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Théâtre pour jeunes

En 1953, Joy Coghill et Myra Benson fondent le Holiday Theatre, faisant de Vancouver la première ville canadienne à bénéficier d'un théâtre pour enfants. Le Theatre Hour de Toronto et les Jeunes Comédiens de Montréal font également partie des premières compagnies du genre.

Théâtre pour jeunes

 Phénomène du XXe siècle, le théâtre pour jeunes se veut le reflet de la conception relativement récente selon laquelle l'enfance constitue une époque distincte et protégée de la vie avec des préoccupations et des besoins particuliers. À Moscou, peu avant la révolution de 1917, Natalie Sats, comédienne russe énergique et précoce, fonde le premier théâtre pour jeunes présenté par des comédiens professionnels adultes. Pendant l'entre-deux-guerres, des troupes semblables voient le jour en Angleterre, aux États-Unis, en France et en Tchécoslovaquie.

En 1953, Joy Coghill et Myra Benson fondent le Holiday Theatre, faisant de Vancouver la première ville canadienne à bénéficier d'un théâtre pour enfants. Le Theatre Hour de Toronto et les Jeunes Comédiens de Montréal font également partie des premières compagnies du genre. Au début, leur répertoire se compose surtout de pièces écrites aux États-Unis, en Angleterre et en France. Le Holiday Theatre présente un grand nombre d'adaptations américaines de contes de fées, et le Theatre Hour et les Jeunes Comédiens, des œuvres classiques anglaises et françaises pour leurs spectateurs des écoles secondaires. Avec le temps, ces compagnies commandent des œuvres canadiennes.

Deux compagnies fondées dans les années 60 finissent par encourager les écrivains canadiens, mais toutes deux commencent par mettre en scène des œuvres étrangères. Fondée en 1964, la Nouvelle Compagnie théâtrale de Montréal présente des œuvres classiques pour adolescents et à partir de 1968, elle ajoute à son répertoire des œuvres québécoises récentes ainsi que les œuvres gagnantes d'un concours d'œuvres dramatiques organisé annuellement. Vers la fin des années 60, le GLOBE THEATRE de Regina fait une tournée des écoles de la Saskatchewan et présente les œuvres de l'auteur britannique Brian Way. Sa technique fondée sur la participation du public - demander aux spectateurs d'imaginer une intrigue et d'aider le héros en faisant des bruits et en suggérant idées et objets imaginaires - devient vite populaire et influente. Parmi les dramaturges canadiens auteurs de pièces demandant la participation du public qui ont connu le succès, citons Paddy Campbell, Len Petersen et Rex DEVERELL. En 1975, Deverell est le premier auteur dramatique résidant à écrire des pièces pour enfants au Canada.

Dans les années 70, quand Simon et Pierre, Talonbooks et la Playwrights Co-op (devenue Playwrights Canada Press) commencent à publier de nouveaux textes pour les jeunes, les écrivains peuvent s'attendre à voir leurs œuvres jouées plusieurs fois. Bon nombre de troupes pour jeunes conçoivent leur propre matériel ou comptent dans leurs rangs un metteur en scène ou un acteur qui fait office de dramaturge, et la plupart des œuvres ne sont interprétées qu'une seule saison. Certaines sont pourtant publiées, et quelques-unes, présentées devant de nombreux auditoires. C'est le cas de New Canadian Kid de Dennis Foon, pièce qui met en scène des enfants immigrants et dans laquelle les Canadiens parlent en charabia tandis que seul le nouvel arrivant parle anglais.

Dans les années 70 et 80, le nombre de troupes spécialisées dans le théâtre pour jeunes passe de 20 à 70, et comprend entre autres : Mermaid Theatre en Nouvelle-Écosse; Theatre New Brunswick's Young Company; Theatre Five, Carousel Players, Hexagone and l'Hexagone, Jabberwock and Sons Full Theatre Company, Theatre Direct Canada et The Great Canadian Theatre Company en Ontario; Théâtre des Pissenlits, Marmaille, Théâtre Soleil, Cannerie, Bebelle, Théâtre de Carton, Théâtre de L'Œil, Grosse Valise, Théâtre des Confettis, Amis de chiffon, et Youtheatre au Québec; Persephone Youth Theatre en Saskatchewan; Manitoba Theatre Workshop et Manitoba Theatre for Young People au Manitoba; Citadel-On-Wheels et le Stage Coach Players du Theatre Calgary, Trickster et le Quest Theatre de Calgary en Alberta; enfin, Green Thumb, Axis Mime, Carousel Theatre et Kaleidoscipe en Colombie-Britannique.

En 1977, le Young People's Theatre de Toronto (maintenant le Lorraine Kimsa Theatre for Young People) devient le premier théâtre canadien à posséder son propre édifice consacré uniquement au divertissement des jeunes spectateurs. L'Alberta Theatre Projects, fondé en 1972 « pour présenter aux écoliers une image vivante de l'histoire », transporte son public dans un théâtre exceptionnel, l'historique Canmore Opera House située dans le parc Heritage à Calgary. En déménageant au Calgary Centre for Performing Arts (maintenant le EPCOR CENTRE FOR THE PERFORMING ARTS), la compagnie décide de consacrer son énergie à sa saison pour adultes. Au même moment, Theatre Calgary abandonne sa succursale chargée des tournées dans les écoles, Stage-Coach Players. Une nouvelle compagnie, Quest Theatre, prend la relève pour combler le besoin en matière de théâtre pour jeunes.

Au cours des années 80, plusieurs grandes compagnies régionales délaissent le théâtre pour jeunes. Bien qu'à l'origine, celles-ci se soient données pour mandat de travailler pour les jeunes, le manque de ressources et le changement de personnel les amènent à mettre l'accent sur des œuvres pour adultes, davantage en mesure d'assurer leur prestige. Même si ce virage modifie la nature du « théâtre pour tous les âges » des compagnies régionales, il favorise, en particulier dans l'Ouest, l'apparition de nouvelles troupes et de nouvelles approches. À Vancouver, la décision du Playhouse de mettre fin à ses tournées dans les écoles est à l'origine de la fondation du Green Thumb Theatre. À Edmonton, la fermeture du Citadel-On-Wheels conduit à la formation du Chinook Theatre et au lancement de la « Family Series » (série familiale), un programme populaire de pièces présentées au MacLab Theatre et auxquelles on peut s'abonner.

Phénomène typiquement canadien, les festivals pour enfants, qui se déroulent pendant plusieurs jours, se sont développés partout au pays. Bien que le théâtre ne soit que l'une des nombreuses disciplines présentées, les compagnies canadiennes y sont présentes et mises en évidence. Des événements organisés annuellement à Vancouver, Calgary, Toronto, Winnipeg et Montréal engendrent des manifestations semblables dans des villes plus petites comme Saskatoon, Thunder Bay, Regina et Prince George.

La plupart des compagnies considèrent les tournées scolaires comme une partie essentielle de leur mandat et présentent des pièces à un nombre important de jeunes Canadiens. L'économie de moyens imposée par les tournées conduit parfois à des solutions ingénieuses aux diverses contraintes, notamment le nombre restreint de comédiens, la durée des séances limitées à 45 minutes et les ressources techniques rudimentaires. Les pièces qui restent longtemps au programme permettent aux acteurs néophytes de développer leurs talents créateurs et de soutenir ainsi le jeu durant des dizaines, voire des centaines de représentations consécutives. Le lien étroit avec les écoles présente également des problèmes : le contenu éducatif leur est suggéré, sinon dicté, et elles doivent effectuer la recherche et rédiger des guides pédagogiques détaillés en comptant sur de maigres ressources. Ce sont souvent les questions de financement qui frappent les compagnies de théâtre en premier. Les artistes se sentent isolés et souffrent de l'absence de réaction des médias et de leurs collègues. Présenter une pièce d'un acte en tournée pendant des mois, à raison de deux représentations par jour dans des gymnases d'école est franchement épuisant.

À la suite des compressions dans le système d'éducation, les troupes spécialisées dans les tournées scolaires ont été amenées à élaborer des programmes d'ateliers complets. Les beaux-arts étant souvent la première cible des ponctions au budget, les écoles remplacent les programmes d'un an par des sessions d'une semaine et invitent les théâtres pour jeunes à offrir de la formation plutôt que des pièces. Il reste à voir quel sera l'effet de cette pratique sur la production des textes et l'éducation des spectateurs.

Depuis 1980, les préoccupations modernes côtoient l'archétype, l'histoire et la légende dans le répertoire. On aborde ainsi des thèmes comme la prévention de l'agression sexuelle, les questions relatives à l'immigration et à l'analphabétisme, la pression des camarades et la violence dans la cour d'école. Le Green Thumb Theatre de Vancouver et le Manitoba Theatre for Young People de Winnipeg sont à l'avant-scène de l'une des tendances des années 90, la programmation pour adolescents effectuée sur place. Les pièces pour enfants, ou élaborées par ces derniers, apportent quelquefois une influence novatrice au théâtre canadien. Par exemple, James REANEY, poète, dramaturge et professeur, organise souvent des ateliers de théâtre avec les enfants parce que l'énergie, la grâce et l'ouverture d'esprit qu'ils manifestent envers les mythes et les métaphores l'aident à créer son œuvre. Par ailleurs, étant donné qu'un grand nombre de professionnels débutent dans le théâtre pour jeunes, ils apportent souvent des solutions nouvelles à des problèmes anciens. De surcroît, la collaboration entre auteurs, metteurs en scène et scénographes produit des résultats frappants et remarquables.

L'improvisation, l'art du mime et du masque, la création collective et les marionnettes enrichissent notre vocabulaire théâtral et font reculer les frontières du style. Un style canadien particulier s'est développé au niveau de l'écriture et de la production, et un théâtre qui s'adresse directement aux rêves des jeunes Canadiens par le truchement d'une innovation théâtrale a vu le jour.

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