Littérature de langue française, érudition et enseignement | l'Encyclopédie Canadienne

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Littérature de langue française, érudition et enseignement

Le Répertoire national de James Huston (1848-1850; réimpr. en 1982) est la première publication importante consacrée à la littérature canadienne-française. Il s'agit d'une anthologie annotée en quatre volumes de textes extraits des premiers journaux québécois.

Littérature de langue française, érudition et enseignement

Le Répertoire national de James Huston (1848-1850; réimpr. en 1982) est la première publication importante consacrée à la littérature canadienne-française. Il s'agit d'une anthologie annotée en quatre volumes de textes extraits des premiers journaux québécois. Durant la période d'intense activité littéraire connue sous le nom de Mouvement littéraire de 1860, Laurent-Olivier David, Henri-Raymond CASGRAIN et Hector Fabre publient des essais édifiants sur la littérature nationale. La Bibliotheca canadensis d'Henry James Morgan (1867) réunit une centaine d'auteurs francophones. Joseph Lenoir (1858), Antonin Nantel (1869) et Louis-Hippolyte Taché (1881) rédigent les premières anthologies de poèmes et de chansons.

Dans les années 1870, Casgrain, David, Adolphe-Basile Routhier et Louis-Michel Darveau rédigent des portraits bibliographiques ou satiriques de leurs contemporains célèbres, parmi lesquels de nombreux auteurs. Edmond Lareau publie la première histoire, ou le premier catalogue, de la littérature canadienne de langues française et anglaise (1874). La mort d'Octave CRÉMAZIE, survenue en France en janvier 1879, donne lieu à la parution de plusieurs articles sur son oeuvre. Pendant la décennie qui suit, Benjamin Sulte et Pierre-Joseph-Olivier CHAUVEAU publient de courts comptes rendus historiques des débuts de la poésie canadienne-française. Cependant, de manière générale, les écrits du XIXe siècle sur la littérature québécoise restent des chroniques anecdotiques ou des commentaires moralisateurs, tel l'essai élogieux de Casgrain sur le roman ANGELINE DE MONTBRUN (1884) de Laure Conan (Félicité ANGERS).

Au début du XXe siècle, l'étude de la littérature québécoise devient plus savante. Les bibliophiles Philéas Gagnon et Narcisse-Eutrope Dionne préparent des bibliographies exhaustives des publications québécoises. Charles ab der Halden, un professeur français, écrit des articles et donne des conférences à Paris sur des auteurs canadiens-français, lesquelles ont été publiées sous le titre Études de littérature canadienne-française (1904) et Nouvelles études de littérature canadienne-française (1907). En 1902, Mgr Camille ROY, le premier historien littéraire québécois à étudier cette nouvelle discipline à Paris, publie des articles fort bien documentés sur les écrivains québécois de l'époque et sur les débuts de la littérature québécoise. Par la suite, ces articles sont intégrés à ses nombreux essais, à son étude intitulée Nos origines littéraires (1909) et aux éditions successives de son influent Manuel d'histoire de la littérature canadienne-française (1907 à 1962).

Un autre historien littéraire, Mgr Émile Chartier, tente de faire la synthèse de l'HISTOIRE INTELLECTUELLE de sa province dans des articles réunis dans La Vie de l'esprit au Canada français, 1760-1825 (1941). Toutefois, la critique esthétique demeure rare, sauf dans les textes de Louis Dantin et de Marcel Dugas. Des anthologies mises à jour sont produites par Jules Fournier et Olivar Asselin (1920), par Camille Roy (1934) et par Guy SYLVESTRE (1942); les Soeurs de Sainte-Anne (1928) et les Frères des écoles chrétiennes (1928), quant à eux, publient des manuels scolaires destinés au secondaire pour l'étude de la littérature canadienne-française.

Entre les deux guerres mondiales, plusieurs thèses sur la littérature canadienne-française sont présentées dans des universités françaises. Celles d'Antoine Roy, Les Lettres, les sciences et les arts au Canada sous le régime français (Paris, 1930), et de Laurence A. Bisson, Le romantisme littéraire au Canada français (Bordeaux, 1932), sont toujours consultées, ainsi que le Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, moeurs, coutumes, institutions politiques et religieuses (1931) de Louis Le Jeune. La plupart des études traitant de la littérature québécoise qui sont publiées au cours des années 30 demeurent impressionnistes, mais le groupe de la revue LA RELÈVE adoptent une position intellectuelle et universaliste. Albert Dandurand rédige des ouvrages sérieux sur l'histoire de la POÉSIE (1933) et du ROMAN (1937). Un Américain, Ian Forbes Fraser, prépare la première bibliographie systématique de la poésie canadienne-française (1935), et Jane Mason Turnbull publie la meilleure étude rédigée en anglais : Essential Traits of French-Canadian Poetry (1938). Paraissent aussi des bilans annuels sur les écrits québécois : le Bulletin bibliographique de la Société des écrivains canadiens (1937-1959) et la section « Letters in Canada » du UNIVERSITY OF TORONTO QUARTERLY, qui, à partir de 1937, commence à publier des études traitant de la littérature canadienne-française.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les publications sont plus rares, mais Les lettres canadiennes d'autrefois (9 vol., 1939-1958) de Séraphin Marion continuent de paraître. Les Archives de folklore de l'U. Laval (1944), l'Institut d'histoire de l'Amérique française (1945) et la Société bibliographique du Canada (1946) sont fondés. À la fin de la guerre, la thèse de Marcel Trudel, L'Influence de Voltaire au Canada (1945), et Poésie au Canada : de nouveaux classiques français, de Jeanne Paul-Crouzet, inaugurent une période d'études plus rigoureuses. Dans les années 50, plusieurs guides bibliographiques paraissent rédigés par Gustave Lanctot (1951), Marie Tremaine (1952), Gérard Martin (1954), Antonio Drolet (1955), Philippe Garigue (1956) et Gérard Tougas (1958). Parmi les publications remarquables de cette décennie figurent l'édition critique des poèmes d'Émile NELLIGAN par Luc Lacourcière et l'Histoire littéraire de l'Amérique française (1954) par Auguste Viatte, l'une des premières études comparatives jamais rédigées.

Depuis 1960, l'augmentation considérable de la production littéraire au Québec s'accompagne d'une activité jamais connue auparavant dans les domaines de la bibliographie, de l'histoire littéraire et de la critique. La fondation, en 1958, du Centre de recherche en civilisation canadienne-française à l'U. d'Ottawa est suivie de la création de centres de recherche similaires dans les universités québécoises. D'importantes entreprises comme le DICTIONNAIRE BIOGRAPHIQUE DU CANADA (créé en 1959), le panorama annuel Livres et Auteurs québécois (1961-1982), fondé par Adrien Thério, et la collection universitaire Archives des lettres canadiennes (depuis 1961), dirigée par Paul Wyczynski, marquent les débuts de l'érudition littéraire au Québec. La Bibliothèque nationale du Québec (fondée en 1968) met sur pied un vaste service de recherches et de publications bibliographiques. Des revues savantes comme Incidences (1962-1969; Co-incidences après 1971), PARTI PRIS (1963-1968), Études françaises (depuis 1965), Études littéraires (depuis 1968), Voix et Images (depuis 1975), Jeu et Lettres québécoises (toutes deux depuis 1976) publient des articles, des entrevues et des documents.

Depuis 1960, le Québec connaît une grande activité dans le domaine des études littéraires. Des douzaines d'anthologies sont consacrées à des auteurs (Arthur BUIES, Albert LABERGE), à des genres (Laurent Mailhot et Pierre Nepveu, La Poésie québécoise des origines à nos jours, 1980) ou à la littérature en général (Gilles MARCOTTE, Anthologie de la littérature québécoise, 4 vol., 1978-1980). De nombreuses bibliographies paraissent : John Hare (dans plusieurs volumes des Archives des lettres canadiennes); André Beaulieu et Jean Hamelin (La Presse québécoise des origines à nos jours, 10 vol. à ce jour); Pierre Pagé et Renée Legris, en ce qui concerne les textes radiophoniques et télévisuels; enfin le personnel de la Bibliothèque nationale du Québec dans divers domaines. Chaque volume du Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec (depuis 1978) contient des bibliographies substantielles d'auteurs et de périodes littéraires. Gérard Tougas (1960), Pierre de Grandpré et ses collaborateurs (1967-1969), Laurent Mailhot (1974), sans oublier l'histoire en cinq volumes La Vie littéraire au Québec, 1764-1914, actuellement en cours d'élaboration à l'U. Laval, proposent de nouvelles histoires littéraires du Québec.

Des études bibliographiques et critiques sur des dizaines d'écrivains québécois sont disponibles. Réjean Robidoux et André Renaud (1966), Maurice Lemire (1970), Gérard BESSETTE (1973), Gilles Marcotte (1976), André Belleau (1980), Jacques Pelletier (1991) Ben-Zion Shek (1991) et bien d'autres ont rédigé d'importantes études sur le roman québécois. Paul Wyczynski (1965), Gilles Marcotte (1969), Pierre Nepveu (1979), Richard Giguère (1984), Caroline Bayard (1989) et Joseph Bonenfant (1992) ont publié des ouvrages majeurs sur la poésie québécoise. Jean-Cléo Godin et Laurent Mailhot (1970, 1980), Leonard E. Doucette (1984), Pierre Lavoie (1985) et Rémi Tourangeau (1985), quant à eux, ont grandement contribué à faire connaître le théâtre québécois. De nombreuses éditions critiques, portant sur des oeuvres marquante d'auteurs québécois, ont été publiées et beaucoup font partie de la collection de la Bibliothèque du Nouveau Monde, dirigée par Roméo Arbour, Jean-Louis Major et Laurent Mailhot. En 1991, la parution d'une édition critique gigantesque de l'oeuvre complète d'Émile Nelligan, rédigée par Paul Wyczynski, Réjean Robidoux et Jacques Michon, commémore le 50e anniversaire de la mort du poète. Une édition critique en plusieurs volumes de l'oeuvre de l'historien François-Xavier GARNEAU devrait paraître sous peu.

La littérature franco-ontarienne est étudiée en détail par René Dionne (1978-1983), et celle de l'Acadie, par Marguerite Maillet et ses collaborateurs (1979). Les auteurs franco-ontariens, acadiens et québécois figurent dans le Dictionnaire des auteurs de langue française en Amérique du Nord (1989), préparé par Réginald Hamel, John Hare et Paul Wyczynski.

Marginalité

Malgré les efforts d'un pionnier comme Mgr Roy, la littérature canadienne-française reste, jusque dans les années 50, un élément marginal des études littéraires françaises dans les universités québécoises. Au cours des années 60, on crée des programmes spécialisés en études canadiennes-françaises à l'U. Laval, à l'U. de Montréal, à l'U. McGill, à l'U. de Sherbrooke, ainsi qu'à la toute nouvelle UNIVERSITÉ DU QUÉBEC, et ce, dès sa création en 1968. Aujourd'hui, dans les universités québécoises, la littérature québecoise est enseignée et fait l'objet de thèses au même titre que la littérature française. Ailleurs au Canada, des cours de littérature canadienne-française de 1er cycle font leur apparition dans les années 30 et 40, suivis dans les années 50 de cours destinés au 2e et 3e cycles. Ils occupent cependant une place moins importante qu'au Québec. L'U. d'Ottawa fait exception. Son centre de recherche est d'ailleurs l'un des plus importants dans le domaine de la recherche et de la publication. Ces dernières années, la LITTÉRATURE COMPARÉE canadienne (anglaise et française) gagne en popularité, surtout à l'U. de Sherbrooke et à l'U. de l'Alberta. Elle est également étudiée dans les cégeps oò une nouvelle génération de professeurs s'emploient à la dynamiser et à la transmettre avec amour et sérieux à leurs étudiants.