Stratégie industrielle | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Stratégie industrielle

Cette expression désigne habituellement toute tentative d'un gouvernement de mettre en oeuvre un ensemble cohérent et bien structuré de politiques visant l'amélioration de la performance de l'ÉCONOMIE.

Stratégie industrielle

Cette expression désigne habituellement toute tentative d'un gouvernement de mettre en oeuvre un ensemble cohérent et bien structuré de politiques visant l'amélioration de la performance de l'ÉCONOMIE. Ces politiques visent souvent le secteur manufacturier, mais elles peuvent aussi concerner la performance de nombreux autres secteurs, depuis la production des ressources naturelles jusqu'aux services. Les stratégies industrielles s'appliquent à corriger des déséquilibres dans le fonctionnement de l'économie et reposent sur l'hypothèse que le gouvernement joue un rôle de premier plan pour ce qui est de faciliter ou de réaliser des changements économiques. Les moyens utilisés sont parfois très directs (de nature « interventionniste », dirions-nous aujourd'hui), mais les tentatives de restructuration de l'économie peuvent recourir à une approche donnant libre cours aux forces du marché.

Alors que le débat entourant les stratégies industrielles est plutôt récent, l'idée d'utiliser les pouvoirs de l'État pour donner forme à l'économie n'est pas nouvelle. Vers la fin du XIXe siècle, le Canada déploie des efforts considérables pour construire une économie nationale intégrée au moyen de protections tarifaires, de la construction d'un chemin de fer transcontinental, et de l'encouragement d'une immigration qui peuplerait l'Ouest du pays. Chacune de ces initiatives s'intègre aux autres de manière à créer un cadre national de développement connu sous le nom de POLITIQUE NATIONALE.

Son objectif est d'encourager, au moyen de tarifs, les manufactures du Canada central. Il s'agit alors d'étendre les marchés pour les produits manufacturés en créant dans l'Ouest du pays une économie agricole axée sur le blé, grâce à des politiques d'établissement de colons (voir POLITIQUE D'IMMIGRATION). À son tour, l'économie céréalière de l'Ouest assurerait les exportations agricoles nécessaires pour subvenir aux besoins des nouveaux arrivants et au paiement des produits fabriqués dans l'Est du pays. Toutes ces activités économiques seraient interreliées grâce au chemin de fer transcontinental.

Cette Politique nationale, tout comme beaucoup d'autres stratégies économiques, découle d'un impératif externe, à savoir la croissance rapide de l'économie américaine au lendemain de la guerre civile, qui engendrait la crainte de voir s'exercer des tentatives d'annexion de l'Ouest canadien accompagnées d'une intégration économique Nord-Sud (voir RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES). Les politiciens de l'époque craignent en effet qu'en l'absence d'un recours à des moyens politiques susceptibles de promouvoir l'émergence d'une économie transcontinentale, l'avenir du Canada comme pays indépendant soit sérieusement compromis.

L'intérêt actuel pour une politique industrielle est aussi attisé par des facteurs externes, et spécialement par les changements rapides survenus dans le COMMERCE INTERNATIONAL. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, on voit émerger le Canada comme puissance économique et militaire de niveau moyen. Depuis lors, la force économique du Canada repose sur l'exportation de ses ressources naturelles (surtout vers les États-Unis) et l'expansion de son secteur manufacturier (principalement aux mains de filiales de compagnies étrangères qui produisent pour le marché intérieur par opposition aux marchés étrangers).

Au début des années 60 cependant, notre secteur manufacturier est sous pression. L'Europe s'est pleinement rétablie de ses blessures de guerre et sa base industrielle est en plein essor. De plus, les États-Unis dominent le système des échanges mondiaux. Ainsi, alors que la demande internationale de ressources naturelles traditionnelles, telles que les pâtes et papiers et les minéraux, reste forte chez les partenaires industriels du Canada, les marchés internationaux des produits manufacturés sont de plus en plus compétitifs et soumettent le secteur manufacturier canadien à des difficultés croissantes. Cette évolution suscite un débat national sur les perspectives d'avenir de l'ÉCONOMIE canadienne, avec notamment la question de savoir si le Canada allait retourner à son stade antérieur de producteur de ressources ou s'il allait pouvoir consolider sa base industrielle.

Déjà, au début des années 60, la nature de ce problème fait l'objet d'un consensus quasi unanime au pays. Les entreprises manufacturières canadiennes ne font pas le poids à l'échelle internationale parce qu'elles sont plutôt orientées vers le marché intérieur, qu'elles ne se préoccupent pas assez de leurs exportations, qu'elles sont plutôt mal gérées, qu'elles ne font pas grand chose en matière d'innovation ou de recherche et de développement (R-D), et parce que leur volume de production est trop faible pour dégager des économies d'échelle (c.-à-d. abaisser leurs coûts moyens de production).

Le débat tourne autour des origines du problème et des solutions possibles. La plupart des économistes (mais certainement pas la totalité) estiment que les difficultés du secteur manufacturier proviennent des tarifs protectionnistes (une survivance de la Politique nationale). Ils recommandent dès lors une réduction substantielle de la protection tarifaire accordée aux firmes canadiennes et une intégration plus complète de l'économie canadienne dans le système économique international, notamment grâce à l'appui de l'État aux institutions et aux accords internationaux de promotion de la libéralisation du commerce mondial, tels que l'ACCORD GÉNÉRAL SUR LES TARIFS DOUANIERS ET LE COMMERCE (GATT). Ces économistes voient dans l'intensification de la concurrence engendrée par la hausse des importations, et dans de nouveaux débouchés pour les exportations canadiennes, le moyen d'améliorer la santé de l'industrie canadienne.

Une autre école de pensée souligne au contraire les problèmes structurels du secteur manufacturier, liés à la taille plutôt réduite de la plupart des entreprises, au fait qu'elles sont trop axées sur le marché intérieur au détriment des marchés extérieurs et au peu d'intérêt qu'elles accordent au design et à l'innovation industriels. De ce point de vue, une des causes principales des problèmes du secteur manufacturier réside dans le niveau élevé de propriété étrangère, ce qui incite les entreprises à augmenter leurs achats de pièces et de services auprès de la société mère, à dépendre d'innovations importées, et à se concentrer sur le marché intérieur de manière à entrer le moins possible en concurrence sur les marchés extérieurs avec leur société mère ou ses autres filiales étrangères.

Les économistes de cette école soulignent la nécessité de réduire le niveau de la mainmise étrangère sur l'économie et d'améliorer la compétitivité et l'orientation exportatrice des compagnies d'appartenance canadienne au moyen de diverses formes d'aide gouvernementale allant du soutien à la R-D jusqu'à la promotion des secteurs de pointe de la croissance industrielle. Ils rejettent les réductions de tarif et le LIBRE-ÉCHANGE comme instruments de restructuration de l'économie canadienne, car selon eux, une économie canadienne faible subirait les effets négatifs de la libéralisation des échanges commerciaux. Ils se prononcent au contraire en faveur d'une restructuration partielle avant la levée des barrières tarifaires, pour que l'industrie canadienne soit assez robuste pour tirer profit des nouveaux marchés mondiaux et affronter l'accroissement des importations. Dans ce contexte, la restructuration prendrait la forme d'une stratégie industrielle axée sur les secteurs clés de l'économie canadienne.

L'approche adoptée par le gouvernement fédéral au fil des ans, à l'égard de la question de la politique industrielle s'inspire des deux philosophies susmentionnées. Depuis 30 ans, le Canada s'inscrit fermement dans la ligne des accords du GATT et des autres initiatives de libéralisation du commerce international. C'est ainsi qu'apparaît au milieu des années 60 une forme modifiée de libre-échange sectoriel dans l'industrie automobile du Canada et des États-Unis, qui permet aux manufacturiers des deux côtés de la frontière d'importer et d'exporter des voitures hors taxes, sous réserve de maintenir dans chacun des deux pays un volume minimal de production (voir ACCORD CANADO-AMÉRICAIN SUR LES PRODUITS DE L'INDUSTRIE AUTOMOBILE).

Plus récemment, l'administration conservatrice du premier ministre Brian MULRONEY se lance dans une intense série de négociations avec les États-Unis dans le but de parvenir à un accord bilatéral de libre-échange. Cette initiative s'inspire du désir de garantir à l'industrie canadienne un accès au marché américain de plus en plus protectionniste; certains de ses partisans y voient un levier puissant de restructuration de l'économie canadienne par le truchement d'un commerce et d'une concurrence accrus qui renforceront son efficacité.

L'Accord de libre-échange Canada - États-Unis qui en résulte en 1987, s'étend par la suite pour inclure, en 1992, en tant qu'Accord de libre-échange nord-américain, le Mexique et éventuellement d'autres pays de l'hémisphère occidental. La politique industrielle du gouvernement fédéral (et des provinces) ne se limite cependant pas à la promotion du commerce et à la baisse des tarifs. Au cours des années 60 en effet, le gouvernement fédéral prend plusieurs initiatives destinées à l'amélioration des caractéristiques structurelles de l'industrie canadienne. Il crée en 1963 le ministère de l'Industrie qui a pour mission d'améliorer le potentiel compétitif des entreprises manufacturières du pays. Ce ministère fusionne ensuite avec le ministère du Commerce pour former le ministère de l'Industrie et du Commerce en 1969. Ces deux ministères élaborent une série de programmes d'aide à l'industrie visant à encourager les investissements, à améliorer les capacités de commercialisation des entreprises tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, et à accroître leurs dépenses de R-D.

Les années 60 voient aussi apparaître plusieurs organismes ou ministères fédéraux dont le mandat est d'améliorer la gestion gouvernementale de l'économie, d'implanter les technologies nouvelles et d'aider l'industrie à trouver de nouveaux débouchés sur les marchés étrangers (p. ex. les ministères de l'Emploi et de l'Immigration, des Communications, de l'Expansion économique régionale, le ministère d'État chargé des Sciences et de la Technologie et la Société pour l'expansion des exportations). S'il est vrai que toutes ces initiatives cherchent à faciliter le développement industriel et parfois à encourager une restructuration de l'industrie, il n'y a pas d'effort, ou très peu, pour les coordonner avec cohérence par l'élaboration d'une stratégie industrielle.

De fortes pressions voient cependant le jour dans les années 60 et au début des années 70 en faveur d'une telle stratégie. Une série d'études commandées par le gouvernement fédéral soulèvent le problème de la propriété étrangère dans l'économie du Canada (voir INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS, GROUPE DE TRAVAIL SUR LES). Leurs rapports, et d'autres, suggèrent aussi la nécessité d'adopter une approche plus large face aux problèmes structurels du secteur manufacturier canadien. En outre, de sérieux défis se posent aux entreprises canadiennes qui cherchent à étendre leurs débouchés extérieurs et à contrer la concurrence des importations : il s'agit de la place grandissante que prennent, dans le commerce international, les pays nouvellement industrialisés du tiers monde, de l'émergence de la HAUTE TECHNOLOGIE (secteur où les entreprises canadiennes sont faibles), comme facteur important du commerce mondial, et de l'incertitude croissante qui plane sur le système d'échanges internationaux (à cause du renforcement du protectionnisme dans le monde et de l'octroi de subventions dont bénéficient les industries exportatrices). Ces facteurs poussent le gouvernement fédéral à aborder de façon plus globale les problèmes du secteur manufacturier.

En 1974, on tente explicitement de contrôler l'afflux de l'INVESTISSEMENT ÉTRANGER au Canada par l'entremise de l'AGENCE D'EXAMEN DE L'INVESTISSEMENT ÉTRANGER. Par la suite, un certain nombre de mesures sont prises pour essayer de régler les problèmes structurels spécifiques propres à certaines industries. C'est ainsi que le gouvernement accorde des subventions de R-D à l'INDUSTRIE AÉROSPATIALE en plus d'investir dans ce secteur, et prend à sa charge les deux principaux fabricants de carlingues d'avion pour que de nouveaux projets aéronautiques soient mis en branle. Des initiatives de restructuration ou des programmes d'aide financière sont aussi mis en oeuvre dans d'autres secteurs, du vêtement et de la chaussure jusqu'aux produits forestiers.

Bien que ces diverses initiatives ne fassent pas partie d'une stratégie industrielle d'ensemble, plusieurs organismes fédéraux tels que le Bureau du Conseil privé et le ministère de l'Industrie et du Commerce (MIC) essaient d'en élaborer une dans les années 70. Aucun organisme n'est cependant capable de concevoir une stratégie qui fasse consensus au sein de l'appareil bureaucratique fédéral. En fait, l'initiative du MIC, qui avait débuté comme un effort ambitieux en vue de construire une stratégie englobant un grand nombre d'objectifs de politique publique, évolue graduellement vers un processus plus modeste de consultation industrielle axé sur la compétitivité sectorielle.

Ces échecs n'empêchent pas la question de la stratégie industrielle de resurgir régulièrement. À la reprise du pouvoir par le gouvernement libéral de Pierre TRUDEAU en 1980, on tente à nouveau de formuler une stratégie industrielle qui s'inspire du PROGRAMME ÉNERGÉTIQUE NATIONAL mis en place par ce gouvernement. Cette tentative échoue elle aussi, en partie sous l'effet de l'opposition croissante des Américains aux politiques canadiennes relatives à l'énergie et à la propriété étrangère. Le gouvernement finit néanmoins par mettre au point une stratégie, qui paraît dans un livre blanc sur le développement économique publié conjointement avec le budget fédéral de 1981 (Le développement économique du Canada dans les années 80). Ce document s'appuie sur l'hypothèse selon laquelle le développement des ressources tant dans l'Est que dans l'Ouest du pays serait le moteur futur de la croissance et aurait des retombées industrielles bénéfiques pour le centre du Canada, tout en assurant l'expansion et la diversification de l'activité économique des régions. Malheureusement, cette stratégie tourne court sous l'effet de l'effondrement des prix de l'énergie en 1981-1982.

Au milieu des années 80, en partie en réaction à ces échecs, beaucoup d'observateurs, parmi lesquels la Commission royale sur L'UNION ÉCONOMIQUE ET LES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA (Commission Macdonald) se montrent partisans d'une approche moins interventionniste de la stratégie industrielle, où l'on ferait davantage confiance aux forces du marché pour doter l'économie canadienne d'une structure concurrentielle. C'est cette approche que semblent suivre dans ses grandes lignes les gouvernements successifs, conservateurs et libéraux, au cours des années 80 et 90. Sans abandonner les programmes d'aide à l'industrie, ces gouvernements réduisent de beaucoup les objectifs et l'ampleur de leurs interventions pour privilégier nettement des politiques industrielles axées sur les mécanismes du marché, telles que la déréglementation (surtout dans le secteur des transports), la privatisation des SOCIÉTÉS DE LA COURONNE (p. ex. le CN, PETRO-CANADA, AIR CANADA, etc.), la poursuite des accords de libre-échange et d'autres politiques susceptibles d'améliorer la capacité d'adaptation du secteur privé à une économie mondiale en rapide évolution (p. ex. promotion et expansion des exportations, politiques concernant la formation de la main-d'oeuvre et le marché du travail, appui aux transferts de technologie, à la recherche et au développement).

L'accent est mis tout spécialement sur l'assurance que le cadre législatif et réglementaire, instauré par les gouvernements pour gérer l'activité économique, serve vraiment à encourager la concurrence et l'innovation, de sorte que les entreprises puissent faire face à des marchés intérieurs plus ouverts et être performantes sur les marchés de l'exportation.

Les gouvernements semblent se laisser encore tenter par l'idée d'exercer un leadership sur l'orientation future du développement industriel du pays en ce qui à trait aux secteurs de l'économie qui connaissent des innovations et des changements industriels rapides et où l'influence des politiques des gouvernements d'autres pays est très forte. Dans les domaines de haute technologie comme l'INDUSTRIE AÉROSPATIALE, les industries de l'environnement, les TÉLÉCOMMUNICATIONS et l'autoroute de l'information, le gouvernement fédéral joue un rôle de premier plan dans la configuration de l'environnement réglementaire au sein duquel fonctionneront ces secteurs ainsi que dans le soutien à la recherche et au développement. On cherche ainsi à façonner la structure de ces industries au tout début de leur croissance de manière à y assurer une présence canadienne ainsi que la mise au point de produits et de services canadiens qui puissent rapidement pénétrer les marchés en expansion tant au Canada qu'à l'étranger.

Plusieurs raisons expliquent l'absence persistante d'une stratégie industrielle au Canada malgré les efforts immenses et les sommes considérables consacrés par le gouvernement fédéral à l'élaboration d'une politique industrielle. Selon certains, le gros du problème réside dans la nature du système bureaucratique d'Ottawa, où divers ORGANISMES CENTRAUX essaient, en concurrence avec les ministères, d'exercer une influence sur les politiques, nuisant ainsi à l'émergence possible d'un consensus. Cependant, les problèmes financiers généralisés des gouvernements sont peut-être de loin le facteur le plus important des dernières années, car ils restreignent grandement la capacité de ces derniers d'assumer les coûts des projets de développement industriel. Ajoutons que l'ouverture progressive d'économies comme celle du Canada au commerce et aux investissements mondiaux, complique la tâche des gouvernements qui voudraient élaborer des politiques en vue de surmonter ou d'essayer de modifier ces pressions plus vastes qui s'exercent à l'échelle mondiale. De plus, la libéralisation du système commercial mondial et l'émergence d'accords commerciaux internationaux limitent beaucoup et vont parfois jusqu'à empêcher la poursuite de nombreuses activités de développement industriel entreprises auparavant par les gouvernements. La possibilité pour ceux-ci de mettre en oeuvre des stratégies industrielles est donc beaucoup plus réduite qu'il y a 15 ou 20 ans.

La nature extrêmement diversifiée de l'économie canadienne est une autre raison qui rend difficile la mise en oeuvre d'une stratégie industrielle pour le secteur manufacturier. Au Canada, ce secteur représente moins de 20 p. 100 de l'ensemble de l'activité économique au lieu d'environ 25 p. 100 à 33 p. 100 dans beaucoup de pays d'Europe et au Japon. En fait, l'industrie manufacturière joue au Canada un rôle nettement moins important que dans n'importe quel autre pays industrialisé. Ajoutons que, au Canada, la croissance de ce secteur repose autant sur des filiales de sociétés étrangères que sur des entreprises appartenant à des intérêts canadiens. Même dans les économies relativement homogènes d'Europe et du Japon, il n'est jamais facile d'en arriver à un consensus sur des questions d'ordre industriel, mais ces pays ont une structure de relations traditionnelles entre gouvernement et industrie qui, de concert avec un parti pris pour le secteur manufacturier, permet de rallier les opinions sur certains points précis. Au Canada par contre, les intérêts du secteur manufacturier ne font guère le poids face au secteur des ressources naturelles. Ces intérêts s'entrechoquent dans des disputes entre grandes et petites entreprises, et entre entreprises canadiennes et étrangères.

En outre, élément peut-être plus important encore, des différences marquantes divisent les intérêts industriels et économiques des diverses régions du Canada (voir ÉCONOMIE RÉGIONALE). Par exemple, une politique industrielle de soutien à l'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE sera perçue, par les provinces de l'Ouest dont les économies reposent principalement sur l'agriculture et l'exploitation des ressources naturelles, comme un traitement de faveur accordé au Canada central. Effectivement, les marchés d'exportation de ces provinces pourraient être en péril si une politique de restructuration de l'industrie automobile comprenait des restrictions à l'importation des voitures d'un pays comme le Japon qui est un important marché d'exportation pour les céréales et le charbon de l'Ouest.

L'économie canadienne, très industrialisée dans sa partie centrale mais productrice de ressources dans sa périphérie, affiche souvent des contradictions de la sorte. Ce sont en effet ces mêmes contradictions qui ont fini par démanteler la Politique nationale initiale. Elles expliquent aussi pourquoi les gouvernements provinciaux travaillent d'une manière beaucoup plus active, dans les années 70, à mettre en oeuvre leurs propres politiques industrielles. Les provinces disposent en effet d'économies assez homogènes reposant sur des activités moins nombreuses et moins variées, ce qui rend plus facile l'élaboration de stratégies cohérentes susceptibles de recevoir un certain appui de la part de la population. Dans les années 90 pourtant, elles font face à la diminution de leurs ressources financières et à l'apparition de problèmes liés à la gestion de leurs principaux domaines de compétence, soit la santé, les services sociaux, et l'éducation, de sorte qu'elles aussi se montrent moins actives pour ce qui est de façonner leur économie.

Lecture supplémentaire