage constitue un moyen de protester contre la façon dont la Constitutiona été canadianisée, sans le consentement du gouvernement du Québec. Toute utilisation de la disposition dérogatoire exige qu’elle soit renouvelée après cinq ans. Le Québec met un terme à son renouvellement de la dérogation après plusieurs années, ce qui rapproche la province de la position du reste du pays.

Débat sur l’activisme judiciaire

Les limites du pouvoir judiciaire font l’objet de débats féroces aux États-Unis depuis des générations. Au Canada, ce débat éclate seulement après l’adoption de la Charte des droits et libertés. En raison du rôle plus effacé du pouvoir judiciaire canadien, ce dernier ne fait généralement pas l’objet d’une surveillance rigoureuse et de critiques soutenues. Les juges sont perçus comme des arbitres impartiaux qui laissent derrière eux leurs opinions personnelles dès leur nomination et ne font qu’interpréter la loi à la lumière de la jurisprudence.

Cependant, à partir du moment où les juges commencent à abroger les lois qui portent atteinte aux droits garantis par la Charte, des voix s’élèvent contre le prétendu « activisme judiciaire ». L’attaque est menée parle Parti réformiste du Canada, le quotidien National Post et d’autres organisations médiatiques de tendance conservatrice, des groupes de réflexion de droite tels que l’Institut Fraser et un groupe d’universitaires juridiques issus principalement de l’Université de Calgary.

Le débat au sujet de l’activisme judiciaire fait rage dans les années 1990, alors que la Cour suprême rend de nombreux jugements qui modifient ou abrogent des lois jugées inconstitutionnelles. Au sein même de la Cour, les juges dits activistes, tels que le juge en chef Antonio Lamer et les juges Bertha Wilson et Louise Arbour, ont des différends avec les juges conservateurs, dont William McIntyre et Gérard La Forest. Parallèlement, une faction connue sous le nom de « Gang of Five » (les juges Antonio Lamer, John Sopinka, Jack Major, Peter Cory et Frank Iacobucci) émerge et s’appuie sur la Charte pour réformer certains domaines clés du droit pénal.

Selon certains critiques, les juges ne devraient pas annuler ou modifier les lois adoptées par des représentants politiques élus. Certaines questions provoquent des débats particulièrement houleux, notamment sur la question de savoir si les tribunaux peuvent obliger les gouvernements à verser des indemnités monétaires et rembourser des honoraires juridiques aux victimes apparentes d’une violation de la Charte, et celle de déterminer si les juges peuvent ordonner aux gouvernements de prendre des mesures proactives et potentiellement coûteuses pour remédier à une violation de la Charte. L’opposition aux juges considérés comme activistes atteint son paroxysme sous le gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper, au pouvoir pendant neuf ans.

Justice
La statue Justitia devant la Cour suprême du Canada, donnant sur la Tour de la Paix du Parlement à Ottawa.

Les opposants à l’activisme judiciaire exhortent les gouvernements à utiliser la disposition dérogatoire (article 33 de la Charte)pour rétablir les législations qui avaient été invalidées. Ces tentatives sont cependant infructueuses, peut-être en raison de sondagesrévélant la popularité de la Charte. À titre d’exemple, une étude menée en 1999 parl’Institut de recherche en politiques publiques révèle qu’environ 60 % des Canadiens préfèrent que les tribunaux aient le dernier mot dans les cas où une loi violerait la Charte. Seulement 30 % déclarent préférer que les assemblées législatives prennent la décision ultime.

Depuis la nomination de Beverley McLachlin comme juge en chefen 2000, plusieurs observateurs estiment que l’activisme judiciaire est en baisse et a cédé sa place à une approche plus prudente et déférente. Cette approche est consolidée par la nomination par Stephen Harper de huit juges à la Cour suprême, majoritairement non enclins à l’activisme.

Nomination des juges

Pendant la majeure partie de l’existence de la Cour suprême, le processus de nomination de ses juges est empreint de mystère, et cette réalité soulève peu d’intérêt en dehors des milieux universitaires. À l’époque, les médias mentionnent à peine lorsqu’un juge de la Cour suprême prend sa retraite ou est nommé. De nouveaux juges sont alors soigneusement sélectionnés par le gouvernement fédéral en fonction des considérations privées du premier ministre, du ministre de la Justice et du cabinet fédéral. Les seuls critères qui semblent jouer un rôle constant dans les nominations sont l’origine géographique et la conviction – partagée par de nombreux juristes – de la primauté des intérêts fédéraux sur les intérêts provinciaux dans les différends relatifs aux divisions du pouvoir.

À partir de 1982, la Charte des droits et libertés engendre un changement radical de la couverture médiatique et de l’intérêt politique envers la nomination des juges, dont le processus entraîne désormais un examen beaucoup plus étroit et donc plus controversé. Au 21e siècle, le processus est ajusté à maintes reprises sous l’effet de pressions publiques exigeant davantage de transparence ainsi que l’assujettissement des candidats à une certaine forme d’examen public.

Les antécédents, les influences idéologiques et le sexe des candidats font désormais l’objet de débats intenses. Des groupes de lobbyistes y vont de déclarations publiques dans le but d’influencer le processus de nomination. Cette flambée d’intérêt est généralement perçue comme une évolution saine, compte tenu de la portée généralement majeure des causes qui parviennent à la Cour. Cependant, certains observateurs craignent que, avec la politisation des nominations, les gouvernements s’efforcent de plaire à leurs partisans politiques en nommant des juges qui partagent leur point de vue idéologique à l’égard des enjeux de l’heure.

Réformes du processus de nomination

Dans les années 1990, à mesure qu’augmente la pression en faveur d’un processus de nomination plus transparent et intégrant une certaine forme d’examen public des candidats, les dirigeants politiques en viennent à la conclusion qu’un changement au statu quo s’impose. En 2005, sous le premier ministre de l’époque Paul Martin, un comité (composé notamment de députés des principaux partis politiques et d’un juge à la retraite) est mis sur pied pour compiler une courte liste de candidats de qualité en vue d’un poste à la Cour suprême. Le premier ministre et le ministre de la Justice conviennent d’annoncer un candidat choisi à partir de cette liste.

En 2006, le premier ministre Stephen Harper institue ce qui, dans les faits, constitue des séances pour « briser la glace » entre une personne candidate à la Cour suprême et un comité parlementaire. Ces séances comportent à présent des questions respectueuses des députés, face auxquelles les candidats y vont de réponses généralement aseptisées. L’établissement de ces séances vise à apaiser les critiques des deux extrêmes : ceux qui souhaitent que le Canada adopte un processus de confirmation à l’américaine qui exposerait les candidats à un examen partisan, et ceux qui craignent le dérapage des séances partisanes et l’embarras des candidats.

Le processus de nomination, souvent marqué par de longs retards et des modifications mineures, peut encore être amélioré. Dans un cas particulier, le processus de sélection public d’un candidat est entièrement ignoré. En effet, en décembre 2008, le juge Thomas Cromwell est nommé par Stephen Harper sans passer par une séance de questions-réponses au Parlement, le premier ministre estimant que les sièges vacants de la Cour doivent être remplis le plus rapidement possible.

Controverse entourant la nomination de Marc Nadon

En 2013, une dispute sans précédent éclate lorsque Stephen Harper tente de nommer Marc Nadon, un juge de la Cour d’appel fédérale, afin de pourvoir l’un des postes de la Cour suprême réservés au Québec. Le nom de Marc Nadon se trouve alors sur une liste préparée par un comité de députés provenant de tous les partis. Cependant, peu après l’annonce de Stephen Harper au sujet de la sélection du candidat, des voix s’élèvent et font valoir que Marc Nadon ne peut être considéré comme un candidat du Québec. Peter MacKay, alors ministre de la Justice, déclare que Marc Nadon a été choisi à la suite d’un « processus de sélection non partisan, transparent et responsable ». Cependant, des critiques notent qu’un gouvernement majoritaire comme celui de Stephen Harper peut en réalité choisir son candidat de prédilection pour peu que les députés formant le comité de sélection proviennent en majorité de son parti.

Alors que l’affaire éclate, les Canadiens apprennent que la juge en chef Beverley McLachlin a contacté le ministre de la Justice et le Cabinet du premier ministre afin de s’assurer que le gouvernement était au courant que Marc Nadon pouvait ne pas remplir le critère juridique lié à la province de résidence. Stephen Harper accuse ensuite la juge en chef d’avoir agi de manière inappropriée. Dans une déclaration publiée en guise de réponse, Beverley McLachlin explique qu’elle souhaitait simplement s’assurer que le gouvernement était au courant de la question de l’admissibilité du candidat. Elle déclare n’avoir exprimé aucun avis sur le bien-fondé des critiques.

Beverley McLachlin

Certaines personnalités connues du monde juridique se portent à la défense de Beverley McLachlin, y compris le président de l’Association du Barreau canadien, Fred Headon, qui se dit préoccupé par le fait que les commentaires de Stephen Harper sur la juge en chef pourraient éroder la confiance du public envers la Cour suprême. Fred Headon appelle le premier ministre à déclarer publiquement que Beverley McLachlin a agi de manière appropriée.

Stephen Harper ignore cependant les critiques et confirme la nomination de Marc Nadon. Mais avant que Marc Nadon ne puisse se joindre à la Cour, Rocco Galati, un avocat de Toronto, lance une contestation judiciaire contre la nomination. Le gouvernement fédéral demande ensuite à la Cour suprême de se prononcer sur l’admissibilité de Marc Nadon. Dans une majorité de six contre un, la Cour conclut que la candidature de Marc Nadon ne respecte pas l’exigence voulant que les nominations pour les trois sièges du Québec soient des juges provenant de la Cour d’appel du Québec ou de la Cour supérieure du Québec, ou des membres actuels du Barreau du Québec. En tant que juge de la Cour d’appel fédérale, Marc Nadon est ainsi inadmissible.

Juges en chef à l’ère de la Charte

La personnalité et les priorités du ou de la juge en chef ont une profonde influence sur l’ambiance, l’image et la dynamique interne de la Cour suprême. Les trois juges en chef depuis l’adoption de la Charte des droits et libertés ont chacun eu leur influence particulière sur la jurisprudence et la Cour.

Brian Dickson

Le juge en chef Brian Dickson, un flegmatique ancien combattant ayant perdu une jambe lors la Deuxième Guerre mondiale, est un juriste des Prairies lorsqu’il est nommé juge à la Cour, le 26 mars1973. Devenu juge en chef le18 avril1984, Brian Dickson tend à favoriser une interprétation étendue et libérale de la Charte qui pourrait faire école pour les générations futures.

Dégageant austérité et dignité, Brian Dickson possède une excellente plume et rédigecertaines des décisions les plus importantes dans les années suivant l’adoption de la Charte. Marqués par la compassion, ses écrits juridiques démontrent une sensibilité particulière pour la discrimination fondée sur le sexe et pour l’égalité des femmes. Lors d’une cérémonie de remise des diplômes à l’Université de Toronto en 1986, il résume ainsi sa pensée : « Pour qu’un juge parvienne à des décisions qui se conforment à la justice et à l’équité, il doit constamment se soucier du sort des autres et de la condition humaine. »

Antonio Lamer

Le successeur de Brian Dickson, Antonio Lamer, devient juge en chef en 1990. Antonio Lamer possède alors une longue expérience en droit pénal et est reconnu pour sa défense soutenue des droits desaccusés au criminel. Longtemps avocat de la défense à Montréal, Antonio Lamer dirige plus tard la Commission de réforme du droit du Canada, un organisme qui recommande régulièrement des changements importants dans certains domaines du droit. Nommé à la Cour suprême en 1980, Antonio Lamer contribue à faire adopter les réformes qu’il a préconisées à la Commission de réforme du droit.

Lamer, Antonio
Le juge en chef Antonio Lamer (avec la permission de Maclean's).

Connu pour sa candeur auprès des médias et du public, Antonio Lamer attaque ouvertement les critiques de la Cour, estimant qu’ils érodent la confiance envers le pouvoir judiciaire. Il estime que le Parlement a adopté la Charte en sachant que les juges interpréteraient les droits fondamentaux au meilleur de leurs connaissances. Les critiques réagissent mal à ce qu’ils perçoivent comme l’attitude antagoniste d’Antonio Lamer, qui stimule leur opposition à la réinterprétation de la Charte.

Sous la direction de Bora Laskin, juge en chef de 1973 à 1984, et Brian Dickson, la Cour est relativement unie. Cependant, sous Antonio Lamer, elle est de plus en plus divisée. Non seulement les opinions dissidentes deviennent fréquentes, mais les juges de la majorité rédigent souvent leurs propres motifs qui, bien qu’arrivant à la même conclusion, dénotent un raisonnement légal différent. D’aucuns estiment que ces motifs sèment la confusion et nuisent à l’autorité d’une décision unique et majoritaire.

Antonio Lamer prend sa retraite en janvier 2000. Plus tard, on apprendra qu’un groupe de juges l’avait pressé d’envisager la retraite, étant donné qu’il commençait alors à perdre son emprise et son influence sur la Cour.

Beverley McLachlin

Beverley McLachlin prend la relève en 2000, déterminée à rétablir l’efficacité de la Cour et à redonner aux juges un but commun. Elle s’adapte rapidement aux défis liés au rôle de juge en chef d’une Cour résolument indépendante, tout en continuant à présider le Conseil canadien de la magistrature, un puissant organisme composé des juges en chef et juges en chef associés de chaque cour nommée par le gouvernement fédéral à travers le pays. Première femme juge en chef, elle devient en 2013 la personne au plus long mandat à ce poste dans l’histoire canadienne.

McLachlin, Beverley
La très honorable McLachlin est la première femme à être nommée juge en chef de la Cour suprême du Canada (photo de Phillippe Landreville).

Après avoir obtenu son diplôme de la faculté de droit de l’Université de l’Alberta , Beverley McLachlin progresse rapidement au sein dusystème judiciaire de la Colombie-Britannique . En 1989, elle est nommée à la Cour suprême du Canada. À la fois prudente, logique et bonne stratège, elleestime que les juges doivent respecter le rôle du Parlement. Grâce à son approche pragmatique, elle représente le juste milieu entre l’activisme judiciaire et un rôle plus effacé. Dans un discours prononcé à l’ Association du Barreau canadien en 1998, elle résume ainsi sa vision : « Le Parlement, grâce à son accès privilégié à l’opinion publique et à l’information, est l’endroit le plus approprié pour la prise de décisions politiques. »

Beverley McLachlin prend au sérieux la dimension éducative de son rôle. Elle donne des discours dans toutes sortes d’endroits, vulgarisant le système judiciaire ainsi que les freins et contrepoids qui le caractérisent. En tant que juriste, Beverley McLachlin favorise la protection de la liberté d’expression et des droits à l’égalité. Reconnue comme une excellente administratrice, elle atteint en grande partie son objectif de restaurer l’unité à la Cour suprême. La controverse des années 1990 diminue progressivement, et la Cour joue un rôle plus secondaire, avec moins de cas controversés à traiter.

Juges éminents à l’ère de la Charte

Bertha Wilson (Cour suprême : 1982-1991)

Née en Écosse, Bertha Wilson est la première femme nommée à la Cour suprême. Au moment de sa nomination, Bertha Wilson est juge à la Cour d’appel de l’Ontario, où elle a également abattu la barrière des sexes. Elle est destinée à jouer un rôle important dans le développement des droits à l’égalité et de la jurisprudence de la Charte. À titre d’exemple, son avis juridique dans le cas R. c. Morgentaler, lié à l’avortement, fait valoir vigoureusement le droit d’une femme d’exercer le contrôle sur son corps. Dans le cas de R. c. Lavallée, en 1990, elle se range du côté des femmes battues.

Bertha Wilson, avocate, juge
Juge Bertha Wilson, ancienne juge de la Cour suprême (avec la permission de la Presse canadienne).

Considérée comme un porte-étendard des féministes et des femmes évoluant dans le domaine majoritairement masculin qu’est le droit, Bertha Wilson prononce en 1990 un discours qui sera cité à maintes reprises, intitulé « Les femmes juges vont-elles vraiment faire la différence? » À cette question, elle répond par un « oui » retentissant. Bertha Wilson prend sa retraite en 1991 et meurt en 2007.

Claire L’Heureux-Dubé (1987-2002)

Issue de la Cour d’appel du Québec, Claire L’Heureux-Dubé est une femme extravertie et sympathique, réputée pour son fervent soutien aux droits des femmeset des enfants. Elle est d’avis que la loi devrait faire preuve de compassion à l’égard des personnes opprimées et vulnérables. Possédant une personnalité haute en couleur dans un milieu où les juges sont normalement plutôt sobres, Claire L’Heureux-Dubé exprime souvent des opinions dissidentes et a une influence considérable sur le développement des droits à l’égalité et du droit concernant la discrimination en vertu de la Charte. Sociable et toujours prête à débattre et à partager son avis, Claire L’Heureux-Dubé est régulièrement la cible de conservateurs. Elle est infatigable, travaillant fréquemment 18 heures par jour. Elle écrit d’importantes décisions majoritaires en matière d’immigration (Baker c. Canada, ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) et du droit de la famille (Moge c. Moge). Dans une opinion dissidente coécrite avec la juge Wilson en 1990, elle avance que l’interdiction de communiquer à des fins de prostitution porte atteinte aux droits reconnus par la Charte alors que la prostitution est elle-même légale. Près de 20 ans plus tard, l’essentiel de leur avis est repris dans le jugement majoritaire historique qui abolit les lois sur la prostitution (R. c. Bedford). Claire L’Heureux-Dubé écrit à la Cour suprême un total de 252 opinions, dont près de 40 % sont dissidentes. Au moment de prendre sa retraite en 2002, elle jouit d’une grande popularité auprès des avocats de la Couronne, des victimes et des féministes.

Frank Iacobucci (1991-2004)

Ancien sous-ministre fédéral de la Justice, éminent professeur de droit et juge en chef de la Cour fédérale du Canada, Frank Iacobucci est nommé à la Cour suprême alors que celle-ci produit les premières grandes interprétations de la Charte. Il fait partie de la faction surnommée « Gang of Five » qui contribue à la modernisation des droits des accusés au criminel. Grâce à sa personnalité aimable portée sur la conciliation, Frank Iacobucci joue parfois le rôle de médiateur entre les factions opposées à la Cour. À l’occasion, lorsque les juges sont divisés sur une question, il détient le vote décisif. Après la retraite d’Antonio Lamer, plusieurs considèrent Frank Iacobucci comme l’un des meilleurs candidats pour devenir juge en chef. Cependant, Beverley McLachlin obtient plutôt le poste et Frank Iacobucci prend sa retraite peu de temps après. Il devient ensuite le président intérimaire de l’Université de Toronto et agit comme commissaire dans le cadre de plusieurs enquêtes publiques très médiatisées.

Louise Arbour (1999-2004)

Élevée à Montréal par une mère célibataire peu fortunée, Louise Arbour parle à peine l’anglais lorsqu’elle obtient un poste d’auxiliaire juridique à la Cour suprême du Canada. Elle grimpe rapidement les échelons dans les rangs académiques et judiciaires. Au moment de sa nomination à la Cour suprême, elle est procureure en chef au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, sous l’égide des Nations Unies. On perçoit le retour de Louise Arbour au Canada comme un signe de l’importance qu’a acquise la Cour suprême depuis l’adoption de la Charte.

Arbour, Louise
Arbour est nommée juge de la Cour suprême du Canada en juin 1999.

Forte de son expertise en droit pénal et en droits de la personne, Louise Arbour se trouve parfois en minorité lorsqu’elle tente de décriminaliser la marijuana et de protéger les personnes vulnérables sur le plan économique. En revanche, elle écrit également de nombreux jugements majoritaires sur la détermination des peines, le droit de l’extradition, le droit administratif et la Charte. Lorsqu’elle prend la décision surprenante de démissionner après un mandat relativement court, plusieurs estiment qu’elle est frustrée que la Cour suprême ait cessé graduellement de promouvoir une vision étendue des valeurs de la Charte. Après sa démission, Louise Arbour retourne sur la scène internationale et occupe, de 2004 à 2008, le poste de Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.

Rosalie Abella (2004 - )

La nomination de Rosalie Abella, ardente défenseure des droits de la personne et de la Charte, réjouit ceux qui partagent ses idées, mais est sévèrement critiquée par ceux qui s’opposent au pouvoir des juges d’infirmer les décisions législatives. Enfant de l’Holocauste dont les parents ont survécu à un camp de concentration nazi, Rosalie Abella voit le jour en 1946 dans un camp de personnes déplacées en Allemagne. Elle est nommée au Tribunal delafamille del’Ontario à l’âge de 29 ans, devenant ainsi la plus jeune juge de l’histoire du Canada. Rosalie Abella devient plus tardprésidente de la Commission de réforme du droit de l’Ontario et présidente de la Commission des relations de travail de l’Ontario. À la Cour suprême, Rosalie Abella s’appuie sur son expertise en droit du travail, en droit matrimonial et en droits de la personne pour rédiger de nombreuses décisions importantes. Si elle était auparavant bien en vue dans les médias, elle joue un rôle plus effacé et devient une juge progressiste et influente à la Cour.

Sélection des principales décisions liées à la Charte

R c. Oakes, 1986. Crée un modèle pour évaluer les contestations de la Charte des droits et libertés qui visent à déterminer si une loi enfreignant un droit reconnu dans la Charte peut être conservée si cette atteinte constitue une « limite raisonnable » en vertu de l’article premier de la Charte. L’analyse juridique se concentre sur la question de savoir si la loi constitue un outil approprié pour atteindre un objectif important et si la violation d’un droit constitutionnel est minime.

R. c. Morgentaler, 1988. Élimine les obstacles légaux à l’avortement.

R. c. Askov, 1990. Détermine des limites aux retards acceptables dans une poursuite pénale. Des dizaines de milliers d’accusations sont abandonnées à la suite de la décision.

R. c. Keegstra, 1990. Maintient une section du Code criminel interdisant la promotion délibérée de la haine contre un groupe identifiable.

R. c. Swain, 1991. Étend les droits des personnes atteintes de maladies mentales qui sont déclarées non responsables criminellementet leur accorde le droit d’obtenir une révision régulière de leur détention dans les établissements psychiatriques.

R. c. Stinchcombe, 1991. Oblige les services policiers et les procureurs à divulguer toutes les preuves qui pourraient avoir une incidence sur la culpabilité ou l’innocence d’un accusé.

R. c. Zundel, 1992. Annule une disposition du Code criminel interdisant la propagation de « fausses nouvelles » pouvant conduire à des troubles sociaux ou raciaux.

RJR-MacDonald, 1995. Juge qu’une loi fédérale interdisant la publicité sur le tabac constitue une infraction inconstitutionnelle relative à la liberté d’expression.

R. c. Stillman, 1997. Définit des règles prévoyant l’exclusion d’éléments de preuve obtenus par les services policiers en violation de la Charte.

Vriend c. Alberta, 1998. Utilise l’article sur les droits à l’égalité de la Charte pour modifier l’Individual Rights Protection Act de l’Alberta afin de protéger les droits des homosexuels et des lesbiennes.

M. c. H, 1999. Juge que la législation excluant les couples de même sexe de la définition de conjoint de fait en vertu de la Loi sur le droit de la famille de l’Ontario est inconstitutionnelle.

R. c. Mills, 1999. Approuve des protections législatives pour les plaignants dans des cas d’agression sexuelle qui ne veulent pas que leurs dossiers de tiers soient accessibles aux accusés. La loi en cause est essentiellement une nouvelle version, adoptée par le Parlement, d’une loi auparavant abrogée. En respectant ainsi la volonté du Parlement, l’arrêt Mills symbolise la fin d’une ère durant laquelle la jurisprudence relative à la Charte était robuste et souvent controversée.

R. c. Malmo-Levine, 2003. Maintient les lois criminalisant la possession de marijuana.

Gosselin c. Québec, 2002. Refuse d’accorder le droit à une aide sociale financée par l’État.

R. c. Grant, 2009 et R. c. Harrison, 2009. Réécrit les critères prévoyant l’exclusion des éléments de preuve corrompus par une erreur ou une inconduite de l’État.

R. c. J.A., 2011. Définit ce que constitue le consentement légal à l’activité sexuelle.

R. c. Ipeelee, 2012. Renforce des dispositions relatives à la détermination des peines qui s’appliquent aux accusés autochtones.

R. c. Nur, 2015. Annule une des peines minimales obligatoires, considérée comme pouvant être nettement disproportionnée dans d'autres cas.

R. c. Jordan, 2016. Renforce la décision de la Cour dans R. c. Askoven 1990, en fixant des limites strictes pour les délais en cour au-delà desquels une poursuite devient inconstitutionnelle.

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L'édifice de la Cour suprême du Canada de nuit.

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