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Islamophobie au Canada

L’islamophobie et la haine antimusulmane sont définies comme étant une hostilité systématique envers les personnes musulmanes ou d’apparence musulmane ou envers l’islam. Ce sentiment se traduit par une hausse des attentats et actes discriminatoires envers les personnes associées à la communauté musulmane au Canada. Malgré que l’emploi généralisé du terme « islamophobie » pour identifier ce phénomène soit récent, cette réalité vécue ne l’est pas.

L’islam est, après le christianisme, la deuxième religion la plus présente au Canada. En 2021, 4,9 % de la population canadienne se déclare musulman ou musulmane.

(Ce texte est l'article intégral sur l'islamophobie au Canada. Si vous souhaitez en lire un résumé en langage simple, veuillez consulter : Islamophobie au Canada (résumé en langage simple).)

Définition de l’islamophobie

La Commission ontarienne des droits de la personne définit l’islamophobie ainsi : « Il s’agit d’un ensemble de préjugés, stéréotypes et actes d’hostilité à l’endroit des personnes musulmanes ou des adeptes de l’Islam en général ». La Commission considère aussi l’islamophobie comme étant l’idée que la communauté musulmane est « une menace accrue pour la sécurité ». Cette croyance raciste serait présente au sein de la société et de ses institutions, c’est-à-dire de façon systémique.

Parmi les éléments à la source de l’islamophobie, on inclut :
  • La peur de l’influence de l’islam sur la société canadienne, notamment par le biais de l’immigration;
  • La perception d’un recul du droit des femmes;
  • La perception de valeurs religieuses incitant à la violence.

Attaques islamophobes

Après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, des études montrent une importante augmentation des actes islamophobes, aussi bien en Amérique du Nord qu’en Europe. Selon les données les plus récentes de Statistique Canada, les musulmans et musulmanes viennent au deuxième rang des groupes religieux les plus visés par des crimes haineux. Ces derniers ont augmenté de plus de 250 % entre 2012 et 2015. Il est à noter que la plupart des incidents haineux ne sont jamais rapportés aux autorités.

Un grand nombre de personnes musulmanes sont issues des communautés racisées. Les personnes qui « semblent » être musulmanes, en raison de leur tenue vestimentaire ou de leur apparence physique, sont plus à risque de faire l’objet d’une agression.

Islamophobie en Ontario et au Québec

Les provinces qui rapportent le plus de crimes islamophobes sont l’Ontario et le Québec. Ceci s’explique par le fait que la majorité des musulmans et des musulmanes du Canada habitent dans ces deux provinces. Par exemple, plus de 7,5 % de la population de la région du Grand Toronto est musulmane.

Le saviez-vous?
Les Canadiens et les Canadiennes ont tendance à largement surestimer le nombre de concitoyens et de concitoyennes de foi musulmane au pays. Ce phénomène se produit également dans d’autres pays occidentaux. Un sondage mené en 2016 par Ipsos montre en effet que les Canadiens et les Canadiennes estiment que la population musulmane forme 17 % de la population (donc près de 14 % de plus qu’en réalité).


Un sondage de Forum Research de 2016 révèle que 48 % des Québécois et des Québécoises voient l’islam défavorablement. En Ontario, cette statistique est de 22 %.

Une étude de 2021 menée par Geneviève Mercier-Dalphond et Denise Helly examine de près le sujet de la discrimination et de la violence antimusulmane. Cette recherche observe un lien entre les propositions politiques sur la laïcité, comme la Charte des valeurs et la Loi sur la laïcité de l’État, et l’augmentation des crimes haineux. Les femmes (surtout voilées) tendent à être les premières et les victimes les plus fréquentes de micro-agressions (commentaires péjoratifs et attitudes dépréciatives, délibérés ou non) quotidiennes. Selon des données de Statistique Canada, entre 2010 et 2019, 47 % des crimes haineux violents commis contre des personnes musulmanes et rapportés aux autorités visent des femmes.

Parmi les attaques les plus marquantes visant les personnes musulmanes au Canada, on retrouve l’attentat de la mosquée de Québec en janvier 2017 (six morts et plusieurs blessés) et l’attentat de London en Ontario en juin 2021 (quatre morts et un blessé, d’une même famille).

Discrimination à l’emploi et profilage

L’islamophobie ne se reflète pas seulement par les attaques violentes physiques ou verbales. Les musulmans et les musulmanes en ressentent également les effets en termes de discrimination à l’embauche, entre autres. Une étude à ce sujet est notamment menée par le chercheur Jean-Philippe Beauregard de l’Université Laval. L’étude révèle que les demandeurs ou les demanderesses d’emplois dont le nom évoque des origines arabes ont jusqu’à deux fois moins de chance de décrocher un poste au Québec.

Reconnaissant les préjugés inconscients et involontaires, le gouvernement fédéral lance un projet pilote de recrutement par CV anonyme en avril 2017.

Une étude menée par l’Environics Institute en 2016 démontre que le tiers de la communauté musulmane du Canada a fait l’objet de discrimination au cours des cinq années précédentes — que ce soit en raison de leur religion, de leur origine ethnique ou de leur langue. Ces évènements se produisent surtout en milieu de travail ou dans des lieux publics.

Vers la reconnaissance

En février 2018, le Comité permanent du patrimoine canadien publie son rapport Agir contre le racisme systémique et la discrimination religieuse, y compris l’islamophobie. On recommande entre autres au gouvernement fédéral d’« Assumer un leadership fort pour condamner activement le racisme et la discrimination religieuse systémiques incluant l’islamophobie ».

Parmi les recommandations, il est notamment proposé de :
  • Élaborer une campagne de sensibilisation auprès du public afin de promouvoir la diversité et l’inclusion;
  • Élaborer une campagne pour promouvoir l’éducation aux médias;
  • Élaborer du matériel pédagogique sur les diverses pratiques religieuses et culturelles;
  • Reconnaître le 29 janvier comme Journée nationale de commémoration et d’action contre l’islamophobie et toute autre forme de discrimination religieuse.

En réponse à l’attaque à London en juin 2021, les députés de la Chambre des communes adoptent unanimement une motion du NPD concernant l’islamophobie. Celle-ci réclame d’urgence un sommet national sur la question qui a eu lieu de manière virtuelle le mois suivant, en juillet 2021. L’unanimité de la motion dénote un changement de paradigme : en 2017, une motion visant à condamner l’islamophobie avait été refusée par les députés conservateurs.

Depuis 2018, de nombreux groupes réclament que le 29 janvier (date de l’attentat de la mosquée de Québec) soit désigné comme une journée nationale de commémoration. Cette demande est notamment étudiée par le Comité permanent du patrimoine canadien. En 2021, le gouvernement fédéral proclame le 29 janvier de chaque année la Journée nationale de commémoration de l’attentat à la mosquée de Québec et d’action contre l’islamophobie.

En janvier 2023, le gouvernement canadien nomme la journaliste et militante des droits de la personne Amira Elghawaby au poste de représentante spéciale chargée de la lutte contre l’islamophobie. Selon une déclaration du gouvernement, le rôle de Amira Elghawaby est de conseiller et de soutenir le gouvernement fédéral dans la lutte contre l’islamophobie et le racisme (voir aussi Racisme systémique au Canada).

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