En souvenir du jour J : La création d’une Minute du patrimoine | l'Encyclopédie Canadienne

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En souvenir du jour J : La création d’une Minute du patrimoine

Le 6 juin 1944, l’armée canadienne débarquait sur la plage Juno. Le Jour J représente la plus grande invasion amphibie de l’histoire et marque le début de la fin de la Deuxième Guerre mondiale. En 2019, Historica Canada a lancé une Minute du patrimoine basée sur l’histoire du major Archie MacNaughton, le chef de la Compagnie A du North Shore Regiment, âgé de 47 ans et ancien combattant de la Première Guerre mondiale. Dans cet article, Anthony Wilson-Smith, président d’Historica Canada, revient sur la réalisation de la Minute consacrée au Jour J.


Un matin de septembre 2018, Norman Leach est arrivé à une réunion à Calgary avec une liste de choses à vérifier et à expliquer. Spécialiste de l’histoire militaire canadienne, Norman s’intéresse aux conditions de vie des troupes sur le terrain. En d’autres termes, il essaie de se représenter concrètement ce que ces hommes ont vécu.

Ces connaissances seraient utilisées pour le tournage d’une Minute du patrimoine consacrée au sacrifice des soldats canadiens de la Deuxième Guerre mondiale, le 6 juin 1944. Cette bataille, baptisée le Jour J, représente la plus grande invasion militaire de l’histoire. Elle a coûté la vie à 359 Canadiens et a marqué le début de la fin de la guerre.

Pour commencer, Norman Leach a examiné quelques uniformes militaires suspendus à un portemanteau dans un coin d’un bureau improvisé. Après avoir confirmé leur authenticité, il a fait la même chose avec des armes (non-chargées). Ensuite, il a réuni les acteurs, un groupe d’extras, pour la plupart âgés de moins de 20 ans, et le premier rôle Michael Shanks, un acteur expérimenté de 47 ans, afin de leur expliquer comment ils devaient porter et pointer leurs fusils. Il n’était pas encore 9 h. La journée, froide et venteuse, commençait à peine.

En préparant la Minute du Jour J, nous avons voulu y intégrer les mêmes éléments que dans nos autres productions : un regard attentif sur un récit particulier reflétant l’importance de l’événement, un récit riche en émotions et un extrême souci de l’authenticité dans la narration.

Nous voulions un récit évoquant un héroïsme sans fanfare. Il fallait une personne dont l’histoire n’est pas très connue, afin qu’elle soit représentative des 14 000 Canadiens qui, bien loin des feux de la célébrité, ont risqué leur vie en débarquant sur les plages de Normandie. Une pléiade d’historiens et d’autres contacts ont prodigué leurs conseils, tandis que l’équipe feuilletait livres et vieux magazines et consultait la volumineuse Encyclopédie canadienne, à la recherche du bon candidat. Nous avons aussi demandé conseil à l’excellent Centre Juno Beach, qui entretient un énorme fond d’archives sur la participation du Canada au Jour J.

La Minute porterait sur Archie MacNaughton, 47 ans, originaire du Nouveau-Brunswick, un ancien combattant de la Première Guerre mondiale qui a décidé de s’enrôler à nouveau au début de la Deuxième. Avec un rang de major, il a dirigé un groupe composé surtout de jeunes de moins de 20 ans, dont la plupart n’étaient jamais sortis de leur province avant de s’enrôler. S’appuyant sur des lettres échangées entre notre protagoniste et sa famille, des entrevues avec des anciens combattants et leurs descendants, des photographies et d’autres documents de référence, le scénario montre à quel point le major se souciait de ses hommes et les dirigeait, s’oubliant lui-même, dans ce qui était, au sens littéral, le brouillard de la guerre.

Le réalisme du résultat final repose sur des petits détails qui, mis ensemble, prennent une importance déterminante. Au cinéma, le major a trop souvent été incarné par un acteur plus jeune, et ses soldats par des acteurs ayant dix ans de plus. Michael Shanks avait exactement l’âge du personnage qu’il incarne, et les acteurs jouant le rôle des soldats étaient eux aussi de tout jeunes hommes. Cette différence d’âge est essentielle pour comprendre la relation affective qui existait entre eux.

Norman Leach a demandé aux acteurs incarnant les soldats de pencher la tête lentement dans des directions différentes, mesurées, comme dans une vraie patrouille. Il leur a aussi conseillé de ne jamais marcher directement l’un derrière l’autre : « Les soldats se déploient toujours afin qu’une balle ne puisse les toucher tous à la fois. » Contrairement à ce qu’on a vu souvent au cinéma, le major portait non une mitraillette, mais un pistolet, comme dans la réalité.

En mémoire du Jour J

Scène du tournage de la Minute du patrimoine du Jour J de Historica Canada.

En mémoire du Jour J

Scène du tournage de la Minute du patrimoine du Jour J de Historica Canada.

En mémoire du Jour J

Scène du tournage de la Minute du patrimoine du Jour J de Historica Canada.

En mémoire du Jour J

Scène du tournage de la Minute du patrimoine du Jour J de Historica Canada.

En mémoire du Jour J

Scène du tournage de la Minute du patrimoine du Jour J de Historica Canada.

En mémoire du Jour J

Scène du tournage de la Minute du patrimoine du Jour J de Historica Canada.

Le tournage a duré deux jours, dans deux sites en Alberta : le parc Héritage de Calgary, et un lac situé à une vingtaine de minutes de la ville. Les images finales ressemblent fort peu à ces endroits. Grâce à des effets spéciaux numériques, et à des décors d’une conception remarquable, la Minute ressemble fidèlement aux photographies et aux films d’actualité d’époque. On y voit des dirigeables anti-aériens, des Spitfire qui traversent le ciel en vrombissant et de la fumée qui s’élève de la plage. Pour Peter Mansbridge, qui conclut la Minute en voix off, le tournage a été riche en émotions : son père était un ancien combattant de la Royal Air Force.

Dans toutes nos Minutes, les dialogues sont basés, autant que possible, sur les paroles ou les écrits des personnages attestés par des sources. Pour cette Minute, nous avons utilisé les lettres envoyées aux familles pour donner le ton de l’affection et de la sollicitude qui liaient les membres du groupe.

Selon moi, l’attrait si durable des Minutes est dû à plusieurs facteurs. Malgré leur réputation d’autodévalorisation, les Canadiens sont profondément patriotes, et les jeunes le sont plus ouvertement que les générations précédentes. Les Minutes offrent un exutoire à ce sentiment. Plus encore, elles se concentrent sur les personnes : leur vécu, leurs craintes, leurs amours, leurs aversions. C’est pourquoi les auditeurs retiennent moins ce qui sépare le passé du présent, que le fait que les gens d’autrefois n’étaient pas si différents de nous, dans leur manière de réagir aux événements.

En réalisant la Minute du Jour J, nous avons pris note que les quelques centaines d’anciens combattants qui vivent encore sont aujourd’hui nonagénaires. Combien de temps seront-ils encore parmi nous? L’histoire de ce petit groupe d’hommes nous rappelle que les événements de cette période ont encore une résonnance très intime pour beaucoup de personnes. Les plus chanceux ont pu retrouver leurs familles ou en fonder de nouvelles. Certains sont revenus irrémédiablement transformés. Ceux qui ne sont pas revenus ont laissé des veuves et des orphelins dont les vies ont été bousculées à jamais. Les sacrifices de ces gens et leur courage transcendent le passage du temps. Avec ce récit, nous vous invitons à consacrer quelques minutes à honorer leur mémoire.

Archie MacNaughton
Archie MacNaughton, debout, le deuxième de droite. Photo prise le 4 juin 1944, deux jours avant le jour J.
Archie MacNaughton
Archie MacNaughton, assis à l’extrême droite.
Archie MacNaughton
Archie MacNaughton, à l’extrême droite.
Archie MacNaughton
Le major John Archibald (« Archie ») MacNaughton.