Premiers ministres canadiens vus par leurs loyaux caricaturistes | l'Encyclopédie Canadienne

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Premiers ministres canadiens vus par leurs loyaux caricaturistes

La caricature politique est la forme d’humour public la plus constante depuis l’avènement de la Confédération.

La caricature politique est la forme d’humour public la plus constante depuis l’avènement de la Confédération. Dans la plupart des grands quotidiens du pays et plus récemment dans Internet, les caricaturistes ont pondu des centaines de milliers de dessins satiriques se moquant de tous les aspects de l’appareil gouvernemental. Ces caricatures représentent les préoccupations, les intérêts et même les joies politiques des Canadiens. Celles qui dépeignent les premiers ministres restent davantage gravées en mémoire.

Fantôme de Macdonald

En effet, les caricaturistes de l’ère moderne se servent de sir John A. Macdonald, le premier ministre le plus reconnaissable de l’histoire, pour faire des parallèles entre le passé et des événements contemporains.

Roy Peterson, Untitled, 1976.
Image: \u00a9 Propriété de Roy Peterson, reproduit avec la permission.\r\n

Dans cette caricature imaginative, Roy Peterson, du Vancouver Sun, dépeint le premier des premiers ministres en train d’éduquer George Washington, premier président étatsunien, à propos des enjeux canadiens. Dans les faits, c’est ce que les Canadiens tentent constamment de faire avec leurs voisins du Sud.

John A. Macdonald et Alexander Mackenzie

D’abord journaliste à Toronto, John Wilson Bengough est le premier caricaturiste politique notable au Canada. Sa carrière suit la dernière partie de celle de John A. Macdonald. En 1873, il fonde, à Toronto, une publication humoristique hebdomadaire, Grip, nommée ainsi d’après le corbeau dans Barnabé Rudge, de Charles Dickens.

Le premier ministre conservateur est la cible principale des pointes lancées par John Wilson Bengough, qui est d’allégeance libérale depuis toujours. John A. Macdonald représente une manne pour John Wilson Bengough, en raison de son profil angulaire, de son corps disgracieux et de ses habitudes extravagantes. S’y ajoute la corruption flagrante qui sévit en politique au XIXe siècle. La voie est ainsi pavée pour la création de caricatures dévastatrices.

J.W. Bengough, We in Canada Seem to Have Lost All Idea of Justice, Honor and Integrity, 1873.
Initialement publié dans le Mail, September 26th, 1873. Image: courtoisie Terry Mosher, domaine public.

Le scandale du Pacifique donne lieu à des allégations de pots-de-vin offerts aux politiciens conservateurs par des hommes d’affaires qui visent à influencer l’attribution des contrats de construction du chemin de fer transcontinental reliant la Colombie-Britannique à l’est du pays. Dans l’une des caricatures de John Wilson Bengough portant sur le scandale, John A. Macdonald s’adresse au chef de l’opposition Alexander Mackenzie ainsi : « Je reconnais avoir pris l’argent pour soudoyer les électeurs. Qu’y a-t-il de mal là-dedans? » Le scandale mène à la démission de John A. Macdonald et au transfert du pouvoir vers les libéraux d’Alexander Mackenzie.

Durant les cinq années où nouveau premier ministre est au pouvoir, John Wilson Bengough commente sur Alexander Mackenzie sans réel zèle satirique. Ce n’est qu’en 1878, après la réélection de John A. Macdonald, que Grip retrouve sa vigueur et son côté incisif, s’acharnant sur ce dernier jusqu’à sa mort, en 1891.

Wilfrid Laurier et Robert Borden

Tout au long de sa carrière politique, sir Robert Borden découpe minutieusement dans les journaux des caricatures qui le représentent. En 1926, il offre un album de ces caricatures à Bibliothèque et Archives Canada, à Ottawa. Ses choix sont intéressants. Tirée de cet album, voici une caricature de Newt McConnell datant de l’époque où Robert Borden est chef de l’opposition au gouvernement de Wilfrid Laurier.

Newt McConnell, The Parliamentary Sitting at Ottawa, 1905.
Initialement publié dans le Daily News, March 9th, 1905. Image: courtoisie Terry Mosher, domaine public. \r\n

Newt McConnell compte parmi les caricaturistes les plus populaires de son époque. Il travaille au Toronto Daily News pendant 26 ans. Bien que ses dessins ne soient pas aussi raffinés que ceux des autres caricaturistes de son temps, son style est beaucoup plus mordant que ceux d’Henri Julien ou de Sam Hunter.

R.B. Bennett

R.B. Bennett interrompt le long règne de William Lyon Mackenzie King à la tête du pays. Il est premier ministre de 1930 à 1935, pendant la Grande Dépression. Il s’agit d’années amères pour le Canada, surtout dans l’Ouest. R.B. Bennett est perçu comme étant capable de se donner en spectacle, en plus d’être distant de la population générale, qu’il méprise. Lorsque la rumeur voulant que le premier ministre s’apprête à réduire la taille de son cabinet court, Arch Dale lui fait une suggestion dans la caricature qui suit.

Arch Dale, Will He Bunch Himself Together?, 1931.
Initialement publié dans le Winnipeg Free Press, April 27, 1931. Image: Image: Biblioth\u00e8que et Archives Canada/MIKAN 2958994.\r\n

William Lyon Mackenzie King

William Lyon Mackenzie King est réélu premier ministre en 1935. Puisque son apparence est assez banale, les caricaturistes le dessinent de différentes façons selon l’opinion qu’ils ont de lui. Voici une caricature flatteuse où il est dépeint comme un homme d’État par Robert LaPalme, qui, dans les années 1930, introduit un style de caricature élégant et épuré sans précédent au Canada. Il utilise son style avant-gardiste à bon escient pour attaquer les politiciens de son époque, tout particulièrement le premier ministre du Québec, Maurice Duplessis. À l’occasion, Robert LaPalme dessine les politiciens fédéraux, et ce, de façon beaucoup plus respectueuse.

Robert La Palme, Mackenzie King , 1937.
Image: Avec le consentement de son fiduciaire Me Jean-Pierre Pilon.

Louis St-Laurent

Le choix de Louis St-Laurent, l’« oncle Louis », pour gouverner le Canada dans les années suivant la Deuxième Guerre mondiale semble parfait. Toutefois, pendant cette période prospère, les Canadiens prennent davantage conscience de l’importance de l’apport d’argent étatsunien dans l’économie canadienne et de la puissance militaire des États-Unis dans les accords mutuels de défense. Toutefois, les Canadiens ont toujours les Étatsuniens à l’esprit. Dans cette caricature lauréate d’un prix du Concours canadien de journalisme, on voit Louis St-Laurent tentant d’élucider les divergences dans les ententes politiques.

John Diefenbaker

John Diefenbaker remporte une victoire imprévue à l’élection de 1957. Il est alors à la tête d’un gouvernement minoritaire. L’année suivante, les progressistes-conservateurs sont réélus sous sa gouverne, obtenant alors la plus forte majorité de l’histoire canadienne. John Diefenbaker se fait entendre haut et fort, devenant un chef de parti au style autocratique, au plus grand plaisir des caricaturistes. Dans la caricature la plus célèbre de l’époque, Duncan Macpherson représente John Diefenbaker en Marie-Antoinette, s’exclamant « Qu’ils mangent de la brioche ».

Duncan Macpherson, Let Them Eat Cake, 1958.
Image: \u00a9 Propriété de Duncan Macpherson. Reproduit avec la permission de \u2013 Torstar Syndication Services.

L’entrée remarquée de Duncan Macpherson comme caricaturiste de la page rédactionnelle du Toronto Star coïncide presque avec l’élection de John Diefenbaker. Tout au long de l’ère John Diefenbaker, Duncan Macpherson a su créer une vaste œuvre comparable à celle de John Wilson Bengough au sujet de John A. Macdonald.

Lester Pearson

Lester Pearson a le dessus sur John Diefenbaker à l’issue de l’élection fédérale de 1963. Toutefois, il est à la tête d’un gouvernement minoritaire, situation qui perdurera tout au long de son mandat de premier ministre. Plusieurs espéraient que Lester Pearson soit en mesure de réparer les dégâts laissés derrière par John Diefenbaker. En 1968, lorsque Lester Pearson prend sa retraite, le caricaturiste du Montreal Star, Ed McNally, dessine cette caricature pour lui rendre hommage et souligner ce qu’il a accompli en tant que premier ministre, soit diriger un gouvernement minoritaire dans des circonstances très difficiles.

Ed McNally, Untitled, 1968.
Initialement publié dans le Montreal Star, 1968. Image: \u00a9 Propriété de Ed McNally, reproduit avec la permission .\r\n

Pierre Trudeau et Joe Clark

En 1968, l’élection de Pierre Trudeau provoque l’enthousiasme, donnant naissance à la Trudeaumanie. Quatre ans plus tard, lors de la campagne électorale de 1972, la revue Maclean’s commande au caricaturiste montréalais Aislin un dessin dépeignant Pierre Trudeau et Robert Stanfield, chef de l’opposition, en train de danser. Maclean’s la publie en première page d’un livret sur l’élection sans se rendre compte de la façon dont Aislin avait dessiné les genoux.

Aislin, Untitled, 1972.
Initialement publié dans le Maclean's Magazine, 1972. Image: \u00a9 Aislin, reproduit avec la permission. \r\n


Joe Clark bat Pierre Trudeau en juin 1979, mais il n’est premier ministre que jusqu’en mars 1980, lorsque son gouvernement minoritaire est défait par une motion de censure. Pierre Trudeau retrouve le pouvoir comme s’il avait simplement pris une courte pause.

Aislin, Somebody Pay the Babysitter, 1979.
Initialement publié dans le Montreal Gazette in 1979. Image: \u00a9 Aislin, reproduit avec la permission.\r\n

Brian Mulroney

En 1984, John Turner devient le nouveau premier ministre libéral à la suite de la démission de Pierre Trudeau. Il dissout immédiatement le Parlement et déclenche des élections. Cependant, les électeurs sont las de la vieille équipe libérale. Au final, Brian Mulroney remporte l’élection de façon décisive.

Aislin est caricaturiste au journal The Gazette, à Montréal, dans la province d’origine de Brian Mulroney. Il est dès le départ ravi de se moquer du futur premier ministre. Pendant la course à la chefferie du Parti progressiste-conservateur, Brian Mulroney se vante de la beauté de son menton. C’est pourquoi Aislin le met dans un soutien-gorge, décolleté inclus.

Aislin, Untitled, 1983.
Initialement publié dans le Montreal Gazette, 1983. Image: \u00a9 Aislin, reproduit avec la permission. \r\n

Jean Chrétien

Il va sans dire que plus un premier ministre est longtemps au pouvoir, plus il aura de caricatures de lui. On dit « lui », car tous les premiers ministres ont été des hommes, à l’exception de Kim Campbell. Cette dernière est devenue première ministre après la démission de Brian Mulroney, en 1993. Cependant, elle n’est restée en poste que pendant 132 jours. Humiliés par les libéraux de Jean Chrétien lors de l’élection de 1993, les conservateurs de Kim Campbell ne comptent plus que deux sièges au Parlement.

Si les premiers ministres canadiens ont une chose en commun, c’est qu’ils ont presque tous eu à sans cesse gérer un problème ou un scandale alors qu’ils étaient au pouvoir. Certains scandales en sont venus à définir leur passage dans le siège de premier ministre. Jean Chrétien crée un « programme de commandites » au Québec, qui vise à promouvoir les contributions du gouvernement du Canada au Québec. Le programme donne lieu au détournement de fonds destinés à la publicité du gouvernement. La Commission Gomery est par la suite mise en place pour enquêter à ce sujet.

Paul Martin

Paul Martin n’est pas mêlé au scandale des commandites, mais malgré ses efforts, il n’a jamais réussi à dissocier le Parti libéral du scandale. Après la démission de Jean Chrétien, les fautes présumées de ce dernier hantent Paul Martin lorsqu’il devient le nouveau premier ministre du Canada. Dans cette caricature lauréate d’un prix du Concours canadien de journalisme en 2004, Theo Moudakis, mieux connu sous le nom de Mou, évoque les frustrations de Paul Martin.

Theo Moudakis, Statusquoman, 2004.
Initialement publié dans le Toronto Star, January 26th, 2004. Image: Reproduit avec la permission de \u2013 Torstar Syndication Services.\r\n

Stephen Harper

À l’échelle nationale, le scandale a un effet déterminant sur l’issue de l’élection fédérale de 2006. Après plus de 12 années au pouvoir, les libéraux sont défaits par les conservateurs, qui forment un gouvernement minoritaire dirigé par Stephen Harper. Au départ, Stephen Harper semble fade par rapport à ses prédécesseurs. Or, ses caricatures reflètent à présent les controverses du jour.

Il est difficile de dire si un caricaturiste s’illustrera en ce qui a trait à Stephen Harper comme John Wilson Bengough l’a fait avec John A. Macdonald, ou encore Duncan Macpherson avec John Diefenbaker. Voici un portrait du premier ministre actuel par Tony Jenkins, du Globe and Mail, qui se moque de sa coiffure à l’aspect d’un casque.

Tony Jenkins, Canada Stepping Down in Afghanistan, 2011.
Initialement publié dans le Globe and Mail, May 31st, 2011. Image: \u00a9The Canadian Press/01583475.\r\n