Musique indienne au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Musique indienne au Canada

Inde. En 1986, il y avait près de 280 000 Canadiens d'origine indienne asiatique et la majorité d'entre eux était arrivée après 1968. Les premiers immigrants indiens étaient, pour la plupart, des travailleurs sikhs venus du Pendjab vers 1905-08.
En 1986, il y avait près de 280 000 Canadiens d'origine indienne asiatique et la majorité d'entre eux était arrivée après 1968. Les premiers immigrants indiens étaient, pour la plupart, des travailleurs sikhs venus du Pendjab vers 1905-08. Les Sikhs sont demeurés un groupe assez important au sein de la communauté indienne, bien que la majorité des immigrants ultérieurs fussent des Hindous de régions très diverses de l'Inde. Les Indiens asiatiques se sont établis partout au Canada, principalement en Colombie-Britannique et dans le sud de l'Ontario.

Les Canadiens s'initièrent à la musique indienne grâce aux tournées de compagnies de danse et de musiciens. La première de ces visites fut probablement celle d'Uday Shankar et de ses danseurs et musiciens hindous, qui firent une tournée en Amérique du Nord durant les années 1930. Une compagnie dirigée par Indrani Rahman, sous le nom de Danseurs et musiciens de l'Inde, se produisit en 1960 à Montréal. Quelques années plus tard, des musiciens se firent entendre au pavillon de l'Inde à l'Expo 67. Quelques-uns d'entre eux se fixèrent à Montréal, notamment Rahul Sariputra (sitâr) et Swami Anand Veetarag (tablâ) qui formèrent ensemble la Naveen Gallery Company, laquelle joua dans les collèges et universités du Canada et effectua une tournée pour les JMC en 1977-78. D'autres musiciens indiens se sont produits au Canada : le mridangiste T.K. Murthy, les sarodistes Ali Akbar Khan, Ashish Khan et Ustad Amjad Ali Khan, le sitâriste Ravi Shankar, le joueur de tablâ Pranesh Khan, le chanteur T.V. Sankaranarayanan et les danseurs Sujata et Asoka. Le chef d'orchestre Zubin Mehta fit ses débuts nord-amér. à la tête de l'Orchestre symphonique de la SRC le 26 avril 1959 et fut dir. mus. de l'OSM de 1961 à 1967. Fils de Mehli Mehta (chef d'orchestre invité de l'OSM), il fut marié à la soprano canadienne Carmen Lasky. Son frère Zarin Mehta fut administrateur de l'OSM de 1981 à 1990.

Durant les années 1970, des groupes professionnels et amateurs, les uns établis au Canada, les autres de passage, offrirent des programmes de musique indienne classique, folklorique ou populaire, souvent accompagnée de danse, dans plusieurs villes du pays. De telles représentations sont souvent parrainées par des universités et des organismes communautaires religieux ou culturels, en général pour des fêtes indiennes. Elles nous viennent des nombreuses filiales de l'India Canada Assn (disséminées à travers le Canada) : le Bharathi Kala Manram de Toronto (qui s'intéresse à la culture du sud de l'Inde); la Raga-Mala Society de Calgary, fondée en 1974 pour encourager la présentation et l'exécution de la musique indienne classique; les sociétés hindoues de Vancouver, de Winnipeg et d'autres centres, les Friends of India et la Mission Chinmaya à Saint-Jean, T.-N. Rashmi Sharma, qui fut commissaire du pavillon de l'Inde à l'Expo 67, demeura à Montréal où elle devint impresario pour la danse, l'artisanat et les manifestations musicales de son pays. À Toronto, la Canadian Academy of Indian Dance (Nrtya Kala), fondée par le danseur Menaka Thakkar, offre des cours de musique et de danse ainsi que des concerts.

Des chansons traditionnelles sont interprétées dans des temples sikhs et hindous à Toronto et à Vancouver, ainsi que dans certaines familles où l'usage des chansons folkloriques se perpétue pour des occasions spéciales (les mariages, notamment). Plusieurs universités canadiennes offrent des cours de matières théoriques et d'histoire de la musique indienne, ainsi que de technique d'interprétation vocale et instrumentale, et l'Université York a organisé et parrainé plusieurs concerts de musique et de danse indienne. Ont enseigné dans le cadre de ces programmes le mridangiste Trichy Sankaran, le joueur de tablâ Robert Becker (un des membres fondateurs de Nexus) et Jon B. Higgins, né aux É.-U., qui fut dir. du programme en question jusqu'en 1979. Parmi les autres musiciens qui ont enseigné au niveau universitaire, on retrouve la joueuse de sarangî Regula Qureshi à l'Université de l'Alberta, le joueur de tablâ Jim Kippen à l'Université de Toronto, et la sitariste Kathy Hansen à l'Université de la Colombie-Britannique. La musique des communautés indiennes du Canada n'a pas fait l'objet de beaucoup de recherches, et, en 1991, ce domaine restait encore à explorer.

Les musiciens canadiens qui séjournèrent en Inde incluent Welford Russell, qui y travailla comme missionnaire et médecin de 1925 à 1941; Rosette Renshaw, qui étudia la musique indienne grâce à une bourse de l'Unesco et qui présenta à la télévision de la SRC des programmes sur ce sujet en 1957 et 1960; Harry Somers et Gilles Tremblay, qui visitèrent le pays en 1971 et 1972 respectivement; Teresa Stratas, qui voyagea seule et travailla plus tard (1981) auprès de mère Teresa. L'appel à la prière d'un muezzin au Cachemire inspira l'oeuvre de Somers Music for Solo Violin. Composée en 1973, elle fut créée par Yehudi Menuhin au Festival du printemps de Guelph en 1974. Bailey, John Bird, ainsi que Charles et George Sippi naquirent en Inde, de même que le baryton Bernard Johnson. Walter Kaufmann, né en Tchécoslovaquie et qui vécut au Canada de 1947 à 1959, fut dir. mus. pour All India Radio à Bombay; il devint un spécialiste de la musique indienne et écrivit plusieurs livres sur le sujet. Certaines des compositions de Kaufmann exécutées au Canada comportaient des thèmes indiens (Madras Express, Six Indian Miniatures, Three Dances to an Indian Play). Son article « The Forms of the Dhrupad and Kyal in Indian art music » fut publié dans le Canadian Music Journal (hiver 1959).

Ed McGuire, un missionnaire jésuite canadien, mit sur pied une école de violon pour les enfants coolies de Darjîling en 1980. Il en résulta un orchestre d'étudiants qui, en 1989, était fréquemment dirigé par le chef de l'OS de Calcutta. Les étudiants passèrent les examens du TCL et l'un d'eux vint au Canada en 1989 pour étudier avec Calvin Sieb, ex-violon solo de l'OSM.

En 1991, les Indiens vivant au Canada avaient créé de nombreuses communautés musicales, se différenciant entre elles principalement par la langue, la région d'origine et la religion, par l'intermédiaire de sociétés organisées servant à affirmer l'identité du groupe et à définir sa nature de façon créatrice dans son nouveau contexte de vie. La représentation artistique est le modèle dominant de cette affirmation de soi : la communauté se rassemble pour entendre un ou des membres désignés, qui deviennent la voix du groupe. On peut tirer quelques exemples de l'Ouest du Canada : 1) dans les temples hindous, durant la pûjâ du dimanche matin, le prêtre chante des textes scripturaux sanskrits. Des chanteurs locaux accompagnés d'harmonium, de tablâ ou de cymbales chantent des bhajanas (hymnes dévotionnelles sur une musique classique « légère »). Certains groupes religieux, les dévôts de Saj Baba par exemple, se rassemblent également les soirs de semaine pour chanter des bhajanas. 2) Dans les gurdwaras sikhs, organisés d'une façon similaire, a lieu le Shabd Kirtan, chant solo des vers scripturaux du Granth Sahib alternant avec le chant en groupe du shabd (hymnes basées sur les râgâs classiques), accompagnés par l'harmonium et le tablâ. 3) Les Indiens chrétiens forment des congrégations où l'on chante des hymnes (dont la musique est influencée par les chants religieux occidentaux), qu'on peut entendre régulièrement à la télévision communautaire. 4) Les musulmans chantent des hymnes sans accompagnement le plus souvent au cours de réunions privées, mais aussi au cours de l'Imambargah chiite et du Jamatkhana ismaélien, ainsi que dans les sous-sols des mosquées. 5) Événements culturels : la musha'ira, où les participants pratiquent la poésie chantée et surtout des « assemblées musicales », de fréquents concerts domestiques de chansons populaires ou classiques légères interprétées par des talents amateurs locaux (là encore, l'harmonium et le tablâ forment l'accompagnement habituel), mais aussi de la musique classique par des chanteurs et instrumentistes jouant du sitâr, de la sarangî, de la flûte et des tablâ pour la musique hindoustanie, ou de la vîna et du mridanga pour la musique karnatique. 6) Des événements familiaux, spécialement les noces, célébrées par un riche répertoire de chansons nuptiales chantées simplement par les femmes, accompagnées d'un dholak.

Le modèle de l'« assemblée » a été graduellement transféré à la scène et au concert, essentiellement sous la forme de deux événements musicaux : 1) Spectacles regroupant de la musique régionale vocale et instrumentale, de même que de la danse, présentées par une grande variété d'amateurs locaux, dont beaucoup sont compétents et tout à fait engagés dans leur art. Dans chaque ville canadienne, on retrouve des musiciens connus qui se produisent fréquemment pour toute une gamme d'occasions, qu'il s'agisse de spectacles dans une galerie d'art ou pour une collecte de fonds, ou encore de fêtes canadiennes ou hindoues. 2) Concerts de sangit (musique vocale et instrumentale ainsi que danse) hindoustanie et karnatique.

De nombreux artistes, pour la plupart des amateurs possédant une bonne formation, se sont établis au Canada. Ils jouent un rôle majeur dans la transmission sur une grande échelle de connaissances en musique et en danse. Dans chaque grande ville au Canada se trouve au moins un professeur ou une école de musique ou de danse indienne (par exemple, l'India School of Dance, Music and Theatre de Winnipeg); les écoles sont souvent dirigées par des femmes. Tendance nouvelle et très importante, on assiste à l'émergence d'un grand nombre d'artistes prometteurs et qualifiés de la seconde génération, grâce à la nécessité profonde que ressentent les parents canadiens-hindous de faire connaître à leurs enfants leur héritage musical, ce qui peut parfois signifier une formation poussée en Inde même. Le programme de bourses pour les arts de la scène offert par le Shastri Indo-Canadian Institute a contribué de façon importante au développement de ces talents (par exemple, l'extraordinaire danseur de Bharata Natyam, Anuradha Naimpally).

La possibilité de voir et d'entendre des artistes de l'Inde a également été d'une grande importance pour la musique classique. Afin de rendre possible le financement et la gestion de tels événements, beaucoup de sociétés locales de musique, reposant entièrement sur le bénévolat, sont nées dans les années 1980. Les mieux connues appartiennent au réseau des sociétés Ragamala. Souvent, les associations régionales parrainent conjointement les artistes de leur état d'origine, spécialement les groupes du Bengale-occidental, du Mahârashtra et du Tamil-Nadu. Les groupes du Tamil-Nadu présentent aussi des festivals annuels Tyagaraja, conjointement avec de grands concerts de musique karnatique. Au niveau national, le fondateur de la National Ragamala Society, Jagannath Wani (Université de Calgary), donne une conférence annuelle sur la musique suivant le modèle de la Conférence sur la musique indienne (établie au début du XXe siècle). Son principal succès a été la publication annuelle d'une revue sur la musique indienne, Bansuri (à partir de 1984), qui contient des articles diversifiés et hautement informatifs ainsi que de nombreuses entrevues à teneur canadienne. Bansuri offre aussi une bourse annuelle pour l'étude de la musique indienne, en mémoire de Jon Higgins, ex-professeur à l'Université York et chanteur karnatique.

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