La musique canadienne des guerres et des conflits armés | l'Encyclopédie Canadienne

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La musique canadienne des guerres et des conflits armés

Bon nombre des guerres et conflits armés auxquels le Canada a participé ont inspiré des chansons et des œuvres musicales. Cet article propose un aperçu des œuvres composées pendant ou immédiatement après un conflit donné, ou bien en rétrospective de celui-ci (voir aussi Histoire du Canada dans la musique; Chants patriotiques; Bataille; Chansons canadiennes de la Première Guerre mondiale).



La conquête de la Nouvelle-France

Un certain nombre de chansons portent sur le général James Wolfe, commandant britannique tombé durant la bataille des plaines d’Abraham. « Brave Wolfe », aussi connue sous les titres « The Death of the Brave General Wolfe » et « Bold Wolfe », intègre le folklore musical de l’Est du Canada et en Nouvelle-Angleterre. « General Wolfe » est une autre chanson qui a persisté jusqu’au 20e siècle grâce à la tradition orale. Des versions de ces deux chansons figurent, avec commentaires, dans Singing Our History: Canada’s Story in Song (1984), un recueil d’Edith Fowke qui contient aussi les paroles de « Hot Stuff », une chanson écrite par l’un des officiers de Wolfe (chantée sur l’air de « Lilies of France ») qui décrit le traitement réservé aux Français par les soldats anglais.

La victoire des Anglais à la bataille des plaines d’Abraham inspire plusieurs compositeurs britanniques. Le manuscrit de « Not unto Us, O Lord », un hymne d’action de grâce de James Nares remerciant Dieu « pour la prise de Montréal et pour avoir fait de nous les maîtres de tout le Canada », est d’ailleurs conservé au British Museum. Les ANC, quant à elles, possèdent un exemplaire imprimé (1760) d’une chanson de John Worgan : « I Fill Not the Glass. A Song. On the Taking of Mont-Real [sic] by General Amherst » (voir aussi William Amherst, comte Amherst d’Arakan).

Plusieurs autres chansons, dont les dates précises de composition et de publication sont difficiles à établir, font leur apparition à la fin du 18e siècle. Parmi celles-ci figurent « The Soldier's Farewell to His Mistress on the Eve of the Battle of Quebec » de Charles Thomas Carter, « General Wolfe » de Thomas Smart et « On the Death of General Wolfe ». Des exemplaires de ces toutes premières chansons imprimées au Canada se trouvent à la Bibliothèque publique de Toronto, à la Bibliothèque et Archives Canada et au Musée du Nouveau-Brunswick.

L’invasion des révolutionnaires américains

Une ode est exécutée à Québec (voir aussi Cantate) pour célébrer le premier anniversaire de la victoire canadienne contre un contingent d’envahisseurs des É.-U. conduits par le général Benedict Arnold en 1775. Une chronique de l’époque, signée August Ludwig von Schlözer (voir Mélodie), mentionne des chansons écrites en l’honneur du baron von Riedesel, le commandant des mercenaires allemands dépêchés par les Anglais pour combattre les révolutionnaires. « Marching Down to Old Quebec » et la chanson acadienne « Le Sergeant », toutes deux contenues dans Canada’s Story in Song d’Edith Fowke, remontent à cette même époque.

La guerre de 1812

La guerre de 1812 est évoquée à la fois dans des marches et dans des chansons. « March to Canada » de Victor Pelissier (1813) glorifie les soldats américains tandis que « Châteauguay » de Frédérick Glackemeyer (jouée en 1818, mais probablement écrite plus tôt) rend hommage au lieutenant-colonel Charles-Michel d’Irumberry de Salaberry, le héros de cette bataille. « Come All You Bold Canadians » et « The Chesapeake and the Shannon » (chantée sur l’air de « A Drop of Brandy-O ») figurent aussi dans le recueil d’Edith Fowke. Une œuvre du 20e siècle, « The Events of November 10, 1812 » (1978) de Norman Sherman, est inspirée des marches de l’époque. Son texte est basé sur deux proclamations de guerre du major général sir Isaac Brock et un compte rendu direct d’une attaque contre le Haut-Canada.

Les rébellions de 1837-1938

La plus célèbre chanson inspirée des rébellions de 1837-1838 est « Un Canadien errant », paroles d’Antoine Gérin-Lajoie sur l’air ancien de « Par derrière chez ma tante ». Canada’s Story in Song d’Edith Fowke contient également « Farewell to Mackenzie » et « The Battle of the Windmill » (sur l’air de « The Girl I Left Behind Me »), une chanson qui demeura populaire pendant plus d’un siècle dans la région de Prescott, en Ontario, sur le fleuve Saint-Laurent.

Les raids des fenians

Les raids des fenians à la frontière canado-américaine sont menés par la Fraternité des fenians, mouvement irlando-américain voué à l’indépendance de l’Irlande créé à Dublin et à New York en 1858. La tentative de conquête du Canada par la faction américaine déclenche une série de raids frontaliers de 1866 à 1871, mais ceux-ci sont repoussés par quelque 14 000 volontaires (voir aussi Bataille de Ridgeway; Chronologie des raids des fenians; Raids des fenians (collection); Raids Fenians : guide pédagogique).

Ces raids inspirent plusieurs chansons et pièces instrumentales. En 1868, une escarmouche à Lime Hill, près de Fort Érié, au cours de laquelle les Queen’s Own Rifles de Toronto sont rapidement défaits, incite les Irlando-Américains à composer le « Fenian Song », raillerie chantée plus tard par les marins des Grands Lacs. Cependant, lorsque des troupes canadiennes plus nombreuses s’unissent, les fenians se replient de l’autre côté de la frontière et les volontaires canadiens composent alors « An Anti-Fenian Song » sur l’air de « Tramp! Tramp! Tramp! ». Ces couplets, attribués à Lachlan McGoun, sont largement diffusent et inspirent même de nouvelles parodies durant la Rébellion du Nord-Ouest, la guerre d’Afrique du Sud et la Première Guerre mondiale.

« The Chatham Volunteers » est inspirée par la menace d’un raid (n’ayant finalement jamais lieu) sur Windsor, en Ontario, à laquelle répondent les compagnies d’infanterie formées de volontaires de Chatham. La chanson paraît dans un journal local et est réimprimée dans une revue de folklore de Toronto (« The Chatham Volunteers » de P. Wyborn, Hoot, no 2). William Roy Mackenzie note un fragment d’une chanson feniane dans son livre Ballads and Sea Songs From Nova Scotia (1928), et John Murray Gibbon cite la chanson « Song of the Fenian Brotherhood » dans The Canadian Mosaic : The Making of a Northern Nation (1938).

Parmi plus d’une douzaine de pièces publiées à l’époque en l’honneur des volontaires, on trouve les chansons « Up Volunteers! » (A. & S. Nordheimer, 1865), « Shoulder to Shoulder, On to the Border » (avec musique de l’éditeur Henry Prince) et « The Canadian Volunteer’s Farewell » (A. & S. Nordheimer, 1866), ainsi que les pièces instrumentales « Fort Erie Quadrilles » (R. Morgan, s.d.), « A Lady » et « Canadian Band March » (A. & S. Nordheimer, 1866), composées par le chef de musique Woodlawn.

La rébellion de la rivière Rouge et la rébellion du Nord-Ouest

La rébellion de la rivière Rouge (1869-1870) et la rébellion du Nord-Ouest (1885) inspirent aussi des œuvres chantées et instrumentales. Plusieurs chansons ont pour sujet Louis Riel, dont « Quand je partis, ma chère Henriette » (dans Canada’s Story in Song) et « C’est au champ de bataille » (dans Penguin Book of Canadian Folk Songs, compilé par Edith Fowke, 1973). La seconde est connue par certains Métis en Saskatchewan et au Manitoba sous le titre de « Chanson de Louis Riel » ou le « Louis Riel Song ». Cependant, sa dérivation de la mélodie et du texte de « La Lettre de sang » suggère qu’elle proviendrait plutôt de l’Est et qu’on l’a par la suite associée à Louis Riel. Des versions de cette chanson paraissent dans Eight Songs of Saskatchewan de Barbara Cass-Beggs (1963) et dans Singing Our History d’Edith Fowke (1984). 

The University of Toronto Song Book (1887) contient « Pork, Beans, and Hard-Tack », sur l’air de « Solomon Levi », chantée par des volontaires de Winnipeg insatisfaits de leur mode de transport et de leurs rations. « The Toronto Volunteers », pour sa part, déplore le climat froid des Prairies. L’éditeur Imrie & Graham, quant à lui, publie le recueil Toronto's “Welcome Home” to her Brave Defenders, from the North-West Rebellion! July 1885. D’autres chansons de l’époque se trouvent dans Canada’s Story in Song et Songs of Old Manitoba.

Parmi les pièces instrumentales, on compte « The Battleford March » de Dingley Brown (1885), dédiée sir Frederick Dobson Middleton; « Batoche Polka » d’Annie Delaney (A. & S. Nordheimer, 1885) et la marche « De Calgary à MacLeod » de Joseph Vézina. Une chanson de vérité: Folk Songs of the Prairie Métis, un album long de la chanteuse Lucinda Clemens accompagnée de Morwenna Minneci Jones et de Romano Pucci, contient plusieurs chansons qui racontent la lutte pour l’indépendance des Métis.

La guerre d’Afrique du Sud

Bien que l’opinion canadienne soit divisée en qui a trait à la légitimité de la cause et au besoin d’envoyer des troupes en Afrique du Sud, l’enthousiasme pour la guerre de l’Afrique du Sud est considérable chez une grande part de Canadiens anglais. Plus de 7000 soldats canadiens participent à cette guerre, la plupart comme combattants. Plus de 25 compositions canadiennes sur cette guerre portent des titres anglais. Des exemples typiques sont « Bobs and Victory » de Frank H. Burt, « Tommy Atkins, You're a Dandy » d’Arago Easton, « Young Canada » d’Alexander Muir, « The Charge at Dawn » de Samuel Davies Schultz et « Sons of Canada » de F. H. Torrington. L’opéra « La Terre bonne » de Roberta Geddes-Harvey, monté en 1903, est situé au Canada et en Afrique du Sud à l’époque de cette guerre.

La Première Guerre mondiale

Les forces armées canadiennes sont mobilisées comme jamais auparavant lors de la Première Guerre mondiale, ce qui explique l’importance de la production musicale afférente. Plus de 300 chansons de guerre et patriotiques, ainsi que de nombreuses marches, sont publiées entre 1914 et 1918 (voir aussi Chansons canadiennes de la Première Guerre mondiale). La plupart, stimulant le recrutement et le moral des troupes, sont écrites par des civils au Canada. Il en est bien peu qui sont inspirées par une expérience directe du champ de bataille et ces chansons canadiennes sont rarement populaires dans les tranchées.

D’autres facteurs contribuent à la floraison de chansons de guerre au pays. Les États-Unis n’entrent pas en guerre avant 1917, laissant ainsi aux Canadiens le monopole nord-américain du genre pendant trois ans. L’invention récente du phonographe crée également un moyen additionnel des plus efficaces pour diffuser la musique de guerre.

Il est difficile de dire quelles ces chansons connaissent le plus vif succès, mais certains titres reviennent plus souvent que d’autres dans les collections de musique en feuilles et d’enregistrements anciens. On y trouve notamment « We'll Never Let the Old Flag Fall » de M.F. Kelly et Albert Erroll MacNutt (1915), « Dear Old Pal of Mine » de Gitz Rice et Harold Athol (écrite en France en 1918), « Good Luck to the Boys of the Allies »(1915) de Morris Manley et « In Flanders Fields » (poème de John McCrae mis en musique par plusieurs compositeurs).

Un certain nombre d’auteurs se consacrent aux chansons de guerre, parmi lesquels Florence M. Benjamin (« Marching Along » et « Come With Me in My Aeroplane »), Jules Brazil (« Remember Nurse Cavell » et « Dreaming of Home »), Morris Manley (« I Love You, Canada » et « Goodbye Mother Dear »), Geoffrey O'Hara (« K-K-K-Katy! », qui n’est pas une chanson de guerre, mais qui est très populaire parmi les soldats outre-mer, et « Highlanders! Fix Bayonets! »), Gitz Rice (« Keep Your Head Down, Fritzie Boy » et « We Stopped Them at the Marne »), Gordon V. Thompson (« When Your Boy Comes Back to You », « When We Wind Up the Watch on the Rhine » et « For the Glory of the Grand Old Flag ») et Will J. White (« Take Me Back to Dear Old Canada » et « Hip Hip Hooray For the Boys Who Went Away »). Thompson affirme avoir vendu quelque 100 000 exemplaires de sa chanson « When We Wind Up the Watch on the Rhine » au Canada et encore 100 000 aux États-Unis, ce qui donne un aperçu de la vaste diffusion de plusieurs de ces chansons.

Parmi les chansons de guerre en français figurent « En avant » (1915) de Joseph Vézina, D’autres chansons notables, enregistrées ou publiées, incluent « Belgium Put the Kibosh on the Kaiser » (1915) d’Alf Ellerton, « We’re from Canada » (1915) d’Irene Humble, « The Call of the Motherland Song » (1914) d’E.W. Miller, « The Made in Canada Campaign Song » (1915) de N. Fraser Allan, et « By Order of the King » (1915) de Michael F. Kelly.

Des compositeurs plus savants s’adonnent également à la chanson patriotique. Gena Branscombe compose « Dear Lad O’ Mine » (1915); Donald Heins, « The Song of the Allies » (1914) et Colin McPhee, « Arm Canadians! » (1917). Outre celles écrites pour des régiments spécifiques, on compte parmi les marches « Here’s to Tommy » (1915) de Jean-Josaphat Gagnier, « Les Alliés » (1914) d’Alexis Contant et « March of the Allies » (1915) d’Arthur W. Hughes.

(Voir aussi The Dumbells.)

La Deuxième Guerre mondiale

Les chansons canadiennes de la Deuxième Guerre mondiale sont moins nombreuses que celles de la guerre précédente, mais elles ont l’avantage d’être diffusées en musique imprimée, sur disques et à la radio. Le ton agressivement patriotique des chansons de la Première Guerre cède sa place à l’humour et à la nostalgie. D’autres différences importantes viennent du fait que le gouvernement organise de façon plus systématique les divertissements des troupes, dont The Army ShowMeet the Navy et RCAF Blackouts, et que les chansons écrites par des musiciens professionnels dépassent maintenant en nombre celles des amateurs.

Du point de vue de l’édition, une chanson anglaise importée, « There’ll always be an England » (1939), s’avère un des plus grands succès de l’époque. Gordon V. Thompson en obtient les droits d’auteur pour l’Amérique du Nord au début de la guerre (alors qu’elle est interdite à la radio des États-Unis en raison de la neutralité du pays) et en vend quelque 130 000 exemplaires au Canada seulement. Thompson cesse pour sa part d’écrire des chansons de guerre; il publie « Carry On » et sa version française « En avant » (musique d’Ernest Dainty, composée avant la guerre, mais avec un texte adapté aux nouvelles circonstances). Cette chanson devient un des plus grands succès canadiens de toute la guerre.

D’autres chansons de guerre sont aussi populaires, comme « That’s an Order from the Army » et « H’ya Mom » de l’Army Show; « You’ll Get Used to it » de Freddy Grant, « We’re Proud of Canada » de Mart Kenney et « Over Here for Over There » de Jess Jaffrey, Horace Brown et Vida Guthrie. Parmi les chansons en français, on relève « Vers la victoire » de Joseph Daniel Plamondon et « Dollard t’appelle » de N.M. Peck et Henri Grammont. Les plus populaires sont toutefois celles de Roland Lebrun, notamment « Je suis loin de toi, mignonne », « L’Adieu du soldat » et « La Complainte d’une mère ».

La musique de concert se rapportant à la guerre inclut notamment « The Trumpet Call », « Hymn for Those in the Air » et « A Marching Tune » (dédiée au Queen’s Own Rifles of Canada) de Healey Willan, ainsi que l’opéra radiophonique « Transit Through Fire: An Odyssey of 1942 »,  la cantate « For the Fallen » (complétée peu après la guerre) d’Arnold Walter, le poème symphonique « War and Peace » d’Alexander Brott, la sonate pour piano « Testament of Youth » de Harry Somers et le « Te Deum » de Joseph Vermandere, écrit pour célébrer la victoire des Alliés et présentée à la radio de la SRC le 13 mai 1945.

Healey Willan ne baigne pas tout à fait dans son élément quand il écrit la populaire chanson de guerre « Speed the Victory », en 1943. Il en est de même pour sir Ernest MacMillan avec « Debout, Canadiens!/Canada Calls… » (version française d’A. Plouffe, version anglaise de D. Hill) et « It’s a Grand Life if We Don’t Weaken » (1940). Parmi les nombreuses marches pour harmonie écrites durant la guerre, mentionnons « Commando March » de Leslie Bell et « La Marche de la Victoire », une chanson-marche de Joseph Beaulieu.

Le recueil Songs from the Front & Rear: Canadian Servicemen’s Songs of the Second World War d’Anthony Hopkins (Hurtig, 1979) se limite aux chansons effectivement chantées par les soldats, par opposition aux chansons écrites à leur intention, mais pas nécessairement populaires parmi eux. D’autres exemples du même genre sont les recueils parus au début du conflit Le Soldat canadien chante (1940, compilé par Marius Barbeau) et Aux armes, Canadiens! (1941). The Harps of War (1985) et Memories and Melodies of World War II (1988), de W. Ray Stephens, sont d’autres exemples de ce genre (voir aussi Histoire du Canada dans la musiqueChants patriotiques; Bataille; Chansons canadiennes de la Première Guerre mondiale).

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