Phil Fontaine | l'Encyclopédie Canadienne

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Phil Fontaine

Larry Phillip (Phil) Fontaine, O.C., O.M., chef national de l’APN, militant, conseiller en relations autochtones (né le 20 septembre 1944 dans la Première Nation de Sagkeeng, sur la réserve de Fort Alexander, au Manitoba). Fait sans précédent, Phil Fontaine a exercé pendant trois mandats les fonctions de chef national de l’Assemblée des Premières Nations (APN). Sous sa direction, celle-ci a négocié l’Accord de Kelowna et la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Phil Fontaine a reçu de nombreux prix et distinctions. Il a ainsi reçu le Prix national d’excellence décerné aux Autochtones, il a été fait membre de l’Ordre du Canada et il est titulaire de nombreux doctorats honorifiques. En 2017, il a lancé « De la reconnaissance à l’action », une campagne visant à faire reconnaître légalement le statut des peuples autochtones comme nations fondatrices du Canada.

Phil Fontaine
(avec la permission de CassieBav/Wikimedia CC)

Jeunesse et éducation

Phil Fontaine est né dans une famille ojibwée de dix frères et deux sœurs. Après la mort de son père, alors qu’il a six ans, sa mère occupe plusieurs emplois pour faire vivre la famille. Elle fait aussi de la politique et, en 1952, elle devient la première Autochtone du Canada à être élue à un conseil de bande. S’inspirant de l’exemple de sa mère et motivé par ce qu’il a vécu dans les pensionnats indiens, il milite.

Comme de nombreux enfants autochtones à l’époque, Phil Fontaine a passé dix mois de l’année en pensionnat. Pendant sept ans, il a été élève du pensionnat indien de Fort Alexander, tenu par les Oblats de Marie-Immaculée à Sagkeeng. Ensuite, il a passé trois ans au pensionnat d’Assiniboia, école secondaire de Winnipeg, et il a terminé ses études secondaires au Powerview Collegiate en 1961.

Expérience vécue dans les pensionnats indiens

En 1990, Phil Fontaine est un des premiers à parler publiquement des violences physiques, psychologiques et sexuelles qu’il a subies lorsqu’il était élève des pensionnats. Il donne plusieurs entrevues aux médias, raconte les abus et réclame une enquête publique. Cela incite d’autres anciens pensionnaires à parler de ce qu’ils ont vécu, y compris son cousin Theodore Fontaine, qui a fréquenté les mêmes écoles et qui publiera par la suite ses mémoires sous le titre Broken Circle: The Dark Legacy of Indian Residential Schools (2010). En 2012, Phil Fontaine et son frère Bert accueillent James Weisgerber, archevêque de Winnipeg, au sein de leur famille au cours d’une cérémonie ojibwée traditionnelle, en signe de réconciliation avec l’Église catholique romaine.

Début de carrière politique (1973-1991)

Jeune militant au Canadian Indian Youth Council et dans la Compagnie des Jeunes Canadiens, Phil Fontaine commence à entrevoir la solution à la pauvreté dans l’autodétermination, ainsi que dans l’aboutissement des revendications territoriales et le respect des droits issus de traités. Lorsqu’il devient chef de la Première Nation Sagkeeng en 1973, il met ses idées en application et crée le premier système éducatif au Canada contrôlé par des Autochtones, le premier centre de traitement de l’alcoolisme dirigé par des Autochtones, ainsi qu’un organisme de services à la famille et à l’enfance géré localement.

Après avoir passé du temps au Yukon en qualité de directeur général régional pour le gouvernement canadien, Phil Fontaine retourne au Manitoba et passe en 1981 son B.A. en sciences politiques à l’Université du Manitoba. Au début des années 1980, il est élu chef régional du Manitoba auprès de l’Assemblée des Premières Nations. Il joue un rôle important dans le rejet de l’Accord du lac Meech qui aurait conféré au Québec – mais pas aux Premières Nations – une reconnaissance constitutionnelle de sa spécificité en tant que « société distincte ».

Grand chef du Manitoba (1991 à 1997)

En 1991, Phil Fontaine est élu grand chef de l’Assemblée des chefs du Manitoba. À ce titre, il négocie l’Initiative sur l’Entente-cadre qui définit un processus décennal au terme duquel les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire devaient revenir aux Premières Nations du Manitoba. (En janvier 2007, l’Assemblée des chefs du Manitoba vote la fin de l’entente en raison du manque d’intérêt et de soutien de la part du gouvernement fédéral.)

Premier mandat de chef national (1997 à 2000)

En 1997, Phil Fontaine, qui propose de mettre l’accent sur le développement économique, une compensation plus équitable pour les mauvais traitements subis par les Autochtones dans les pensionnats indiens et l’établissement de relations plus harmonieuses entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral, est élu chef national de l’Assemblée des Premières Nations. En 1998, il négocie avec l’APN une Déclaration de réconciliation dans laquelle le gouvernement fédéral présente des excuses pour les mesures et politiques passées et s’engage à verser 350 millions de dollars à un fonds de guérison qui aidera les anciens élèves des pensionnats victimes de violences physiques et sexuelles.

Cependant, certains critiquent les relations pragmatiques qu’entretient Phil Fontaine avec le gouvernement fédéral, et il est battu aux élections de 2000 par Matthew Coon Come, qui préfère l’affrontement. En 2001, Phil Fontaine est nommé commissaire en chef de la Commission des revendications des Indiens (CRI), organisme indépendant chargé d’examiner les revendications rejetées par le gouvernement fédéral. Sous son mandat, la CRI joue un rôle important dans le règlement de la revendication de longue date de la Première Nation de Kahkewistahaw en Saskatchewan, qui reçoit 94,6 millions de dollars d’indemnisation pour la cession de 13 000 acres en 1907.

Deuxième et troisième mandats de chef national (2003 à 2009)

En 2003, Phil Fontaine démissionne de la CRI afin de se porter de nouveau candidat à l’élection du chef national de l’APN. Il remporte les élections de 2003 et 2006, devenant par le fait même la première personne à exercer trois mandats de chef national. Sous sa direction, l’APN joue un rôle important dans la négociation de l’Accord de Kelowna (2005), aux termes duquel plus de 5 milliards de dollars auraient été consacrés à l’amélioration de la qualité de vie des Autochtones au Canada. Après l’annulation de l’Accord par le gouvernement conservateur, Phil Fontaine et l’APN lancent en novembre 2006 la campagne Abolissons la pauvreté : le plan des Premières Nations pour créer des débouchés.

Phil Fontaine joue également un rôle déterminant dans la négociation de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, entrée en vigueur en 2007, et dans les excuses officielles présentées par le premier ministre Stephen Harper aux survivants des pensionnats l’année suivante. Également en 2007, Phil Fontaine travaille en concertation avec Stephen Harper et Jim Prentice, alors ministre des Affaires autochtones, afin de créer une commission revue et corrigée qui serait chargée de régler les questions en suspens relatives aux revendications territoriales et aux traités.

En tant que chef national, Phil Fontaine signe avec le Congrès national des Indiens d’Amérique la Déclaration de parenté et de coopération entre les peuples et les nations autochtones d’Amérique du Nord (1999). Il est le premier dirigeant autochtone à s’adresser à l’Organisation des États américains et, par ailleurs, il fait activement campagne pour la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (adoptée en 2007).

Carrière et militantisme depuis 2009

Depuis la fin de son troisième mandat de chef national en 2009, Phil Fontaine continue de défendre les intérêts des Autochtones. Ainsi, en 2009, il crée Ishkonigan Consulting and Mediation, qui fournit des services de consultation et de médiation aux communautés et aux entreprises autochtones, ainsi qu’à tous les ordres de gouvernement. En septembre 2009, il devient conseiller spécial auprès de la Banque Royale du Canada, qu’il conseille dans ses relations avec les communautés, les administrations et les entreprises autochtones. En mars 2010, il entre au cabinet d’avocats Norton Rose OR (anciennement Ogilvy Renault) en qualité de conseiller principal et travaille avec des clients canadiens et étrangers sur des questions relatives aux relations avec les Autochtones, à l’énergie, à l’exploitation minière et à l’environnement. Phil Fontaine reste une voix influente sur la scène politique et il rencontre des personnalités politiques fédérales (p. ex. Bob Rae en 2013) pour parler des relations entre les Autochtones et le gouvernement fédéral.

Campagne De la reconnaissance à l’action

Alors que le Canada se prépare à célébrer le 150e anniversaire de la Confédération en 2017, Phil Fontaine lance la campagne De la reconnaissance à l’action avec Kathleen Mahoney, sa compagne de longue date et une professeure de droit à l’Université de Calgary. La campagne vise à sensibiliser les gens au rôle des peuples autochtones dans la fondation du Canada. L’un des principaux objectifs de la campagne est de faire en sorte que le Parlement adopte une loi qui reconnaît officiellement et légalement le statut des peuples autochtones en tant que nations fondatrices du Canada.

Selon Kathleen Mahoney, une telle loi créerait un cadre pour les décisions futures quant à la représentation politique, la participation économique et la langue, entre autres questions. Cette initiative reflète les recommandations formulées par la Commission de vérité et de réconciliation en 2015, en particulier la demande selon laquelle le gouvernement du Canada doit « concilier les affaires constitutionnelles et juridiques des peuples autochtones et de l’État pour s’assurer que les peuples autochtones sont des partenaires à part entière au sein de la Confédération, ce qui englobe la reconnaissance des lois et des traditions juridiques autochtones et leur intégration dans la négociation et la mise en œuvre des traités, des revendications territoriales et de toute autre entente constructive » (Commission de vérité et réconciliation du Canada : appels à l’action, no 45). En effet, Phil Fontaine voit la reconnaissance officielle comme la « forme ultime de réconciliation ».

Selon Phil Fontaine, « le récit juste et puissant des origines du Canada fera partie de l’histoire commune de chaque Canadien pour les générations à venir. Elle ouvrira la voie à une réconciliation véritable et durable. Enfin, ce serait un moment mémorable que tous les Canadiens, y compris nos peuples, puissent enfin célébrer, dans le vrai sens du terme, la fondation du Canada, notre pays. »

Critique

Malgré ses réalisations, on lui reproche d’être trop proche du gouvernement fédéral et aux grandes entreprises. En février 2013 sont publiés des documents qui montrent qu’il a collaboré avec la GRC et la police provinciale durant l’été 2007 afin de coordonner les interventions face aux manifestations de la Journée nationale de protestation des Autochtones. Certains de ses détracteurs estiment que ce faisant, Phil Fontaine et l’Assemblée des Premières Nations ont, en fait, travaillé contre les leurs.

On a également critiqué Phil Fontaine pour ses liens avec les grandes entreprises, notamment la Banque Royale et TransCanada Corp. Homme pragmatique, il est d’avis que la participation autochtone au développement des ressources peut aider à atténuer la pauvreté dans laquelle vivent de nombreuses Premières Nations. Certains, désapprouvant une telle approche, qualifient plutôt Phil Fontaine de traître au service du monde corporatif canadien.

Prix et distinctions

Collection Premières Nations

Collection des peuples autochtones

Liens externes