Société d'information | l'Encyclopédie Canadienne

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Société d'information

Société d'information

De nombreux auteurs, grands patrons et décideurs pensent que le développement et la diffusion rapides des TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DES COMMUNICATIONS (TIC) annoncent la naissance d'un nouveau type de société - une société dans laquelle la production et l'échange d'information constituent un élément clé de l'économie et de la vie sociale en général.

La première moitié du XXe  siècle est caractérisée par le déplacement de l'activité économique dominante : la production agricole cède la place à la production industrielle. La deuxième moitié du siècle est marquée par le passage à une économie axée sur la production, la diffusion et la manipulation de l'information. Au moment où la technologie et l'information jouent un rôle croissant dans l'économie et les autres aspects de la vie sociale, une forte impulsion est donnée pour qualifier ce nouvel environnement de société de l'information. Ces changements sont parfois présentés comme conduisant à une « société post-industrielle », « une économie du savoir » et une « économie numérique ».

Contexte

Tout au long des années 1950 et 1960, les progrès et le rôle prédominant de la technologie alimentent la recherche et donnent lieu à des spéculations sur la place grandissante qu'occupe la technologie en général dans l'organisation économique et sociale. La technologie et les systèmes technologiques sont de plus en plus considérés comme la clé pour la création de richesses et la définition de l'orientation de développement social. Dans cet esprit, Marshall McLUHAN dissèque les diverses manières dont les médias électroniques prolongent les sens des humains et font éclater les barrières de l'espace et du temps pour procurer la sensation de vivre au sein d'un village planétaire.

En s'inspirant de ces thèmes, Daniel Bell publie The Coming of Post-Industrial Society (1973; trad. Vers la société post-industrielle) et plante le décor pour le débat sur la structure changeante de l'économie. À la fin des années 1960 et au début des années 1970, au fur et à mesure que le boom économique de l'après-guerre s'essouffle, Bell et d'autres auteurs poursuivent sur cette lancée et concluent que l'économie alors dépendante d'une industrie à grande échelle passe à une phase post-industrielle dans laquelle les professionnels du savoir et de l'information joueront un rôle prédominant. Les rapports se multiplient alors au fur et à mesure que les gouvernements et les chercheurs des pays industrialisés de l'hémisphère nord entreprennent une série d'enquêtes sur les changements qui ébranlent l'économie.

Bien que la controverse se poursuive afin de déterminer s'il s'agit d'un virage draconien vers une économie fondée sur l'information ou tout simplement d'un prolongement de ce qui était traditionnellement qualifié de secteur des services, il est clair que la structure de l'économie subit une mutation et que les technologies de l'information et des communications sont au coeur de ces bouleversements.

Depuis le milieu des années 1970, la récession économique et l'attrait d'une main-d'œuvre bon marché alimentent les accords commerciaux internationaux et incitent l'investissement de capitaux dans les industries manufacturières de régions comme le Sud-Est asiatique, la Chine, le Nord du Mexique et les États du Sud et du Sud-Ouest des États-Unis. Afin d'affronter cette concurrence, les entreprises cantonnées dans les agglomérations industrielles traditionnelles se restructurent, réduisent leurs effectifs et adoptent les technologies économisant de la main-d'oeuvre.

En facilitant la libre circulation des capitaux et des marchandises, les TIC contribuent largement à faire évoluer les processus d'embauche. Elles fournissent un lien essentiel entre les pays nouvellement industrialisés qui produisent maintenant les marchandises et les marchés des centres industrialisés traditionnels - comme ceux de l'Amérique du Nord et de l'Europe de l'Ouest - qui les consomment. Les TIC jouent également un rôle primordial dans la réorganisation de l'industrie de ces centres industriels traditionnels où elles sont utilisées pour centraliser le contrôle des activités, fusionner les responsabilités et les fonctions, et surveiller et coordonner plus étroitement les employés au moment où les entreprises se restructurent afin de pouvoir faire face aux nouveaux concurrents qui apparaissent sur la scène internationale.

Sur un autre front, alors que les industries traditionnelles se restructurent et sont relocalisées, les secteur privé et public se battent pour créer de nouveaux débouchés basés sur les TIC et les produits d'information.

Depuis le début des années 1970, le gouvernement fédéral commande des études et des rapports et façonne sa politique publique en donnant priorité à la fabrication de matériel électronique et de télécommunications au Canada, et en créant une infrastructure législative afin de soutenir la croissance des échanges commerciaux dans le domaine de l'information.

Les orientations politiques clés visant à faire entrer le Canada dans la société de l'information sont exposées dans le Rapport final du comité consultatif sur l'autoroute de l'information, Préparer le Canada au monde numérique (1997). Trois objectifs de planification guident le Comité lors de ses délibérations relatives à la formulation des politiques : la création d'emplois grâce à l'innovation et à l'investissement, la consolidation de la souveraineté et de l'identité culturelle du Canada, et l'accès universel à Internet pour les Canadiens à des coûts abordables. Que la politique actuelle permette ou non d'atteindre ces objectifs est sujet à débat.

Au moment où l'économie de l'information prend forme, la production et la diffusion de l'information subissent de plus en plus les règles du marché. Ainsi, les modifications apportées à la LOI SUR LE DROIT D'AUTEUR prévoient des sanctions juridiques à l'encontre de la reproduction ou de la retransmission non autorisée de logiciels, d'enregistrements visuels et sonores, de programmes télévisés et d'autres formes de données. Cette Loi est déterminante pour le développement et l'expansion des marchés pour ces produits, s'élevant à plusieurs millions de dollars. De même, les sanctions imposées aux personnes qui font des photocopies non réservées à leur usage personnel, et les redevances perçues sur les photocopieurs publics et les bandes vierges génèrent de nouvelles sources de revenus pour les créateurs. La diffusion d'information devient un secteur florissant tandis que les nouveaux réseaux et systèmes de communication créent de nouveaux services axés sur l'information, tels que la banque électronique, la télévision à la carte et les entreprises sur le Web.

Promesses et problèmes pour le Canada

Depuis plus de 30 ans, les études et rapports exaltent les vertus de la future société de l'information. La création de nouveaux emplois, une main d'œuvre plus productive et un accès rapide à l'information et aux nouvelles importantes, l'amélioration de la liberté de parole, une participation accrue au processus politique, la mise en place d'une économie du savoir et un plus grand choix de musique, de télévisions et de films ainsi que d'autres produits de divertissement sont les bénéfices qu'on attribue à la nouvelle technologie de communications. Ceci dit, la réorganisation sociale qui caractérise la propagation de cette nouvelle technologie n'est pas sans présenter pièges et problèmes.

Emploi

Bien que certaines études aient démontré que l'investissement dans les TIC permet de créer des emplois, la relation entre les TIC et la croissance de l'emploi n'est pas évidente. De nombreux facteurs sont à considérer, notamment la rapidité des diffusions, la concurrence et le questionnement à savoir si les consommateurs bénéficient ou non des économies de coûts provenant des investissements dans les ordinateurs et les TIC. Bien que ces technologies contribuent à la création d'emplois dans certains secteurs, tels que dans le secteur de l'informatique et du traitement de l'information, dans de nombreux secteurs, les TIC sont utilisées afin de diminuer les compétences requises pour certains emplois ou de remplacer tout simplement les employés. Qui plus est, les TIC sont souvent mises en place de manière à accroître le contrôle de la direction sur le milieu de travail. Par conséquent, les emplois spécialisés et semi-spécialisés sont parfois automatisés ou déqualifiés de manière à « dé-spécialiser » les employés et à les réduire à de simples auxiliaires du matériel électronique. L'évolution des technologies entraîne également des problèmes de santé, notamment les lésions attribuables aux gestes répétitifs.

Fracture numérique

Le coût de la technologie et de l'accès aux réseaux informatiques et aux systèmes d'information est en train de créer une « fracture numérique » entre les nantis, qui peuvent s'offrir les nouveaux services et matériel, et les personnes à faible revenu, qui ne peuvent se les permettre. En 2001, au Canada, l'utilisation d'Internet est deux fois plus élevée dans les ménages à revenu élevé que dans les ménages à revenu modeste. Les propriétaires d'ordinateurs sont de loin plus nombreux dans la classe des nantis que dans celle des moins nantis.

De même, puisque l'acquisition d'information repose sur la capacité de la payer, les bibliothèques publiques, les écoles et les universités ont du mal à s'équiper compte tenu du coût croissant de ces acquisitions. Par conséquent, la qualité de l'enseignement et la disponibilité générale de l'information sont en régression. Les personnes et les établissements qui n'ont pas les moyens de s'offrir cette information sont laissés pour compte.

De nombreuses régions sur notre planète vivent à l'écart du monde branché et, par conséquent, de la révolution de l'information. Ainsi, en Afrique, on compte moins de 7 téléphones pour 100 personnes; il est hors de question, sauf pour quelques privilégiés, de posséder un ordinateur.

Protection de la vie privée

Comme la vie sociale est de plus en plus médiatisée par les TIC, une vaste gamme d'organisations surveillent et recueillent de l'information sur nos activités. L'utilisation non autorisée de cette information menace notre vie privée de diverses manières. Les TIC peuvent être utilisées dans le milieu de travail pour surveiller les courriels et les conversations téléphoniques et pour essayer d'évaluer le volume de travail effectué par les employés. Les sociétés d'assurance font l'acquisition de dossiers médicaux et d'accidents afin d'évaluer le risque potentiel des demandeurs d'assurance et refusent parfois d'assurer certains demandeurs en se basant sur ces dossiers. Les organismes d'application de la loi étudient les façons d'utiliser l'information contenue dans les bases de données dans le but d'identifier des suspects criminels potentiels. Aux États-Unis, un débat est en cours actuellement entre les organismes d'application de la loi et les groupes de défense de l'intérêt public sur le droit des organismes gouvernements de surveiller les conversations électroniques et la circulation des données.

Les préoccupations relatives aux violations de la vie privée tournent autour de la question de l'autodétermination. Comme les compagnies privées et les gouvernements accroissent leurs capacités de surveiller et de contrôler les activités des personnes, la liberté individuelle est réduite à une série de choix qui sont prédéterminés par des forces que les individus ne connaissent pas et sur lesquelles ils n'ont aucun contrôle.

Souveraineté, circulation transfrontalière des données et représentation

Sur un autre front, les renseignements personnels et l'information sociale, juridique et économique sont souvent stockés et traités à l'extérieur du pays. Les compagnies privées, les gouvernements, les universités, les bibliothèques, les professions juridique et d'ingénieur utilisent parfois des services et réseaux de données situés à l'extérieur du Canada afin de traiter et de stocker des données sur l'impôt, le crédit et les données médicales des particuliers ainsi que du matériel pédagogique et des renseignements sur les ressources naturelles, et sur d'autres sujets d'importance nationale. La circulation transfrontalière de ces données place celles-ci hors de portée des lois et des règlements nationaux, ce qui soulève une multitude de problèmes relatifs à la souveraineté et à l'économie canadiennes et expose les Canadiens à un certain nombre de problèmes, comme les sanctions commerciales, les faillites et les vols.

Un autre sujet de préoccupation lié à la dépendance à des sources d'information étrangères réside dans la non neutralité de ces renseignements. Ceux-ci qui reflètent de manière précise des attitudes, des points de vue et des visions du monde. Par exemple, le matériel pédagogique importé intègre-t-il les valeurs canadiennes de diversité, de tolérance et d'intérêt commun ou est-il émis avec des notions de concurrence, d'individualisme qui placent les intérêts des individus au-dessus de ceux de la communauté? Les rapports et les études rédigés dans d'autres régions du monde et utilisés par les gouvernements et le secteur public canadiens formulent-ils des politiques et des décisions d'investissement qui prennent en compte les préoccupations environnementales locales et/ou nationales ainsi que les préoccupations des communautés ou sont-elles tout simplement fondés sur une économie planétaire abstraite? La vie des Canadiens est tissée sur une toile planétaire de dépendances en constante expansion et nous avons tout intérêt à examiner de près comment ces liens façonnent nos vies.

Conclusion

La société de l'information pourrait permettre de démocratiser la communication, d'accroître l'accès aux soins de santé et à l'éducation, de créer des emplois et de promouvoir le développement économique, d'accroître la participation des citoyens aux décisions politiques et aux activités gouvernementales et de permettre aux gens d'être les créateurs de l'information au lieu d'en être uniquement les consommateurs. Cependant, les TIC, ainsi que les produits et possibilités qu'elles ont générés, ont été développées et mises en place principalement pour qu'on en retire des gains économiques - des avantages sociaux peu partagés - et les bouleversements qu'elles ont provoqués ont conféré aux membres les plus fortunés de notre société des avantages disproportionnés. De plus, il faut garder en tête que le développement technologique n'est pas une force autonome ou inévitable dans la société. Qu'il s'agisse de la législation sur le droit d'auteur, le règlement sur les télécommunications, le droit du travail, le règlement sur le commerce international, les changements apportés à ces types de législations et règlements sous-tendent le développement technologique et lui donnent forme. Par conséquent, au fur et à mesure que les forces associées au changement technologique continuent de réorganiser la société canadienne et nos vies, il est important que tous les Canadiens participent aux débats et aux décisions qui guident ce processus.

Voir aussiTECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DES COMMUNICATIONS; TÉLÉINFORMATIQUE; INTERNET; COMMUNICATION PAR SATELLITE; INFOROUTE.

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