Empress Hotel | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Empress Hotel

L’hôtel Empress est un hôtel de luxe et un lieu historique national situé en bord de mer, à Victoria, en Colombie-Britannique. Création de l’architecte Francis M. Rattenbury, le bâtiment est réputé pour ses lignes photogéniques dignes d’un château et son intérieur fastueux. Construit par la compagnie de chemin de fer du Canadien Pacifique (CP), il ouvre ses portes en 1908 pour faire partie du réseau d’hôtels de la compagnie qui compte également l’hôtel Banff Springs, le Château Lake Louise et le Château Frontenac. Aujourd’hui connu officiellement sous le nom de Fairmont Empress, l’hôtel, avec son service traditionnel de thé dans l’après-midi, est sans aucun doute l’attraction touristique la plus populaire de Victoria.
L'Empress Hotel, sur l'Inner Harbour de Victoria. Photo prise le 19 juin 2017.

Géographie et contexte

L’histoire de l’hôtel Empress suit celle du CP. Le directeur général du chemin de fer, Cornelius Van Horne, cherche à l’époque à ériger une série d’hôtels le long de la ligne transcontinentale, dont la construction s’achève en 1885. L’architecte britannique Francis M. Rattenbury, a qui est confié le projet, comprend que l’endroit le plus approprié pour accueillir l’hôtel à Victoria est l’arrière-port. Et ce, malgré l’état déplorable dans lequel se trouve ce site, dont la plus grande partie a été gagnée sur des vasières. Après l’assèchement des terres humides, un pont-jetée est aménagé pour mettre en place le cadre derrière lequel l’hôtel sera installé, sur un terrain d’environ quatre hectares.

La vue du port intérieur de Victoria depuis l'h\u00f4tel Empress. Photo prise peu de temps apr\u00e8s l'ouverture de l'h\u00f4tel en 1908.

Construit entre 1904 et 1908, l’hôtel vise à l’époque à servir les clients aisés du chemin de fer transcontinental ou des navires affrétés par le CP, à quai dans le port. Les projets d’aménagement urbain pour Victoria au début du 20e siècle ont pour but de mettre en valeur le paysage et les édifices de l’arrière-port qui s’offrent aux yeux des visiteurs à leur arrivée dans la cité. L’hôtel est entouré de jardins luxuriants et projette une façade recouverte de lierre, un élément qui distingue l’édifice de son environnement urbain. La capitale provinciale se doit aussi d’afficher son prestige en tant que siège du gouvernement. Proches de l’hôtel Empress se trouvent les édifices du Parlement, où siège l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique (également conçus par Francis Rattenbury), et le Royal BC Museum (musée royal de la Colombie-Britannique).

L'Inner Harbour de Victoria, avec l'Empress Hotel sur la gauche et les Parliament Buildings sur la droite.

Style architectural

L’angle architectural choisi par Francis Rattenbury pour l’hôtel Empress pourrait être assimilé à un style « château » franco-écossais. Le bâtiment s’élève sur six étages, tel un château, comme le rappellent sa façade nue, ses toits pentus et son plan de sol asymétrique, mais il incorpore aussi des éléments de styles Tudor, gothique, baronnial et édouardien. Les intérieurs, conçus par Kate Reed, sont fastueux, avec des plafonds à caissons (panneaux en retrait dessinant des formes géométriques), des colonnes d’inspiration classique, une riche palette de couleurs et une multitude de plantes d’intérieur.

L’ornementation luxueuse de la façade et des intérieurs, notamment les arches de style Tudor et les raffinements gothiques tels que les quadrilobes en corniche et les toitures pentues en ardoise, ponctuées de lucarnes habillées de cuivre, contribuent à créer l’atmosphère de conte de fées typique du style « château » qui marque l’architecture canadienne durant cette période (voir Architecture canadienne : 1867-1914). La situation géographique de l’hôtel sur la côte ouest se reflète dans des détails tels que la façade en briques, construite par une entreprise locale, M. Humber & Sons. La physionomie particulière de l’hôtel tient également aux pignons ornés et aux tourelles polygonales en dômes typiques du style baronnial – une référence à l’ascendance essentiellement écossaise des dirigeants du CP. Ce mélange de styles a permis d’offrir un lieu de rencontre d’une élégance durable qui sied aux aristocrates.

Comme il se doit, l’hôtel a vu passer de nombreuses célébrités et membres de diverses familles royales, notamment le prince de Galles en 1919, Winston Churchill en 1929, le roi George VI et la reine Elizabeth en 1939 et la reine Elizabeth II.

Une rangée de quatrefeuilles, qui ressemblent \u00e0 des croix, encadrent le toit raide et les fen\u00eatres recouvertes de cuivre de l'Empress Hotel.

Premières rénovations

Comme c’est souvent le cas avec les vieux hôtels de grande notoriété, l’édifice a nécessité plusieurs travaux de rénovation, de restauration et d’entretien afin de préserver l’essence originale de son architecture. Après la construction initiale dans le style Rattenbury, plusieurs rénovations sont entreprises par d’autres architectes du CP, notamment W.S. Painter (1909-1914) et J.W. Orrock (1928-1929), qui est à l’époque ingénieur des bâtiments pour le CP. Ces entrepreneurs successifs respectant la conception initiale de l’hôtel Empress, les additions et les rénovations ultérieures n’altèrent en rien la qualité et le caractère de l’édifice originellement conçu dans le style Rattenbury.

L’hôtel affiche régulièrement complet durant sa première année d’activité et les ailes nord et sud, conçues par Painter, lui sont donc rapidement adjointes pour répondre au besoin d’une capacité accrue. En 1929, 2,5 millions $ supplémentaires sont investis pour construire l’aile Humboldt, conçue par Orrock et dotée de 270 chambres, qui porte ainsi la capacité totale de l’hôtel à 570 chambres.

Les affaires de l’hôtel Empress pâtissent de la Crise des années 1930 et ne se rétabliront qu’après la Deuxième Guerre mondiale. Durant la dépression, l’hôtel offre un tarif réduit – 1 $ par jour – aux veuves aisées et aux résidents à long terme.

Empress Hotel

Rénovations dans les années 1960

Au début des années 1960, on constate que l’hôtel ne vieillit pas bien et l’on envisage même sa démolition. Le jardin de quatre hectares conçu par Fred Saunders parvient néanmoins à rafraîchir l’aspect de l’édifice. D’autres éléments, tels qu’un service de thé de luxe aux feuilles de chrysanthèmes, des activités sportives d’été et d’hiver et d’autres attractions, sont ajoutés pour le plaisir des visiteurs. Le yachting, les excursions en voiture sur la promenade Malahat, un terrain de golf ouvert toute l’année et les parties de pêche en mer et en eau douce permettent de leur offrir de nouvelles distractions.

En 1966, des travaux de rénovation au coût de 4 millions $ sont entrepris pour redonner à l’hôtel sa grandeur passée. Baptisée opération « Teacup », en référence à l’unique et très populaire service de thé offert par l’hôtel, cette modernisation n’affecte pas l’architecture originale de l’édifice, mais porte spécifiquement sur l’aspect visuel de l’hôtel. Il s’agit de modifier la palette de couleurs en passant du vert et crème rehaussés de rouge à l’orange et au rouge sombre agrémentés de détails en bois.

Rénovations contemporaines

La zone d'accueil de l'Empress Hotel, située dans une nouvelle aile, a été con\u00e7ue pour ressembler aux caractéristiques originales de l'h\u00f4tel.

En 1988-1989, des travaux de restauration de grande ampleur, au coût de 45 millions $, sont entrepris pour améliorer les finitions originales de l’édifice et rénover le toit en vitraux de la salle Palm Court, qui a été recouvert pour réduire les coûts des précédents travaux de rénovation, mais qui pourra dorénavant être admiré par les clients de l’hôtel durant les événements spéciaux. Depuis la création de l’hôtel en 1908, de nouveaux espaces lui ont été ajoutés, tels une piscine intérieure, un spa, un salon, des suites exécutives, un centre de culture physique, un hall de réception et un pavillon d’entrée doté d’une porte-cochère.

Après l’achat de l’hôtel par Bosa Development, basée à Vancouver, en 2014, un projet de rénovation sur deux ans, au budget de 60 millions $, est entrepris par l’architecte canadien James Cheng et Hirsch Bedner Associates, une firme d’aménagement d’édifices hôteliers. Ces travaux de rénovation, les plus importants de toute l’histoire de l’hôtel, prennent fin en 2017. Cinq suites ont été éliminées pour créer un spacieux salon dans la salle Gold, avec une terrasse offrant vue sur le port.Le lierre, qui endommageait la façade, a été retiré et les murs de briques ont été rejointés. Les 464 chambres d’hôte ont toutes été rénovées et équipées d’un système de climatisation, 1 400 fenêtres ont été équipées de nouvelles vitres, la piscine, le centre de culture physique et le spa ont été modernisés et un lustre construit sur mesure, de 6 mètres de haut, pesant 1,8 tonne et orné de 250 000 cristaux taillés à la main a été ajouté au nouveau hall d'entrée. La palette de couleurs, à base de rouge et de vert, a été remplacée par des nuances plus majestueuses de violet et d’or. « Si l’ancien hôtel Empress était à l’image de la reine Elizabeth II, écrit Gail Johnson dans le Georgia Straight, l’édifice récemment rénové est tout à celle de Kate Middleton : frais, moderne et sophistiqué ».

L'h\u00f4tel Empress est peut-\u00eatre le plus connu pour son thé de l'apr\u00e8s-midi, servi dans l'élégante salle de thé.

Thé de l’après-midi

Le service de thé offert l’après-midi dans le salon d’accueil de l’hôtel Empress, qui peut accueillir 138 convives, est un rituel incontournable sur la liste des activités touristiques de Victoria depuis l’ouverture de l’hôtel. Chaque visiteur peut y déguster un thé à la carte, ainsi que des sandwichs et des pâtisseries confectionnés à partir d’ingrédients cultivés localement, certains sur le toit de l’hôtel, dans le jardin et le rucher, qui produit chaque année 1 110 kg de miel. Le thé est servi dans un service en porcelaine fabriqué sur mesure en 1914 et utilisé à l’hôtel depuis la visite du roi George VI et de la reine Elizabeth en 1939.

Thé de l'apr\u00e8s-midi \u00e0 l'h\u00f4tel Empress.

Histoires de fantômes

Un nombre anormalement élevé d’apparitions fantomatiques ont été signalées à l’hôtel Empress au cours des ans. Le fantôme de l’architecte en chef de l’hôtel, Francis M. Rattenbury, qui a été battu à mort en 1935, en Angleterre, par l’amant de sa deuxième femme, hanterait la zone où son portrait est accroché (voir aussi Francis Mawson Rattenbury). L’esprit d’une femme morte de causes naturelles dans une chambre ultérieurement démolie pour faire place à un ascenseur errerait quant à lui dans les couloirs en suivant les gens jusqu’aux ascenseurs avant de disparaître. Dans les années 1960, un ouvrier du bâtiment a signalé avoir aperçu une forme humaine qui se balançait, accrochée au plafond, dans une chambre où un autre ouvrier se serait apparemment pendu l’année précédente. Parmi les autres histoires de fantômes, on peut également citer celle d’une petite fille qui apparaît dans une certaine chambre et celle d’une femme de chambre qu’on aperçoit parfois en train de faire le ménage au sixième étage. Toutes ces histoires ont contribué à la légende locale qui veut que l’hôtel Empress soit hanté.

Francis M. Rattenbury en 1924.

Lieu historique national

L’hôtel Empress est décrété lieu historique national du Canada en 1981 par Parcs Canada, qui remarque que « le style Château, privilégié pour les hôtels de cette compagnie de chemin de fer, est devenu une facture typiquement canadienne. L'hôtel Empress est caractéristique du début de cette évolution d'une conception strictement de style château à une conception intégrant des formes contemporaines ».