Traité de Penetanguishene (nº 5) | l'Encyclopédie Canadienne

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Traité de Penetanguishene (nº 5)

Le Traité de Penetanguishene de 1798 (également connu sous le nom de Traité no 5 dans le système de numérotation du Haut‑Canada) a été l’une des premières ententes territoriales conclues entre les peuples autochtones et les autorités britanniques au Haut‑Canada (qui deviendra plus tard l’Ontario). Faisant partie d’une série de cessions de terres du Haut‑Canada, il englobe des terres ouvrant sur la baie Georgienne, à l’extrémité nord de la péninsule, là où se trouve aujourd’hui Penetanguishene, ainsi qu’une île dans la baie de cette dernière. L’achat de terres à Penetanguishene permettait aux Britanniques, qui voulaient établir une présence navale sur le lac Huron, de devancer les Américains à ce chapitre. Les Britanniques avaient également compris qu’ils pourraient avoir à évacuer un jour leur poste à Michillimakinac et souhaitaient mettre la main sur un emplacement de substitution.

Contexte historique

Le Traité de Paris de 1783, signé à la fin de la Révolution américaine, établit la frontière entre les États‑Unis nouvellement constitués et les colonies britanniques restantes en Amérique du Nord. Une partie de la nouvelle frontière traverse les Grands Lacs : Ontario, Érié, Huron et Supérieur. Les nombreux peuples autochtones de la région n’ont jamais été consultés ni impliqués dans les négociations du Traité de Paris. En fait, les Britanniques accordent aux États‑Unis une grande partie des terres qu’ils avaient réservées à l’usage des Autochtones, en vertu de la Proclamation royale de 1763 et de traités ultérieurs. De nombreux alliés autochtones de la Grande‑Bretagne se montrent choqués par ce qu’ils considèrent comme une trahison.

Malgré la nouvelle frontière internationale passant par quatre des cinq Grands Lacs, les Britanniques continuent d’occuper leurs postes‑frontière occidentaux, du côté américain, à Oswego, à Niagara, à Detroit et à Michillimakinac, pendant plusieurs années après le Traité de Paris. Bien que les Américains se montrent particulièrement mécontents de ce maintien en place des Britanniques, ils ne souhaitent pas courir le risque d’une autre guerre avec la Grande‑Bretagne et cherchent à obtenir l’évacuation des postes par des moyens pacifiques.

Compte tenu de la possibilité que la Grande‑Bretagne finisse par céder ses postes en territoire américain aux États‑Unis, le premier lieutenant‑gouverneur du Haut‑Canada, John Graves Simcoe, souhaite obtenir des terres donnant sur la baie Georgienne, dans la région de l’actuelle Penetanguishene, ce qui donnerait aux Britanniques une présence navale sur le lac Huron, avant que les Américains ne puissent eux‑mêmes en établir une. L’acquisition de terres ainsi situées présenterait également deux autres avantages pour les Britanniques : elle constituerait une solution de rechange pour le jour où le poste de Michillimakinac devrait être restitué aux États‑Unis et contribuerait au maintien de l’influence de la Grande‑Bretagne auprès des peuples autochtones de la région du lac Huron. En conséquence, en 1793, John Graves Simcoe se rend sur les lieux où il fait procéder à un arpentage, en vue de l’installation d’un éventuel chantier naval. Sur la base du rapport de l’arpenteur, il entame des négociations, pour la cession du port de Penetanguishene, avec les Chippewa de la région.

Négociations

Au départ, il s’agit d’organiser, à l’automne 1794, un conseil officiel entre les Britanniques et les Chippewa, au lac Simcoe, que les Wendats (Hurons) nomment Ouentaronk et que les Français appelleront plus tard lac aux Claies, avant qu’il ne soit rebaptisé lac Simcoe par le lieutenant‑gouverneur, en 1793, en l’honneur de son père, le capitaine John Simcoe. Cependant, cette rencontre est reportée, son organisation étant déplacée à York (la Toronto moderne), au printemps 1795.

Toutefois, lord Dorchester, le gouverneur en chef, entrave les plans du lieutenant‑gouverneur en modifiant, en décembre 1794, les règles de négociation des cessions de terres, ses nouvelles instructions stipulant que tout achat proposé doit désormais être approuvé par le commandant en chef (le gouverneur en chef) et contenir un croquis de la zone à acheter. Sur la base d’un examen de la proposition et du croquis, les autorités décideraient alors du montant à payer pour les terres visées. En outre, tous les biens à payer pour l’acquisition des terrains devraient être obtenus directement de Grande‑Bretagne et expédiés vers la colonie.

Comme John Graves Simcoe ne peut satisfaire à ces exigences avant l’arrivée des Chippewa à York, il demande à lord Dorchester la permission de tout de même aller de l’avant. Il l’informe également, par l’intermédiaire de l’agent adjoint des Affaires indiennes, le colonel Alexander McKee, qu’il prévoit de lui laisser, en tant que gouverneur en chef, le soin de conclure, ultérieurement, les termes de l’entente financière avec les Chippewa.

Suites

John Graves Simcoe rencontre les Chippewa à York le 19 mai 1795, aboutissant à une entente concernant la vente de la pointe nord de la péninsule, à Penetanguishene, et de l’île se trouvant dans la baie. Le message d’Alexander McKee, informant lord Dorchester des intentions du lieutenant‑gouverneur n’est envoyé que le 3 juillet, date à laquelle l’entente a déjà été conclue. Toutefois, l’accord devait rester provisoire et n’être définitivement entériné qu’à la réception par les Chippewa des biens promis.

Lors de la réunion du conseil, les Chippewa confirment aussi verbalement à John Graves Simcoe que les accords visant l’achat de John Collins de 1785 et l’achat de Johnson‑Butler de 1788 seront ratifiés. Ces cessions portent sur un territoire couvrant la rivière, le lac et la route terrestre le long du chemin de halage de Toronto jusqu’à la baie de Matchedash, un bras de mer partant de la baie Georgienne, non loin de Penetanguishene. Malheureusement, ces deux ententes ne sont pas incluses dans le traité officiel et, au moment de sa signature, le lieutenant‑gouverneur et le gouverneur général sont déjà retournés en Grande‑Bretagne. En dépit de diverses tentatives effectuées au fil des ans pour clarifier les dispositions du Traité relativement à cet itinéraire, ce n’est qu’à la mi‑2018 que le problème est finalement réglé dans le cadre de la convention de règlement relative aux Traités Williams.

Le Traité de Penetanguishene est finalement signé, à York, le 22 mai 1798, par le surintendant adjoint des Six Nations à Fort George, William Claus, et par cinq chefs. Il prévoit l’achat, auprès des Chippewa, de « toutes les terres, eaux, îles et terres sous‑marines de la baie de Penetanguishene ». En échange, les Chippewa doivent recevoir des marchandises d’une valeur de 101 livres.

Controverse

Le Conseil tripartite des Chippewas, Première Nation de Beausoleil, Première Nation des Chippewas de Georgina Island, Première Nation des Chippewas de Mnjikaning (Rama) estime qu’une bande de terre de 20 200 hectares (50 000 acres) que le gouvernement s’était appropriée en 1811 sans le consentement des Premières Nations, n’est pas visée par le Traité de Penetanguishene et fait donc toujours partie de leur territoire. Le Conseil tripartiteprésente une revendication territoriale en 1986 et en 1990, rejetée par la Direction générale des revendications particulières du Canada. Pourtant, en 2018, le gouvernement inclut unilatéralement cette revendication avec d’autres dans le cadre de la Convention de règlement relative aux Traités Williams. Cette entente de règlement porte sur des questions telles que les droits de chasse, de pêche et de récolte hors réserve, qui n’ont rien à voir avec la revendication territoriale des Chippewa. Le Conseil tripartite estime, de son côté, que sa revendication est indépendante et doit être traitée comme telle. Au début de 2022, la revendication territoriale du Conseil tripartite n’est toujours pas résolue.