Char d'assaut Sherman | l'Encyclopédie Canadienne

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Char d'assaut Sherman

Le char moyen américain M4 Sherman est l’un des plus célèbres chars de l’histoire. C’est le char le plus utilisé par les Alliés occidentaux pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il a bâti sa réputation sur ses nombreuses qualités inhérentes, ainsi que sur le grand nombre d’unités produites. Le Sherman a subi de nombreuses modernisations et plusieurs variantes spécialisées en ont été conçues. Il a continué à être utilisé pendant plusieurs décennies après la guerre.

Conception

La défaite de la France, en juin 1940, après une campagne allemande en forme de blitzkrieg (guerre‑éclair), choque et surprend les États‑Unis. Les responsables américains réalisent rapidement qu’ils ont besoin d’un nouveau char capable de combattre les chars allemands. En juillet 1940, le ministère de la Guerre approuve la conception d’un nouveau char, qui s’appellera le M3.

Afin de mettre le nouveau char en production le plus rapidement possible, son canon principal de 75 mm est monté à l’avant droit de la coque. Sa rotation est limitée à 30°, ce qui restreint sévèrement la capacité du M3 à engager le combat contre de multiples cibles sur le champ de bataille. Bien qu’une tourelle capable d’une rotation intégrale ait été préférée, une telle réalisation est au‑delà des capacités industrielles américaines de l’époque. Au total, fin 1942, 6 258 M3 auront été construits. Les Britanniques achètent plus de 2 855 de ces véhicules, dénommant le M3 original « General Lee », tandis que la version britannique modifiée est appelée « General Grant ». (Voir aussi Char d’assaut Ram.)

Le M4 Sherman, dont la production débute en février 1942, constitue une évolution du M3. Ses concepteurs privilégient la vitesse et la mobilité par rapport à l’épaisseur du blindage et à la taille de l’armement principal. La plupart des Sherman produits dans les premiers temps sont équipés d’un canon de 75 mm à faible vitesse monté sur une tourelle intégralement rotative, ainsi que de trois mitrailleuses : deux de 7,62 mm, l’une coaxiale alignée avec le canon principal et l’autre montée sur la coque pour le copilote; et une de 12,7 mm, montée sur le toit de la tourelle, pour le commandant de l’équipage.

Le blindage frontal du Sherman est incliné. En fonction du modèle, l’épaisseur du blindage peut varier de 50,8 à 108 mm. La plupart des Sherman pèsent entre 30 et 33 t, ont une vitesse de 38 à 46 km/h, un rayon d’action de 160 à 240 km et sont propulsés par un moteur à essence ou au diesel générant entre 400 et 500 ch. Dans les armées britanniques et canadiennes, l’équipage du Sherman est composé de cinq personnes : un commandant, un canonnier, un chargeur et opérateur radio, un pilote, un copilote et artilleur de la mitrailleuse de coque.

Usage

Conçu pour être produit en grande série, le Sherman est peu cher, simple à construire et facile à entretenir. Il entre en service, pour la première fois, avec l’armée britannique, en Afrique du Nord, en octobre 1942. Il est utilisé par l’armée américaine et le Corps des Marines, par les armées britannique, canadienne et d’autres pays du Commonwealth, par les Forces françaises libres et les forces polonaises, ainsi que par la Chine et l’Union soviétique. Il participe à des opérations en Afrique du Nord, en Italie, en Europe du Nord‑Ouest, sur le front Est, en Extrême‑Orient et dans les îles du Pacifique. Au total, près de 50 000 Sherman ont été construits.

Variantes

Le Sherman a subi de multiples modernisations. Le type de moteur, l’utilisation d’une coque soudée ou d’une coque coulée et l’armement principal constituent les principales différences entre ces différentes variantes.

L’une des variantes les plus célèbres du Sherman est le Firefly, équipé d’un canon britannique à haute vitesse de 17 livres (76,2 mm), conçu par les Britanniques pour permettre aux Sherman de l’emporter face aux chars d’assaut allemands plus solidement blindés rencontrés en Normandie. Le canon de 17 livres est un canon antichar efficace; toutefois, en raison de sa longueur, de son poids et de son recul, il doit être modifié pour être installé sur la tourelle du Sherman, qui doit être considérablement reconfigurée. La plupart des chars Firefly sont des M4A4 Sherman convertis. Équipés du canon de 17 livres, ils sont officiellement connus sous l’appellation Sherman Vc dans les armées du Commonwealth. Disponibles en nombre suffisant pour le jour J, le 6 juin 1944, ils vont jouer un rôle essentiel pour vaincre les chars lourdement blindés des Allemands auxquels les Alliés doivent faire face en Normandie et par la suite. (Voir aussi : Le jour J et la bataille de Normandie; Le Canada au jour J : Juno Beach.)

Le char Sherman Duplex Drive (DD) est un Sherman modifié pour être amphibie, grâce à l’ajout de deux propulseurs et d’une jupe de flottaison repliable, en toile étanche, que les équipages abaissent lorsqu’ils arrivent à proximité de la côte. Les régiments de chars canadiens sont équipés de Sherman DD pour le débarquement en Normandie.

Le saviez‑vous?
En raison de la forte demande de chars, après la défaite de la France, certains Sherman sont construits au Canada. Le résultat est le Grizzly, un char M4A1 Sherman auquel n’ont été apportées que quelques modifications mineures. Seuls 188 exemplaires, utilisés à des fins de formation, sont construits. Cependant deux des variantes du Grizzly vont rencontrer un plus grand succès, après conversion et retrait de la tourelle, à savoir, le canon automoteur Sexton Mk. II de 25 livres et le Kangaroo, un véhicule de transport blindé.


Le Sherman dans l’armée canadienne

Durant la Deuxième Guerre mondiale, le Canada mobilise 12 régiments blindés et 2 régiments blindés de reconnaissance pour servir en Europe. Ces forces, qui vont se battre en Italie et en Europe du Nord‑Ouest, sont organisées en 2 divisions blindées et 2 brigades blindées. Au bout du compte, l’ensemble des 14 régiments sont équipés de chars Sherman, dont les modèles standards étaient les M4A2 et M4A4, respectivement appelés Sherman III et V, dans les armées du Commonwealth. Ils ont combattu en Italie et en Europe du Nord-Ouest. (Voir Le Canada et la campagne d’Italie; Libération des Pays‑Bas; Bataille du Rhin.)

Agira, Italie, 1943

À la fin de la guerre, le Canada laisse la majorité de ses chars et de ses autres véhicules en Europe, afin d’économiser les coûts de leur rapatriement au pays. En 1946, le Canada achète 294 chars M4A2(76)W HVSS Sherman aux États‑Unis, à des fins de formation, au coût unitaire de 1 460 $. Le chiffre « 76 » signifie que le char porte un canon de 76 mm, le « W » faisant référence aux conteneurs de munitions ignifugés à système de stockage humide, « HVSS » voulant dire que le char est équipé de la nouvelle suspension « Horizontal Volute Spring Suspension » où les ressorts agissent dorénavant à l’horizontale, ce qui en améliore la mobilité et les capacités tout‑terrain. Ces Sherman sont utilisés par les forces régulières jusqu’à leur remplacement par les Centurion, au début de 1952, et continuent d’équiper la milice (voir Force de réserve du Canada) jusque dans les années 1970.

Entre 1951 et 1954, le Canada fournit, en rotation, un escadron de chars de la 25e Brigade d’infanterie canadienne, pour la guerre de Corée. Bien qu’à l’origine, l’intention ait été d’utiliser des chasseurs de chars M10, le Canada a finalement recours à des chars classiques. Les Américains prêtent au Canada, à partir de leurs stocks existants, 20 chars M4A3E8(W) HVSS Sherman, dont chaque escadron canadien prend possession en arrivant en Corée. À la fin de la guerre, ces 20 chars sont rendus aux Américains.