Peine capitale au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Peine capitale au Canada

Dans le Canada d’avant la Confédération, des centaines d’infractions pénales sont passibles de la peine de mort. En 1865, seuls le meurtre, la trahison et le viol sont encore considérés comme des crimes capitaux. En 1962, Ronald Turpin et Arthur Lucas sont les derniers de 710 prisonniers à être exécutés au Canada depuis 1859. Après 1976, la peine de mort n’est plus autorisée que pour les membres des forces armées reconnus coupables de lâcheté, de désertion, de reddition illégale ou d’espionnage pour l’ennemi. Le gouvernement fédéral a aboli les exécutions par l’État en 1998.

Justice

La statue de la justice, drapée de noir, debout devant la Cour suprême du Canada à Ottawa.
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Peine de mort aux débuts du Canada

L’une des premières exécutions rapportées au Canada a lieu en 1749, dans la nouvellement fondée ville de Halifax. Peter Cartcel, un matelot, est accusé d’avoir tué un homme. Il est jugé par un tribunal composé du gouverneur de Halifax et de six conseillers. Il est rapidement reconnu coupable et pendu deux jours plus tard.

Avant 1859, le Canada (alors l’Amérique du Nord britannique) était gouverné par les lois britanniques. Quelque 230 délits, y compris le vol de navets et le fait d’être trouvé déguisé dans une forêt, sont punissables de la peine de mort. Dès 1865, seuls le meurtre, la trahison et le viol sont des crimes punissables de la peine de mort.

Abolition progressive de la peine de mort

La campagne pour limiter ou abolir la peine capitale commence en 1914. Le député fédéral Robert Bickerdike présente en effet un projet de loi d’initiative parlementaire qui en demande l’abolition. La loi demeure toutefois inchangée, malgré les nombreuses propositions au Parlement.

En 1962, Ronald Turpin et Arthur Lucas sont les derniers de 710 détenus à subir la pendaison au Canada depuis 1859, année où la peine de mort y entre en vigueur.

En 1967, un projet de loi du gouvernement visant à punir d’emprisonnement à perpétuité obligatoire tous les cas de meurtre, sauf ceux où la victime est un policier en devoir ou un gardien de prison, est adopté par 105 voix contre 70 pour une période d’essai de 5 ans. Lors d’un vote à la Chambre des communes en 1973, cette loi est maintenue par une majorité de 13 voix.

En 1976, la Chambre des communes abolit la peine de mort par une majorité de six voix. La lâcheté, la désertion, la capitulation illégale et l’espionnage pour l’ennemi demeurent toutefois passibles de peine de mort pour les membres des Forces armées en vertu de la Loi sur la défense nationale.

En 1998, le Canada abolit la peine de mort pour les membres des Forces armées. Il devient ainsi un pays complètement abolitionniste en ce qui concerne les exécutions par l’État.

La Chambre des communes

(photo de Roy Grogan, avec la permission du Bibliothèque du Parlement, Gouvernement du Canada)


Débat public pour rétablir la peine de mort

Le rétablissement de la peine capitale a fait l’objet d’un vigoureux débat public. Ceux en sa faveur font valoir, entre autres raisons, que la peine capitale est un moyen de dissuasion efficace contre l’homicide. Toutefois, la plupart des études menées dans les sociétés occidentales concluent que les taux de meurtre demeurent stables ou à la baisse à la suite du recours décroissant à la peine de mort, et que ni l’abolition ni le rétablissement de celle-ci n’ont une importance importante sur les taux d’homicide.

Dans un vote historique à la Chambre des communes, tenu le 30 juin 1987, les députés rejettent par 148 voix contre 127 le rétablissement de la peine de mort. Cela détruit du même coup toute tentative de la rétablir dans un avenir prochain. En 2012, un sondage d’opinion publique rapporte que 63 % des Canadiens appuient le rétablissement de la peine de mort dans les cas de meurtre, tandis que 30 % s’y opposent. Le soutien le plus élevé se trouve au Manitoba et en Saskatchewan, soit 75 %, et le taux le plus faible se situe au Québec (36 %). En 2020, une enquête nationale démontre que le soutien entourant le rétablissement de la peine de mort a chuté à 51 %.

Jusqu’à maintenant en 2020, aucun parti politique canadien ne prône le rétablissement de la peine capitale.

Clause de la dernière chance

Un autre débat récent a porté sur une disposition législative liée avec l’abolition de la peine de mort. Il s’agit de l’article 745 du Code criminel: la clause de la dernière chance. Cet article s’applique aux criminels condamnés à l’emprisonnement à perpétuité sans admissibilité à la libération conditionnelle avant 15 ans ou plus, aux criminels condamnés pour haute trahison ou homicide volontaire non admissibles à la libération conditionnelle pendant 25 ans et aux criminels condamnés pour homicide involontaire dont la libération conditionnelle devient possible après 10 à 25 années.

En vertu de cette clause de la dernière chance, un détenu qui a purgé 15 ans de sa peine d’emprisonnement peut demander au juge en chef de la province où il a été condamné la réduction de la période de son admissibilité à la libération conditionnelle. Le juge en chef nomme un juge de la Cour supérieure responsable de former un jury de 12 individus pour entendre et juger de la demande. (Voir aussi Cours de justice au Canada.)

Le jury doit tenir compte du caractère du détenu, de sa conduite en prison, de la nature de son crime et de toute autre question que le juge estime pertinente, ainsi que des renseignements apportés par les personnes touchées par le crime, comme les membres de la famille de la victime. Le jury peut réduire ou mettre fin à la période d’admissibilité à la libération conditionnelle du détenu par une majorité des deux tiers des votes ou rejeter la demande. Le détenu peut en appeler de la décision du jury directement à la Cour suprême du Canada.

Barreaux de prison

Vue à travers l'étage supérieur d'un bloc cellulaire.
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Restriction et abrogation

Le but de l’article 745 était de fournir aux condamnés à perpétuité la possibilité de bénéficier d’une libération anticipée, de leur fournir une bonne raison de bien se comporter en prison et de permettre de réduire leur sentence grâce à des changements de circonstances.

Malgré ces justifications humanitaires et institutionnelles, la possibilité que certains tueurs en série tels que Cliford Olson ou Paul Bernardo deviennent admissibles à la libération conditionnelle après 15 ans d’emprisonnement a donné lieu à une demande publique pour l’abrogation de l’article 745.

En 1996, le gouvernement libéral du premier ministre Jean Chrétien apporte des modifications à la clause. Les tueurs en série n’ont plus le droit de soumettre une demande. Les prisonniers sont tenus de convaincre un juge que leur demande comporte une chance raisonnable de succès. Après l’audition, le jury doit arriver à une unanimité avant que la période d’admissibilité à une libération conditionnelle soit réduite.

En 2011, le gouvernementconservateurdu premier ministreStephen Harper, adopte des mesures strictes en regard à la criminalité. Il abroge la clause de la dernière chance au complet. L’amendement signifie que seuls les prisonniers purgeant des peines à perpétuité pour meurtre ou haute trahison commis avant décembre 2011 peuvent encore demander une libération conditionnelle après 15 ans de détention.

Depuis 2011, les détenus condamnés à de telles sentences doivent purger au moins 25 ans de leur peine de prison avant de soumettre une demande de libération conditionnelle. Dans certains cas, les meurtriers peuvent aussi être condamnés à des peines plus longues. En 2012, Travis Baumgartner tue trois personnes lors d’un vol d’un fourgon armé enAlberta. Il est condamné à purger une peine d’emprisonnement d’au moins 40 ans avant de pouvoir soumettre une demande de libération conditionnelle.

Voir aussi Affaire Kindler; Probation et libération conditionnelle; Droit criminel; Code criminel.