L’histoire du cinéma canadien en 10 étapes faciles | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

L’histoire du cinéma canadien en 10 étapes faciles

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L’histoire du cinéma canadien est jalonnée de brillants succès, assez inattendus, obtenus, contre toute attente, dans des conditions plutôt défavorables. Depuis l’origine, l’industrie du film tente de s’épanouir au Canada dans l’ombre culturelle et économique d’Hollywood, ce qui rend l’accès aux capitaux pour la production, au marché pour la distribution et aux salles pour la diffusion plus que délicat.

Malgré ce contexte difficile, le cinéma canadien a développé une identité dynamique, particulière et plurielle. En outre, les cinéastes canadiens sont parvenus à jouer un rôle dans le concert cinématographique international allant bien au‑delà du poids réel de l’industrie canadienne du film. Le Québec, en particulier, s’est doté d’un secteur cinématographique national particulièrement puissant, plusieurs de ses réalisateurs s’étant taillé une place de choix à Hollywood.

Voici quelques‑unes des réussites les plus marquantes du cinéma canadien, sans oublier quelques‑uns des obstacles rencontrés qui, ensemble, ont contribué à forger les contours et la légende d’une industrie qui se caractérise par des coups d’éclat et des succès inespérés.

Années pionnières

28 juin 1896 – La première projection publique d’un film au Canada a lieu au Palace Theatre, au 78, boul. Saint-Laurent à Montréal; deux techniciens présentent alors le cinématographe des frères Lumière.

1897 – Un fermier manitobain, James Freer, tourne les premiers films réalisés au Canada. En 1898, il effectue une tournée en Angleterre pour projeter ses « films du pays natal » montrant la vie dans les Prairies. Le succès est tel que le gouvernement fédéral finance une deuxième tournée en 1902.

1903 — Léo-Ernest Ouimet établit le premier système de distribution de films au Canada (à Montréal). Il ouvre le premier cinéma de Montréal en 1906, puis, l’année suivante, le plus grand théâtre de luxe en Amérique du Nord.

1903 – Hiawatha, The Messiah of the Ojibway, première fiction cinématographique réalisée au Canada, d’une durée de 15 minutes, est produit par la Canadian Bioscope Company afin d’encourager l’immigration britannique au pays. Bioscope produit également, en 1913, le premier long métrage canadien, Evangeline, s’inspirant du poème éponyme de Henry Longfellow sur l’expulsion des Acadiens. Le film remporte un grand succès commercial et critique.

Le monopole américain

1918 – Le Canadian Government Motion Picture Bureau devient la première unité de production cinématographique nationale au monde. Cependant, il ne tentera pas de propulser l’industrie cinématographique nationale. Le premier directeur de l’organisme déclare d’ailleurs que le Canada « n’a pas plus besoin d’un studio de tournage de grande envergure qu’Hollywood a besoin d’une usine de pâtes et papiers ».

1919 – Back to God’s Country, produit par Ernest Shipman avec en vedette sa femme, Nell Shipman, remporte un succès international et dégage un bénéfice de 300 %.

1922 – L’Association canadienne des distributeurs de films (CMPDA), filiale des studios de Hollywood, est formée. Elle lance un nouveau mode de calcul des revenus générés par les films américains aux États-Unis en y intégrant les recettes obtenues dans les salles canadiennes. En 1923, Famous Players, propriété de Paramount Pictures, achète les 53 cinémas canadiens Allen Theatres, prenant ainsi le contrôle du marché canadien de la projection.

1923 – L’Ontario Motion Picture Bureau fait l’acquisition de Trenton Studios afin de produire des films « visant à préserver les traditions canadiennes ». Dans un discours d’ouverture, le trésorier provincial note que « moins d’un pour cent de l’ensemble des films présentés au Canada [...] sont réalisés au Canada ».

Des « quota quickies » à la coopération

John Grierson (à droite) examine les affiches de films de l’ONF

1927-1937 – Après que le Royaume-Uni stipule que 15 % des films projetés en Grande-Bretagne doivent avoir été produits dans un pays du Commonwealth, 22 longs métrages à budget réduit – appelés « quota quickies » – sont produits au Canada par des entreprises locales financées par des intérêts américains.

Années 1930 – Les curés Albert Tessier et Maurice Proulx réalisent des films ethnographiques sur le Québec rural, productions considérées comme les premiers documentaires au pays.

1939 — L’Office national du film (ONF) est créé, et John Grierson, l’inventeur du terme « documentaire » en 1926, en devient le premier commissaire.

1947 – Subissant certaines pressions quant à l’imposition de quotas ou de droits de douane sur la diffusion des films hollywoodiens au Canada, le gouvernement fédéral demande au CMPDA d’investir une partie de ses recettes réalisées au pays dans des installations de production locales. Au lieu de cela, la Motion Picture Association of America (MPAA) propose la création du Canadian Cooperation Project. Les studios d’Hollywood acceptent de tourner certains films au Canada, d’inclure des références sur le Canada dans leurs films afin de favoriser le tourisme et d’encourager la distribution et la projection de films de l’ONF aux États-Unis, en échange du maintien du statu quo quant au monopole exercé par Hollywood sur la projection des films au Canada.

Exode et excellence

1953 – Le réalisateur de films d’animation de l’ONF Norman McLaren, cinéaste canadien ayant remporté le plus grand nombre de récompenses, décroche un Oscar pour son court métrage Neighbours de 1952.

Fin des années 1950 — Sidney Furie, un jeune rédacteur de la CBC, dirige deux films à petit budget, A Dangerous Age en 1957 et A Cool Sound from Hell en 1959, qui attirent l’attention de la critique internationale tout en étant complètement ignorés au Canada. Sydney Furie décide d’émigrer en Grande-Bretagne, où il déclarera aux journalistes : « Je souhaitais lancer une industrie cinématographique au Canada, mais tout le monde s’en fiche! » Pendant cette période, des réalisateurs tels que Norman Jewison, Arthur Hiller et Ted Kotcheff décident également de quitter le Canada pour poursuivre leur carrière ailleurs.

Fin des années 1950 et début des années 1960 – Enhardis par la création d’une unité de production francophone à l’ONF, des cinéastes tels que Pierre Perrault, Gilles Carle, Claude Jutra, Michel Brault, Gilles Groulx et Denys Arcand produisent des œuvres d’une extrême importance pour la Révolution tranquille et la montée en puissance du cinéma direct.

Norman McLaren's Oscar-winning short Neighbours (1952)

Le Canada se fait connaître

Début des années 1960 – À tout prendre de Claude Jutra en 1963,Le Chat dans le sac de Gilles Groulx en 1964 et La Vie heureuse de Léopold Z. de Gilles Carle en 1965 sont présentés comme étant véritablement les premiers longs métrages de fiction à dépeindre le vécu quotidien des Québécois.

1963 – Le cinéaste indépendant Budge Crawley produit Amanita Pestilens, le premier film canadien en couleur et aussi le premier film à être tourné en anglais et en français. Le film met en vedette, pour la toute première fois, l’actrice Geneviève Bujold. Il ne sera jamais présenté dans les salles de cinéma.

1964 – Nobody Waved Good-bye marque une première étape importante pour l’industrie encore balbutiante du long métrage de fiction anglophone au Canada. Embauché par l’ONF pour réaliser un court métrage documentaire sur les jeunes délinquants, Don Owen donne de l’ampleur au projet pour en faire une œuvre dramatique longue durée traitant de la rébellion à l’adolescence. Le film reçoit les éloges des critiques américains.

1967 – Wavelength de Michael Snow est présenté en primeur et devient rapidement l’une des œuvres les plus importantes et les plus influentes de l’histoire du cinéma expérimental. En 2001, le Village Voice le classera au 85e rang sur sa liste des 100 meilleurs films du XXe siècle.

CBC TV, 1965: "The Struggle for Domestic Distribution of Canadian Film"

Financement

1967 – Le gouvernement fédéral crée la Société de développement de l’industrie cinématographique canadienne (SDICC) dont l’objectif consiste à apporter un financement public à la production de longs métrages canadiens de fiction. L’organisme est renommé Téléfilm Canada en 1984, lorsque son mandat est élargi pour inclure la production de films pour la télévision.

1970 – Le film référence de Don Shebib, Goin’ Down the Road, remporte un succès artistique et commercial aussi bien au Canada qu’à l’étranger.

1971 – Mon oncle Antoine de Claude Jutra, réalisé d’après un scénario autobiographique de Clément Perron, remporte plus de 20 prix internationaux et 8 récompenses du Palmarès du film canadien. Pendant des décennies, il trônera en tête de la liste des dix meilleurs films canadiens de tous les temps.

1974 – Le gouvernement fédéral permet aux investisseurs de déduire 100 % de leur investissement dans des longs métrages canadiens de leurs revenus imposables. Cette mesure entraîne une augmentation considérable de la production canadienne et marque le début de l’ère des abris fiscaux. De 3 longs métrages canadiens produits en 1974, on passe à 77 en 1979. Cependant, la plupart de ces films ne sont jamais distribués.

Les films canadiens à l’écran

1971 – IMAX Corporation ouvre le premier cinéma permanent IMAX à l’Ontario Place.

1971-1975 – On appuie de plus en plus fortement l’idée des quotas minimaux de présentation de films canadiens. Mais au lieu de cela, en 1975, Famous Players et Odeon Theatres proposent de consacrer quatre semaines par année par salle de cinéma aux films canadiens, en plus d’investir un minimum de 1,7 million de dollars dans leur production. Cette promesse n’est remplie qu’à moitié, jusqu’à ce qu’elle s’évapore complètement au bout de deux ans.

1975 – Le magazine Saturday Night publie une critique acerbe du film Shivers de David Cronenberg. On peut y lire ceci : « Si l’utilisation de fonds publics pour produire des films comme celui-ci est la seule façon qu’a le Canada anglophone de se doter d’une industrie cinématographique, alors peut-être vaudrait-il mieux qu’une telle industrie n’existe pas. » Un débat houleux fait rage à la Chambre des communes sur l’utilisation de l’argent des contribuables pour financer les œuvres cinématographiques.

1979 – À Toronto, Nat Taylor et Gerth Drabinsky ouvre le plus grand cinéma multiplex au monde, avec 18 écrans.

1987-1988 – Un projet de loi présenté par le gouvernement Mulroney, lequel prévoyait une distribution restreinte des films américains au Canada, est abandonné devant l’opposition farouche de la MPAA.

Heritage Minutes: Nat Taylor

Une industrie en plein essor

Du milieu des années 1980 au milieu des années 1990 – L’Ontario Film Development Corporationsoutient des réalisateurs comme Atom Egoyan, Bruce McDonald, Peter Mettler, Ron Mann, Patricia Rozema, John Greyson, Jeremy Podeswa et Don McKellar, donnant ainsi naissance à ce que l’on appellera la Nouvelle Vague torontoise.

1987 – Le premier long métrage de Patricia Rozema, I’ve Heard the Mermaids Singing, remporte un prix important au Festival de Cannes. Il deviendra l’un des films canadiens les plus rentables jamais réalisés, engrangeant plus de six millions de dollars de recettes dans le monde entier.

1986 et 1989 – Denys Arcand donne un regain de vitalité à l’industrie cinématographique québécoise en recevant une nomination aux Oscars pour ses films Le décline de l’empire américain (1986) et Jésus de Montréal (1989).

1987 et 1992 – Jean-Claude Lauzon prend d’assaut l’industrie cinématographique canadienne avec deux longs métrages salués par la critique : Un zoo la nuit (1987) et Léolo (1992). Lauzon décède tragiquement en 1997.

1997 – The Sweet Hereafter d’Atom Egoyan remporte trois récompenses majeures à Cannes et est mis en nomination pour la meilleure adaptation cinématographique et le meilleur réalisateur; c’est là une première pour un réalisateur canadien.

Public recherché

2000 – Alors que les films canadiens comptent pour environ 2 % des recettes générées au pays, la nouvelle politique du gouvernement fédéral sur les longs métrages se fixe comme objectif de retenir 5 % des recettes générées au pays sur une période de cinq ans.

2001 – Atanarjuat (The Fast Runner), le film de Zacharias Kunuk de 2001, est le premier long métrage jamais tourné en inuktitut. Il remporte de nombreuses récompenses dans le monde entier, notamment le prix du meilleur premier long métrage au Festival de Cannes et cinq prix Génie. En 2015, il est nommé meilleur film canadien de tous les temps.

2004 – Après ses nominations précédentes aux Oscars, Denys Arcand finit par décrocher cette récompense pour Les Invasions barbares en 2003.

2005 – Les films canadiens représentent 4,9 % des recettes canadiennes, mais seulement parce que les films québécois représentent un quart des ventes réalisées dans cette province. Les films de langue anglaise, quant à eux, stagnent à 1,5 %.

2005 – Sarah Polley et Don McKellar font pression auprès du gouvernement fédéral pour faire une plus grande place aux films canadiens à l’écran, ainsi que pour la présentation de bandes-annonces dans les salles de cinéma et à la télévision. Aucune mesure concrète n’est prise à cet égard.

2007 – Bon Cop Bad Cop, sorti en 2006, devient le film canadien le plus rentable de tous les temps avec plus de 13 millions de dollars de recettes au Canada.

Vive le Québec… à Hollywood?

2005 – Le film C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée (2005) connaît un grand succès au Canada et en France.

2008 – Sarah Polley devient la première femme à remporter le prix Génie du meilleur réalisateur ou de la meilleure réalisatrice, pour son premier long métrage de 2006 Away from Her. Son scénario, adapté d’une nouvelle d’Alice Munro, obtient également une sélection aux Oscars.

2010-2012 – Trois films québécois sont successivement sélectionnés pour le meilleur film en langue étrangère aux Oscars :Incendies de Denis Villeneuve en 2010, Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau en 2011 et Rebelle de Kim Nguyen en 2012.

2013-aujourd’hui – Jean-Marc Vallée, Denis Villeneuve et Philippe Falardeau se volent la vedette à Hollywood, avec des films comme Dallas Buyers Club (2013), Sicario (2015) et The Bleeder (2016), respectivement.

2009-2015 – Avant même d’avoir atteint l’âge de 25 ans, Xavier Dolan a déjà quatre longs métrages à son actif. Le premier, J’ai tué ma mère, sorti en 2009, remporte trois prestigieuses récompenses à Cannes. Son cinquième, Mommy, un film de 2014, décroche, à égalité, le Grand prix du jury au Festival de Cannes pour ensuite rafler neuf prix Écrans canadiens.

Financement

1967 – Le gouvernement fédéral crée la Société de développement de l’industrie cinématographique canadienne (SDICC) dont l’objectif consiste à apporter un financement public à la production de longs métrages canadiens de fiction. L’organisme est renommé Téléfilm Canada en 1984, lorsque son mandat est élargi pour inclure la production de films pour la télévision.

1970 – Le film référence de Don Shebib, Goin’ Down the Road, remporte un succès artistique et commercial aussi bien au Canada qu’à l’étranger.

1971 – Mon oncle Antoine de Claude Jutra, réalisé d’après un scénario autobiographique de Clément Perron, remporte plus de 20 prix internationaux et 8 récompenses du Palmarès du film canadien. Pendant des décennies, il trônera en tête de la liste des dix meilleurs films canadiens de tous les temps.

1974 – Le gouvernement fédéral permet aux investisseurs de déduire 100 % de leur investissement dans des longs métrages canadiens de leurs revenus imposables. Cette mesure entraîne une augmentation considérable de la production canadienne et marque le début de l’ère des abris fiscaux. De 3 longs métrages canadiens produits en 1974, on passe à 77 en 1979. Cependant, la plupart de ces films ne sont jamais distribués.