Mouvements religieux, nouveaux | l'Encyclopédie Canadienne

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Mouvements religieux, nouveaux

Mouvements religieux, nouveaux

La complexité du phénomène a amené les spécialistes à employer le terme neutre de « nouveaux mouvements religieux » plutôt que celui de « groupes-cultes », car le terme « culte », dans le grand public, en est venu à évoquer les meurtres et suicides collectifs du Temple du Peuple à Jonestown, en Guyana (1978), la tragédie de Waco, les meurtres de l'Ordre Souverain du Temple Solaire au Québec et en Suisse et d'autres affaires semblables qui ont eu lieu un peu partout. En sociologie des religions, les termes « Église », « secte », « confession » et « groupe-culte » ont des sens distincts pour désigner des genres particuliers de mouvements religieux.

Un groupe-culte, selon la définition classique des sociologues, est un groupe intellectuel à tendance mystique. D'après la théologie, les groupes-cultes sont ceux qui dévient des courants traditionnels de l'orthodoxie chrétienne. C'est ainsi qu'un sociologue pourrait considérer les quakers comme un groupe-culte, alors que les catholiques traditionnels rangent parfois les baptistes comme des adeptes d'un culte. Au cours des années 70, les médias ont parlé de cultes à propos de nouveaux groupes religieux comme l'Église de l'Unification et le mouvement Hare Krishna.

Des tragédies comme celle de Jonestown faussent les discussions sur les nouvelles religions à cause de l'attention que les médias leur accordent. Peu de gens savent que Jim Jones, le fondateur de Jonestown, était un homme instruit et un ministre ordonné de la confession américaine de l'Église du Christ. Il n'était pas fondamentaliste, comme on l'a souvent dit. Il était un théologien libéral, ses tendances politiques étaient socialistes, et sa confession était en communion avec l'Église unie du Canada. De telles fausses conceptions de la réalité d'autres groupes controversés ont amené les spécialistes à mettre la population en garde contre les généralisations hâtives et à dire qu'il faut juger chaque groupe religieux en fonction de son histoire et de ses pratiques spécifiques.

En 1981, les sociologues américains David G. Bromley et Anson D. Shupe ont affirmé que la plupart des gens voient les nouvelles religions d'un mauvais oeil à cause du battage médiatique et que très peu de gens adhèrent effectivement aux nouvelles religions, qui sont généralement très inoffensives. Vers la même date, Eileen Barker, professeure à la London School of Economics, a montré que très peu de gens, après une visite au siège social de l'Église de l'Unification à Londres, ont effectivement adhéré au mouvement. À la suite d'autres études parrainées par le gouvernement britannique, elle a déclaré que les conclusions tirées au sujet de l'Église de l'Unification s'appliquaient également à la plupart des autres groupes britanniques.

Au Canada, le sociologue Reginald Bibby a découvert que, en 1982, moins de 1 p. 100 des Canadiens s'intéressaient, même vaguement, aux nouvelles religions. Qui plus est, seule une partie de ce 1 p. 100 avait des liens réels avec de tels groupes. Bibby a rapporté 11 ans plus tard que les effectifs de ce genre de groupes n'avaient pas sensiblement changé, mais que 3 p. 100 des Canadiens manifestaient un intérêt pour la spiritualité non confessionnelle et du Nouvel Âge.

La plupart des nouveaux mouvements religieux, si on les considère dans un contexte sociologique et historique, semblent beaucoup moins étranges que les médias ne le font croire. Toutefois, la majorité des gens ont peu de ressources sur lesquelles s'appuyer pour former un jugement parce que, dans la plupart des provinces, le ministère de l'Éducation interdit l'enseignement de la religion dans les écoles publiques. En conséquence, beaucoup de groupes peuvent attirer des adeptes potentiels uniquement parce qu'ils semblent annoncer quelque chose de nouveau et d'intéressant alors que leurs croyances et leurs pratiques, en fait, ne sont ni nouvelles ni particulièrement géniales.

L'émergence de nouvelles religions n'est pas un fait nouveau. Un retour sur le passé nous aide à mieux comprendre le présent. Alors que des formations comme les MÉTHODISTES, les MORMONS et l'ARMÉE DU SALUT ont déjà été considérées comme des groupes-cultes dangereux et se sont heurtées à une forte opposition, elles n'ont pas entraîné de désintégration sociale et sont maintenant envisagés calmement. Il est également important de reconnaître l'apport social positif de tels groupes sur le plan des réformes sociales et du bien-être. Il faut également remarquer que la plupart des nouvelles religions sont mondiales et introduisent dans la société occidentale des croyances et des pratiques originaires d'autres cultures.

Nombre de membres au Canada

Il est très difficile de dénombrer exactement les membres de la plupart des nouvelles religions. Une tendance à exagérer leur nombre se remarque tant chez ces groupes eux-mêmes que chez leurs critiques. Ainsi, vers la fin des années 70, le Toronto Magazine affirmait que le mouvement Hare Krishna comptait 10 000 membres à Toronto, tandis que le mouvement lui-même disait compter plus de 5 000 fidèles. Toutefois, lorsque Daniel G. Hill a fait enquête à ce sujet pour le compte du gouvernement de l'Ontario, il n'a pu trouver que 80 membres. Le mouvement, qui est en Inde un courant religieux traditionnel très respectable, compte aujourd'hui plusieurs milliers de membres, dont la plupart sont des immigrants de l'Inde orientale établis dans la région de Toronto. Pareillement, à Burnaby, près de Vancouver, le temple Hare Krishna est devenu le lieu de ralliement de nombreux Indiens d'Asie à qui le mouvement permet de conserver leurs pratiques et leur piété traditionnelles. D'autres mouvements hindouistes, bouddhistes et musulmans, qui convertissaient naguère des membres du mouvement hippie, se sont également transformés pendant la dernière décennie en assemblées respectables qui répondent aux besoins des croyants immigrés des pays où l'on pratique traditionnellement ces religions.

L'un des aspects les moins éclaircis de l'étude des nouvelles religions est le nombre de groupes existants. Richard Bergerson a compté au Québec plus de 300 nouveaux groupes religieux ou parareligieux, tandis que Fred Bird a observé une prolifération semblable à Montréal. Joan Townsend, à Winnipeg, et Irving Hexham, à Calgary, signalent également un nombre stupéfiant de petits groupes, dont beaucoup ne comptent pas plus d'une douzaine de membres et ne durent que quelques années avant de s'éteindre. C'est pourquoi il faut faire attention quand on lit des livres comme Savage Messiah: The Shocking Story of Cult Leader Roch Thériault and the Women who Loved Him (1993), de Paul Kaihla et Ross Laver : si horrifiante que soit cette histoire, il faut prendre garde de ne pas généraliser à toutes les nouvelles religions de tels cas de sévices flagrants.

Voici une estimation du nombre de convertis canadiens qui ont adhéré aux nouvelles religions les mieux connues : Hare Krishna, de 300 à 400, en plus du groupe nombreux d'environ 8000 fidèles de l'Inde orientale; Église de l'Unification, de 150 à 250; Enfants de Dieu, de 50 à 60; Église de Scientologie, 800 membres à plein temps et environ 12 000 personnes qui suivent des cours. En outre, plus de 200 000 Canadiens sont des initiés du mouvement de la méditation transcendantale, quoique 1 p. 100 d'entre eux seulement continuent de la pratiquer régulièrement.

Pourquoi y adhère-t-on?

Il existe beaucoup de théories techniques sur la conversion à de nouvelles religions. Certains spécialistes attribuent le phénomène à un malaise social, alors que d'autres insistent sur des facteurs religieux comme la mort de l'orthodoxie dans les Églises traditionnelles. L'important est d'essayer de comprendre pourquoi une personne donnée est attirée par un certain groupe. On ne peut obtenir une conversion qu'en nouant un contact étroit avec le converti éventuel et en l'écoutant attentivement. Ce qui compte, c'est son histoire personnelle. En général, toutefois, les nouvelles religions semblent donner à la vie un but et un sens tout en prenant au sérieux les expériences spirituelles intenses et en fournissant un système qui permet de les expliquer.

Comme l'indique Bibby, peu de Canadiens sont prêts à admettre qu'ils sont à la recherche d'un sens, mais la plupart s'interrogent à un moment ou l'autre sur le sens de la vie, et des preuves semblent indiquer que, même si beaucoup refusent d'admettre publiquement qu'ils sont en recherche, ils sont en recherche collectivement.

Par ailleurs, beaucoup ont des expériences spirituelles intenses, notamment des impressions et des sensations inusitées allant des expériences extracorporelles aux perceptions extrasensorielles, aux visions mystiques et aux prémonitions, entre autres. Dans notre société sécularisée, la recherche d'un sens et les expériences spirituelles sont souvent traitées comme des problèmes psychologiques. Alors, si quelqu'un entre en contact avec une nouvelle religion lorsqu'il est en période de questionnement ou peu après une expérience spirituelle intense, la sympathie manifestée par les membres du groupe et les réponses apportées par les enseignements de ce groupe peuvent suffire pour l'inciter à s'y joindre.

En général, la plupart des membres des nouvelles religions devraient être considérés comme des personnes vivant une quête spirituelle qui les amène à tenter l'expérience d'un certain nombre de groupes religieux avant d'adhérer à l'un d'entre eux. S'ils se joignent à un groupe donné, cela semble dépendre davantage des liens d'amitié que de tout autre facteur. Ainsi, quelqu'un peut être attiré par un groupe comme l'Église de l'Unification parce qu'il trouve dans la théologie de cette Église l'explication d'une expérience spirituelle particulièrement intense qu'il a vécue, mais il s'engagera dans cette Église en raison du sentiment d'appartenance et des liens d'amitié qui se sont formés avec ceux qui en sont déjà membres.

Controverse sur le lavage de cerveau et la déprogrammation

Les médias se sont intéressés aux nouvelles religions pendant les années 70, entre autres raisons, parce qu'on a affirmé que leurs membres subissaient un lavage de cerveau. Cette idée a été propagée par des récits autobiographiques sinistres ainsi que par des entrevues données à la radio et à la télévision par des personnes qui disaient s'être « échappées » d'un groupe-culte. Ces affirmations ont été appuyées par les théories de Flo Conway et de Jim Siegleman, qui ont soutenu dans leur livre intitulé Snapping (1978) que les modifications de la personnalité faisant suite à une conversion prouvaient qu'un lavage de cerveau avait eu lieu. Ils fondaient leur théorie sur l'ouvrage de William Sargent, Battle for the Mind (1957; trad. Physiologie de la conversion religieuse et politique, 1967), qui cherchait à expliquer les effets de la Harringay Crusade (croisade de Harringay), menée par Billy Graham en Angleterre, en 1954. Conway et Siegleman ne faisaient donc pas vraiment de distinction entre les convertis de l'Église de l'Unification et ceux qui se joignaient à une assemblée évangélique locale.

Au Canada, le livre Moonwebs (1981; trad. Billet pour le ciel, 1981), de Josh Freed, adapté ensuite sous forme de téléfilm, a accrédité l'idée voulant que les membres des nouvelles religions subissent un lavage de cerveau et aient besoin d'être déprogrammés. On réalise l'opération en kidnappant des membres de religions impopulaires et en les gardant prisonniers jusqu'à ce qu'ils renoncent à leur appartenance au groupe visé. La déprogrammation n'a pas été pratiquée uniquement à l'endroit de membres de nouvelles religions : aux États-Unis, des anglicans, des baptistes et des catholiques y ont passé, ainsi que des membres de groupes politiques et sociaux comme les féministes, bref, n'importe qui dont la religion ou le style de vie était jugé mauvais par quelqu'un d'autre, généralement les parents. Cette pratique était manifestement illégale et soulevait beaucoup de questions touchant les libertés civiles.

Le psychiatre Saul V. Levine, de l'U. de Toronto, dans son ouvrage Radical Departures (1984), a étudié la déprogrammation et a conclu que, comme moyen de changer les opinions des gens, elle était non seulement inefficace, mais carrément dangereuse. Ses conclusions ont été confirmées par d'autres spécialistes qui ont fourni aux défenseurs des libertés civiles, aux chefs spirituels des Églises établies et aux membres des nouvelles religions des arguments probants contre la pratique de la déprogrammation, qui a été ainsi peu à peu discréditée.

On ne peut pourtant pas nier que certains semblent adhérer à des mouvements religieux ou parareligieux par suite de la pression du groupe et d'une information trompeuse. Il est également vrai qu'un très petit nombre de groupes sont vraiment dangereux. C'est pourquoi, pour remplacer la déprogrammation, on a mis sur pied des services de consultation visant à détacher les membres de leur groupe. Au lieu de kidnapper le membre et de le bombarder d'information négative, on lui offre des séances de thérapie et de discussion. La principale théoricienne des « consultations libératrices » est Margaret Singer, une professeure de psychologie retraitée de l'U. de Berkeley et une figure de proue de l'American Family Foundation. En collaboration avec Janja Lalich, elle a écrit Cults in Our Midst (1995), qui présente un solide dossier contre certaines religions nouvelles et fait valoir que certains membres et ex-membres ont besoin de services de consultation.

Le Canada a également plusieurs organismes de lutte contre les groupes-cultes. Actuellement, Info-Secte (Montréal) et le Christian Research Institute (Calgary) sont les deux principales organisations qui fournissent des renseignements négatifs, mais souvent utiles, au sujet des nouvelles religions. En plus de ces organismes qui s'intéressent aux nouvelles religions en général, il y a aussi beaucoup de « ministères », généralement fondamentalistes, qui se spécialisent dans le « sauvetage » des membres de telle ou telle religion. C'est le cas de Saints Alive, qui vise les mormons, et de Fundamentalists Anonymous. Les organisations du genre sont critiquées par Bromley et Shupe, qui soutiennent, dans leur ouvrage The New Vigilantes (1980), qu'elles ressemblent elles-mêmes aux mouvements qu'elles prétendent dénoncer.

Description des nouvelles religions

La plupart des nouvelles religions tirent leurs éléments fondamentaux de trois grands systèmes religieux, soit les traditions abrahamique, yogique et primitive.

Les religions abrahamiques sont celles qui font remonter leur tradition religieuse au patriarche Abraham. Elles comprennent notamment le christianisme, le judaïsme et l'islam.

Les religions yogiques sont celles dont la dévotion est centrée sur la pratique du yoga, ou de la méditation, et dont l'origine remonte aux traditions religieuses de l'Inde.

Les religions primitives, notamment celles des autochtones d'Amérique du Nord et les religions africaines, sont axées sur des expériences religieuses fondamentales comme les songes, les visions, les expériences extracorporelles et l'intervention des ancêtres dans la vie quotidienne. Dans ces religions, certaines personnes jouent un important rôle de médiation entre la réalité actuelle et la réalité « future » ou quelque autre réalité.

D'après cette typologie simplifiée, il est clair que l'Église de l'Unification est une religion de type abrahamique tandis que le mouvement Hare Krishna est yogique et l'Église de Scientologie, qui insiste sur le rôle du fondateur, Ron L. Hubbard, en tant que médiateur spirituel qui a découvert la « vérité » sur l'existence humaine, est une religion primitive. Il faut aussi remarquer que beaucoup de groupes actuels allient des éléments de ces trois types de religion. Ainsi, les pratiques de l'Église de l'Unification comprennent à la fois des éléments yogiques et primitifs, alors que la scientologie tire manifestement de la tradition yogique certaines de ses croyances et de ses pratiques.

Nouvelles religions canadiennes

Au fil des années, de nombreux nouveaux mouvements religieux proprement canadiens se développent au pays. Après la guerre de 1812, une secte quaker, les Children of Peace, prospère en Ontario, mais elle disparaît en 1889. Dans les années 1890, divers groupes mormons viennent s'établir au Canada pour fuir les « persécutions » subies aux États-Unis et continuer de pratiquer la polygamie. Aujourd'hui, on trouve plusieurs groupes mormons fondamentalistes d'origine plus récente dans le Sud de l'Alberta et dans certains endroits de la Colombie-Britannique.

Vers la fin des années 20, le tristement célèbre BROTHER TWELVE fonde l'Aquarian Foundation en Colombie-Britannique. Sa doctrine s'inspire largement de la THÉOSOPHIE, et son essor impressionnant est suivi d'un déclin spectaculaire qui entraîne l'éclatement du groupe au début des années 30. En Colombie-Britannique également, Alfred J. Parker (1897-1964) fonde le groupe de la PHILOSOPHIE DE LA KABBALE à Vancouver, en 1930. Ce mouvement amalgame la numérologie à des formes orientales et occidentales de spiritualité. Ses membres sont végétariens et pratiquent des exercices physiques semblables à ceux du Hatha-Yoga. Un autre groupe important de Colombie-Britannique, d'orientation essentiellement yogique, est celui des Emissaries of Divine Light, à 100 Mile House, dont les fidèles appartiennent à la classe moyenne supérieure.

Au Québec, l'Ordre Souverain du Temple Solaire, qui joint des croyances occultes à des rites compliqués, attire une clientèle riche et instruite. Il connaît une fin tragique en 1994. Deux ans plus tard, l'enquête policière sur l'affaire se poursuit toujours, quoique, selon de nombreuses théories, le groupe se serait adonné au trafic de drogues et au blanchiment de fonds. Un autre groupe québécois est celui des Apôtres de l'Amour Infini, fondé dans les années 50 par le prêtre catholique Gaston Tremblay, qui rompt avec l'Église catholique et prétend être le Pape Grégoire XVII. Celui-ci est emprisonné pendant deux ans pour avoir détenu trois enfants par contrainte, mais cela n'empêche pas le groupe de construire 30 communautés quasi monastiques au Canada et aux États-Unis. Ce groupe et d'autres continuent d'alimenter la controverse, étant donné surtout qu'ils sont souvent en butte à des allégations de mauvais traitements à l'endroit des enfants, mais, comme dans le cas célèbre des Enfants de Dieu, ces allégations sont rarement prouvées.

Les Enfants de Dieu, quoiqu'ils n'aient pas été fondés au Canada, y acquièrent bon nombre de leurs traits caractéristiques et créent une mauvaise image des nouvelles religions après une période de croissance rapide à Vancouver. Il s'agit d'un « Mouvement pour Jésus » fondé en Californie vers la fin des années 60 par David Berg, un évangéliste pentecôtiste, qui envoie des missionnaires au Canada dès 1968 et transfère la principale partie du mouvement à Vancouver en 1971. Peu après le déménagement, Berg change de nom pour s'appeler Moïse David par suite de « révélations » qu'il déclare avoir reçues de Dieu. Le groupe devient de plus en plus déviant, particulièrement en matière sexuelle : sa pratique la plus honnie est le recours à la prostitution rituelle (« flirty fishing ») comme moyen de conversion. Il se scinde par la suite en plusieurs colonies clandestines et change de nom plusieurs fois. Il s'appelle aujourd'hui « la Famille ». À son apogée, le mouvement comptait plus de 8000 membres; aujourd'hui, il ne semble en rester que quelques centaines dans le monde.

Un mouvement beaucoup moins connu du grand public mais beaucoup plus influent est LA NOUVELLE PLUIE, fondé en 1948 à North Battleford (Saskatchewan). C'est peut-être même le mouvement d'origine canadienne le plus influent sur la scène religieuse moderne. La nouvelle pluie est essentiellement un mouvement de réveil PENTECÔTISTE, issu d'une Église du Foursquare Gospel, qui s'est répandu parmi les chrétiens évangéliques du monde entier. Plusieurs pratiques du RENOUVEAU CHARISMATIQUE actuel, comme le « parler en langues », deviennent populaires grâce à ce mouvement, qui donne naissance à des centaines de nouvelles Églises charismatiques indépendantes. La plupart demeurent essentiellement orthodoxes, mais certaines ont adopté des croyances et des pratiques insolites.

Les nouvelles religions qui se propagent le plus au Canada actuellement sont à l'échelle continentale et non spécifiquement canadiennes. Les plus courantes sont les groupes évangéliques et charismatiques qui tentent de faire revivre le christianisme des temps bibliques ou néotestamentaires. Un trait important de ces Églises est leur dimension mondiale et leur empressement à adopter des croyances et des pratiques venues du monde entier. L'un des plus populaires de ces mouvements est la Victory Church, fondée à Lethbridge par George et Hazel Hill, dont le siège est aujourd'hui à Calgary. Cette confession en expansion compte plus de 100 assemblées locales et de nombreux liens avec d'autres pays. En 1995, la Victory Church, sous l'impulsion de son assemblée de Lethbridge, conteste avec succès la décision du CRTC interdisant la radiotélévision religieuse. Elle est aujourd'hui à l'avant-garde de la radiotélévision religieuse indépendante au Canada.

L'influence internationale de la Toronto Vineyard Church est encore plus spectaculaire. D'abord rattachée au Vineyard Movement californien, cette assemblée charismatique reçoit, le 20 janvier 1994, une effusion de « rire sacré », bientôt désignée comme la « bénédiction de Toronto », qui se propage dans le monde entier. En 1995, l'hebdomadaire anglais The Church Times, généralement conservateur, peut affirmer que 10 p. 100 des Églises anglicanes de Grande-Bretagne déclarent avoir fait l'expérience de la « bénédiction de Toronto ». Ce joyeux mouvement de réveil, très controversé, fait l'objet de plusieurs livres et de nombreux articles de journaux.

Nouvel Âge, mouvement mystique et recherche d'une spiritualité personnelle

Bien que les nouveaux mouvements religieux organisés par des groupes soient fort connus, un nombre grandissant de gens, allant des jeunes adultes aux personnes âgées, s'engagent dans une quête personnelle de spiritualité et de guérison sans adhérer à de tels groupes. Ils constituent ce que le sociologue allemand Ernst Troeltsch qualifie de « mouvement mystique ». L'appellation de « Nouvel Âge » est attribuée à certains éléments de ce mouvement, mais beaucoup préfèrent l'éviter en raison des connotations péjoratives qui s'y rattachent par suite de reportages à sensation et de critiques lancées par des chrétiens fondamentalistes. De plus, le mouvement est indéfinissable parce qu'il n'a pas de paramètres bien délimités. La meilleure façon de le décrire est de le voir comme une vaste tentative de changement global de paradigme social et spirituel. Ce mouvement n'est pas nouveau, mais il se rattache à une tradition ésotérique beaucoup plus ancienne.

Le terme « Nouvel Âge » remonte au moins à 1906. Alice Bailey et d'autres, sous l'influence d'Helena Blavatsky, le reprennent dans les années 30. Dans l'ensemble, le Nouvel Âge comporte aujourd'hui une forte tendance à l'occultisme, alors que beaucoup de centres d'intérêt du « mouvement mystique » sont spirituels de façon plus large. Ces traditions s'inspirent de nombreux systèmes, qui remontent jusqu'à Platon en passant par Swedenborg, la Nouvelle Pensée, le SPIRITISME, la théosophie et des formes occidentalisées du mysticisme oriental. L'ouvrage intitulé Cosmic Consciousness (1901; trad. La conscience cosmique, 1989), du Canadien Richard Bucke, est également un précurseur de la spiritualité ésotérique actuelle.

Le « mouvement », qui est peut-être davantage un consensus, commence à prendre forme et à se répandre à la fin des années 60 et pendant les années 70 avec le Human Potential Movement, les ateliers d'Esalen et des traditions autochtones d'Amérique du Nord ou d'ailleurs. Le livre de Baba Ram Dass intitulé Be Here Now (1971), qui insiste sur la transformation et le mysticisme hindou, fait école. Au début des années 70, l'anthropologue Michael Harner commence à organiser des ateliers où il enseigne aux Occidentaux les techniques chamaniques générales à des fins de guérison et de recherche spirituelle (The Way of the Shaman, 1980), et Castaneda commence à écrire sa série de livres sur un sorcier appelé Don Juan. Starhawk (pseudonyme de Miriam Simos) et d'autres pratiquent une religion de la Déesse, sur laquelle ils écrivent aussi. Cette religion préconise la propagation du néo-paganisme et de la sorcellerie moderne, généralement appelée Wicca. Marilyn Ferguson affirme qu'une transformation personnelle et sociale est en cours et que ses fondements sont l'holisme, une nouvelle vision du monde et un changement de paradigme. C'est seulement plus tard que certains éléments du mouvement mystique prennent dans la couverture médiatique et la conscience du public l'étiquette de « mouvement du Nouvel Âge », lorsque l'actrice Shirley MacLaine adapte pour la télévision, en janvier 1987, son livre Out on a Limb.

Les adeptes de la pensée et des pratiques du Nouvel Âge ont une gamme d'intérêts très variée : l'astrologie; la magie; le trans-channelling, qui est une forme de médiumnité spirite; la guérison par le cristal; la lecture du jeu de tarots; la méditation; les expériences extracorporelles; le karma; la réincarnation; les systèmes celtes et druidiques; les systèmes religieux traditionnels, autochtones ou non, d'Amérique du Nord ou d'ailleurs; les préoccupations écologiques. Les adeptes choisissent parmi ces traditions et ces techniques de façon tout à fait discrétionnaire. Certains s'adonnent à la magie ou jouent au tarot, d'autres non. Certains croient à la réincarnation, d'autres la rejettent. Il n'y a donc pas de consensus parmi les adeptes, mais ceux-ci disposent d'un vaste choix de croyances et de pratiques.

Toutefois, les éléments les plus avancés du mouvement mystique tentent d'intégrer au mysticisme les théories scientifiques modernes, comme la mécanique quantique, la physique de l'espace-temps, la génétique, la biologie et la neurophysiologie pour comprendre la réalité de façon plus large et plus holistique. Les grands thèmes sont la transformation, l'holisme et la fusion de la science et de la religion. Tous les courants du mouvement s'intéressent vivement à diverses méthodes spirituelles et non biomédicales de guérison, l'imposition des mains et le Reiki par exemple. D'autres pratiques sont préconisées par des organisations comme la Wild Rose Clinic, de Calgary, qui offre à une clientèle de tout le continent des cours par correspondance sur les méthodes traditionnelles de guérison par les plantes.

Bien que les nouvelles religions comptent peu de membres, l'intérêt pour les nouvelles formes de spiritualité grandit peu à peu : c'est ainsi que, en 1990, 44 p. 100 des Canadiens ont déclaré avoir fait l'expérience de Dieu, 23 p. 100 croyaient avoir communiqué avec les morts, et plus de 59 p. 100 ont affirmé avoir vécu quelque forme d'activité psychique. En même temps, la croyance en l'astrologie a légèrement diminué, passant de 33 p. 100 à 32 p. 100 depuis 1987. Jusqu'en 1996, cette vague grandissante de spiritualité ne semble pas avoir profité seulement au mouvement mystique individualiste et à la spiritualité ésotérique, mais aussi à des Églises établies ayant une longue tradition historique, à des sectes anciennes comme les TÉMOINS DE JÉHOVAH et les MORMONS, à de nouvelles Églises chrétiennes charismatiques comme le Toronto Vineyard et le mouvement de la Victory Church à Calgary.

Le mouvement mystique et la vague de spiritualité qui l'accompagne se distinguent par leur absence d'organisation officielle et la propagation de leurs conceptions par divers moyens de diffusion : livres, revues, vidéos, émissions de télévision et, tout récemment, Internet. Dans toutes les grandes villes et beaucoup de petites villes, les librairies et les bibliothèques ordinaires offrent des livres sur la spiritualité et le Nouvel Âge, et les grandes villes ont généralement plusieurs librairies spécialisées dans les écrits du Nouvel Âge. Par exemple, Winnipeg compte quatre libraires du genre, qui s'intéressent à des aspects du mouvement mystique et de la spiritualité ésotérique, dont deux existent depuis au moins sept ans. Le Nouvel Âge et le mouvement mystique en général peuvent donc être décrits le mieux comme un réseau grandissant de personnes qui participent à divers degrés à un système mondial et général de croyances plutôt que comme un ensemble d'organisations ou de groupes spirituels définis.

Les Canadiens participent à des activités diverses au pays et aux États-Unis. La Spiritual Science Fellowship, par exemple, a été fondée à Montréal par un psychologue scolaire et le pasteur anglican John Rossner. Elle organise à Montréal et à Minneapolis des conférences annuelles où divers conférenciers, y compris des titulaires du prix Nobel, prennent la parole. Les groupes d'étude sur A Course in Miracles, les ateliers sur la lecture des cartes de tarot, les activités de développement spirituel, le néo-chamanisme, la méditation et les pratiques de guérison sont des activités populaires. Les adeptes de ces activités n'adhèrent à aucun groupe et ne sont membres d'aucune organisation. Ils sont plutôt des clients, qui paient des droits dans certains cas, et acquièrent des connaissances qui peuvent leur servir pour leur vie personnelle ou même pour former leur propre groupe de pratique locale ou d'intérêt spirituel.

Ceux qui participent à de telles activités choisissent ce qui convient à leur recherche spirituelle personnelle, puis cherchent de nouvelles lumières ailleurs. En conséquence, le paradigme spirituel de chacun doit beaucoup au système général de croyances mystiques. Toutefois, chacun construit son système en fonction de ses propres besoins, et ses croyances sont donc très personnalisées. Ce mouvement mystique correspond à ce que Troeltsch appelle « la religion secrète des classes instruites », une religion hétérogène et très personnelle qui puise à une multitude de sources spirituelles, sans faire appel à des médiations (dogmes, Église institutionnelle ou sacerdoce) entre la personne et le monde spirituel. Ceux qui animent le mouvement mystique et ceux qui y participent appartiennent généralement aux classes instruites de la société établie. Ce mouvement est donc bien placé pour avoir une profonde influence sur la société et la culture.

IRVING HEXHAM, JOAN TOWNSEND et KARLA POEWE

Spiritisme

Beaucoup de spirites canadiens participent à des « camps » aux États-Unis, qui consistent en des cours officiels sur la guérison, la médiumnité et les éléments du système de croyances. On peut y obtenir un certificat de ministre ou de guérisseur. Le spiritisme se pratique surtout en milieu urbain et dans la classe moyenne. Les spirites ne sont pas des marginaux, mais ils participent activement à la vie sociale. Leurs activités sont tolérées par la société, et les Églises traditionnelles n'en tiennent généralement pas compte. La femme est l'égale de l'homme et anime souvent les activités spiritistes. On ne fait pas d'efforts pour intégrer les enfants aux activités : il est nécessaire de garder l'équilibre entre le monde mystique et le monde réel, qu'un jeune enfant pourrait avoir de la difficulté à distinguer. On accueille chaleureusement les visiteurs, mais on ne fait pas de pressions sur eux pour qu'ils se joignent à l'organisation ou acceptent certaines croyances. D'après certains spirites, le Canada comptait dans les années 80 de 800 à 1000 spirites, dont environ le tiers étaient actifs. Plusieurs spirites ont été des personnages importants au Canada. Le plus célèbre fut le premier ministre Mackenzie KING.

J.B. TOWNSEND

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