L’histoire
de l’Acadie
en tant que colonie francophone remonte au début du 17e siècle. Les
colons français qui ont colonisé la terre et coexisté aux côtés des peuples
autochtones sont devenus connus sous le nom d’Acadiens. L’Acadie a
également été la cible de nombreuses guerres entre les Français et les Anglais.
La colonie est finalement tombée sous la gouverne britannique. De nombreux
Acadiens ont par la suite été expulsés de l’Acadie. Au fil du temps, que ce
soit en tant que colonie britannique et ensuite en tant que partie du Canada, les
Acadiens sont de plus en plus devenus une minorité linguistique. Néanmoins, ils
se sont efforcés de protéger leur langue et leur identité à travers le temps.
Histoire du nom « Acadie »
L’origine
de l’Acadie
remonte aux voyages effectués au service du roi de France par l’explorateur
italien Giovanni da Verrazzano
. Celui-ci explore, en 1524–1525, la
côte atlantique de l’Amérique du Nord et donne le nom d’« Arcadie », « Archadia »
ou « Arcadia » en italien, à une région voisine de l’actuel État américain du
Delaware. Le cartographe Bolongnino Zaltieri donne, en 1566, un nom semblable,
« Larcadia », à une région située loin au nord-est de la précédente, qui
deviendra la Nouvelle-Écosse
et le Nouveau-Brunswick.
Dans ses notes de 1524, l’explorateur portugais Estêvão Gomes inclut aussi
Terre-Neuve dans la région qu’il appelle « Arcadie » (voir aussi Acadie
).
L’appellation
Acadie peut possiblement avoir également des racines autochtones. Il vient
possiblement du mot « algatig » qui veut dire « camp » en Micmac, et
alternativement, du terme autochtone « quoddy », qui fait référence à une terre
fertile.
Présence française
(1534-1713)
L’abondance
de la morue
au large de Terre-Neuve est très
reconnue longtemps avant l’arrivée de Jacques Cartier (voir Expéditions vikings
; Histoire de la pêche commerciale
). En 1534, pendant le premier de
ses trois voyages au Canada, Cartier rencontre les Micmacs
à la baie des Chaleurs
.
Toutefois,
les premiers colons français n’arrivent qu’en 1604 et sont dirigés par Pierre
Dugua de Mons et Samuel de Champlain
. Pierre de Mons établit les
quelque 80 colons dans l’île Sainte-Croix, sur la rivière Sainte-Croix
, mais l’hiver 1604–1605 est
désastreux. Au moins 36 hommes meurent du scorbut
.
L’année
suivante, la colonie cherche un nouvel emplacement et choisit Port-Royal
. En 1607, lorsque des marchands
français contestent son monopole commercial, Pierre de Mons ramène tous
ses compagnons en France. Aucun colon français ne revient avant 1610. À cette
époque, les Français forment également des alliances avec les deux principaux
peuples autochtones de l’Acadie, les Micmacs et les Malécites
.
Outre les
rivalités commerciales, d’autres facteurs entravent le développement de l’Acadie.
En 1613, un aventurier de la Virginie, Samuel Argall, s’empare de l’Acadie et
en chasse la plupart des colons. En 1621, le gouvernement change le nom de l’Acadie
pour Nova Scotia (Nouvelle-Écosse). En 1629, il permet également aux colons
écossais de Sir William
Alexander de s’y installer. Le projet d’expansion écossaise de Sir
Wiliam Alexander prend fin en 1632 avec le Traité de Saint-Germain-en-Laye
qui redonne l’Acadie à la
France.
En 1631, la France nomme Charles La Tour en tant que lieutenant général de l’Acadie. Celui-ci construit des forts au Cap-Sable et à l’embouchure du fleuve Saint-Jean (le fort La Tour sera plus tard connu sous le nom de Saint John).
Présence renouvelée et
colonisation
Les efforts
renouvelés de colonisation reprennent sous la direction du gouverneur Isaac de Razilly
, qui déménage la capitale de
Port-Royal à La Hève (aujourd’hui LaHave),
sur la côte sud de la Nouvelle-Écosse actuelle. Il arrive en 1632 avec 300
hommes des « messieurs de qualité ». Marin de profession, Isaac de Razilly
s’intéresse davantage au commerce maritime qu’à l’agriculture, et cela a une influence
sur ses choix d’endroits où établir des colonies. Dès 1613, des missionnaires
français participent au projet de colonisation. Dans les années 1680, des
prêtres habitent dans quelques églises en bois.
Après la
mort d’Isaac de Razilly en 1635, Charles de Menou d’Aulnay
et Charles La Tour se
disputent sa succession. Charles D’Aulnay ramène la capitale à Port-Royal, puis
entreprend une guerre civile contre Charles La Tour, qui est solidement établi
dans la région. Charles D’Aulnay est convaincu que l’avenir de la colonie
réside dans le développement agricole, qui assurerait la stabilité de l’approvisionnement
alimentaire et de la population. Avant son décès en 1650, il est responsable de
l’arrivée d’une vingtaine de familles. Avec l’arrivée de celles-ci, la
production agricole se stabilise et de la nourriture et des vêtements adéquats
deviennent disponibles.
Les hostilités
entre la France et l’Angleterre se répercutent de nouveau sur le sort de l’Acadie,
les Anglais la conquérant en 1654. La région est cependant rendue à la France
par le Traité de Breda
en 1667. L’Acadie est prise en
1690 par Sir William
Phips, un aventurier de la Nouvelle-Angleterre, et rendue à nouveau à la
France par le Traité de Rryswick
en 1697.
Fondation de nouvelles
colonies
À partir
des années 1670, des colons quittent Port-Royal pour fonder d’autres colonies,
dont les plus importantes sont Beaubassin (aujourd’hui Amherst
, en Nouvelle-Écosse) et Grand-Pré
(aujourd’hui Grand Pré
, en Nouvelle-Écosse). Le premier
recensement officiel, tenu en 1671, fait état d’une population acadienne de
plus de 400 personnes, dont 200 à Port-Royal. En 1701, on compte environ 1 400
Acadiens; en 1711, environ 2 500; en 1750, plus de 10 000; et en 1755, plus de
13 000 (sans compter Louisburg).
Très
indépendants, les Acadiens pratiquent l’agriculture et l’élevage du bétail sur
des terrains marécageux. Ils drainent les marais en utilisant une technique de
barrières adaptables aux marées, appelées aboiteaux, rendant ainsi
l’agriculture possible. Les Acadiens pratiquent aussi la chasse, la pêche et le
piégeage. Ils ont même des relations commerciales avec les colons anglais d’Amérique,
malgré les objections des autorités françaises. Ils se considèrent comme « neutres »
en raison du fait que l’Acadie a été tour à tour anglaise et française. En ne
prenant pas parti, ils espèrent éviter des représailles militaires.
L’Acadie
péninsulaire n’est pas la seule région du peuplement français en Atlantique.
Dans les années 1660, la France fonde une colonie de pêche au poste appelé
Plaisance (aujourd’hui Placentia
, à Terre-Neuve). Dans les deux
régions, la population française semble bénéficier d’un niveau de vie assez
élevé. Les Acadiens peuvent vivre de façon assez autonome, parce qu’ils peuvent
facilement obtenir des terres et ne sont soumis à aucune réglementation
stricte. Les Micmacs contribuent de façon très importante à la survie des
Acadiens. À la fin du 17e siècle, les peuples autochtones
exercent sur eux une influence considérable de par leurs connaissances des bois
et de la terre.
Sous le régime britannique
Après
la Guerre de la Succession d’Espagne
(1701–1713), l’Acadie tombe
sous la domination britannique pour la dernière fois. En vertu du Traité d’Utrecht
, Plaisance est cédée avec le
territoire de « l’Acadie, délimitée par ses anciennes frontières », mais la
France et l’Angleterre ne s’entendent pas sur la délimitation de ces frontières.
Pour les Français, ce territoire ne comprend que l’actuelle Nouvelle-Écosse
péninsulaire. Les Anglais, cependant, revendiquent également le
Nouveau-Brunswick, la Gaspésie et le Maine actuels.
Voisinage difficile
(1713-1763)
Après la
perte de l’« ancienne Acadie », la France travaille à développer l’île
Saint-Jean (l’Île-du-Prince-Édouard) et l’île Royale (l’île du Cap-Breton
). Ces deux régions ont été largement
négligées jusqu’à cette époque. Sur l’île Royale, on choisit Louisbourg comme
nouvelle capitale. Cette localité a trois fonctions : elle remplace
Plaisance en tant que poste de pêche, elle assure une forte présence militaire
et elle constitue un centre du commerce. L’île Saint-Jean est considérée
surtout comme une annexe agricole de l’île Royale.
Bien que
les dispositions du traité d’Utrecht autorisent théoriquement le départ des
Acadiens, ceux-ci ne s’empressent pas d’aller s’établir dans les nouvelles
colonies françaises, parce qu’on n’y trouve pas les marais qui sont essentiels
à leur système agricole. De plus, les autorités britanniques de Port-Royal
(rebaptisé Annapolis Royal
) ne facilitent pas le transfert des
Acadiens, mais travaillent plutôt à l’empêcher. Elles craignent, en vidant la
colonie de sa population, de voir la population de l’île Royale augmenter en
conséquence. Elles ont aussi besoin des agriculteurs acadiens pour fournir des
vivres à la garnison.
À l’exception
de la garnison qu’ils maintiennent à Port-Royal, les Anglais ne font
pratiquement aucune tentative de colonisation jusqu’en 1749 dans le territoire
qui a repris le nom de Nouvelle-Écosse. De 1713 à 1744, la faible présence
anglaise et une longue paix permettent à la population acadienne de s’accroître
à un rythme rapide. Certains historiens considèrent cette période comme l’âge d’or
de l’Acadie.
L’Angleterre
exige de ses sujets conquis un serment d’allégeance sans condition, mais les
Acadiens ne consentent qu’à prêter un serment de neutralité. Incapable d’obtenir
l’allégeance sans condition, le gouverneur Richard Philipps
accepte cette semi-allégeance
par convention verbale en 1729–1730.
En 1745,
pendant la guerre de la succession d’Autriche
, Louisbourg tombe aux mains d’un corps
expéditionnaire anglais dont l’armée de terre est formée surtout de colons de
la Nouvelle-Angleterre. Toutefois, la France reprend possession de la
forteresse grâce au traité d’Aix-la-Chapelle en 1748, au grand déplaisir des
colonies de la Nouvelle-Angleterre. C’est ainsi que l’Angleterre décide de
donner un caractère vraiment britannique au territoire de la Nouvelle-Écosse.
Déportation
En 1749, la
capitale est transférée d’Annapolis Royal à Halifax
. On choisit cet emplacement, établi
pour faire contrepoids à l’influence militaire et commerciale de Louisbourg,
parce qu’il est un meilleur port de mer et qu’il est éloigné des populations
acadiennes. La Grande-Bretagne prend enfin des mesures pour installer ses
propres colons en Nouvelle-Écosse. Ils viennent surtout de l’Angleterre et de
territoires allemands qui lui sont associés, comme Hanovre et Brunswick. Selon
les estimations, 7 000 colons britanniques et 2 400 Allemands viennent s’établir
en Nouvelle-Écosse de 1750 à 1760. Les Britanniques veulent surveiller les
Français et leurs alliés micmacs. En 1750, ils construisent le fort Lawrence à
cette fin. Le fort a également pour fonction de protéger les colons anglais
éventuels et de prévenir toute possibilité d’invasion terrestre en provenance
du Canada
.
Les
autorités françaises répliquent en construisant en 1751 le Fort Beauséjour
(près de Sackville, au
Nouveau-Brunswick) pour empêcher les Anglais de traverser l’isthme de Chignecto
et d’envahir ainsi leur « nouvelle » Acadie. Avec Louisbourg et le Canada au
nord, le fort Beauséjour à l’est, et une population acadienne considérée comme
une menace rebelle potentielle, les autorités britanniques de Halifax décident de
régler une fois pour toutes la question acadienne. En refusant de prêter un
serment d’allégeance sans réserve, la population risque d’être déportée. Les
Britanniques commencent par s’emparer du fort Beauséjour, puis ils exigent de
nouveau une promesse d’allégeance sans condition à l’Angleterre.
Les représentants acadiens, tiraillés entre les menaces anglaises et la crainte de représailles françaises et autochtones, sont sommés de comparaître devant le gouverneur Charles Lawrence . Suivant les conseils du père Jean Le Loutre, ils refusent d’abord de prêter le serment, mais ils décident finalement d’accepter. En 1755, Charles Lawrence, mécontent d’un serment prêté à contrecœur, entreprend la déportation.
Contexte socio-politique
de la déportation
La
déportation a lieu en fonction de la situation géopolitique du temps. Ce n’est
pas une décision personnelle de Charles Lawrence. Celui-ci apprend que les
troupes anglaises du général Braddock viennent d’être mises en déroute par des
forces armées françaises dans la vallée de l’Ohio (voir Fort Duquesne
). Les craintes d’une attaque
combinée de Louisbourg et du Canada contre la Nouvelle-Écosse, à laquelle
peuvent théoriquement se joindre les Acadiens et les Micmacs, explique dans une
certaine mesure l’ordre de déportation.
Une fois
entreprise, la déportation dure de 1755 à 1762. Les Acadiens sont mis à bord de
bateaux et déportés vers les colonies anglaises de la côte Est, aussi loin vers
le sud que la Géorgie. Plusieurs Acadiens finissent par aboutir en Louisiane où
ils développent la culture « cajun » (voir aussi La Louisiane francophone et le
Canada
). D’autres
réussissent à s’enfuir en territoire français ou à se cacher dans les forêts. Il
est estimé que les trois quarts de la population sont déportés, le reste échappe
à ce sort en s’enfuyant. Un nombre inconnu d’Acadiens meurent de faim ou de
maladie. Quelques navires remplis d’exilés font naufrage en haute mer avec leurs
passagers à bord (voir aussi Déportation des Acadiens
).
La guerre de Sept Ans
éclate en 1756 entre la France
et l’Angleterre. Les deux colonies françaises de l’île Royale et de l’île
Saint-Jean tombent en 1758. Étant sujets français, leurs colons sont expulsés
et renvoyés en France. À partir de l’île Saint-Jean seulement, plus de 3 000
colons sont déportés, la moitié perd la vie à cause de naufrages ou de maladies.
Le Traité de Paris
(1763) marque définitivement
la fin de la présence coloniale française dans les Maritimes et dans toute
la Nouvelle-France
.
Anglicisation (1763-1880)
Après 1763,
les Maritimes prennent un virage nettement britannique lorsque les planters
de la Nouvelle-Angleterre
s’installent sur les terres auparavant habitées par les Acadiens. Les noms
français et micmacs sont presque partout remplacés par des noms anglais. Les Britanniques
commencent par unifier le territoire en une seule province, la Nouvelle-Écosse.
Toutefois, ils en détachent en 1769 l’ancienne île Saint-Jean, qui devient une
province distincte appelée Saint John’s Island. Son nom actuel d’Île-du-Prince-Édouard
lui est donné en 1799. En 1784, le Nouveau-Brunswick actuel est également
séparé de la Nouvelle-Écosse à la suite de l’arrivée de loyalistes
américains qui réclament leur
propre administration coloniale.
Quant aux
Acadiens, ils commencent le long et pénible processus de réinstallation dans
leur région natale. Les Britanniques leur en donnent la permission une fois qu’ils
ont enfin consenti à prêter le serment d’allégeance tant contesté. Certains
Acadiens exilés sont de retour, mais la nouvelle colonisation est surtout l’œuvre
des fugitifs qui ont échappé à la déportation, ainsi que des prisonniers de
Beauséjour, de Pigiguit, de Port-Royal et de Halifax lorsqu’ils sont enfin
libérés.
Les
Acadiens restants se dirigent vers Cap-Breton, où certains s’installent sur la
côte près de l’île Madame, ainsi que sur l’île elle-même. D’autres s’installent
sur la pointe sud-ouest de la péninsule de la Nouvelle-Écosse et le long de
la baie St Mary’s
alors
certains autres se rendent au nord-ouest du Nouveau-Brunswick, à Madawaska. Un petit nombre vont
habiter l’Île-du-Prince-Édouard, mais la majorité des Acadiens s’installent
dans les régions de l’est du Nouveau-Brunswick.
Déclin économique
Les
autorités britanniques préfèrent voir les Acadiens se disperser sur toute la
région. Cette politique convient aux Acadiens puisqu’elle leur permet d’éviter
les régions à majorité britannique. Ceci permet en retour aux colons
britanniques d’occuper les terres qui appartenaient auparavant aux Acadiens.
La plupart
des Acadiens, à l’exception de ceux de l’Île-du-Prince-Édouard et de Madawaska,
se trouvent sur des terres moins fertiles qu’avant. Ainsi, ces anciens agriculteurs
deviennent pêcheurs et bûcherons, ne cultivant leurs terres que pour se
nourrir. En tant que pêcheurs, ils sont exploités et réduits à la pauvreté, surtout
par les compagnies de l’île de Jersey.
En 1746, les
Forces britanniques ont le dessus sur le soulèvement des Écossais catholiques lors
de la bataille de Culloden, durant la rébellion jacobite. À la suite de cette
rébellion, La Couronne britannique dépouille les Acadiens de leurs droits
civils et politiques parce qu’ils sont également catholiques. Les Acadiens se
voient refuser le droit de vote et ne peuvent pas être élus à l’Assemblée
législative. De 1758 à 1763, ils n’ont même pas le droit légal de posséder des
terres. Ce n’est qu’en 1789 que les Acadiens de la Nouvelle-Écosse obtiennent
le droit de vote. Ceux du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard
doivent attendre jusqu’en 1810. Après 1830, les Acadiens peuvent siéger aux
assemblées législatives des trois colonies suivant l’adoption de la Roman
Catholic Relief Act.
Germes d’une nouvelle
Acadie
En général,
les Acadiens du début du 19e siècle n’ont pratiquement aucune
institution qui leur est propre. L’Église catholique est la seule institution
francophone dans les Maritimes, mais son clergé vient principalement du Québec ou
de la France.
On trouve
quelques écoles et enseignants francophones, mais ils sont, pour la plupart, de
simples « maîtres d’école itinérants » qui partagent leurs enseignements de
village en village. Il n’y a pas de journal francophone ni d’avocats ou de
médecins. En fait, il n’y a pas de classe moyenne acadienne.
Toutefois,
consciemment ou non, ces Acadiens continuent de survivre en plantant les germes
d’une nouvelle Acadie.
Au début du
19e siècle, on compte 4 000 Acadiens en Nouvelle-Écosse, 700 à
l’Île-du-Prince-Édouard et 3 800 au Nouveau-Brunswick. La croissance de la
population acadienne durant ce siècle est remarquable; ils sont environ 87 000
au moment de la Confédération
et 140 000 au tournant du 20e siècle.
Prise de conscience
collective et identité
Les
Acadiens commencent à s’exprimer en tant que peuple durant les années 1830.
Ils élisent leurs premiers représentants législatifs dans les trois provinces des
Maritimes durant les années 1840 et 1850. Le poème Évangéline
(1847), de l’auteur américain
Henry W. Longfellow, est traduit plusieurs fois en français et a une vaste
influence.
En Acadie
même, un prêtre natif de Québec, François-Xavier Lafrance, ouvre la première
institution d’enseignement supérieur de langue française en 1854, le Séminaire
Saint-Thomas, au Nouveau-Brunswick. Celui-ci ferme ses portes en 1862, mais il
est rouvert deux ans plus tard par des prêtres québécois de la Congrégation de
Sainte-Croix et devient le Collège Saint-Joseph (intégré plus tard à l’Université de Moncton
).
En 1867, le
premier journal francophone des Maritimes, Le Moniteur Acadien, est créé
à Shédiac
, au Nouveau-Brunswick. Il est suivi
de L’Évangéline, à Digby
en Nouvelle-Écosse (1887 à 1982), et de L’Impartial,
fondé en 1893 à Tignish
, à l’Île-du-Prince-Édouard.
Des ordres
religieux féminins arrivent également en Acadie, où ils jouent un rôle
essentiel dans l’éducation et les soins de santé. Des sœurs de la Congrégation
de Notre-Dame de Montréal ouvrent des pensionnats à Miscouche, sur l’Île-du-Prince-Édouard
(1864), et à Tignish (1868). Également en 1868, les Sœurs
de Saint-Joseph prennent la direction de la léproserie de Tracadie (aujourd’hui
Tracadie-Sheila),
au Nouveau-Brunswick. Elles s’établissent aussi à Saint-Basile
, au Nouveau-Brunswick, où leur
pensionnat deviendra plus tard le Collège Maillet.
Juste avant
la Confédération
, les Acadiens se font entendre d’une
manière remarquable sur la scène politique des Maritimes. Au Nouveau-Brunswick,
ils votent en majorité contre la Confédération à deux différentes reprises.
Bien que de nombreux politiciens les accusent d’être réactionnaires, les
Acadiens ne sont pas les seuls à s’opposer à la Confédération.
Époque nationaliste
(1881-1950)
Dans les
années 1860, une classe moyenne acadienne commence à prendre forme. Bien
que le Collège Saint-Joseph et le Collège Sainte-Anne (1890) de Pointe-de-l’Église
en Nouvelle-Écosse contribuent indéniablement à l’émergence d’une élite intellectuelle,
l’Acadie compte au moins quatre catégories d’élite. Les deux plus en vue sont
le clergé et les membres des professions libérales (comme les avocats et les
médecins). Les agriculteurs et les commerçants acadiens ne bénéficient pas des
mêmes ressources financières que leurs homologues anglophones, mais ils
réussissent néanmoins à se distinguer.
À partir de
1881, les congrès nationaux acadiens deviennent des forums où les Acadiens
peuvent établir un consensus sur des projets importants. Ceux-ci incluent la
promotion du développement agricole, l’éducation en français et l’« acadiennisation »
du clergé catholique. Jusqu’en 1930, les assemblées se tiennent de manière
intermittente dans différentes municipalités acadiennes.
Les
Acadiens fondent la Société nationale de l’Acadie, qui a pour but de promouvoir
la culture acadienne. Des symboles nationaux sont choisis : un drapeau (le
drapeau tricolore français auquel est ajoutée une étoile jaune sur la bande
bleue), une fête nationale (l’Assomption, célébrée le 15 août), une devise
(L’union fait la force) et un hymne national (Ave Maris Stella).
Une victoire importante est remportée lors de la nomination de Mgr Édouard
Le Blanc comme premier évêque acadien en 1912.
De plus,
entre 1881 et 1925, au moins trois communautés de religieuses acadiennes sont
formées. Les couvents dirigés par ces religieuses contribuent grandement à
améliorer l’éducation des Acadiennes et à rehausser la vie culturelle de la communauté.
Ces ordres religieux fondent également les premiers collèges pour jeunes filles
en Acadie, à Memramcook (1913), à Saint-Basile, au Nouveau-Brunswick (1949),
et à Shippagan au Nouveau-Brunswick (1960).
Urbanisation
Pendant ce
temps, un tournant socio-économique important est en train de se produire. À
savoir, l’intégration des Acadiens dans le processus d’industrialisation et d’urbanisation
canadien. Bien que la migration des Acadiens vers les villes soit moins
prononcée que dans d’autres parties du Canada, un large nombre d’entre eux déménagent
néanmoins dans les grandes villes. Les destinations populaires sont Moncton
, Yarmouth
, et Amherst, ainsi que dans les
villes de la Nouvelle-Angleterre, pour pouvoir trouver de l’emploi dans les
usines et les manufactures.
Certains
membres de l’élite acadienne considèrent qu’il s’agit d’un développement
dangereux vers l’assimilation à la majorité anglo-saxonne. Des tentatives sont
faites, entre 1880 et 1940, pour réduire le nombre de personnes partant en
exil. Des efforts sont également faits pour détourner les Acadiens de l’industrie
de la pêche, qui appartient en majeure partie à des compagnies étrangères, et pour
aider les familles à combattre les dures réalités de la Crise des années 30
. Le mouvement coopératif
durant les années 1930 permet enfin aux
pêcheurs, après des générations d’exploitation, de reprendre le contrôle de
leur gagne-pain (voir aussi Mouvement
d’Antigonish).
Certaines
différences régionales émergent également. En raison de leur plus grand nombre,
les Acadiens du Nouveau-Brunswick prennent l’initiative de parler au nom des
Acadiens en général.
Reconnaissance culturelle
Dans les
années 1950, les Acadiens commencent à avoir un impact à plusieurs niveaux
sur l’économie, la politique et la culture des provinces des Maritimes. En
préservant leurs valeurs et leur culture à la maison, ils peuvent développer un
système d’éducation francophone (principalement au Nouveau-Brunswick). La vigueur
et le caractère distinctif de leur culture les protègent contre les ravages de
l’assimilation et les aident à être reconnus en tant que peuple minoritaire
dans les Maritimes.
Sur le plan
des avantages, la quasi-totalité des Acadiens a accès à une éducation
francophone. L’Université Sainte-Anne
en Nouvelle-Écosse, et l’Université de Moncton
au Nouveau-Brunswick fournissent
aux francophones le choix de deux institutions post-secondaires offrant des
programmes complets en français. Le gouvernement libéral du premier ministre Louis J. Robichaud
fait du Nouveau-Brunswick une
province officiellement bilingue en 1969 (ce qui ne garantit pas toutefois les
services municipaux en français).
Toutes ces
victoires ne garantissent pas leur survie. Dans les années 1960, le
mouvement souverainiste du Québec et un mouvement d’opposition au bilinguisme
dans l’Ouest se font sentir à un niveau national. Ironiquement, comme dans les
années 1750, les Acadiens se retrouvent pris au milieu. Néanmoins, ils ont
pu faire des gains en vue de préserver leurs droits.