Culture de l'Acadie | l'Encyclopédie Canadienne

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Culture de l'Acadie

Marginalisées par des facteurs géographiques et économiques, les régions acadiennes demeurent isolées sur le plan culturel jusqu'au milieu du XXe siècle.
Annie-Lyne LeBlanc (\u00e0 gauche), dix ans, et sa s\u0153ur Felicia, treize ans, aux couleurs acadiennes ; rouge, blanc, bleu et jaune \u00e0 Bouctouche, Nouveau-Brunswick durant la f\u00eate nationale de l'Acadie, le mercredi 15 ao\u00fbt 2007. Image : La Presse canadienne / Moncton Times & Transcript/ Viktor Pivovarov.

Marginalisées par des facteurs géographiques et économiques, les régions acadiennes demeurent isolées sur le plan culturel jusqu'au milieu du XXe siècle. La musique et le folklore sont les formes d'expression artistique les plus répandues jusqu'à l'arrivée de l'enseignement supérieur et l'ouverture au monde. Dans les années 50 et 60, on assiste à l'explosion de la culture acadienne, qu'il s'agisse d'artisanat, de peinture, de chansons, de danse, de théâtre, de cinéma ou de littérature.

Folklore

Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les Acadiens vivent en groupes isolés, peu en contact avec l'extérieur. Cela leur permet de conserver les traditions de leurs ancêtres, leur manière de parler (variante de la région de Poitou, en France), leur cuisine, leurs fêtes et leurs traditions orales. Depuis leur arrivée, au XVIIe siècle, chansons, histoires et légendes sont transmises de génération en génération.

Les chansons écrites au tournant du XXe siècle par les Acadiens témoignent de leur éveil à la culture, comme le prouvent L'Évangéline, Le Réveil de l'exilé, Le Pêcheur acadien et La Fleur du souvenir. Les chansons traditionnelles ont toujours la faveur auprès des gens, bien que les intellectuels aient tendance à les mépriser. Ce n'est pas avant 1939 qu'une chronique sur les chansons populaires acadiennes commence à être publiée dans le journal L'Évangéline. Cette chronique (rédigée par le journaliste Thomas LeBlanc) ainsi que trois tomes des Chansons d'Acadie, publiés par les pères Anselme Chiasson et Daniel Boudreau entre 1942 et 1956, ont détourné l'attention vers le folklore acadien. Peu après sont arrivés des chercheurs de l'extérieur : Luc Lacourcière, Mgr Félix-Antoine Savard et Roger Matton de Québec ainsi que Carmen Roy d'Ottawa et Geneviève Massignon de France. Rapidement, les Acadiens eux-mêmes commencèrent à rassembler du matériel folklorique, créant ainsi d'importantes collections.

L'U de Moncton offre des cours de folklore depuis 1966 et, en 1970, son Centre d'Études Acadiennes a ouvert une section consacrée exclusivement à ce sujet, conservant ainsi des milliers de chansons, d'histoires, de légendes et de traditions culturelles. Grâce à ses propres chercheurs et à ses étudiants, l'U. Laval possède aujourd'hui une riche collection de matériel acadien.

Les chanteurs et les chorales de Québec et d'Acadie ont redécouvert les chansons traditionnelles, qu'on peut maintenant souvent entendre lors de concerts, à la radio et à la télévision. Ce sont ces chansons folkloriques qui ont aidé Édith Butler et Angèle Arsenault à démarrer leur brillante carrière.

La redécouverte du folklore acadien a en effet donné lieu à toute une littérature : livres d'histoires, légendes, chansons, recettes et romans. Les nombreux livres de l'auteure acadienne de renommée mondiale Antonine Maillet s'inspirent de ce folklore.

Musique

Il existe un vieux proverbe qui dit que les Acadiens sont nés avec la musique dans le sang. Les générations précédentes l'ont prouvé autant du point de vue instrumental que vocal, et la génération actuelle confirme ce proverbe.

Arthur Leblanc, après avoir étudié à Québec et à Paris, se bâtit très rapidement une réputation internationale en tant que violoniste avant que la maladie ne vienne écourter sa carrière. Eugène Lapierre et Benoît Poirier, tous deux de l'Île-du-Prince-Édouard, se taillent eux aussi une solide réputation comme organistes à Montréal. Poirier compose de nombreux morceaux pour orgue. Quant à Roger Lord, jeune pianiste talentueux, il a déjà gagné un grand nombre de concours.

Dans le domaine de la musique populaire, le pianiste Paul Saulnier, le violoniste Kenneth Saulnier et le duo formé par Wendell et Phillipe D'Eon, tous originaires de Nouvelle-Écosse, se démarquent. Dans l'Île-du-Prince-Édouard, l'ensemble Barachois donne des concerts attestant de la riche tradition musicale de la province. Dans le domaine de la musique folklorique, Johnny Aucoin du Cap Breton et Elio Leblanc de Memramcook, deux virtuoses du violon, donnent à plusieurs l'envie de danser. Les folkloristes Charlotte Cormier et Donald Deschênes interprètent des chansons rurales et compte parmi leur public le plus passionné les élèves des écoles acadiennes. Le duo Roland et Johnny, composé de Roland Gauvin et de Johnny Comeau, interprète des chansons traditionnelles pour les jeunes.

L'Acadie est aussi connue pour ses chanteurs classiques, ses chansonniers, ses groupes et ses chorales. Anna Malenfant est une des premières Acadiennes à se distinguer sur la scène nationale et internationale. Laura Gaudet a fait connaître les chansons acadiennes partout en Acadie et aux États-Unis grâce à ses récitals et à la radio. Robert Savoie a été baryton pendant plusieurs années à Covent Garden à Londres. Suzie Leblanc de Moncton se construit une réputation internationale en se consacrant au chant de la Renaissance. Les voix de Gloria Richard et des soeurs Germaine et Marguerite Leblanc ont été reconnues dans les concours nationaux. Aujourd'hui, Claudette Leblanc de Shédiac, Roland Richard de Rogersville et Rose-Marie Landry de Caraguet sont acclamés au Canada et à l'étranger.

Parmi les interprètes et les compositeurs de chansons populaires, mentionnons Édith Butler, qui connaît beaucoup de succès au Canada et en France ainsi qu'Angèle Arsenault dont la réputation nationale n'est plus à faire. Calixte Duguay et Donat Lacroix sont connus pour leurs remarquables chansons sur des thèmes acadiens. La liste serait longue s'il fallait mentionner tous les chanteurs acadiens célèbres de nos jours. Citons, entre autres, Denis Losier, Raymond Breau, Georges Langford, Lorraine Diotte, Ronald Bourgeois, Lina Boudreau, Jac Gautreau.

Les jeunes chanteurs acadiens continuent de gagner des concours au Québec et en France. Des groupes comme Beausoleil-Broussard et 1755 ont enchanté le public canadien et français, et ont remporté le prix de la meilleure chanson par des jeunes interprètes. Le groupe Panou de l'Île-du-Prince-Édouard a représenté l'Acadie au festival de musique organisé conjointement avec les Jeux du Canada à St John's en 1985. Les Tymeux de la Baie ont fait de même à Expo 86.

Jusqu'à récemment, la plupart des paroisses acadiennes possédaient d'excellentes chorales. L'une des meilleures, la chorale Lafrance de Tracadie (directeur, Armand Lavoie), s'est bâtie une réputation bien au-delà de l'église et de la paroisse. Le Voidunor de Bathurst (soeur Germaine Leblanc), le choeur de Soulanges de Fredericton (père Stanislas Paulin) et La Fleur du Souvenir de Memramcook (Charles Leblanc) ont remporté des prix destinés au chorales acadiennes.

Pendant longtemps, les fanfares ont été populaires dans les collèges pour garçons, parmi lesquels les collèges Saint-Joseph et Sacré-Coeur au Nouveau-Brunswick et Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse. Mais, à partir des années 50, les chorales des collèges et des couvents leur volent la vedette. Les chorales de Saint-Joseph et du Sacré-Coeur, du Collège Notre-Dame d'Acadie à Moncton et plus récemment de l'U. de Moncton ont remporté les honneurs dans des concours provinciaux, nationaux et internationaux. Depuis 1962, le trophée Lincoln a été remporté à huit reprises par l'un ou l'autre de ces groupes. Le premier à attirer l'attention au pays et à l'étranger est le choeur de l'U. Saint-Joseph, fondé par le père Léandre Brault en 1946. En 1955, Neil Michaud remplace le père Brault et, en 1963, le choeur devient la chorale de l'U. de Moncton.

Le chant occupe une place importante dans un grand nombre d'écoles acadiennes, et les choeurs de jeunes participent régulièrement à des festivals de musique. Ainsi, la chorale de l'École Beauséjour de Moncton (connue par la suite comme Les jeunes chanteurs d'Acadie), dirigée par soeur Lorette Gallent, remporte depuis 1957 de nombreuses récompenses tant nationales qu'internationales.

Certaines de ces chorales ont aussi fait d'excellents disques. À celles déjà mentionnées, ajoutons les Chanteurs du Mascaret (Neil Michaud), les Alinos (Aline Obriet), La-Mi-Champlain (soeur Blanche Dupuis) et d'autres. C'est d'ailleurs cette tradition de chorale qui est à l'origine, en 1979, des Choralies Internationales, événement important dans l'histoire musicale de la région, organisées tous les deux ans sous le nom d'Arcadiades à Saint-Antoine-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.

Un festival de musique baroque créé par le claveciniste Mathieu Duguay a aussi lieu en Acadie. Organisé tous les ans depuis 1975 sur la petite île de Lamèque, dans le Nord-Est du Nouveau-Brunswick, il attire des musiciens de partout.

En Nouvelle-Écosse, surtout dans les environs de Baie-Sainte-Marie près de l'U. Sainte-Anne, les musiciens sont nombreux, et des événements culturels ont lieu tout au long de l'année. Le père Maurice Leblanc, directeur de chorale et figure de proue dans la vie culturelle de la région, est l'un des remarquables initiateurs de toutes ces activités.

Il faut aussi souligner l'importante contribution des communautés religieuses qui ont suscité chez les jeunes le goût pour la musique. Partout en Acadie, les prêtres et les religieuses ont encouragé les jeunes talents, conférant ainsi à la culture acadienne l'un de ses caractères les plus charmants.

Arsenault, Eddy
Pour entendre \u00ab Le Reel acadien \u00bb d'Edward Arsenault, joué par la famille Arsenault au cours d'une f\u00eate acadienne, dans la région d'Evangéline, \u00e0 l'\u00cele-du-Prince-\u00c9douard, cliquez sur le bouton \u00ab Son \u00bb (avec la permission de la Société Radio-Canada).

Peinture et sculpture

La peinture et la sculpture professionnelles sont relativement récentes en Acadie, où ces formes d'art se sont traditionnellement développées à partir du travail des décorateurs d'église, que ces derniers soient autodidactes ou qu'ils aient reçu une formation professionnelle. La formation structurée dans ces disciplines a vu le jour avec la création du département des Arts visuels à l'Université de Moncton au milieu des années 60. Quelques oeuvres intéressantes produites par les générations précédentes existent encore, parmi lesquelles des oeuvres de femmes ayant étudié le design et la peinture à l'étranger : Philomène Belliveau de Memramcook et Caroline Léger de Paquetville au XIXe siècle et, plus tard, Anna Bourque-Bourgeois, Jeanne Léger de Sainte-Marie-de-Kent, Alma Buote de Tignish et Yolande Boudreau de Moncton.

Au tournant du siècle, le Dr Paul Carmel Laporte (né en 1885 à Verchères, au Québec), établi à Edmundston, installe un atelier dans lequel, pendant 40 ans, il enseignera aux jeunes la sculpture sur bois. Claude Picard (Saint-Basile) et Claude Roussel (Edmundston/Dieppe) sont deux noms qui se démarquent parmi les nombreux talents qui ont fleuri sous sa direction. Roussel, alors qu'il était artiste en résidence à la nouvelle Université de Moncton, y mit sur pied le département des Arts visuels (1963). Picard et Roussel furent tous deux invités à illustrer l'odyssée acadienne par des peintures et des bas-reliefs à l'Église-Souvenir de Grand-Pré (1987). Les sculptures environnementales en pierre de soeur Marie-Hélène Allain (Sainte-Marie-de-Kent) sont aussi exposées dans plusieurs édifices publics du Nouveau-Brunswick.

De nombreux artistes de la même génération ont reçu leur formation à l'extérieur de la province avant de poursuivre leur carrière au Nouveau-Brunswick. On peut mentionner soeur Gertrude Godbout, soeur Eulalie Boudreau, René Hébert, Georges Goguen, Roméo Savoie, Hilda Lavoie-Franchon et Claude Gauvin. Une des murales de Gauvin décore un mur extérieur d'un bâtiment du gouvernement fédéral de la rue Sparks à Ottawa et une autre a été faite pour l'Expo 86 de Vancouver.

Édouard Gautreau (né en 1906 à Saint-Paul-de-Kent), Claude Picard et Ernest Cormier (né en 1921 à Cap-Pelé) produisent des peintures religieuses et des murales pour les églises d'Acadie. Le Nouveau-Brunswick a déclaré l'église de Sainte-Anne-de-Kent, qu'on décrit parfois comme la chapelle Sixtine de l'Acadie, patrimoine provincial à cause des peintures de Gautreau que l'on peut y voir. En Nouvelle-Écosse, le peintre Nelson Surette (né en 1920) s'est acquis une solide réputation grâce à ses illustrations de la vie quotidienne en Acadie. À l'Île-du-Prince-Éouard, Adrien Arsenault s'est avéré un artiste remarquable. Au Québec, un Acadien originaire du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick, Néré DeGrâce, a vu l'une de ses peintures choisie pour réaliser un timbre commémoratif canadien. Ses nombreuses créations sur les thèmes folkloriques traditionnels font partie de collections privées bien au-delà des frontières de l'Acadie. Les collections des musées nationaux canadiens contiennent des oeuvres de plusieurs artistes populaires : Léo B. LeBlanc, un peintre du Sud-Est; Alfred Morneault et Octave Verret (né en 1902), tous deux des sculpteurs sur bois de la région de Madawaska, et Arthur Gallant, un sculpteur sur bois du Sud-Est. Médard Cormier (né en 1933) et Camille Cormier (né en 1924) sont deux autres peintres populaires bien connus.

Formée dans les universités acadiennes et à l'extérieur, la génération actuelle d'artistes visuels constitue un groupe impressionnant : elle possède les outils pour explorer de nouveaux horizons tout en poursuivant la tradition d'excellence établie par les aînés. Certains, comme l'artiste multimédia Herménégilde Chiasson et le peintre prolifique Yvon Gallant, se sont déjà fait un nom. D'autres, comme Paul Édouard Bourque, Jacques Arseneault, Francis Coutellier, Marc Cyr, Pierre Noël LeBlanc, Anne-Marie Sirois, Lucille Robichaud, Lionel Cormier, Luc A. Charette, Daniel Dugas, Guy Duguay, Roger Vautour, Ghislaine McLaughlin, Gilles LeBlanc, Georges Blanchette, Gilles Arsenault, Hélène LaRoche et André Lapointe ont produit, depuis le début des années 70, une quantité considérable d'oeuvres qui abordent des préoccupations modernes mais qui vont également au-delà. Robert Saucier, Jocelyn Jean et Paul-Émile Saulnier, bien qu'ils aient choisi de travailler au Québec et que leurs oeuvres aient eu une diffusion internationale (France, Allemagne, Italie, etc.), doivent être considérés comme des artistes visuels acadiens.

Théâtre

La première vraie troupe de théâtre acadienne, la Troupe Notre-Dame de Grâce, est créée en 1956, à Moncton, par Laurie Henri. Elle change de nom pour Le Théâtre Amateur de Moncton (TAM) en 1969 et après le décès de son fondateur en 1981, pour celui du Théâtre Laurie Henri. Les plus beaux moments du TAM sont ceux des représentations, en 1976, de Les Pêcheurs déportés de Germaine Comeau et de Les Crasseux d'Antonine Maillet, le second ayant été dirigé par Jean-Claude Marcus. Depuis, ce sont surtout les troupes professionnelles, comme le Théâtre Populaire d'Acadie (TPA) à Caraquet et la nouvelle coopérative de théâtre L'Escaouette à Moncton, qui animent la scène théâtrale acadienne. Ces deux troupes ont donné à plusieurs nouveaux scénaristes acadiens l'occasion de développer et d'exercer leurs talents.

À Caraquet, le TPA a présenté les pièces de Jules Boudreau, dont la plus connue est Louis Mailloux (1975), drame musical écrit en collaboration avec Calixte Duguay, qui raconte l'histoire d'un jeune héros acadien qui a trouvé la mort en défendant sa culture. Boudreau a aussi dramatisé les séquelles de la déportation dans sa pièce Cochu et le Soleil (1977). Dans ses autres oeuvres, Boudreau explore divers sujets contemporains avec intelligence et humour. Le TPA a aussi présenté l'une des premières pièces d'Herménégilde Chiasson, L'Amer à boire (1977), une adaptation du roman de Régis Brun; La Marie Como (1980), un spectacle pour enfants; Rosine et Renixou (1983) de Roseline Blancard et René Cormier; et Zélica à Cochon Vert (1986) de Laurier Melanson.

À Moncton, le théâtre de L'Escaouette s'est attardé aux oeuvres d'Herménégilde Chiasson. Ses pièces sont très éclectiques et touchent autant au sérieux qu'au comique. Trois thèmes y sont explorés : l'histoire révisionniste dans Histoire et histoire (1980) et Renaissances (1984); l'humour, le burlesque et la farce dans Au plus fort la poche (1977), Cogne Fou (1981) et Y'a pas que des maringouins dans les campings (1986); le fantastique, les mondes imaginaires et les merveilles dans Becquer Bobo (1976), Mine de Rien (1980), L'Étoile de Mine de Rien (1982), écrite en collaboration avec Roger LeBlanc, et Atarelle et les Pakmaniens (1983), cette dernière pièce ayant été présentée au Nouveau-Brunswick et en Europe en 1985. Deux d'entre elles, Au plus fort la poche et Becquer Bobo, ont été mises en scène par le département d'art dramatique de l'U. de Moncton plutôt que par L'Escaouette.

L'Escaouette a aussi présenté des pièces destinées à un auditoire d'âge scolaire, comme Le Pêcheur ensorcelé (1979) de Marie Pauline et Le Gros Ti-Gars (1985) de Gracia Couturier. Ces pièces explorent les mondes réels et fantastiques des enfants et des adolescents. Dans Le Gros Ti-Gars, Couturier fait preuve de beaucoup de justesse et d'une grande maîtrise du texte et de la forme dramatique, comme elle l'a montré dans les quatre pièces qu'elle a écrites pour le Théâtre de Saisons de Shippagan.

Parmi les autres auteurs ayant choisi un contexte et des thèmes acadiens on trouve Raymond LeBlanc (As-tu vu ma balloune, 1979, et Fonds de culottes, 1981); Clarence Comeau (Au pays des côtes, 1978, et Premières neiges d'automne), Gérald LeBlanc (Les Sentiers de l'espoir, 1983) et Marcel Thériault (J'avais dix ans, 1983). À cause d'un contexte plus difficile pour les francophones n'habitant pas au Nouveau-Brunswick, le théâtre survit grâce à des personnes comme Jules Chiasson et Jean-Douglas Comeau en Nouvelle-Écosse et Paul Gallant à l'Île-du-Prince-Édouard, dont La cuisine à Mémé a ravi les amateurs de pièces de théâtre d'été. D'autres auteurs se sont tournés vers le théâtre d'été, comme Claude Saint-Germain et Léonie Poirier, tandis que Pierre Gérin a publié des pièces, dont Opération Médusa (1974), qui n'ont pas été jouées sur scène. Par contre, le cas de Gérin est exceptionnel, puisqu'en Acadie, le répertoire entier de pièces publiées (excepté celles d'Antonine Maillet, publiées par Leméac à Montréal) ne compte que huit titres, répartis chez les Éditions d'Acadie, Michel Henry éditeur et L'Imprimerie Lescarbot. Ce qui reste n'est toujours pas publié, bien que la plupart des pièces aient été mises en scène.

Le théâtre acadien continue de montrer une grande vitalité. La carrière nationale et internationale d'Antonine Maillet se poursuit grâce à Carrochés en Paradis (1986), Margot la folle (1987) et William S. (1991). Une nouvelle troupe de théâtre, fondée en 1986 par Viola Léger, connue pour son rôle dans La Sagouine, de Maillet, apporte une énergie renouvelée qui transparaît dans sa première production d'une pièce de Carole Higgin, Harold et Maude (1987), dont la cinquantaine de représentations a attiré plus de 10 000 personnes.

Cinéma

Le premier film produit au Canada est un long métrage tourné en 1913, inspiré d'Évangéline, poème de Henry Wadsworth Longfellow, et ayant pour thème la déportation des Acadiens. Depuis, plus de 75 films ont eu pour sujet l'Acadie. Par contre, ce n'est qu'au début des années 50 qu'un cinéma entièrement acadien apparaît, lorsque Léonard Forest commence à travailler pour l'Office national du film (ONF) à Montréal. Forest creuse dans ses racines acadiennes et tourne des films comme Les Aboiteaux (1955), Les Acadiens de la Dispersion (1967), La Noce est pas finie (1971) et Un soleil pas comme ailleurs (1972). Bien qu'il ait été tourné en 16 mm, La Noce est pas finie est perçu comme étant le premier long métrage réalisé par un Acadien. Tout au long de sa carrière de 30 ans en tant que scénariste, réalisateur et producteur pour l'ONF, Léonard Forest a participé à la production de plus de 150 films. Ses fréquentes incursions dans le monde acadien ont ouvert la voie aux futurs réalisateurs et équipes de production acadiens, contribuant ainsi au développement d'un cinéma acadien.

Forest est aussi l'instigateur de la ligne de conduite du Centre de production de Moncton, « Régionalisation / Acadie » de l'ONF, qui ouvre ses portes à Moncton en 1974. Respectant son mandat de « donner aux Acadiens et au reste du monde une interprétation de l'Acadie par des Acadiens », le Centre de production de Moncton (ONF) a produit et coproduit plus de 45 films (la plupart étant des documentaires en 16 mm), offrant ainsi aux Acadiens l'occasion de parler de leurs intérêts, de leurs préoccupations, de leur histoire, de leur littérature et de leurs particularités.

Paul-Eugène LeBlanc, de Memramcook (Nouveau-Brunswick), est le premier producteur engagé, en 1974, par le Centre de production de Moncton. Lui succèdent Rhéal Drisdelle (1980-1981), Eric Michel (1982-1986), Michel Lemieux (1988-1991) et Pierre Bernier (nommé en 1991). Des 20 Acadiens qui ont tourné des films avec les producteurs du Studio documentaire Acadie (anciennement le Centre de production de Moncton), seul un petit nombre d'entre eux ont fait du cinéma. Parmi ceux qui n'ont pas choisi cette voie se trouvent Anna Girouard, Claude Renaud et Serge Morin, qui ont toutefois contribué à définir le cinéma acadien, avec des films comme Abandonnée (1976), La Confession (1978), et De l'autre côté de la glace (1983).

Phil Comeau, de Saulnierville (Nouvelle-Écosse), a réalisé plus de 27 documentaires et 10 docu-drames pour l'ONF, dont La Cabane (1978), l'histoire fictive d'adolescents qui affrontent l'autorité parentale dans un village acadien conservateur de Nouvelle-Écosse, et Les Gossipeuses/The Gossips (1978), une comédie sur les frasques de trois commères dans un petit village. Son premier long métrage, Le Secret de Jérôme (1994), est basé sur l'histoire vraie d'un Corse qu'on trouve les deux jambes coupées, sur une plage de la partie francophone de la Nouvelle-Écosse.

Écrivain, poète, artiste visuel et cofondateur des Productions Phare-Est, situées à Moncton (Nouveau-Brunswick), Herménégilde Chiasson (né à Saint-Simon, au Nouveau-Brunswick) commence sa carrière de cinéaste en 1985. Il réalise plus d'une dizaine de films, dont les plus connus sont Le Grand Jack/Jack Kerouac's Road - A Franco-American Odyssey (1987), un docu-drame inspiré de la vie du « beatnik » Jack Kerouac, Robichaud (1989), un documentaire sur le règne politique de Louis J. Robichaud, le premier Acadien à être élu premier ministre du Nouveau-Brunswick, et Les Années Noires (1995), un docu-drame racontant les événements politiques, économiques et sociaux qui ont mené à l'expulsion des Acadiens de l'Acadie en 1755.

Rodolphe Caron, de Lac Baker (Nouveau-Brunswick), est cameraman pour 11 films avant de devenir cinéaste. Cofondateur de la seule coopérative de film acadienne, il réalise trois documentaires avec l'ONF et deux avec Cinémarévie Coop Ltée, située à Edmundston (Nouveau-Brunswick). Avec le coeur (1994), un documentaire sur un groupe de bénévoles apportant du réconfort aux patients et aux malades en phase terminale du Edmundston Regional Hospital et Le Champion (1996), un documentaire sur le Canadien Hermel Volpé, champion de tir à l'arc et lui aussi de la région d'Edmundston. Le but fixé par cette coopérative de production est de former des cinéastes et des équipes de production dans le Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick, où la population se considère autant brayonne, acadienne que canadienne-française.

Écrivain et membre cofondateur, dans les années 70, du groupe Beausoleil Broussard, Jacques Savoie naît à Edmundston (Nouveau-Brunswick). Il réalise son premier film en 1982 : Massabielle, tiré de son roman Raconte-moi Massabielle. Ce film raconte l'histoire de Pacifique Haché, exproprié de sa terre et qui refuse de partir. Il rencontre une jolie femme, avec laquelle il trouve la solution pour se sortir de sa fâcheuse situation. Son histoire ressemble à celle de Jackie Vautour et des familles qui ont été expropriées pour permettre la création du parc national de Kouchibouguac. Savoie a écrit les scénarios des films Les Portes tournantes (1988), réalisé par Francis Mankiewicz, et Le Violon d'Arthur (1990), réalisé par Jean-Pierre Gariépy, et une fiction pour la télévision, Bombardier.

Cofondatrice des productions Phare-Est Inc., Ginette Pellerin est originaire du Québec. Depuis son arrivée à Moncton en 1975, elle se dévoue entièrement à la production cinématographique. Elle travaille d'abord comme assistante, puis réalise ensuite trois films avec l'ONF, dont : L'Âme soeur (1991), un documentaire sur la vie et les réalisations de religieuses de la communauté des Hospitalières de Saint-Joseph et Évangéline en quête (1996), un docudrame explorant les aspects mythiques et réels de l'héroïne de Henry Wadsworth Longfellow, Évangéline.

Originaire de Charlo, au Nouveau-Brunswick, Bettie Arseneault est, quant à elle, assistante réalisatrice de différentes productions cinématographiques et télévisuelles. Elle réalise ensuite deux films avec l'ONF : Bateau bleu, maison verte (1985), un documentaire sur les habitations et les embarcations très colorées de l'Acadie et De retour pour de bon (1994), un documentaire sur le retour chez eux d'Acadiens ayant vécu plusieurs années à Montréal.

Pour sa part, la dessinatrice-scénariste, dessinatrice-caricaturiste et animatrice Anne-Marie Sirois, originaire du comté de Madawaska, au Nouveau-Brunswick, réalise deux films d'animation pour l'ONF et deux autres pour Cinémarévie Film Coop. Son premier film, intitulé Maille Maille/Stitches in Time (1987), met en scène deux femmes âgées qui se racontent leurs souvenirs en tricotant. Puis, dans le film Animastress (1994), la réalisatrice présente des êtres humains qui ont « absorbé » le stress imposé aux poulets destinés à l'alimentation humaine.

Claudette Lajoie, née à Grand-Sault, au Nouveau-Brunswick, est recherchiste pour des productions réalisées en vidéo et réalisatrice et intervieweuse à Télé-Public, une chaîne communautaire desservant le Nord-Est du Nouveau-Brunswick. Elle réalise ensuite quatre documentaires pour l'ONF. Son premier documentaire, Une sagesse ordinaire (1983), présente la sage-femme Edith Pinet, de Paquetville, au Nouveau-Brunswick. Quant au film intitulé Les Femmes aux filets (1987), il raconte la vie de travailleuses dans des usines de transformation du poisson dans la Péninsule acadienne.

Robert Awad, de Kedgwick, au Nouveau-Brunswick, fait ses débuts en 1974 comme animateur. Il poursuivra sa carrière en réalisant sept films avec l'ONF. Le personnage principal de son premier film, une satire intitulée Truck, explique de quelle manière se serait déroulée l'histoire de l'Acadie si on avait inventé le camion en 1755. Son film intitulé The Bronswik Affair/L'Affaire Bronswik (1978) est une comédie sur l'influence de la publicité sur les gens. Quant à Automania (1994), c'est un film amusant sur un homme obsédé, qui veut absolument se rendre à son travail dans son auto.

Parmi les nouveaux réalisateurs et réalisatrices, figure Renée Blanchar, de Caraquet, au Nouveau-Brunswick, dont le troisième film, intitulé Vocation Ménagère (1996), raconte la vie de ménagères au service de prêtres catholiques. Il y a aussi Monique LeBlanc, de Bouctouche, au Nouveau-Brunswick, dont le premier film, The Acadian Connection/Le Lien acadien (1995), jette un regard affectueux sur les membres de la famille LeBlanc, dispersés partout en Amérique du Nord mais conservant tout de même des liens étroits avec leur héritage acadien. Mentionnons aussi Christien LeBlanc, né à Moncton, ainsi que son associé Paul Boss, avec qui il a produit des vidéos expérimentaux.

Littérature

L'histoire de la littérature acadienne peut être divisée en cinq périodes.

Antonine Maillet
M\u00ealant l'aventure, le désir, la frustration, l'agonie et la joie, les romans d'Antonine Maillet offrent une nouvelle image de l'Acadie d'antan (photo d'Andrew Danson).

Jusqu'à la déportation (1604-1755)

Stratégiquement située pour le commerce, l'Acadie a été longtemps convoitée à la fois par la France et l'Angleterre. Même si ses relations avec la culture et les institutions de la Nouvelle-France étaient distantes, c'est en Acadie que Marc Lescarbot a écrit les premiers textes littéraires en Amérique du Nord en 1606. Plus tard, des visiteurs comme Biard, Leclercq, Denys, Dièreville, Maillard et Bourg ont décrit sa géographie et ses sites habités, ainsi que sa flore et sa faune. À ces documents, on peut ajouter ceux des hommes d'Église, comme Mgr de Saint-Vallier, qui ont rendu visite à la population et ont témoigné des conditions religieuses et économiques. L'histoire coloniale troublée de l'Acadie, la lenteur de la croissance de sa population, les menaces constantes pour son avenir et la déportation expliquent pourquoi les Acadiens n'ont pas produit de textes du calibre de ceux écrits par Jolliett, Morin et Boucher en Nouvelle-France.

De la déportation au retour (1755-1881)

La reconstruction d'une collectivité acadienne s'est faite lentement, sans littérature écrite, mais avec une tradition orale florissante conservée en histoires, légendes et chansons. Au milieu du XIXe siècle, un système scolaire avait commencé à prendre forme pour les Acadiens. En 1854, le premier collège est fondé (réorganisé et agrandi en 1864) et ses diplômés tiennent rapidement des rôles actifs dans leur communauté. Avec l'aide du clergé, ils commencent à se concentrer sur leur propre identité et sur leurs aspirations en tant que francophones dans un environnement composé d'anglophones. Ce mouvement de concentration est avivé par une série de conventions nationales, à partir de 1881.

Période du débat nationaliste (1881-1966)

Pendant 80 ans, le débat nationaliste domine dans la pensée et la littérature acadiennea. Enraciné dans les oeuvres du Français Rameau de Saint-Père et stimulé par le clergé du Québec qui a adopté ses théories, on retrouve ce débat dans les sermons, les groupes de discussion et les journaux de langue française (Le Moniteur, L'Évangéline). Cherchant à englober la politique, l'économie et la recherche sociographique, le débat domine l'activité culturelle, favorisant la guérison du traumatisme de la déportation et la redéfinition du caractère de la collectivité acadienne.

La redécouverte de leur propre histoire a évidemment joué un rôle important pour les Acadiens; elle s'étend rapidement à l'histoire anecdotique, aux biographies, aux généalogies, aux monographies, consacrées aux paroisses ou à des établissements individuels, et aux études linguistiques, où Pascal Poirier, le premier sénateur acadien, se distingue particulièrement. Les genres littéraires se conforment au thème nationaliste, ainsi en poésie (F. Moïse Lanteigne, Napoléon-P. Landry), dans les romans (Antoine-J. Léger, Hector Carbonneau, J.-Alphonse Deveau) et dans le théâtre (Alexandre Braud, Jean-Baptiste Jégo), ce dernier mettant aussi l'accent sur les luttes périodiques pour la liberté de l'enseignement, accent également mis en évidence dans les drames sociaux de James Branch.

Au milieu du XXe siècle, le débat nationaliste ne constituait plus le centre de la pensée acadienne, puisque la légitimité de l'existence de la communauté francophone n'était plus en question. Les auteurs se tournent vers d'autres sujets, notamment Antonine Maillet, dont le premier roman, Pointe-aux-Coques (1958) traite de la vie quotidienne dans un petit village acadien.

Donat Coste, un Acadien vivant à Montréal, écrit L'Enfant noir en 1957 pour dénoncer l'hypocrisie de la société moderne. Ronald Després, musicien, poète et traducteur, vivant aussi à l'extérieur du Nouveau-Brunswick, publie de nombreux poèmes et un roman, Le Scalpel interrompu, qui offre une vision tragicomique du monde moderne.

Ce retrait de la littérature du débat nationaliste eut lieu alors qu'un défi était lancé par la jeune génération. En 1966, le Rassemblement des Jeunes remet en question l'essence du débat, ses emblèmes, ses symboles et ses points de vue historiques, c'est-à-dire le portrait traditionnel de l'Acadien; et les temps sont sympathiques à leur approche. Le gouvernement libéral de Louis J. Robichaud (le premier ministre acadien du Nouveau-Brunswick 1960-1970) réussit à mettre en application le Programme d'égalité d'accès à l'emploi ainsi qu'une Loi sur les langues officielles, au moment où la Révolution tranquille du Québec et l'envergure des mouvements radicaux de la décennie servent de modèle et de stimulation au changement.

Ère de la littérature (1966-1986)

Nombre d'autres facteurs sont combinés à ce défi idéologique et à ce renouvellement social : les grèves étudiantes et leurs conséquences juridiques et sociales; les « nuits de la poésie », où la poésie activiste est créée et une nouvelle sensibilité prend naissance; l'énorme succès de La Sagouine d'Antonine Maillet; l'émergence des chansonniers; les publications plus fréquentes des jeunes auteurs, bien servis par les Éditions d'Acadie, nouvellement fondées.

La poésie arrive en premier, avec des thèmes centrés sur l'Acadie, caractérisée par une recherche d'identité et par la rébellion contre les vues traditionnelles des valeurs acadiennes. Parmi les contextes typiques, on retrouve le brûlant désir de créer son propre pays (Raymond LeBlanc) et la dénonciation triste, encore violente, de ce qui est perçu comme un mort-vivant collectif (Herménégild Chiasson). D'autres oeuvres de ces mêmes poètes célèbrent l'amour et la vie quotidienne, libres de toute position politique particulière. Tel est le point de départ de Guy Arsenault, la naïveté étudiée avec laquelle la langue semble légère, et en fait explore en profondeur les manières dont l'Acadie continue à être dépréciée. D'une façon plus générale, Ulysse Landry dénonce l'envahissement de la vie individuelle et sa dévaluation par tant d'aspects de la société moderne. Les oeuvres de ces poètes, publiées entre 1973 et 1976, réussissent à combiner la langue du quotidien avec une exploration stylistique originale.

Bien que certains de ces thèmes aient conservé leur importance, la poésie a continué à faire des expériences et à évoluer en matière de format et de thème. Roméo Savoie s'est dirigé vers la philosophie, alors que Gérald LeBlanc a introduit une nouvelle inspiration cosmopolite dans la littérature acadienne. Léonard Forest partage ce désir d'atteindre d'autres cultures grâce à sa poésie, créant une musicalité particulière par l'emploi de vocabulaire archaïque et de rythmes ritualistes contraignants. Une sorte de surréalisme naturel se retrouve dans la poésie de Rose Després et de Dyane Léger, la première se libérant du passé dans sa recherche pour le mot et la forme justes, alors que la seconde s'entoure d'un univers magique de mots lorsqu'elle bâtit son propre monde de rêve littéraire. D'autres, comme Huguette Legaré, Clarence Comeau, Daniel Dugas, Huguette Bourgeois, Robert Pichette et Melvin Gallant explorent, poème par poème, les registres des sentiments et des émotions qui touchent le coeur.

Le roman acadien est dominé par les oeuvres d'Antonine Maillet, dont l'énergie sans limite combine l'épopée aux événements du quotidien, faisant appel à toutes les ressources de la tradition de la légende populaire et du conte oral. Cependant, on entend d'autres voix : Louis Hach utilise sa connaissance des archives pour retracer l'histoire de la vie acadienne du Nord-Est du Nouveau-Brunswick. Régis Brun adopte une perspective historique révisionniste, trouvant ses héros dans les gens ordinaires qui démontrent leur soif de liberté et leur joie de vivre. Claude Lebouthillier réécrit l'histoire au moyen d'une littérature utopique qui redonne aux Acadiens leur patrie perdue; Jeannine Landry Thériault et Laurier Melanson décrivent la vie de village, souvent de façon satirique, dans ses drames personnels, sa paillardise, ses espoirs et ses désillusions; Anne Lévesque, Germaine Comeau et Melvin Gallant se concentrent sur les destins des personnes, comme le fait Jacques Savoie dans sa prose vivante et spontanée, créant de nouvelles structures romanesques. France Daigle, dans un style minimaliste et elliptique, offre une vision moderne et réellement abstraite d'un monde coloré avec émotion. L'Acadie perdue (1978) de Richard Roy est un livre passionné et fascinant reposant sur une solide recherche historique, alors que L'Acadie du discours de Jean-Paul Hautecoeur offre un aperçu sociologique brillant et que Léon Thériault analyse la politique dans son oeuvre, La Question du pouvoir en Acadie. Dans les autobiographies, Mémoires d'un nationaliste acadien de Calixte Savoie se place comme un livre de premier plan.

Période contemporaine (1986 jusqu'à nos jours)

La littérature en tant qu'institution devient plus vitale. Les maisons d'édition augmentent en nombre, des anthologies sont produites et l'enseignement de la littérature acadienne à l'université permet de mieux faire connaître certains auteurs, favorise la récupération de textes anciens et oblige les auteurs à produire des oeuvres complètes.

Tous les genres s'enrichissent. Les auteurs établis inspirent la génération suivante d'auteurs, la poésie se porte bien, comme l'oeuvre de plus en plus influente de Serge-Patrice Thibodeau le prouve. Le roman historique est en croissance et l'essai gagne en popularité. Les pièces et la littérature pour enfants commencent à devenir des formes littéraires importantes. La littérature acadienne est largement reconnue en France, en Nouvelle-Écosse et en Louisiane. Après avoir été en marge des lettres canadiennes-françaises, la littérature acadienne s'est taillée une place en leur sein.

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