Sir Wilfrid Laurier | l'Encyclopédie Canadienne

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Sir Wilfrid Laurier

Sir Wilfrid Laurier, C.P., premier ministre du Canada (1896 – 1911), politicien, avocat et journaliste (né le 20 novembre 1841 à Saint-Lin, au Canada-Est ; décédé le 17 février 1919 à Ottawa, en Ontario). Wilfrid Laurier est la figure politique dominante de son époque. Il a été chef du Parti libéral du Canada de 1887 à 1919 et premier ministre du Canada de 1896 à 1911. Personnalité attachante et charismatique, politicien habile et pragmatique qui cherche en tout temps le compromis, il se fait avant tout le défenseur fervent de l’unité nationale à un moment où le pays connaît de profondes transformations et que s’exacerbent les conflits entre différentes cultures. Il favorise aussi l’essor et la croissance du pays en encourageant l’immigration vers l’Ouest canadien, en appuyant la construction de chemins de fer transcontinentaux et en supervisant l’ajout de deux nouvelles provinces, l’Alberta et la Saskatchewan, à la Confédération.

Sir Wilfrid Laurier

Politicien habile et éloquent, une vraie légende de son vivant malgré les oppositions qu'ont soulevées ses politiques, Laurier a suscité les jugements les plus divers.
Avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada, C-001971


Éducation et débuts

Wilfrid Laurier étudie le droit à l’Université McGill. Pendant ses études, il développe des liens étroits avec les membres radicaux du Parti rouge, dont Toussaint-Antoine-Rodolphe Laflamme, l’un de ses professeurs. De 1864 à 1866, Wilfrid Laurier est nommé vice-président de l’Institut canadien, une société littéraire associée au mouvement rouge.

Après avoir obtenu son diplôme en droit en 1864, Wilfrid Laurier pratique brièvement à Montréal. En 1866, il quitte toutefois la métropole pour travailler à l’Avenir, puis à Arthabaska, au Québec, où il dirige le journal Le Défricheur. Comme beaucoup de libéraux du Canada-Est (aujourd’hui le Québec), il s’oppose au projet de la Confédération canadienne. En effet, il croit qu’elle accorderait trop de pouvoir au gouvernement fédéral et risquerait de réduire le poids démographique des Canadiens français.

En 1871, plusieurs membres de la puissante Église catholique du Québec, sous la direction de Mgr Ignace Bourget, récusent férocement le libéralisme et les Rouges. En réaction, Wilfrid Laurier devient député libéral de la circonscription de Drummond-Arthabaska à l’Assemblée nationale du Québec. À ses débuts, il se démarque par sa conviction libérale radicale, mais finit par devenir plus modéré. Il espère ainsi moins déplaire au clergé catholique.

Comme de nombreux autres libéraux, Wilfrid Laurier accepte la Confédération comme fait accompli et décide de travailler au sein du nouveau système. En 1874, il démissionne de son poste de député provincial et se présente comme candidat à la Chambre des communes du Canada. Il défendra ce mandat à Ottawa pendant quelque 45 ans.

Sir Wilfrid Laurier

Wilfrid Laurier, en tant que député, en 1874.
(avec la permission de William James Topley/Bibliothèque et Archives Canada/PA-026430)


Politique fédérale

En octobre 1877, peu de temps après avoir prononcé à Québec un vibrant plaidoyer en faveur du libéralisme politique, Wilfrid Laurier est nommé ministre du Revenu intérieur dans le Cabinet d’Alexander Mackenzie.Wilfrid Laurier est alors le libéral le plus en vue de sa province. Il est dès lors élevé au rang de chef de l’aile québécoise du Parti libéral fédéral. Cependant, les défaites de son parti aux élections générales de 1878 et de 1882 modèrent ses ambitions. Bien qu’il soit lui-même réélu dans Québec-Est, il se désintéresse quelque peu du débat politique.

En 1885, la pendaison de Louis Riel ranime son ardeur: il défend alors avec brio la cause du chef métis et la nécessité de l’union des Français et des Anglais au Canada. En 1887, Edward Blake est déçu de la récente défaite électorale. Malgré la résistance de quelques éminents libéraux, il choisit Wilfrid Laurier pour lui succéder à titre de chef du Parti libéral du Canada. Ceux qui s’opposaient à ce choix croyaient que Wilfrid Laurier était trop indolent et d’une santé trop fragile (souffrant pendant une grande partie de sa vie de bronchite chronique) pour être un chef efficace. Ils pensaient aussi que les Ontariens risquaient de l’associer à Louis Riel et que l’Église catholique au Québec le considérait toujours comme un radical.

Sir Wilfrid Laurier

Wilfrid Laurier, 1882.
(avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada / C-001965)


Chef du Parti libéral

À partir de 1887, Wilfrid Laurier s’engage dans la construction d’un Parti libéral vraiment national et dans la reconquête progressive du pouvoir. Ses efforts se partagent en deux étapes distinctes : la première, moins fructueuse, couvre les années 1887 à 1891 et se centre sur la politique de réciprocité commerciale illimitée avec les États-Unis. Émise en 1888, elle aboutit à un échec lors des élections générales de 1891. Wilfrid Laurier est en effet perçu comme continentaliste et antibritannique. Il se fait donc rabrouer par l’électorat canadien. Toutefois, pour la première fois depuis 1874, le Québec donne une majorité de sièges aux libéraux.

La deuxième étape, plus profitable, embrasse les années1891 à 1896. C’est l’époque où Wilfrid Laurier, malgré des débuts difficiles, construit un Parti libéral national fort. Le Parti conservateur, quant à lui, est terrassé par la mort de sir John A. Macdonald et se heurte à de multiples difficultés. En 1893, le chef libéral convoque à Ottawa un imposant congrès politique, pendant lequel le parti fixe un nouveau programme et les balises d’une véritable structure nationale.

Lors des élections de 1896, la question des droits scolaires de la minorité catholique manitobaine refait surface. En 1890, les libéraux manitobains mettent en place un système scolaire centralisé pour remplacer le système d’écoles séparées qui existait jusqu’alors. Cette initiative provoque des protestations parmi la minorité catholique. (Voir Question des écoles du Manitoba). Wilfrid Laurier refuse de prendre une position définitive, mais les Canadiens français sont d’avis qu’il sera plus en faveur des droits des minorités que les conservateurs. Le 23 juin 1896, les Canadiens le choisissent au détriment du candidat conservateur, Charles Tupper, pour diriger le pays à titre de premier ministre.

Premier ministre du Canada

Contrairement aux attentes de beaucoup de Canadiens français, Wilfrid Laurier ne se fait pas le champion des droits de la minorité catholique du Manitoba. Sa priorité comme premier ministre est surtout le développement du pays et l’unité nationale menacée. En 1896, il signe l’accord « Laurier-Greenway », qui décide du sort réservé aux droits scolaires de la minorité catholique du Manitoba. Cette dernière ne pourra ainsi plus retrouver le système d’écoles séparées dont elle jouissait avant 1890, bien qu’elle bénéficiera de certaines concessions, comme un enseignement religieux dans la dernière demi-heure de chaque journée de classe ou encore un enseignement en langues autres que l’anglais. (Voir aussi Histoire de l’éducation; Relations franco-anglophones; Francophones du Manitoba.)

Au nom de l’harmonie nationale et de la politique du « moindre mal », Wilfrid Laurier amorce ainsi ses politiques de compromis. (Voir Sir Wilfrid Laurier ou la politique du compromis.) Cette approche le gardera longtemps au pouvoir, mais qui ne redressera jamais complètement les torts causés à la minorité catholique.

Wilfrid Laurier adopte une approche semblable dans ses relations avec les Britanniques. Peu après son élection, il réorganise le système d’immigration avec Clifford Sifton. Avec William Fielding, il propose une politique tarifaire fondée sur la préférence impériale. En 1897, Wilfrid Laurier se rend à Londres pour participer à sa première conférence coloniale, au cours de laquelle il est fait chevalier.


1186929 © Gary Blakeley | Dreamstime.com | 1186929 © Gary Blakeley | Dreamstime.com


Guidé par son désir d’indépendance pour le Canada, Wilfrid Laurier résiste à toute tentative de fédération, qu’elle soit politique, économique ou militaire, proposée par l’Angleterre. (Voir aussi Commonwealth.) En 1899, il accepte néanmoins que le gouvernement contribue aux dépenses d’équipement et de transport des Canadiens désireux de combattre aux côtés de l’Angleterre pendant la guerre des Boers. Cette conciliation est critiquée par plusieurs Canadiens français qui s’opposent farouchement à toute participation à cette guerre. Aux élections générales, toutefois, Wilfrid Laurier et les libéraux sont facilement reportés au pouvoir. Le Québec leur accorde même 57 de ses 65 sièges. La notoriété de Wilfrid Laurier au Québec joue un rôle clé dans cette victoire.

Après sa victoire aux urnes, Wilfrid Laurier dirige le pays avec dynamisme. Au Cabinet, il décide des orientations, n’hésitant pas à écarter les trouble-fêtes, comme le puissant Joseph-Israël Tarte, forcé de démissionner en 1902. Cette année-là, Wilfrid Laurier se fait aussi remarquer à l’étranger. À la conférence coloniale de Londres, il s’oppose à nouveau à tout projet d’unification de l’Empire. Mais c’est en 1903, peu de temps après l’échec des discussions avec les États-Unis sur les frontières de l’Alaska, qu’il fait connaître la politique la plus importante de son deuxième mandat : la construction par le gouvernement d’un deuxième chemin de fer transcontinental.

Sir Wilfrid Laurier

Sir Wilfrid Laurier.
(avec la permission de BibliothЏque et Archives Canada / C-015568)


Le chemin de fer transcontinental

La Grand Trunk Pacific Railway Company doit construire la section du chemin de fer à l’ouest de Winnipeg. Le gouvernement fédéral, lui, doit prendre en charge la ligne ferroviaire (appelée Chemin de fer National Transcontinental) allant de Moncton et Québec jusqu’à Winnipeg. Or, Wilfrid Laurier est tellement optimiste quant au progrès de la nation qu’il permet à la Canadian Northern Railway de bâtir un troisième chemin de fer transcontinental. En acceptant que l’on multiplie les voies ferrées, aux frais du gouvernement, le premier ministre hypothèque l’avenir d’un lourd fardeau financier. Au faîte de son prestige, Wilfrid Laurier ne laisse rien entraver ses ambitions. La population le réélit à la tête du pays par une confortable majorité, le 3 novembre 1904.

Création de l’Alberta et de la Saskatchewan

En 1905, Wilfrid Laurier ajoute avec succès deux nouvelles provinces au Dominion du Canada, l’Alberta et la Saskatchewan. La création de ces deux provinces signifiait toutefois qu’une décision devait être prise en ce qui concernait le problème des droits scolaires dévolus à la minorité catholique. Encore une fois, il cède aux pressions des anglophones et des protestants. En se repliant sur le statu quo d’un système scolaire uniforme, il prive la minorité de ses écoles séparées. S’évanouit ainsi la dernière chance d’établir un véritable dualisme culturel sur l’ensemble du territoire canadien.

Offusqués par cette situation, les nationalistes canadiens-français critiquent amèrement Laurier, dont le prestige s’estompe quelque peu au Québec. Ce sera le début du déclin progressif du gouvernement Laurier. Au cours des années suivantes, Wilfrid Laurier cherche principalement à contrer les accusations de corruption et de patronage portées contre son administration et à reconstruire son Cabinet.

Lors des élections générales de 1908, les Canadiens lui confient quand même une fois de plus leur destinée. Le Parti libéral reste fort au Québec, en dépit d’une majorité réduite. Après 1908, Wilfrid Laurier porte son attention sur deux projets de loi qui ont fini par lui feront perdre le pouvoir.

Sir Wilfrid Laurier

Sir Wilfrid Laurier en campagne électorale.
Bibliothèque et Archives Canada / C-005599


Défaite électorale et politiques controversées

En 1910, la Loi du Service naval met en place une marine de guerre composée de cinq croiseurs et de six contre-torpilleurs. Cette flotte est destinée à combattre n’importe où aux côtés de la Grande-Bretagne. Aux yeux des impérialistes canadiens-anglais, cette marine est insuffisante, tandis qu’elle est excessive selon les nationalistes canadiens-français dirigés par Henri Bourassa. La mesure pourtant modérée coûtera à Wilfrid Laurier de précieux appuis, surtout au Québec.

Le deuxième projet de loi touche à la réciprocité commerciale avec les États-Unis, ce vieux rêve libéral datant de 1891. Présenté à la Chambre des communes au début de 1911, il aurait permis le libre-échange de la plupart des ressources naturelles, mais seulement de quelques produits manufacturiers. Intéressantes en soi, les propositions soulèvent l’ire de plusieurs industriels canadiens. Elles fournissent également une faiblesse au Parti conservateur, dirigé par R.L. Borden, dont les conservateurs tirent avantage. Ces derniers accusent notamment les libéraux de manquer de loyauté envers l’Angleterre et de conduire le pays vers l’annexion politique. Pour régler la question, Wilfrid Laurier déclenche des élections générales. Le 21 septembre 1911, il subit une âpre défaite.

Sir Wilfrid Laurier

Laurier a mené avec succès des campagnes pour devenir premier ministre en 1896, en 1900, en 1904 et en 1908.
(avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada/C-5598)


Chef de l’Opposition

Wilfrid Laurier s’avère un chef de l’Opposition énergique et vigilant. Même s’il n’a pas su adapter son libéralisme comme l’auraient souhaité des libéraux progressistes, il garde son parti uni, du moins jusqu’en 1916. Il attaque aussi sans relâche les actions du gouvernement Borden qui ne parvient pas à circonscrire des problèmes comme la hausse du coût de la vie. (Voir Niveau de vie.) Il réussit tant bien que mal à reconstruire le Parti libéral. Avant 1914, il combat surtout la contribution monétaire d’urgence de 35 millions de dollars allouée à la Grande-Bretagne pour l’aider à renforcer sa marine de guerre. Il s’oppose aussi à l’assistance financière accordée à la Canadian Northern Railway Company. En 1916, il défend les droits des Franco-Ontariens à l’instruction bilingue dans les écoles, ce qui aura pour effet d’accroître sa popularité auprès des Canadiens français.

Par conviction, il appuie vigoureusement la participation canadienne à la Première Guerre mondiale. Il encourage ardemment l’enrôlement volontaire et offre une trêve politique. En 1915-1916, à l’âge de 75 ans, il tient même plusieurs assemblées de recrutement. En 1917, lors de la crise nationale provoquée par le projet de conscription militaire. Wilfrid Laurier s’en remet à nouveau au compromis. Pour sauver l’unité canadienne menacée, il refuse la conscription, si décriée au Québec, et propose la tenue d’un référendum tout en poursuivant l’enrôlement volontaire. Cette fois, la majorité canadienne-anglaise, n’appuie pas cette proposition et l’amendement est rejeté dans l’amertume quasi générale.

Rejeté par les Canadiens anglais, mais adulé par les Canadiens-français, Wilfrid Laurier devient le symbole de la division du pays. Même son parti est affecté, quand sept éminents libéraux anglophones intègrent les rangs du Gouvernement d’Union auquel lui refuse de participer. Lors des élections générales de décembre 1917, il subit une cuisante défaite derrière le Parti unioniste de Borden. En effet, les votes se partagent distinctement selon des lignes culturelles.

Après la déclaration de l’armistice le 11 novembre 1918 mettant fin à la Première Guerre mondiale, Wilfrid Laurier amorce courageusement la restructuration de son parti et la difficile reconstruction de l’unité nationale. Il meurt toutefois le 17 février 1919.

Contribution

Sous le règne de Wilfrid Laurier, le Canada a continué son industrialisation et son urbanisation tout en s’enrichissant de deux nouvelles provinces et de deux millions de nouveaux habitants. Politicien habile et éloquent, vraie légende de son vivant, Laurier a suscité les jugements les plus divers. Pour les uns, il est le successeur spirituel de sir John A. Macdonald, car il a su poursuivre et consolider la Confédération. Pour d’autres, il aurait trop souvent, au nom de l’unité nationale et de nécessaires compromis, sacrifié les intérêts des Canadiens français catholiques au profit de la majorité. Pour d’aucuns, il aurait trop souvent gouverné le pays et son parti en fonction du Québec. Chacune de ces opinions s’appuie sur les actions de Laurier à Ottawa, bien que la dernière soit la plus contestable.

Voir aussi : Le siècle du Canada: l’audacieuse prédiction de sir Wilfrid Laurier; Lieu historique national de la Maison Wilfrid-Laurier; Collection: sir Wilfrid Laurier; Chronologie: sir Wilfrid Laurier; Guide pédagogique: sir Wilfrid Laurier; Chronologie: Élections et premiers ministres fédéraux.

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