Halifax et le Titanic | l'Encyclopédie Canadienne

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Halifax et le Titanic

Plus de 1 500 passagers et membres d’équipage ont perdu la vie lors du naufrage du navire RMS Titanic le 15 avril 1912. Plusieurs victimes ont coulé avec le navire, mais de nombreux corps sont également restés à la surface, maintenus à flot par leurs gilets de sauvetage. La pression exercée par les proches, les journaux et le grand public a conduit les propriétaires du Titanic, la White Star Line, à affréter quatre navires pour récupérer les corps des victimes. Au total, ces navires ont récupéré les corps de 328 passagers et membres d’équipage. Ces efforts ont été coordonnés à partir d’Halifax, en Nouvelle-Écosse, où 150 des victimes ont été enterrées.

Récupération d’une embarcation de sauvetage du Titanic

Récupération des corps des victimes

Bien que St. John’s, à Terre-Neuve, soit géographiquement plus rapprochée du lieu du naufrage du Titanic, les responsables de la White Star Line décident plutôt d’organiser l’opération de récupération à partir d’Halifax, en Nouvelle-Écosse. Contrairement à St. John’s, plus difficile d’accès, Halifax dispose de liaisons ferroviaires avec les grandes villes de l’est de l’Amérique du Nord, ce qui permet aux proches de s’y rendre plus facilement pour identifier les dépouilles et les rapatrier s’ils le souhaitent. La ville compte également davantage d’entrepreneurs de pompes funèbres.

Mackay-Bennett

Dans la soirée du 16 avril, le représentant de la White Star Line à Halifax affrète le CS Mackay-Bennett, un navire câblier à vapeur, pour récupérer le plus de corps possible. Propriété de la Commercial Cable Company, ce navire est habituellement utilisé pour la pose et la réparation des câbles télégraphiques sous-marins transatlantiques de la société. Seuls les membres d’équipage s’étant portés volontaires pour « un travail déstabilisant » sont autorisés à participer à cette mission.

À son départ, le Mackay-Bennett transporte 125 cercueils en bois brut et l’ensemble des stocks de liquide d’embaumement de la ville, soit une quantité suffisante pour 70 corps. Plusieurs tonnes de glace sont chargées à bord pour conserver les corps si le liquide d’embaumement venait à manquer. Le navire transporte également des toiles et des poids en ferraille pour les sépultures en mer.

Le 17 avril à 12 h 28, le Mackay-Bennett quitte Halifax sous le commandement du capitaine Frederick Larnder (souvent mal orthographié dans les documents – Lardner). Outre l’équipage, un homme d’Église protestante et un embaumeur prennent également place à bord. Plusieurs journaux surnomment le Mackay-Bennett le « navire de la mort ».

Début des efforts de récupération

Le Mackay-Bennett atteint la zone du naufrage du Titanic le soir du 20 avril. Les opérations de récupération commencent dès le lendemain matin à 6 h. Des vigies sur le pont et la proue scrutent la mer à la recherche des corps, évoquant selon le capitaine Larnder « un troupeau de mouettes », en raison de leurs gilets de sauvetage blancs. Lorsque des corps sont aperçus, on descend par-dessus bord deux ou plusieurs canots de service, pour ensuite ramer vers la zone. Les corps sont ensuite hissés à bord des canots, puis acheminés au Mackay-Bennett. On répète ensuite le processus. L’équipage à bord du Mackay-Bennett numérote les corps et les effets personnels, qui sont ensuite examinés par les entrepreneurs de pompes funèbres et leurs assistants.

Une décision s’impose alors : soit on ensevelit la victime en mer, soit on la ramène à Halifax. Bien qu’il n’existe aucun document détaillé, ces décisions se fondent alors vraisemblablement sur les critères suivants : la possibilité d’identifier le corps, l’état physique des restes et la classe sociale de l’individu en question. Les différentes classes des passagers semblent également être prises en compte dans la décision. Pendant ses 13 jours en mer, le Mackay-Bennett récupère 306 corps. Parmi ceux-ci, 116 reçoivent une sépulture en mer et 190 sont ramenés à Halifax.

Tombes des victimes du Titanic à Halifax

Minia

Il devient vite évident qu’un autre navire de récupération sera nécessaire; la White Star Line affrète donc le CS Minia, appartenant à la Western Union et ayant pour capitaine William deCarteret. Le Minia quitte Halifax le 22 avril, avec à son bord 150 cercueils, 20 tonnes de glace et 15 tonnes de ferraille, ainsi que, encore une fois, un homme d’Église protestant et un embaumeur.

Le Minia rejoint la zone de recherche le 26 avril, mais le mauvais temps entrave les recherches. Entre-temps, de nombreux corps ont également été emportés par le Gulf Stream; on les retrouvera à une distance de plus de 240 km du site du naufrage du Titanic. Au bout d’une semaine d’efforts, seuls 17 corps, tous des victimes de sexe masculin, ont été retrouvés. Deux d’entre eux sont ensevelis en mer. On emmène les autres à Halifax le 6 mai. L’un des corps retrouvés est celui de Charles Melville Hays, président du Grand Trunk Railway. À Halifax, l’équipage transfère ses cercueils inutilisés et son liquide d’embaumement à un troisième navire, le navire à vapeur Montmagny.

Montmagny

Le navire à vapeur Montmagny du gouvernement canadien est un navire de servitude pour les phares exploité par le ministère de la Marine et des Pêches. Sous le commandement conjoint de Peter Johnson et François-Xavier Pouliot, le Montmagny quitte Halifax le 6 mai avec à son bord deux hommes d’Église, l’un protestant et l’autre catholique, ainsi que deux entrepreneurs de pompes funèbres.

Malgré de mauvaises conditions en mer, le Montmagny récupère quatre corps. L’équipage ensevelit le premier en mer le 9 mai, puis expédie les trois autres vers Louisbourg, sur l’île du Cap-Breton, le 13 mai. De là, ils sont acheminés à Halifax par voie ferroviaire.

On ravitaille le Montmagny, qui regagne ensuite la zone de recherche. Le navire sillonne la zone, mais en vain : on ne trouve aucun autre corps. Le 19 mai, le quatrième navire, Algerine, arrive à son tour sur les lieux. Le Montmagny rentre à Halifax quatre jours plus tard.

Algerine

Le dernier des quatre navires affrétés par la White Star Line est le navire à vapeur Algerine, un navire civil de transport de marchandises et de passagers et un chasseur de phoques à temps partiel appartenant à Bowring Brothers de St. John’s. Par coïncidence, la société qui a construit le Titanic, Harland and Wolff, a aussi construit l’Algerine. Le navire quitte St. John’s le 16 mai sous le commandement du capitaine John Jackman, avec deux entrepreneurs de pompes funèbres à bord.

Après son rendez-vous avec le Montmagny, l’Algerine poursuit les recherches pendant trois semaines supplémentaires. Un seul corps sera retrouvé, celui d’un serveur du Titanic, que l’Algerine ramène à St. John’s le 6 juin. La dépouille est transférée sur le navire à vapeur Florizel, qui parvient au port d’Halifax le 11 juin.

Embarcation de sauvetage n° 6 du Titanic

Le saviez-vous?
Neuf autres dépouilles sont retrouvées par le RMS Carpathia et d’autres navires qui passent par la zone du naufrage. Les premiers sont recueillis par le Carpathia, qui rejoint la zone après avoir reçu le signal de détresse du Titanic et retrouve ses canots de sauvetage éparpillés sur une vaste zone. Bien que 713 passagers et membres d’équipage soient sauvés des eaux, les canots de sauvetage contiennent aussi trois corps et un survivant qui décèdera une fois ramené à bord. Tous les quatre reçoivent une sépulture en mer. Les navires qui passent par la zone trouvent également cinq corps, le dernier le 8 juin. Au total, 337 corps de passagers et de membres de l’équipage du Titanic sont récupérés, dont 128 sont ensevelis en mer.


Les victimes du Titanic arrivent à Halifax

Halifax

Le Mackay-Bennett entre au port d’Halifax à 9 h le 30 avril. Tandis que le navire remonte le port, on fait tinter les cloches des églises et des pompiers et on met les drapeaux en berne; dans un silence solennel, les observateurs se tiennent le long du front de mer, sur la colline de la Citadelle ou sur les toits. Dans de nombreux commerces locaux, les vitrines sont drapées de noir, certains affichant des photographies encadrées du Titanic. Une fois le navire accosté dans la cour navale, les corps sont chargés dans des corbillards tirés par des chevaux, qui emmènent la plupart d’entre eux vers une morgue temporaire mise en place au club de curling Mayflower. Quarante embaumeurs supplémentaires de différents endroits des Maritimes viennent à Halifax, dont deux femmes qui embaument toutes les victimes de sexe féminin ainsi qu’un enfant, que l’on surnommera « l’enfant inconnu ». Au total, 150 victimes seront enterrées à Halifax; 59 autres seront transportées ailleurs à la demande des membres de leur famille.

Cimetières

Des services funéraires solennels ont lieu dans cinq églises d’Halifax, où sont présents de nombreux Haligoniens. Avant cela, plusieurs services commémoratifs ont déjà eu lieu avant même l’arrivée des dépouilles des victimes dans la ville. La White Star Line fournit des concessions funéraires dans trois des cimetières de la ville et assume également le coût des pierres tombales standard, bien que les familles qui le souhaitent aient la possibilité d’acheter des pierres plus élaborées. Au total, 121 dépouilles sont enterrées au cimetière non confessionnel Fairview Lawn, 19 au cimetière catholique Mount Olivet et 10 au cimetière juif Baron de Hirsch. Ces cimetières, rappelant de manière bien visible la tragédie du Titanic, l’une des plus connues de l’histoire, sont visités par des milliers de personnes chaque année.

Sites du Titanic

Outre les trois cimetières, il existe à Halifax de nombreux sites associés au Titanic. Il s’agit notamment du Musée maritime de l’Atlantique, qui possède une collection unique d’objets du Titanic, dont certains en bois. Les Archives de la Nouvelle-Écosse détiennent les documents originaux portant sur la récupération et l’identification des victimes du naufrage.

Les autres lieux incluent les maisons des deux passagers du Titanic originaires d’Halifax (George Wright et Hilda Slayter), l’ancien club de curling ayant servi de morgue au moment du rapatriement des corps (aujourd’hui un magasin de surplus de l’armée) et quatre des cinq églises (dont l’une détruite dans un incendie en 1979) où ont eu lieu les services funéraires.

Tombes des victimes du Titanic à Halifax