Fenians | l'Encyclopédie Canadienne

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Fenians

Les fenians étaient membres d’un mouvement du milieu du 19e siècle visant à assurer l’indépendance de l’Irlande vis-à-vis de la Grande-Bretagne. Ils constituaient une organisation secrète et interdite dans l’Empire britannique, où ils étaient connus sous le nom de Fraternité républicaine irlandaise. Ils opéraient librement et ouvertement aux États-Unis sous le nom de Fraternité feniane. Éventuellement, les deux branches ont adopté le nom de « Fenians ». Ils ont lancé une série de raids armés en sol canadien entre 1866 et 1871. Bien que principalement établi aux États-Unis, ce mouvement a été très présent au Canada.


Frank Iveson (centre) et Peter Crerar (gauche) avec des hommes non identifiés à Metcalfe, Canada-Ouest, 1865.

(avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada/PA-103906)


Nationalisme transatlantique

Les « fenians » sont membres d’un mouvement créé en 1857. Leur but est d’obtenir l’indépendance de l’Irlande vis-à-vis de la Grande-Bretagne. Le terme « fenian » vient du terme gaélique irlandais Fianna Eirionn, faisant référence à une troupe de guerriers mythologiques. Le nationaliste irlandais James Stephens est à l’origine de l’Irish Republican Brotherhood. Il s’agit d’une organisation clandestine financée par les collectes de fonds de sa branche américaine, la Fenian Brotherhood.

La branche américaine du mouvement, fondée par John O’Mahony, se consolide et, à la fin de l’année 1865, les fenians possèdent d’ores et déjà un butin de guerre de près de 500 000 $. Ils rassemblent aussi environ 10 000 anciens combattants de la guerre de Sécession. Cette même année, le mouvement se divise en deux factions, l’une pour et l’autre contre l’invasion de l’Amérique du Nord britannique. La première faction est dirigée par William Roberts. L’autre groupe, favorable à un soulèvement en Irlande, se retrouve sous la houlette de John O’Mahony.


John O'Mahony
Membre fondateur de la Fraternité des Fenians aux Etats-Unis, date inconnue.
(avec la permission de University College Cork, Ireland)


Fenians canadiens

Les fenians posent également une menace pour l’intérieur. Les travaux récents d’historiens tels que David A. Wilson révèlent un soutien important au nationalisme irlandais au Canada – plus que ce qui est généralement reconnu. Relativement peu de Canadiens ont rejoint le mouvement des fenians lui-même, les estimations variant de 1000 à 3000 sur une population d’environ 250 000 Irlandaiscatholiques au Canada. Cela étant dit, beaucoup d’autres sont sympathisants de la cause. Il y a eu des cercles de fenians dans les principales zones urbaines, dont Montréal, Toronto, St. Catharines, Brockville et Guelph, et dans certaines municipalités rurales. Les fenians canadiens ont également fait partie du réseau nord-américain plus large, ce qui en faisait une menace plus importante que leur nombre ne le laisse supposer.

Un des fenians canadiens les plus connus est Michael Murphy de Toronto. Ce dernier a été président de la Hibernian Benevolent Society, organisation d’autodéfense mise en place à la suite des émeutes de la Saint-Patrick de 1858. La société finit par être associée au mouvement fenian dans les années 1860. Le bulletin de Patrick Boyle, The Irish Canadian, nie officiellement sa connexion aux fenians, bien qu’il leur serve de tribune au Canada.

Raids

Lorsqu’il devient évident que le soulèvement n’est pas pour tout de suite en Irlande, John O’Mahony lance un raid à la frontière du Nouveau-Brunswick en avril 1866. Michael Murphy est invité par télégramme à se joindre aux forces d’invasion. Le message est toutefois intercepté et déchiffré, et Murphy est arrêté. Mal organisé, le raid n’aboutit pas et contribue en fin de compte à réorienter l’opinion publique dans les Maritimes en faveur de la Confédération.


Bataille de Ridgeway, Canada Ouest, 2 juin 1866
Bataille de Ridgeway, Canada Ouest. Victoire du Général O’Neil. Retraite « magistrale » du Queens Own, 1866.
(avec la permission de la Division des impressions et des photographies de la Bibliothèque du Congrès/LC USZ62 89623)


Une avant-garde d’environ 1000 fenians lourdement armés traverse la frontière marquée par la rivière Niagara le 1er juin 1866. Ils sont dirigés par John O’Neill, un ancien officier de la cavalerie américaine ayant servi en Ohio et en Virginie de l’Ouest pendant la guerre de Sécession américaine. Les fenians remportent une bataille contre des miliciens canadiens à Ridgeway et se retirent. Un deuxième groupe traverse la frontière du Québec à la baie Missisquoi le 7 juin et campe sur ses positions pendant 48 heures.

Après l’échec du soulèvement irlandais l’année suivante, le mouvement se fragmente davantage. Au Canada, Thomas D’Arcy McGee est assassiné en 1868 par Patrick Whelan, un présumé fenian. En 1870, John O’Neill lance deux petits raids à la frontière québécoise.

Le saviez-vous?
Le premier service de police secrète du Canada est créé par Gilbert McMicken durant la guerre de Sécession américaine. À la fin du conflit, la majorité du service est démantelé. La menace des fenians, toutefois, entraîne son retour et son expansion. Bientôt, Gilbert McMicken est également nommé commissaire de la police du Dominion, établie après l’assassinat de Thomas D’Arcy McGee. Éventuellement la police du Dominion devient la GRC.


Bataille d’Eccles Hill
Des gardes frontières volontaires debout derrière un fenian tué pendant la bataille d’Eccles Hill en 1870.
(avec la permission de la Société d’histoire de Missisquoi/Musée Missisquoi)


Derniers soubresauts

John O’Neill lance un autre raid à l’automne 1871, ceci fois-ci contre le Manitoba. Il espère ainsi recevoir un renfort de Louis Riel et des Métis. Le raid est toutefois mis en échec par les autorités américaines avant d’atteindre la frontière canadienne. Au lieu d’apporter son soutien à John O’Neill, Louis Riel recrute des volontaires afin de défendre la frontière.

Après 1871, parmi les sections éparpillées du mouvement fenian, certaines décident de poursuivre la lutte. Ils existent toujours lors du soulèvement de Pâques 1916 à Dublin, en Irlande. Le fenianisme est une autre page de l’histoire républicaine irlandaise. En outre, il contribue à unir les Canadiens face à cette menace extérieure à l’époque de la Confédération.