Utilisation non médicale des drogues | l'Encyclopédie Canadienne

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Utilisation non médicale des drogues

Bien que cette utilisation réfère habituellement à la consommation non médicale de psychotropes (qui affectent le mental), comme le cannabis (marijuana et haschich), les narcotiques opiacés (par exemple héroïne et morphine), les amphétamines, la cocaïne, les hallucinogènes (p. ex.

Utilisation non médicale des drogues

Bien que cette utilisation réfère habituellement à la consommation non médicale de psychotropes (qui affectent le mental), comme le cannabis (marijuana et haschich), les narcotiques opiacés (par exemple héroïne et morphine), les amphétamines, la cocaïne, les hallucinogènes (p. ex. le LSD, la psilocybine et la mescaline) et les solvants volatiles (dont certaines colles à séchage rapide, des dissolvants de vernis à ongle et des produits pétroliers), la plupart des problèmes de drogue au Canada concernent la consommation de tabac et d'alcool. Certaines de ces drogues ont certes un usage médical légitime, mais on considère généralement que l'absorption de la plupart d'entre elles, en tant que phénomène de société, représente un danger potentiel pour la santé physique ou mentale. Les solvants volatiles, l'alcool et le tabac sont à portée de la main, mais l'importation, la production, la vente et, dans la plupart des cas, la possession des autres drogues constituent un crime sanctionné par la loi, sauf pour des usages médicaux très limités.

Historique

Avant 1900, on ne considère pas l'usage de drogues psychotropes comme un problème social sérieux. Il n'est pas alors un délit criminel. Pourtant, au début du siècle, la dépendance envers les opiacés frappe un plus grand nombre de Canadiens que jamais auparavant et par la suite. En 1908, le Canada est le premier pays occidental à interdire, sous peine de sanction criminelle, l'importation, la production et la vente d'opium. Cette décision et les lois d'application reposent davantage sur des préjugés raciaux (surtout à l'endroit des Asiatiques) et sur une conviction morale que sur une connaissance scientifique de ce produit.

Jusque dans les années 60, c'est la dépendance envers les opiacés et surtout envers l'héroïne qui inquiète le plus. Alors que d'autres pays tels que le Royaume-Uni font l'expérience d'une gestion médicale et de programmes de traitement, le Canada opte presque exclusivement pour l'application de plus en plus répressive de la loi criminelle. Ce zèle mis à faire respecter la loi et éliminer des sources licites d'approvisionnement et des moyens d'assistance thérapeutique ont pour résultat de refouler la plupart des morphinomanes et héroïnomanes vers des ghettos, dans lesquels ils deviennent ce type même de criminels que les tenants de la solution répressive voient depuis toujours en eux. Cette situation ne change guère. Voilà 40 ans que les héroïnomanes apparaissent dans l'imaginaire public comme l'incarnation stéréotypée des horreurs de la toxicomanie. Ils partagent cette notoriété depuis le milieu des années 80 avec les consommateurs compulsifs de crack (cigarette de cocaïne purifiée). Quant aux héroïnomanes, les propriétés chimiques de leur drogue ne sont directement responsables que d'une part relativement faible de leurs misères. C'est en effet la réaction des autorités à leur dépendance qui les pousse à commettre des crimes pour se procurer de quoi acheter cette drogue à des prix exagérément gonflés.

Dans les années 60, l'héroïne cède le pas au cannabis, aux amphétamines et aux hallucinogènes dans les préoccupations des responsables. L'usage de nombreux hallucinogènes tels que surtout le LSD est relativement nouveau à cette époque, mais de petits groupes s'y adonnent à l'abri des regards depuis au moins 10 ans dans la plupart des centres urbains du Canada avant que le public n'en prenne conscience. Alors que le Parlement inscrit ces drogues dans les lois criminelles existantes (et en ajoute de nouvelles dès qu'il est avisé de leur composition chimique), c'est la consommation ostentatoire de ces drogues par des jeunes des classes moyennes affichant visiblement un style de vie inspiré du mouvement hippie qui déclenche la prise de conscience soudaine du public et des médias. Contrairement aux héroïnomanes, dont la présence passe presque inaperçue, les adeptes de la marijuana du haschich et du LSD s'affichent de plus en plus comme tels. Beaucoup d'entre eux prennent ouvertement position en faveur de ce qu'ils considèrent être les aspects bénéfiques de l'usage récréatif des drogues et font campagne pour une réforme de la loi. Le nombre de personnes poursuivies pour usage de cannabis est négligeable au début des années 60, mais se chiffre à 5 000 en 1969 avant d'atteindre, en 1977, le plateau relativement stable de 50 000. Le niveau actuel des poursuites pour usage de cannabis se situe plus près de 30 000, mais cette baisse traduit plutôt le changement survenu dans l'application de la loi qu'une baisse de la consommation.

En 1969, le gouvernement fédéral charge une commission royale de faire enquête sur le problème de l'USAGE NON MÉDICAL DES DROGUES. Cette commission publie, au cours de quatre années, une série de rapports qui s'attirent le respect des milieux internationaux et qui recommandent le retrait progressif du recours à la loi criminelle contre les consommateurs de drogues non médicales. Le Canada n'a encore donné suite à aucune des recommandations spécifiques faites par cette commission en matière légale.

Consommation de drogues chez les adolescents

Les enquêtes provinciales auprès des étudiants du secondaire tendent à montrer que les niveaux de consommation de la plupart des drogues, y compris l'alcool et le tabac, sont relativement stables ou en légère baisse au cours des dix dernières années. Les données statistiques suggèrent que, sauf pour le cannabis, la consommation par les adolescents de drogues interdites est un phénomène en général peu fréquent auquel ne s'adonne qu'une bien faible proportion d'entre eux. On dispose de quelques éléments de preuve qui suggèrent fortement une hausse de consommation de marijuana et de drogues psychédéliques, comme le LSD et l'ecstasy (MDMA) dans des groupuscules d'adolescents et de jeunes adultes canadiens depuis le début des années 90. Cette impression largement répandue prend du poids quand on constate les pressions renouvelées en faveur de la dépénalisation du cannabis, quand on voit réapparaître des boutiques de consommation (qui vendent un assortiment de drogues) et se dérouler des « raves » (fêtes débridées « arrosées » de produits psychédéliques) et quand on observe l'intérêt renouvelé pour des vêtements de chanvre.

On rapporte pour 1993 que l'usage de drogues interdites autres que le cannabis touche 0,3 p. 100 de la population. Les seules données d'enquêtes ne peuvent cependant mesurer l'amplitude de la consommation de telles drogues puisque les adeptes de ces drogues se regroupent dans des sous-populations susceptibles de sous-représentation dans les enquêtes sur échantillons au hasard. Indépendamment de ces enquêtes, le crack fait de toute évidence une percée spectaculaire dans certaines communautés canadiennes au milieu des années 80. Son incidence apparaît cependant moins forte que dans certaines parties des États-Unis et semble en baisse depuis le début des années 90.

De toutes les drogues, c'est la consommation d'héroïne qui est la plus difficile à mesurer de façon sûre. Alors que l'on estime couramment entre 10 000 et 15 000 le nombre de ses utilisateurs dépendants au Canada, les observateurs du milieu de la santé publique et les reportages dans les médias suggèrent la présence, au milieu des années 90, d'un nombre grandissant d'utilisateurs, sinon d'adeptes, de cette drogue dans des centres traditionnels comme Toronto et Vancouver.

Consommation d'alcool

Environ trois Canadiens sur quatre boivent de l'alcool. Seuls 10 p. 100 d'entre eux sont des buveurs quotidiens, soit environ la même proportion que celle des personnes admettant avoir un problème de boisson. On estime à un demi million le nombre de Canadiens alcooliques. La proportion de Canadiens fumant la cigarette tombe de 50 p. 100 en 1965 à 31 p. 100 en 1994. Elle est alors, avec 30 p. 100, la plus forte chez les gens de 20 à 24 ans. L'Enquête nationale de 1993 indique un nombre relativement faible de recours aux pilules ayant comme fonction spécifique de modifier les états d'âme. Moins de 1 p. 100 de la population adulte du Canada consomme des stimulants (amphétamines et autres pilules diététiques); environ 4 p. 100 prennent des tranquillisants, principalement sur prescription; approximativement 8 p. 100, de la codéine ou du démérol; et 2,5 p. 100, des antidépresseurs.

Injection de drogues et VIH

On estime à environ 100 000 le nombre de Canadiens utilisateurs de drogues qui s'en injectent au moins occasionnellement. Ceux qui le font risquent de contracter le VIH et dès lors le SIDA s'ils partagent des aiguilles contaminées ou quelque autre matériel. L'héroïne s'absorbe traditionnellement par injection, mais ce procédé peut servir aussi pour la cocaïne, les stéroïdes anabolisants et quelques autres drogues. Chez les personnes qui se droguent par injection, on rapporte pour 1994 des taux d'infection au VIH de 6 p. 100 en Colombie-Britannique, de 7,6 p. 100 à Toronto et de 10 p. 100 à 20 p. 100 (selon le lieu du test) à Montréal. On constate en 1993 chez les détenus des institutions pénitentiaires un taux d'infection au VIH dix fois supérieur à celui de l'ensemble de la population et les taux les plus élevés se retrouvent chez les prisonniers qui s'injectent des drogues depuis longtemps.

Trafic de la drogue

Si l'on oublie quelques productions d'hallucinogènes en quantités insignifiantes et les détournements de produits pharmaceutiques de leurs canaux de distribution autorisés, le Canada n'est pas historiquement connu comme producteur de drogues interdites. Cependant, les progrès de l'horticulture et de la technologie hydroponique accroissent de façon spectaculaire la production de variétés résistantes de marijuana depuis le milieu des années 80. Une partie substantielle de cette production s'exporte maintenant vers les marchés américains à partir surtout de la Colombie-Britannique. Seuls 5 à 10 p. 100 de la drogue importée chaque année au Canada sont interceptés. Les efforts déployés à l'échelle internationale pour endiguer le trafic de la drogue se révèlent tout aussi inefficaces, mais ils contribuent à la hausse continuelle du prix des drogues sans en décourager apparemment la demande. Financièrement parlant, le trafic de la drogue est devenu l'entreprise criminelle la plus attrayante et la plus délétère du monde.

Politique sociale

Quelques décideurs recommandent l'adoption d'une stratégie axée spécifiquement sur les risques de santé et de sécurité associés à chaque drogue, y compris l'alcool et le tabac. Elle reposerait sur une évaluation scientifique de ces risques et sur l'engagement de faire de la réduction des maux qui en découlent le principal objectif social. Les débats quasi interminables qu'occasionne au plan national la réforme relative au cannabis et le maintien du traitement actuel relatif à l'usage de l'héroïne sont deux exemples de la possibilité d'une telle réorientation.

Épidémiologie

L'incidence de l'usage régulier de drogues illicites semble dans l'ensemble en voie de stabilisation ou de déclin entre le milieu des années 70 et le début des années 90. Au bas mot 5 millions de Canadiens ont essayé le cannabis (marijuana ou haschich) au moins une fois dans leur vie et plus d'un million l'ont fait au moins une fois au cours de chacune des dernières années. Tout comme pour l'ensemble des drogues non prescrites, la clientèle se concentre dans les groupes d'adolescents et d'adultes de moins de 35 ans.

Selon les données de l'Enquête nationale de 1993, la plupart des utilisateurs de marijuana et de haschich n'en consomment que relativement peu souvent. Seuls 10 p. 100 le font une ou plusieurs fois par semaine, tandis qu'une bonne moitié en fument moins d'une fois par mois. Toutefois, on ne peut trop se fier aux estimations relatives à la fréquence et à l'incidence de l'utilisation des drogues interdites, qui tendent à sous-évaluer les dimensions de ce phénomène. C'est ainsi que des études ontariennes dignes de foi chiffrent à 10,5 p. 100 la proportion d'adultes âgés de 18 ans et plus qui ont pris de la marijuana en 1989 et 1991, alors que, pour la même drogue, les Enquêtes nationales de 1990 et 1993 donnent pour la population ontarienne âgée de 15 ans et plus un pourcentage de 5,9 en 1989, de 4 en 1990 et de 3,6 en 1993.

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