None Is Too Many | l'Encyclopédie Canadienne

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None Is Too Many

Écrit par Irving Abella et Harold Troper et publié en 1982, None Is Too Many : Canada and the Jews of Europe 1933–1948, documentait l’antisémitisme des politiques d’immigration du gouvernement canadien visant les juifs d’Europe qui fuyaient les persécutions de l’Allemagne nazie. C’est en grande partie grâce à ce livre que la phrase « aucun, c’est encore trop » a pénétré le lexique politique canadien. Avant même sa publication, ce livre s’est avéré essentiel pour changer les politiques du gouvernement du Canada vis‑à‑vis des réfugiés, le gouvernement de Joe Clark ayant, sous son influence, accueilli les réfugiés vietnamiens que l’on désignait alors sous le nom de «  réfugiés de la mer ».

Passagers du Saint Louis

Aucun, c’est encore trop

None Is Too Many : Canada and the Jews of Europe 1933–1948 provoque une véritable sensation au pays, l’ouvrage remettant en cause le mythe, communément accepté, que le Canada a toujours été un pays ayant accueilli les immigrants et les réfugiés à bras ouverts. Les auteurs Irving Abella et Harold Troper révèlent dans ce livre que le gouvernement canadien ne menait pas seulement des politiques d’immigration discriminatoires, mais également antisémites. Ils ont découvert des milliers de lettres rédigées par des juifs européens souhaitant trouver refuge au Canada face à la menace nazie croissante (voir aussi Le Canada et l’Holocauste). La réponse du gouvernement canadien était systématiquement d’indiquer à ces gens qu’ils devaient chercher ailleurs. Irving Abella et Harold Troper ont déterminé que le Canada affichait l’un des pires résultats à ce chapitre parmi les nations développées du monde, n’acceptant que 5 000 juifs tout au long de la période nazie, de 1933 à 1945. Ce n’est qu’après la création de l’État d’Israël, en 1948, que le pays a commencé à accepter un grand nombre d’immigrants juifs.

Le saviez‑vous?
La phrase « aucun, c’est encore trop » est souvent attribuée soit au premier ministre William Lyon Mackenzie King soit à Frederick Charles Blair, directeur du bureau de l’immigration sous le gouvernement King. Toutefois, selon Irving Abella et Harold Troper, elle émanerait plutôt d’un responsable gouvernemental de haut rang anonyme auquel on demandait, en 1945, combien de juifs devraient être admis au Canada.


L’affaire du paquebot Saint Louis, auquel on a refusé le droit de débarquer ses passagers dans le port de Halifax, constitue certainement l’un des cas les plus tristement célèbres de cette époque. Il y avait à bord 900 juifs européens, cherchant à se réfugier en Amérique du Nord, qui avaient été successivement refoulés de Cuba et des États‑Unis. En dépit des pressions exercées par un certain nombre de personnalités canadiennes de premier plan pour que le pays accepte les réfugiés, le ministre de la Justice Ernest Lapointe et Frederick Blair, directeur de la Direction générale de l’immigration du gouvernement du Canada, ont refusé la requête. Irving Abella et Harold Troper ont découvert que l’antisémitisme de Frederick Blair était bien connu et qu’il était soutenu en la matière par un certain nombre de membres puissants de la classe politique, notamment Vincent Massey, un diplomate de premier plan et futur gouverneur général.

Les répercussions du livre None Is Too Many

Le succès du livre surprend Irving Abella, qui ne pensait pas qu’il recueillerait l’attention qu’il a finalement obtenue. Non seulement la phrase « aucun, c’est encore trop » a fait son chemin au sein du lexique canadien, mais elle est devenue, selon lui, « un critère éthique permettant d’évaluer les politiques gouvernementales contemporaines ».

L’ouvrage a eu d’importantes répercussions sur les politiques gouvernementales vis‑à‑vis des réfugiés, avant même sa publication en 1982. À la fin des années 1970, plusieurs chapitres en prétirage ont été envoyés au ministre canadien de l’Immigration Ron Atkey, dans un contexte où l’on débattait, à l’époque, pour savoir si le pays devait accepter les réfugiés du Sud‑est asiatique (voir Réponse canadienne à la crise des réfugiés de la mer). L’opinion publique était divisée et le ministre voulait être sûr d’adopter la meilleure ligne de conduite. Toutefois, après avoir lu les chapitres en prétirage de None Is Too Many, il a été convaincu qu’il fallait éviter de répéter les erreurs du gouvernement King dans les années 1930 et 1940. Le Canada a accepté, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, 200 000 réfugiés du Vietnam, du Laos et du Cambodge, soit le nombre le plus élevé par personne parmi toutes les nations ayant accepté des réfugiés du Sud‑est asiatique, un accomplissement qui tranche, de manière frappante, avec son attitude au cours de la période précédente.