Jean Cabot | l'Encyclopédie Canadienne

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Jean Cabot

Jean Cabot (ou Giovanni Caboto), marchand, explorateur (né avant 1450 en Italie, mort en un lieu et une date inconnue). En 1496, Le roi d’Angleterre Henri VII octroie à Jean Cabot le droit de voguer à la recherche d’une route pour atteindre l’Asie en passant par l’ouest et de terres non revendiquées par un monarque chrétien. Jean Cabot organise trois voyages, dont le second, en 1497, est le plus fructueux. Pendant ce voyage, il longe les côtes du Labrador et de Terre-Neuve, aperçoit possiblement des Beothuks ou des Innus et fait l’importante découverte de riches bancs de morue dans la région. À l’époque, beaucoup croient que la terre que Jean Cabot a aperçue est la côte est de l’Asie, la mythique île de Brasil ou la tout aussi fabuleuse île des Sept Cités. Jean Cabot et son équipage sont le deuxième groupe d’Européens à atteindre ce qui sera plus tard le Canada, après les explorateurs vikings vers 1000 de notre ère. Bien que Cabot n’ait pas trouvé la route de commerce qu’il cherchait, le voyage de 1497 permet à l’Angleterre de revendiquer un droit sur l’Amérique du Nord et de découvrir de nouvelles pêcheries gigantesques.
Jean Cabot
Portrait de Jean Cabot, 1762.

Jeunesse à Venise

La jeunesse de Jean Cabot est embrouillée et peu connue. Il naît probablement avant 1450 en Italie, et il reçoit la citoyenneté vénitienne en 1476, ce qui indique qu’il vit dans cette ville depuis une quinzaine d’années. À l’époque, il est fréquent que les gens signent leur nom de plusieurs manières et Jean Cabot ne fait pas exception. Sur un document de 1476, il signe Zuan Chabotto, ce qui fournit une indication sur ses origines. Zuan est la forme vénitienne du nom Giovanni, et le nom de famille laisse deviner une origine quelque part dans la péninsule italienne, car un Vénitien aurait épelé ce nom Caboto. Il a une épouse vénitienne, Mattea, et trois fils, dont l’un, Sébastian, s’élève au rang de pilote majeur d’Espagne pour les commerces des Antilles. Jean Cabot est commerçant; il est inscrit en tant que marchand de peaux dans les registres vénitiens, et en 1483 il vend une femme esclave en Crète. Il est aussi promoteur immobilier à Venise et dans la ville de Chioggia, tout près.

En Espagne

En 1488, Jean Cabot s’enfuit de Venise avec sa famille parce qu’il doit de l’argent à des notables. Nous ne savons pas où la famille Cabot se rend d’abord, mais vers 1490 on le retrouve à Valence, en Espagne, une ville de canaux comme Venise. En 1492, il s’associe avec un marchand basque nommé Gaspar Rull pour proposer la construction d’un port artificiel pour Valence sur sa côte méditerranéenne. En avril 1492, le projet suscite l’enthousiasme de Ferdinand, roi d’Aragon, qui règne avec sa femme Isabelle, reine de Castille, sur une Espagne désormais unifiée. Le couple royal vient tout juste d’autoriser Christophe Colomb à entreprendre son célèbre voyage vers les Amériques. À l’automne 1492, Ferdinand encourage le gouverneur général de Valence à trouver du financement pour le projet portuaire de Jean Cabot. Cependant, en mars 1493, le conseil de Valence décide de ne pas financer le plan. Malgré une nouvelle tentative de Ferdinand pour faire débloquer le projet en avril, celui-ci s’écroule.

La trace de Jean Cabot se perd ensuite jusqu’en juin 1494, quand il propose un autre projet de génie maritime cher aux monarques espagnols. Il est engagé pour construire à Séville un lien par pont fixe vers le centre maritime, l’île de Triana, dans la rivière Guadalquivir, jusque-là desservi par un pont flottant problématique. Bien que Colomb a atteint l’Amérique, il croit avoir découvert une terre située à l’extrémité est de l’Asie, et Séville est choisie comme quartier général de la lucrative route transatlantique envisagée par l’Espagne. Le mandat de Jean Cabot est donc de première importance, mais les choses tournent mal. En décembre 1494, un groupe de notables de Séville se réunit, mécontent des faibles progrès du projet de pont, en considération des fonds fournis. L’un d’entre eux au moins considère que Jean Cabot doit être banni de la ville. À ce moment, celui-ci est probablement déjà parti.

En Angleterre

Après l’échec de son projet de pont de Séville, Jean Cabot disparaît à nouveau des sources historiques. On le retrouve en mars 1496, devenu commandant d’un projet d’expédition vers l’ouest sous le drapeau du roi d’Angleterre, Henri VII. Bien qu’il n’existe aucune preuve documentaire à cet effet, il se pourrait que Jean Cabot ait accompagné Christophe Colomb durant son deuxième voyage aux Caraïbes, qui correspond à la période où il n’y a pas de traces historiques à son sujet, entre avril 1493 et juin 1494. Un millier de personnes ont accompagné Christophe Colomb, et les noms de la plupart d’entre eux n’ont pas été consignés. Jean Cabot pourrait avoir été l’un des ingénieurs marins présents sur les 17 vaisseaux de l’expédition, qui devaient construire un port dans ce qui est aujourd’hui Haïti. Si tel est le cas, Henri VII aurait eu de bonnes raisons de croire que l’aspirant explorateur vénitien était en mesure de diriger une expédition similaire jusqu’à l’autre rive de l’Atlantique. On comprendrait mieux pourquoi Henri VII choisit Jean Cabot, cet étranger, ayant derrière lui un pédigrée trouble et aucune expertise de navigation connue, pour entreprendre un tel voyage.

Le 5 mars 1496, Henri accorde à Jean Cabot et ses trois fils une généreuse lettre patente, qui leur donne le droit d’explorer et d’exploiter des lieux inconnus des monarques chrétiens. Les Cabot sont autorisés à voguer vers « toutes parties des mers de l’est, de l’ouest et du nord, sous nos bannières, drapeaux et insignes », avec jusqu’à cinq vaisseaux, le matériel et l’équipage étant à leurs propres frais. Les Cabot doivent « trouver, découvrir et explorer toutes îles, pays, régions ou provinces de païens et d’infidèles, dans quelque partie du monde, qui avant ce moment étaient inconnus de tous les chrétiens ». Les Cabot serviront Henri en tant que « vassaux, lieutenants gouverneurs et suppléants » d’Henri dans toute terre répondant aux critères de la patente, et ils reçoivent le droit de « conquérir, occuper et posséder toutes les villes, les châteaux, les cités et îles par eux découverts ». Grâce aux lettres patentes, ils peuvent obtenir un soutien financier. Deux paiements sont remis à Jean Cabot, en avril et mai 1496, par la Maison des Bardi (une famille de marchands florentins) pour financer sa recherche d’une « nouvelle terre », ce qui indique que les investisseurs croient qu’il ne cherche pas seulement une voie de commerce nordique vers l’Asie.

Premier voyage (1496)

La première expédition de Jean Cabot quitte Bristol, en Angleterre, en 1496. Voguer vers l’ouest dans le nord de l’Atlantique n’est pas chose facile. Les principaux systèmes climatiques y soufflent vers l’est, et les vaisseaux de l’époque de Jean Cabot peuvent difficilement aller contre le vent. Nous ne possédons aucun compte rendu de première main de la première tentative de Jean Cabot. Les historiens savent seulement qu’il s’agit d’un échec, l’expédition ayant été stoppée par des conditions orageuses.

Deuxième voyage (1497)

Jean Cabot organise une deuxième tentative, qui part de Bristol en mai 1497 sur un vaisseau baptisé le Matthew. Le fait que le nom soit la version anglaise du prénom de l’épouse de Jean Cabot, Mattea, pourrait être une heureuse coïncidence. Les noms des membres de l’équipage n’ont pas été consignés et tous les récits du voyage sont de seconde main, une absence de documentation remarquable, considérant que les revendications britanniques sur l’Amérique du Nord se fonderont sur ce voyage.

L’étendue exacte des explorations de Jean Cabot a longtemps été un objet de débat parmi les historiens. La source la plus fiable sur son voyage est une lettre d’un marchand britannique nommé Hugh Say. Écrite pendant l’hiver 1497-1498, mais découverte seulement au milieu des années 1950 dans des archives espagnoles, cette lettre (rédigée en espagnol) est adressée à un « grand amiral » en Espagne, qui pourrait être Christophe Colomb.

Les latitudes approximatives fournies par Hugh Say laissent croire que Jean Cabot aurait touché terre au sud du Labrador et sur la pointe nord de Terre-neuve, puis aurait continué vers le sud-est le long de la côte jusqu’à la péninsule d’Avalon, d’où il aurait entrepris son voyage de retour. L’équipage de Jean Cabot est craintif, et il semble que les hommes ne s’aventurent jamais plus loin sur la terre que la distance d’un tir d’arbalète. Ils aperçoivent deux silhouettes courant dans la forêt, qui pourraient être humaines ou animales, et ramènent un arc sans corde « peint à la brasiline », qui pourrait avoir été décoré d’ocre rouge par les Beothuk de Terre-Neuve ou les Innus du Labrador. Jean Cabot ramène également un piège pour un jeu de capture et une aiguille pour fabriquer des filets. Il croit (à tort) apercevoir des terres labourées, appelées dans la lettre de Say des tierras labradas, ce qui pourrait être l’origine du nom Labrador. Le marchand se dit en outre certain que la terre où Jean Cabot a accosté est Brasil, une île mythique censée exister quelque part à l’ouest de l’Irlande.

D’autres personnes ayant entendu parler des voyages de Jean Cabot suggèrent qu’il a vu deux îles, une erreur possiblement due à la profondeur des baies de Trinity et de la Conception, à Terre-Neuve, et qu’il a touché la côte est de l’Asie. Certains croient qu’il a atteint une autre île mythique, l’île des Sept Cités, qui aurait existé dans l’Atlantique.

On rapporte aussi que Jean Cabot a découvert une nouvelle pêcherie gigantesque. En décembre 1497, l’ambassadeur de Milan en Angleterre dit avoir entendu Jean Cabot déclarer que l’océan « grouillait de poisson, que l’on pouvait prendre non seulement au filet, mais aussi dans des paniers descendus avec une pierre ». Il s’agissait, bien sûr, de morues, dont l’abondance sur les Grands Bancs devait, plus tard, donner naissance à l’industrie de la pêche terre-neuvienne.

Troisième voyage (1498)

Henry VII récompense Jean Cabot en lui accordant une pension royale en décembre 1497, ainsi qu’une nouvelle lettre patente, en février 1498, qui lui octroie des droits supplémentaires pour l’aider à organiser un nouveau voyage. Ces droits supplémentaires incluent la capacité d’affréter jusqu’à six vaisseaux allant jusqu’à 200 tonnes. Cette fois encore, l’expédition doit être organisée aux frais de Jean Cabot, même si le roi investit personnellement dans un des vaisseaux participants. Malgré l’abondance de poisson observée lors du voyage de 1497, aucune disposition n’est prise en vue d’en pêcher.

Une flotte comportant probablement cinq vaisseaux appareille au début de mai. Ce qu’elle devient demeure un mystère. S’appuyant sur un récit inexact du chroniqueur Polydore Virgile, les historiens ont longtemps présumé que tous les vaisseaux ont été perdus, mais au moins l’un d’entre eux doit être revenu. Une des plus anciennes cartes européennes incluant les Amériques, réalisée par le cartographe espagnol Juan de la Cosa en 1500, montre des détails de la côte avec des noms de lieux et des drapeaux anglais, avec l’inscription « la mer découverte par les Anglais ». La carte semble indiquer que Jean Cabot se serait aventuré aussi loin que le sud de la Nouvelle-Angleterre moderne et Long Island durant ce voyage.

La pension royale de Jean Cabot continue à être versée jusqu’en 1499, mais s’il est disparu pendant son voyage de 1498, il se pourrait qu’elle ait été perçue en son absence par ses fils ou sa veuve, Mattea.

Postérité

Bien que fort mal documentée, l’expédition de 1497 de Jean Cabot a fourni la base des revendications britanniques sur l’Amérique du Nord. À l’époque, les voyages d’exploration vers l’ouest partis de Bristol entre 1496 et 1506 approximativement, ainsi que celui réalisé par Sebastian Cabot vers 1508, ont probablement été considérés comme des échecs. Leur objectif était de trouver des possibilités de faire du commerce avec l’Asie, et non de nouvelles pêcheries, qui n’intéressaient même pas Jean Cabot, même s’il s’extasiait de l’abondance des bancs. Au lieu d’un passage vers l’Asie, Jean Cabot et ses successeurs de Bristol ont trouvé une énorme masse continentale bloquant le passage, et aucune source de richesse immédiate.

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