Alias Grace (Captive) | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Alias Grace (Captive)

Neuvième roman de Margaret Atwood, Alias Grace (1996; trad. Captive, 1998), est une fiction historique centrée sur le mystérieux personnage de Grace Marks. Celle-ci a été condamnée en 1843 à l’âge de 16 ans pour le meurtre de son employeur, Thomas Kinnear, riche Canadien écossais, assassiné en même temps que sa gouvernante et maîtresse Nancy Montgomery. Alias Grace a remporté le prix Giller pour fiction en 1996. Il a aussi été nominé pour un Prix littéraire du Gouverneur général et un prix England’s Booker. En 2017, Sarah Polley a adapté le roman de Margaret Atwood dans une minisérie de CBC/Netflix en six épisodes, avec Sarah Gadon dans le rôle de Grace Marks.

Margaret Atwood

Atwood a exploré les questions de notre époque, les intégrant sous la forme d'introspection satirique du roman contemporain.
(photo de Graeme Gibson)


Contexte

Alors qu’elle étudie au Radcliffe College de l’Université Harvard, dans les années 1960, Margaret Atwood découvre l’histoire de Grace Marks dans le roman de Susanna Moodie Life in the Clearings (1853). « J’étais intriguée[…] Moodie relate avoir vu Marks dans le pénitencier de Kingston, et elle a profité de l’occasion pour raconter toute l’histoire. » Mais le récit de Susanna Moodie est écrit du point de vue de James McDermott, le collègue de travail de Grace Marks, coaccusé du meurtre de Thomas Kinnear et sa gouvernante et maîtresse Nancy Montgomery. C’est cette version de l’histoire qui a servi de base à The Servant Girl, le téléthéâtre sur Grace Marks que Margaret Atwood a écrit en 1974 pour CBC.

Dans les années 1990, Margaret Atwood commence à mettre en doute le récit « de troisième main » de Susanna Moodie, qui présente Grace Marks comme une criminelle démente. Dans la postface d’Alias Grace (Captive), Margaret Atwood révèle que l’opinion publique était fortement divisée quant au rôle de Grace Marks dans les meurtres. Conformément aux stéréotypes sexuels du 19siècle, elle a été tantôt démonisée comme une femme fatale impitoyable, tantôt idéalisée en tant que victime sans défense.

Intrigue

Alias Grace (Captive) met en scène l’« illustre meurtrière » Grace Marks en 1859. Elle a complété plus d’une dizaine d’années de sa sentence à vie au pénitencier de Kingston à Kingston, en Ontario. Elle n’a le droit de quitter la prison que pour travailler comme domestique pour l’épouse du gouverneur, chez qui elle devient un objet de fascination et de pitié pour la haute société de Kingston.

Grace Marks et James McDermott

Un croquis de Grace Marks et James McDermott lors de leur procès pour meurtre à Toronto en 1843.

(avec la permission du Richmond Hill Public Library)

Des résidents de Kingston sympathiques à la cause de Grace Marks décident d’engager le Dr Simon Jordan, un spécialiste du tout nouveau domaine des maladies mentales, pour l’aider à retrouver la mémoire apparemment refoulée des meurtres. Le roman est centré sur le dialogue entre la patiente et le thérapeute. Au fil du récit, il devient clair que l’un et l’autre sont des personnages déchirés.

Le Dr Jordan est incapable de déterminer si Grace Marks est innocente ou coupable. Il permet au Dr Jerome DuPont, possiblement un charlatan, de l’hypnotiser dans l’espoir de découvrir la vérité. Ensuite, craignant que sa réputation dans le milieu médical soit entachée par la séance d’hypnose, le Dr Jordan décide de quitter Kingston et de retourner aux États-Unis. Après avoir reçu son pardon en 1872, Grace Marks s’installe à New York, où elle épouse un veuf.

Thèmes

Alias Grace (Captive) relève à la fois du « meurtre et mystère » et de l’histoire sociale. À travers l’affaire Grace Marks, Margaret Atwood explore les stéréotypes sexuels du milieu du 19siècle, particulièrement ceux qui concernent les femmes criminelles, ainsi que les théories de la maladie mentale, la fascination pour le spiritisme et l’intérêt de la médecine à l’égard du somnambulisme, du « neuro-hypnotisme » et de la signification des rêves.

Margaret Atwood explore aussi le pouvoir de la narration. « Le roman, dit-elle, est en partie consacré aux récits, à la manière dont ils sont construits ou influencés par les circonstances qui les entourent : qui parle, qui écoute, et pourquoi. » En ce sens, Grace Marks et le DrJordan sont tous deux des narrateurs peu fiables; Grace Marks raconte son histoire à quelqu’un qui aurait le pouvoir de la faire sortir de prison, tandis que le Dr Jordan espère faire avancer sa carrière. Le roman laisse au lecteur le soin de trancher entre l’innocence et la culpabilité de Grace Marks à même les preuves ou les récits qui sont présentés.

Prix et récompenses

Alias Grace (Captive) a remporté le prix Giller pour fiction en 1996. Il a aussi été nominé pour un Prix littéraire du Gouverneur général et un prix England’s Booker.

Adaptation de 2017

L’actrice et réalisatrice canadienne Sarah Polley lit pour la première fois Alias Grace alors qu’elle a 17 ans. Elle essaie d’obtenir les droits pour créer une adaptation cinématographique, mais Margaret Atwood refuse. En 2012, Sarah Polley approche à nouveau la romancière pour obtenir les droits sur le roman. On annonce que Sarah Polley a reçu un financement du fonds Harold Greenberg d’Astral Media (voir Harold Greenberg) pour réaliser un scénario à partir du roman. La minisérie de six épisodes, réalisée par Mary Harron et mettant en vedette Sarah Gadon dans le rôle de Grace Marks, Paul Gross dans celui de Thomas Kinnear et Anna Paquin dans celui de Nancy Montgomery, est diffusée au Canada par CBC et dans le monde entier par Netflix en 2017. La série a reçu six Prix Écrans canadiens, dont meilleure minisérie et meilleur scénario, meilleure direction et meilleur rôle-titre dans une minisérie.

Voir aussi Chronologie Margaret Atwood; The Handmaid’s Tale.

Les oeuvres sélectionnées de
Alias Grace (Captive)