William « Bill » Kondra (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

William « Bill » Kondra (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

En 2009, le Projet Mémoire a interviewé William Kondra, un ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale. L’enregistrement (et la transcription) qui suit est un extrait de cette entrevue. William Kondra est né le 14 janvier 1922 à Saskatoon, en Saskatchewan. Il s’est enrôlé dans l’Aviation royale canadienne en 1941 à l’âge de 19 ans et a servi en tant que membre d’équipage sur un bombardier Lancaster. William Kondra a fait partie de l’Escadron 100 sur la Base de Waltham à Grimsby, au sein du Bomber Command de la RAF. Dans ce témoignage, il décrit ses expériences de vol à bord d’un Lancaster et de missions de bombardement d’usines. Il évoque également les conséquences d’une mission à Berlin, au cours de laquelle 26 aviateurs ont été tués à l’atterrissage en raison des mauvaises conditions météorologiques sur leur base. Après la guerre, William Kondra a travaillé comme mécanicien de bord et technicien de moteurs. Il est décédé le 10 janvier 2013 à Saskatoon.

Prenez note que les sources primaires du Projet Memoire abordent des temoignages personnels qui refletent les interpretations de l'orateur. Les temoignages ne refletent pas necessairement les opinions du Projet Memoire ou de Historica Canada.

William Kondra à l'occasion de l'attribution de sa médaille de distinction, en 1944.
William Kondra
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Photo de l'équipage de William Kondra. Il était le seul canadien, le reste était des membres de la Force Royale Aérienne (Royal Air Force).
William Kondra
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William Kondra
William Kondra en tant qu'officier en tant de guerre en 1944, et en tant que membre de la Force Armée Canadienne en temps de paix en 1971.
William Kondra
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William Kondra
Certificat de service, 1971. Souvenir de remise de médailles et de l'obtention de l'écusson de l'équipage, le 8 juin 1970.
William Kondra
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Plaque d'immatriculation, décembre 1941
William Kondra
Le pilote avait pris la décision d’essayer d’atterrir et je me rappelle encore aujourd’hui ce qu’il avait dit : « Tenez bon les amis, ça va être un crash contrôlé. »

Transcription

Je suis William Kondra. Ma participation à la deuxième mondiale c’était dans l’armée de l’air canadienne, où j’ai fini par devenir un membre d’équipage sur un bombardier Lancaster. Pas tout le monde pourrait ou devrait devenir pilote. Il y a d’autres postes dont on avait besoin de la même façon dans un équipage. Et dans mon cas, j’ai fini par être… J’ai commencé comme bombardier, puis mitrailleur tourelle avant et finalement assistant navigateur.

Oh, on était extrêmement excités à l’idée d’être formés sur un Lancaster. Ses performances étaient tout simplement exceptionnelles. On nous a envoyé en un seul groupe à l’Escadron 100, sur une base aérienne du nom de Waltham, la Base de Waltham à Grimsby, sur la côte est de l’Angleterre.

Au début on était équipés d’un vieux modèle de viseur de bombardement qui n’étaient vraiment pas pratique quand on a commencé les bombardements nocturnes. Il y avait trop de réglages manuels et pas assez de lumière dans l’avion pour les mettre au point correctement. Alors on nous a équipé avec un nouveau viseur destiné aux bombardements de nuit. Certains des réglages que je faisais sur l’ancien viseur étaient pris directement des instruments de bord de l’avion.

Quand on approchait de la cible, tout ce que je devais réglé sur mon viseur c’était la vitesse et la direction du vent, qui étaient… le navigateur…ils essayaient d’être aussi précis que possible. Donc, certains avions partaient en reconnaissance pour connaître les conditions météo et ils envoyaient par radio une estimation de la vitesse et de la direction du vent à l’officier radio, qui le recevait en morse, et l’envoyait alors au navigateur et à moi.

Nos cibles c’était les usines. Toute usine qui avait quelque chose à voir avec la production d’armement était une cible et on devait la détruire. C’est impossible d’identifier une cible à 20 000 pieds de hauteur en pleine nuit, alors on avait des avions qui volaient devant nous, les Pathfinders. Et ils lâchaient une substance pour marquer nos cibles. Ils avaient des instruments de navigation un peu plus sophistiqués que les nôtres, alors on se fiaient à leur précision. Une fois au dessus de la cible, je prenais les marqueurs lâchés par les Pathfinders comme point de repère.

En fait, c’était terrifiant les missions de bombardement parce que vous essayez d’atteindre votre cible, et la défense ennemie fait de son mieux pour vous descendre avant que vous ayez atteint votre cible. Et si vous atteignez votre cible, elle est encerclée de défenses anti-aériennes, par simplement patrouiller dans le périmètre, alors c’est vraiment dangereux. Mais vous ne pensez pas trop à ça, vous êtes concentré sur le fait d’accomplir votre mission, alors vous faites ce qu’il faut pour atteindre votre but.

La mission sur Berlin est celle qui va me rester jusqu’à la fin de mes jours. Berlin était une cible différente des autres, très solidement défendue. Néanmoins, les avions de notre escadron… et bien, à ce moment un escadron était composé de 24 Lancasters, en temps de paix il me semble que c’est 12 seulement. Mais un escadron comptait, un escadron en temps de guerre, était composé de 24 avions. Tous nos avions étaient rentrés sains et saufs de cette mission. Cependant, pendant le briefing, parce que vous aviez un briefing avant chaque mission, le spécialiste météo avait parlé du temps épouvantable qu’on allait rencontrer au retour. Mais il avait dit ça, en fait il avait utilisé un autre mot mais c’est ça qu’il voulait dire. Nous avait dit au briefing qu’on allait se prendre ce temps épouvantable de plein fouet, une manière de dire qu’on devrait d’atterrir avant que ça devienne impossible. Ca n’est pas arrivé parce qu’au retour, toute le coin était recouvert d’un brouillard à couper au couteau, de nuages énormes et de bruine. Pendant la guerre les bases n’étaient pas éclairées. Les lumières de la piste d’atterrissage étaient recouvertes de telle manière qu’un pilote pouvait les voir durant son approche sous un certain angle au moment de l’atterrissage.

Alors, au retour, on n’avait même pas pu reconnaître notre base d’atterrissage. Elle était cachée sous une épaisse couche de nuages. Et aussi, on vous donnait seulement 15 minutes de carburant supplémentaire comme marge de sécurité. Ce qui veut dire que vous aviez seulement 15 minutes de carburant pour rentrer. Le carburant descendait vite, la tour de contrôle nous avait empilés les uns au dessus des autres à 500 pieds de distance. On tournait en rond… Finalement, le mécanicien de bord avait annoncé au pilote que les jauges montraient des réservoirs vides, alors le pilote devait décider quoi faire pour la suite. Ils avaient même mis un projecteur le long de la piste pour nous aider à atterrir. Ca ne nous aidait pas beaucoup parce qu’on ne voyait qu’une espèce de lueur sans plus. Le pilote avait pris la décision d’essayer d’atterrir et je me rappelle encore aujourd’hui ce qu’il avait dit : « Tenez bon les amis, ça va être un crash contrôlé. » Néanmoins, ce n’en fut pas un. Il a posé son Lancaster dans un crissement strident et s’est arrêté à quelques mètres seulement de la fin de la piste où il avait atterri sans dommage. Cependant, deux autres Lancaster qui essayaient de faire la même chose s’étaient rentrés dedans, en essayant d’atterrir. Deux autres étaient arrivés trop bas, avaient heurté une sorte de butte et percuté le sol. Le lendemain on avait 26 aviateurs morts. Il n’y avait que deux survivants. Cette mission en particulier, je vais vivre avec pour le restant de mes jours.