La culture acadienne | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

La culture acadienne

L'article suivant fait partie d'une exposition. Les expositions précédentes ne sont pas mises à jour.


Réputés pour leur sens de la fête, les Acadiens forment l’une des plus anciennes et importantes communautés francophones du pays. Le Canada compte plus de 500 000 Acadiens sur son territoire. La majorité d’entre eux réside au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard ainsi qu’à Terre-Neuve. Plusieurs Acadiens et Canadiens-français vivent aussi, de l’autre côté de la frontière, dans l’État du Maine.

Arrivés en Amérique du Nord il y a de cela 400 ans, les Acadiens ont établi une tradition orale et écrite par laquelle s’affirme leur « acadianité ». Du personnage de La Sagouine d’Antonine Maillet à la poésie moderne d’Herménégilde Chiasson, en passant par les chansons d’ Édith Butler et le rap en chiac de Radio Radio, les arts et la culture de l’Acadie sont à l’avant-scène de cette identité vivante.

À l’occasion de la fête nationale des Acadiens (15 août), l’Encyclopédie canadienne vous propose une exposition retraçant différents aspects de la culture acadienne. Le folklore, la littérature et la musique sont ici l’honneur.


Le folklore acadien

Femme Acadienne

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les Acadiens vivent en groupes isolés et établissent peu de contacts avec l’extérieur. Cette situation favorise la conservation des traditions de leurs ancêtres, de leur manière de parler (variante de la région du Poitou, en France), de leur cuisine, de leurs fêtes et de leurs traditions orales. Depuis leur arrivée sur le continent au XVII e siècle, chansons, histoires et légendes sont transmises de génération en génération.

Avant 1940, très rares sont les documents qui témoignent du folklore en Acadie . De même, aucune véritable enquête ethnographique n’a encore été menée. Durant la décennie 1950, Luc Lacourcière et Félix-Antoine Savard des Archives de folklore de l’ Université Laval procèdent à de nombreuses enquêtes sur le patrimoine immatériel. Enthousiasmés par la richesse de la tradition orale acadienne, ils parviennent à générer d’importantes collections de contes, de légendes et de chansons.

À partir de 1966, l’Université de Moncton offre des cours de folklore et en 1970, le Centre d’études acadiennes est fondé. Rapidement, les Acadiens eux-mêmes, le Père Anselme Chiasson en tête, entreprennent de rassembler du matériel folklorique, créant ainsi d’importantes collections. Certains d’entre eux, notamment Édith Butler , Angèle Arsenault et Antonine Maillet , pour ne nommer que les plus illustres, se rendent à Québec auprès de Lacourcière afin poursuivre leurs études.

Au cours des années 1970 et 1980, un nombre considérable d’ethnologues sillonne les quatre coins de l’Acadie et enrichissent les fonds d’archives en plus de rédiger des articles savants, des monographies et des ouvrages au sujet du folklore acadien. Le rapport entre l’Acadie et son folklore a donné lieu à toute une littérature : livres d’histoires, de légendes, de chansons, de recettes et de romans. Aujourd’hui, le « corpus acadien » occupe une place prépondérante au sein du patrimoine immatériel des francophones d’Amérique.

La Mi-carême

Dans la tradition canadienne-française, la Mi-Carême est le moment du carême où les gens se déguisent et passent aux portes pour demander des gâteries, chanter et danser selon la tradition de la quête costumée. On en trouve une variante intéressante dans certaines régions de l'Acadie, où la Mi-Carême devient un personnage rappelant Saint Nicolas : quelqu'un se déguise en vieille femme et distribue des gâteries aux enfants sages. Les mi-carêmes sont également représentées comme des personnages effrayants ou encore comme ceux qui apportent les enfants (plutôt que les cigognes ou les choux).

Mi-Carême

Le tintamarre

Tintamarre – Caraquet,  Nouveau-Brunswick, 2011.

Lancée en 1955 pour commémorer le bicentenaire de la déportation des Acadiens , elle s'inspire d'une coutume médiévale française selon laquelle une foule fait le plus de bruit possible afin de marquer un événement triste ou joyeux. Dans le cas de la Fête nationale de l'Acadie, célébrée le 15 août, le Tintamarre représente les deux : à la fois la tristesse du Grand Dérangement qui a divisé tant de familles et occasionné tant de naufragés, et la joie de la survivance culturelle. Les participants et participantes du défilé portent du maquillage et des costumes aux couleurs acadiennes : bleu, blanc, rouge, avec l'étoile dorée. Dans certaines communautés, en plus des costumes et des drapeaux, on voit défiler des marionnettes géantes. On met le Tintamarre en branle dans de nombreuses communautés, sur une plus petite ou une plus grande échelle, de Moncton à Summerside (Î.-P.-É.) en passant par Caraquet , N.-B., Clare et Chéticamp , N.-É .


La littérature acadienne de 1606 à 1958

Stratégiquement située pour le commerce, l'Acadie a été longtemps convoitée par la France et l'Angleterre. Même si ses relations avec la culture et les institutions de la Nouvelle-France étaient distantes, c'est en Acadie que Marc Lescarbot écrit les premiers textes littéraires de l’Amérique du Nord – Les Muses de la Nouvelle France , Théâtre de Neptune (1606), Histoire de la Nouvelle France (1609).

Plus tard, des visiteurs – comme Pierre Biard, Chrestien Leclercq, Nicolas Denys, Dièreville, Pierre Maillard et Joseph-Mathurin Bourg – ont décrit sa géographie et ses sites habités, ainsi que sa flore et sa faune. La période postérieure à la déportation est surtout connue par le biais de correspondances. La déportation devient le sujet et la thématique d'un poème et d'un roman importants dans l'imaginaire acadien. Il s'agit respectivement du poème Evangéline (1847) de Henry-Wadsworth Longfellow et du roman Jacques et Marie (1865–1866) de Napoléon Bourassa.

Enraciné dans les œuvres de Rameau de Saint-Père (La France aux colonies , 1859) et stimulé par le clergé québécois qui a adopté ses théories, le débat nationaliste domine l’activité culturelle. Ce débat cherche à englober la politique, l'économie et la recherche sociographique, favorisant la guérison du traumatisme de la déportation et la redéfinition du caractère de la collectivité acadienne. L'intérêt croissant pour l' histoire acadienne donne naissance à « la Renaissance acadienne », dont le début est marqué par la création d'un premier journal, Le Moniteur Acadien en 1867.

Dans le champ intellectuel de cette période, une personnalité se dégage : Pascal Poirier. Ses conférences et ses essais – aussi bien historiques que linguistiques (Origine des Acadiens , 1874; Le parler franco-acadien et ses origines , 1929) – connaissent une certaine postérité au cours du XX e siècle.

Au milieu du XXe siècle, le débat nationaliste entre dans une période de remise en question et les auteurs se tournent vers d'autres sujets : Donat Coste, écrit L'Enfant noir (1957) pour dénoncer l'hypocrisie de la société moderne. C'est l'aube d'une phase de transition pour la littérature acadienne associée aux premières publications d' Antonine Maillet , dont le premier roman, Pointe-aux-Coques (1958), traite de la vie dans un petit village acadien.

Antonine Maillet

Le renouveau littéraire des années 1960

Antonine Millet, 1984.

Dans la foulée de l’adoption de la Loi sur les langues officielles , la littérature acadienne va s'instituer à la fois en se dotant d'instances littéraires spécifiques (des revues, des maisons d'éditions et, plus tard, des prix littéraires ), mais aussi en suscitant à partir des textes produits un discours critique sur cette littérature.

C'est dans ce contexte qu'une poésie activiste, caractérisée par la recherche d’une identité et la rébellion contre le traditionalisme des valeurs acadiennes, s'insère et devient le lieu d'une prise de parole poétique, identitaire et plus largement politique pour la jeune génération. Le désir de créer son propre pays s'incarne ainsi dans les textes de Raymond LeBlanc ( Cri de terre , 1972) alors qu'une dénonciation triste et violente d'une Acadie où l'horizon collectif reste précaire caractérise ceux d'Herménégilde Chiasson (Mourir à Scoudouc , 1974).

Le roman acadien est dominé par les œuvres d'Antonine Maillet , dont l'énergie sans limite combine l'épopée aux évènements du quotidien, faisant appel à toutes les ressources de la tradition de la légende populaire et du conte oral. Les publications s'orientent aussi vers l'histoire comme chez Louis Haché qui utilise sa connaissance des archives pour retracer l'histoire de la vie acadienne du Nord-Est du Nouveau-Brunswick. Les textes de Serge Patrice Thibodeau ( La septième chute , 1990; Le cycle de Prague , 1992; Le quatuor de l'errance , 1995) témoignent à la fois d’une quête formelle (empreinte de spiritualité) tournée vers l'ailleurs et d’une volonté de se détacher des thématiques acadiennes.

Porté à l'écran, Les Portes tournantes (1984) sont l'une des réalisations notables du genre et côtoie nombre d'autres romans de Jacques Savoie (aussi connu pour son œuvre cinématographique). L'œuvre de France Daigle est incontournable. Le renouvèlement de celle-ci au fil des romans et sa cohérence sont à découvrir dans ses romans Sans jamais parler du vent (1983) à Pour sûr (2011). Les questions relatives aux langues d'écriture et particulièrement l'exploitation de l'anglais ou du chiac , voire d'une langue « standardisée » traverse la production littéraire contemporaine et en montre la diversité interne.

L’émergence d'un théâtre professionnel en Acadie

Présent depuis l’arrivée des colons français en Acadie , le théâtre participe à la modernité artistique des années 1970. Malgré son évolution vers une pratique professionnelle, il demeure une activité communautaire, une pratique vivante plutôt que littéraire contribuant à l’essor de la dramaturgie authentiquement acadienne.

L’ouverture de collèges classiques, vers la fin du XIXe siècle, permet l’implantation d’une pratique théâtrale en Acadie. On y monte des pièces de répertoire, de même que quelques créations de prêtres et éducateurs comme Alexandre Braud et Jean-Baptiste Jégo.

À la fin des années 1950 et au début des années 1960, le milieu théâtral acadien connaît une plus grande vitalité grâce, d’une part, à la création de troupes de théâtre à l’extérieur des institutions collégiales, comme le Théâtre Notre-Dame de Grâce de Laurie Henri, et, d’autre part, à la mise en scène au Collège Notre-Dame d’Acadie, en 1957, de la première pièce d’Antonine Maillet, Entr’acte.

Troupe amateure de Moncton, Les Feux-Châlins (1969-1976) collectionne les créations marquantes : d’abord, en 1971, La Sagouine d’Antonine Maillet, mise en scène par Eugène Gallant et interprétée par Viola Léger, puis, en 1974, Tête d’eau, première pièce de l’auteur, dramaturge et metteur en scène Laval Goupil. Le Théâtre populaire d’Acadie, fondé à Caraquet en 1974 par Réjean Poirier, produit la deuxième pièce de Goupil, Le Djibou, en 1975, de même que des pièces de Jules Boudreau comme Louis Mailloux (écrite avec Calixte Duguay) en 1975 et Cochu et le soleil en 1977.

Le Théâtre Notre-Dame de Grâce, devenu le Théâtre amateur de Moncton (1969-1980), présente aussi quelques œuvres d’auteurs acadiens, dont l’importante pièce Les Crasseux, d’Antonine Maillet, dans une mise en scène de Jean-Claude Marcus, en 1977.

Marcus est professeur au Département d’art dramatique de la récente Université de Moncton, où sont désormais formés une bonne partie des artistes de théâtre acadiens. En 1977-1978, la première cohorte de finissants du Département fonde la Coopérative de théâtre l’Escaouette, qui se distingue d’abord pour ses tournées dans les régions, ses créations collectives, son public jeunesse et son désir de délaisser le folklore associé à l’Acadie. Avec Herménégilde Chiasson comme dramaturge principal, l’Escaouette s’impose graduellement pendant les années 1980 et 1990. La troupe tente de constituer un répertoire acadien, notamment en produisant une trilogie sur l’histoire acadienne : Histoire en histoire (1979-1980) et Renaissances au pluriel (1984-1985) de Chiasson, ainsi que Les sentiers de l’espoir (1983-1984) de Gérald Leblanc.

Crise et effervescence du théâtre professionnel

Herménégilde Chiasson, 2010

Chiasson écrit au cours des années 1990 de nombreuses pièces pour un théâtre l’Escaouette qui se professionnalise; citons notamment la trilogie identitaire composée de L’exil d’Alexa (1993), La vie est un rêve (1994) et Aliénor (1997).

S’appuyant sur une recherche formelle plus que textuelle, quelques artistes se regroupent en 1996 pour mener des expérimentations théâtrales collectives. Louise Lemieux et ses élèves diplômés Lynne Surette, Philip André Colette, Amélie Gosselin et Karène Chiasson sont au centre des activités de Moncton Sable, un collectif innovateur qui monte également des spectacles en collaboration avec France Daigle, Paul Bossé et quelques autres auteurs.

Cette période voit également la mise en place d’un festival de lecture de pièces à différents stades d’écriture, le Festival à haute voix, organisé par l’Escaouette pour stimuler la dramaturgie acadienne. Une des participantes, Emma Haché, reçoit le Prix littéraire du Gouverneur général du Canada en 2004 pour sa pièce L’intimité.

Traditions musicales au XIX et XXe siècle

Dans chaque région des Provinces Maritimes où ils se sont établis, les Acadiens ont apporté avec eux des centaines d’anciennes chansons françaises, dont plusieurs étaient à l’origine accompagnées de danses .

L’enseignement musical est présent en Acadie depuis les années 1860 et les chorales rattachées à des écoles et collèges ont remporté de grands succès. Au Collège Saint-Joseph de Memramcook et plus tard au Collège du Sacré-Cœur à Caraquet (1899) et Bathurst (1916), on a d’abord formé des chorales qui se produisaient lors de cérémonies religieuses et on a aussi créé des ensembles d’ harmonie , nommés « fanfares » qui participaient à des fêtes et défilés. Les chorales acadiennes féminines et masculines ont remporté plusieurs prix internationaux pendant les années 1950 et 1960 sous la direction des chefs Léandre Brault, Neil Michaud, Florine Després et Lorette Gallant.

De nombreux musiciens acadiens de formation classique se sont distingués sur la scène musicale internationale. Anna Malenfant , née à Cap-Pelé au Nouveau-Brunswick en 1902, a fait carrière à Montréal après avoir complété des études en Europe. Elle a chanté aux Variétés lyriques et elle a joué le rôle-titre dans l’opéra Carmen , en plus de participer à plusieurs opéras à Montréal. Enfin, elle a fait partie pendant une trentaine d’années du Trio lyrique sous la direction de Lionel Daunais . Le violoniste Arthur Le Blanc , né au Nouveau-Brunswick en 1906, est peut-être le plus renommé des musiciens acadiens du XX e siècle. En 1935, suite à des études musicales en France, il a été nommé premier violon dans l’orchestre symphonique de Paris et il s’est produit sur les grandes scènes d’Europe et d’Amérique du Nord.

Les chansonniers acadiens ont connu une grande popularité au Canada français et certains ont même réussi à se faire connaître en Europe. Édith Butler , née à Paquetville, Nouveau-Brunswick en 1942 et Angèle Arsenault (1943–2014), née à l’Île-du-Prince-Édouard, ont eu de longues carrières qui les ont amenées partout au Canada et en Europe, et leurs albums ont connu de grands succès, en particulier au Québec . Plusieurs chansons traditionnelles acadiennes ont d’ailleurs été popularisées par Édith Butler.

La diversité musicale du XXIe siècle

Radio Radio en concert en 2014

La musique acadienne est aujourd’hui caractérisée par une plus grande diversité que dans le passé. Plusieurs facteurs ont contribué à ce phénomène. Citons, par exemple, l’essor de l’éducation musicale dans les écoles, les bourses offertes par les organismes culturels acadiens, la création de postes de radio communautaire et l’accès à des réseaux de diffusion électroniques.

Le Département de musique de l’Université de Moncton est aussi devenu un lieu de rencontre pour les jeunes musiciens talentueux. C’est là qu’a été formée Isabelle Thériault, membre de l’ensemble féminin Les Muses (1999–2004) et ensuite directrice musicale de l’ensemble Ode à l’Acadie (2004–2010). Cet ensemble, créé en vue d’un spectacle marquant le 400e anniversaire de l’Acadie en 2004, a connu un succès phénoménal, contribuant ainsi au renouveau de la vie musicale acadienne. Le Gala de la chanson de Caraquet, un concours annuel qui existe depuis 1969, continue à rassembler les jeunes talents. C’est là, par exemple, que se sont rencontrés les membres du trio féminin Les Hay Babies, formé en 2012.

Les régions minoritaires acadiennes participent pleinement à la vie musicale d’aujourd’hui. À l’Île-du-Prince-Édouard, les groupes « revival » Barachois, Gadelle et Vishtèn, donnent une nouvelle vie aux chants traditionnels par leurs arrangements instrumentaux originaux, alors que Lennie Gallant chante à la fois en français et en anglais. Dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, l’ensemble Grand Dérangement poursuit la voie ouverte par 1755, créant des pièces d’inspiration traditionnelle, alors que les rappeurs de l’ensemble Radio Radio innovent par leur adaptation de textes acadiens dans une forme musicale apparentée au hip-hop.

Enfin, le succès que rencontre depuis une vingtaine d’années la chanteuse et comédienne de Moncton Marie-Jo Thério, autant au Québec qu’en France, a ouvert la voie à une nouvelle génération d’auteurs-compositeurs-interprètes. Au Nouveau-Brunswick, il existe aujourd’hui une véritable explosion de talent musical, avec des chanteurs country comme Hert Le Blanc et George Belliveau, les chansonniers Pascal Lejeune, Danny Boudreau et Joseph Edgar et les chanteuses Lina Boudreau, Lisa Le Blanc et Sandra Le Couteur. Le chanteur populaire de renommée internationale Roch Voisine est lui aussi originaire du Nouveau-Brunswick.

Lisa Leblanc - Cerveau ramolli

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