Franco-Américains | l'Encyclopédie Canadienne

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Franco-Américains

Entre 1840 et 1930, près d’un million de francophones du Canada ont émigré aux États-Unis. (Voir aussi Canada et États-Unis.) La plupart des émigrants venaient du Québec, bien qu’il y avait aussi des Acadiens des provinces de l’Atlantique. Ces émigrants vivaient dans tout le nord des États-Unis, mais la plupart se sont installés en Nouvelle-Angleterre. La plus grande cohorte travaillait dans l’industrie du textile. Les années 1880 et 1890 sont la crête de plusieurs vagues d’émigration qui prennent fin avec la crise des années 1930. Également connus sous le nom de Franco-Américains, environ deux millions de descendants de Canadiens français vivent aujourd’hui en Nouvelle-Angleterre.

Causes de l’émigration du Québec

Les historiens s’accordent généralement pour dire que la plupart des émigrants canadiens-français étaient des personnes issues des classes défavorisées du Québec rural, à la recherche d’un emploi. Cependant, les historiens divergent quant aux causes économiques sous-jacentes du mouvement d’émigration.

Certains soutiennent qu’une crise agricole au Québec du 19e siècle est à l’origine de ce mouvement. Ils attribuent cette crise à la division des fermes familiales à la suite de la croissance de la population. Le manque de terres arables et les mauvaises méthodes agricoles, selon eux, ont pour effet d’exacerber la crise. De plus en plus, les agriculteurs endettés émigrent à la recherche d’argent. Ils ont initialement l’intention de revenir au Canada pour consolider la ferme familiale ou pour acheter des terres.

D’autres historiens soutiennent que la concurrence accrue des fermes de l’ouest de l’Amérique du Nord incite les agriculteurs familiaux du Québec à se spécialiser. Certains agriculteurs doivent réorganiser leur exploitation pour se concentrer sur des spécialités comme la production laitière ou les cultures fourragères. La nécessité de rééquiper leurs exploitations pour faire face à la concurrence pousse les agriculteurs à s’endetter. Cette économie rurale de plus en plus compétitive exerce une pression économique sur les agriculteurs les plus pauvres, les journaliers et les salariés. Beaucoup émigrent aux États-Unis à la recherche d’un travail stable. (Voir aussi Agriculture et alimentation; Agriculture au Canada.)

Les Canadiens français de la Nouvelle-Angleterre (Maine, New Hampshire, Vermont, Massachusetts, Rhode Island et Connecticut) ont de nombreuses occupations différentes. La plupart œuvrent cependant dans l’industrie du textile américaine. La fabrication de textiles est florissante en Nouvelle-Angleterre au début du 19e siècle. Mais la guerre civile américaine a perturbé l’industrie du coton. (Voir aussi La guerre de Sécession et le Canada.) Après la guerre, les usines de textiles font face à une grave pénurie de main-d’œuvre. Les fabricants se tournent de plus en plus vers le Québec pour trouver des ouvriers.

Les recruteurs font venir des familles québécoises entières en Nouvelle-Angleterre pour travailler dans les usines. Hommes, femmes et enfants y travaillent. La participation des femmes à la main-d’œuvre industrielle fait de l’« opérateur d’usine de coton » la profession la plus courante des Canadiens français en Nouvelle-Angleterre en 1900.

Ce qui n’était qu’une petite émigration, essentiellement masculine, avant la guerre civile américaine, devient soudainement un mouvement de masse. En 1900, 10 % de la population de la Nouvelle-Angleterre est canadienne-française.

Petits Canadas

Entre 1865 et 1900, les Canadiens français de la Nouvelle-Angleterre forment leurs propres quartiers dans les villes industrielles où ils s’installent. Ces quartiers sont souvent appelés « Petits Canadas ».. Les Canadiens français y fondent leurs propres églises et écoles. On retrouve aussi dans ces communautés des commerces et parfois un journal de langue française. Les Canadiens français conservent leur langue, leur religion et leurs coutumes. (Voir aussi Langue française au Canada; Catholicisme au Canada.)

Des personnalités bien connues de l’époque, dont le chef métis Louis Riel, les politiciens québécois Honoré Mercier et Henri Bourassa, et l’ecclésiastique et historien Lionel Groulx, visitent les Petits Canadas de la Nouvelle-Angleterre et y prennent la parole en public. Le journaliste et maire de Montréal Honoré Beaugrand et le compositeur Calixa Lavallée (voir Ô Canada) vivent en Nouvelle-Angleterre canadienne-française pendant une partie de leur vie.

Dans certaines villes, comme Woonsocket, au Rhode Island, et Biddeford, dans le Maine, les Canadiens français constituent la majorité de la population au début du 20e siècle. Ces enclaves canadiennes-françaises recensent des dizaines de milliers d’habitants. Les autres communautés de la Nouvelle-Angleterre qui comptent des populations canadiennes-françaises de la même ampleur en 1900 sont Lewiston, dans le Maine, Manchester, au New Hampshire, et les villes de Fall River, Lowell, Holyoke, Worcester et New Bedford, au Massachusetts.

L’accueil des Canadiens français aux États-Unis

Les propriétaires d’usines profitent de la présence des travailleurs canadiens-français. Cependant, aux États-Unis, certains les considèrent avec hostilité et suspicion. Le Massachusetts Bureau of Statistics of Labor publie un rapport sur le sujet en 1881. Le bureau surnomme les Canadiens français de la Nouvelle-Angleterre « les Chinois des États de l’Est ». Ce rapport est publié un an avant que le Congrès américain n’impose des restrictions à l’immigration chinoise, dans un contexte de racisme anti-chinois considérable. (Voir aussi Taxe d’entrée imposée aux immigrants chinois au Canada; Racisme anti-asiatique au Canada.)

Dans les années 1880 et 1890, certains éléments de la presse américaine laissent entendre que l’Église catholique a envoyé des Canadiens français en Nouvelle-Angleterre dans le but de faire renaître la Nouvelle-France. Cette théorie du complot prétend que les Canadiens français cherchent à prendre le contrôle politique de la Nouvelle-Angleterre. Le Québec deviendrait alors un pays indépendant et annexerait le nord-est des États-Unis à une nouvelle nation indépendante appelée Nouvelle-France. Les églises protestantes des États-Unis réagissent à ces allégations par des efforts bien financés pour convertir les Canadiens français catholiques. Au début du 20e siècle, le mouvement eugéniste et le Ku Klux Klan en recrudescence s’en prennent aux Canadiens français de la Nouvelle-Angleterre.

Cependant, d’autres voix s’élèvent pour défendre les Canadiens français dans la presse. Les Petits Canadas persistent. Les propriétaires d’usines continuent d’embaucher des Canadiens français en grand nombre jusqu’à la crise des années 1930.

Élites franco-américaines

Journalistes, professionnels, propriétaires d’entreprises et prêtres constituent une petite élite canadienne-française aux États-Unis au tournant du 20e siècle. Les électeurs américains finissent par élire une poignée de Canadiens français à des postes prestigieux. Aram Pothier devient ainsi gouverneur du Rhode Island, tandis que Hugo Dubuque est élu législateur de l’État du Massachusetts, à savoir juge à la Cour supérieure.

Certains émigrants canadiens-français et leurs enfants connaissent le succès aux États-Unis dans divers domaines, notamment les affaires (Tom Plant), la conception d’arme à feu (John Garand, né Jean-Cantius Garand), la littérature (Jack Kerouac; Grace Metalious, née Marie Grace DeRepentigny), les sports (Napoleon Lajoie) et la musique (Eva Tanguay, Rudy Vallée).

Jack Kerouac

Cependant, la majorité des Canadiens français de la Nouvelle-Angleterre au 20e siècle occupent des emplois industriels ou sont des gens de métier. Bon nombre de leurs descendants le demeureront pendant plusieurs générations.

Déclin des Petits Canadas

L’année 1923 marque l’apogée de la fabrication de textiles en coton aux États-Unis, suivie d’un lent déclin. Au cours de ce pic d’activité, le centre de l’industrie se déplace progressivement de la Nouvelle-Angleterre vers le Sud américain. L’industrie du textile profite du faible coût de la main-d’œuvre et de l’absence de syndicats dans cette région.

La crise des années 1930 entraîne des changements dans les règles d’immigration à la frontière entre le Canada et les États-Unis. (Voir Politique d’immigration au Canada.) Ces politiques sonnent le glas de l’ère de l’émigration des Canadiens français vers la Nouvelle-Angleterre. La crise débouche sur la fermeture définitive de nombreuses usines de Nouvelle-Angleterre.

Le déclin de la base industrielle de Nouvelle-Angleterre se poursuit tout au long du milieu du 20e siècle. Les Petits Canadas s’effritent au même rythme que disparaissent les usines où travaillaient autrefois les Canadiens français. Les institutions établies par les Canadiens français pour protéger leur langue et leur culture en Nouvelle-Angleterre s’étiolent avec la dispersion de ces quartiers.

Franco-Américains d’aujourd’hui

Parmi les plus de deux millions de descendants de Canadiens français et d’Acadiens vivant en Nouvelle-Angleterre, certains continuent à revendiquer une identité distincte. Aujourd’hui, on les appelle parfois les Franco-Américains. Il existe des programmes universitaires, des publications, des organismes sociaux locaux, des sociétés généalogiques, des livres, des blogues et des balados consacrés à leur histoire et à leur situation contemporaine. Aujourd’hui, la plupart des descendants de Canadiens français et d’Acadiens aux États-Unis parlent anglais. Leurs revendications identitaires du 21e siècle ne sont donc pas fondées sur la langue, mais bien sur une histoire et une expérience communes, avec des liens familiaux et communautaires.

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