Huskies de Toronto | l'Encyclopédie Canadienne

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Huskies de Toronto

Le 1er novembre 1946, les Huskies de Toronto affrontent les Knicks de New York dans le premier match de basketball professionnel joué au Canada. Les Huskies disparaissent après une seule saison, mais demeurent la première équipe canadienne de basketball professionnel et un membre fondateur de la Basketball Association of America (BAA), qui devient plus tard la National Basketball Association (NBA).
Huskies c. Knickerbockers 1946
Une publicité pour le match inaugural de la BAA/NBA du 1er novembre 1946 au Maple Leaf Gardens entre les Huskies de Toronto et les Knickerbockers de New York. La publicité met en vedette Ed Sadowski, le capitaine des Huskies. La publicité apparaît dans le Toronto Daily Star le 31 octobre 1946.

Sports professionnels à Toronto

Novembre 1946 est un mois occupé dans le calendrier sportif de Toronto.

Après six matchs dans la saison régulière de la Ligue nationale de hockey (LNH), les Maple Leafs de Toronto sont premiers dans leur division. La saison des Argonauts de Toronto bat son plein, et il ne reste que deux parties contre les Alouettes de Montréal avant le début des matchs éliminatoires de la Ligue canadienne de football (LCF). À la fin du mois, les Argonauts remportent la 34e coupe Grey au Varsity Stadium, du campus de l’Université de Toronto.

Le 1er novembre, 7090 personnes se présentent au Maple Leaf Gardens pour regarder le premier match de basketball professionnel joué au Canada. Depuis son inauguration, en 1931, l’emblématique stade de l’équipe de hockey torontoise accueille un large éventail d’événements : des championnats de lutte et de boxe au discours de Winston Churchill en 1941. Ce jour-là, il ouvre ses portes à la nouvelle équipe de sport professionnel, les Huskies, et au match inaugural de la BAA.

Fondation des Huskies et de la BAA

Les Huskies de Toronto sont l’une des 11 équipes fondatrices de la BAA. Le 6 juin 1946, au Commodore Hotel de New York, des propriétaires potentiels membres de l’Arena Association of America se rencontrent et fondent la BAA. Les hommes administrent des salles dans des villes du corridor est de l’Amérique du Nord comme New York, Philadelphie, Boston, Chicago et Detroit. Le délégué de Toronto, Frank Selke Jr., représente le Maple Leaf Gardens, ainsi qu’un groupe de propriétaires qui inclut les hommes d’affaires Eric Cradock, Harold S. Shannon et Ben Newman. Ces stades accueillent des matchs de hockey sur une base régulière, et plusieurs, comme Toronto, sont hôtes d’équipes de la Ligue nationale de hockey. Les liens avec le hockey ne s’arrêtent pas là : le premier président de la BAA, Maurice Podoloff, est également président de la Ligue américaine de hockey.

Ned Irish, le fondateur des Knicks, accueille des matchs de basketball universitaire au Madison Square Garden depuis 1934. Les autres propriétaires en savent très peu sur ce sport. Ils semblent surtout être motivés à remplir leur stade entre les matchs de hockey. Le basketball connaît une popularité croissante depuis que le Canadien James Naismith invente le sport, en 1891, dans un gymnase du Springfield College, à Springfield, au Massachusetts. Depuis, on le pratique sur les campus universitaires partout aux États-Unis, et le public collégial montre son soutien. Des ligues professionnelles voient le jour. On trouve des équipes à Wilmington, au Delaware et à Fort Wayne, en Indiana.

Le succès de ces ligues encourage les propriétaires de stades à attirer le basketball professionnel dans les grandes métropoles pour capitaliser son potentiel de divertissement en direct. Au terme de la rencontre, ils ont l’ambitieux plan de lancer une ligue de 11 équipes en moins de 5 mois.

Toronto se prépare pour l’entre-deux

On choisit le Maple Leaf Gardens pour accueillir le premier match de la nouvelle ligue, qui a lieu le 1er novembre 1946, opposant les Huskies de Toronto aux Knickerbockers de New York.

L’entre-deux approchant à grands pas, les Huskies doivent rapidement compléter leur équipe. On construit l’équipe autour d’Ed Sadowski, une vedette collégiale de Seton Hall, au New Jersey, qui est nommé entraîneur-chef. Il est responsable du recrutement de joueurs, surtout américains. Les Huskies ne comptent que deux Canadiens dans ses rangs : Gino Savron et Hank Biasatti, tous les deux de Windsor, en Ontario. Né à Beano, en Italie, en 1922, et élevé à Windsor, Hank Biasatti est un athlète exceptionnel de l’Université Assumption (qui devient plus tard l’Université de Windsor). On le considère comme le premier athlète international de la NBA. Il joue au basketball et au baseball. Avant de se joindre aux Huskies, il est joueur de premier but dans la Ligue de baseball Intercounty, au Canada. (Il retourne au baseball après son passage dans les Huskies et se joint aux Athletics de Philadelphie, une équipe de la Ligue majeure de baseball (LMB).)

Les Huskies organisent une période d’entraînement en octobre 1946 au St. Jerome’s College, à Kitchener, en Ontario. À l’approche du match inaugural, l’équipe déplace ses entraînements au YMCA Central, à Toronto. Au Maple Leaf Gardens, on peine à transformer la patinoire en terrain de basketball. Les premières tentatives se concluent par de la condensation qui émane de la patinoire, rendant le plancher de bois qui est placé dessus très glissant. Les bandes qui encadrent la patinoire restent en place, entourant le terrain durant le match.

Pendant ce temps, les promoteurs arrivent difficilement à vendre un nouveau sport aux fans canadiens. Des publicités dans les quotidiens locaux, parfois trois colonnes de large, promettent l’arrivée du « grand basketball », le qualifiant de « sport le plus populaire du monde entier ! » Une publicité se lit ainsi : « Pouvez-vous faire mieux que ça ? » On y montre une photo du plus grand joueur des Huskies, George Nostrand, et l’annonce suivante : « Quiconque est plus grand que NOSTRAND qui fait 6 pieds et 10 pouces assistera gratuitement au MATCH INAUGURAL ». D’autres affiches mettent en vedette le joueur entraîneur Ed Sadowski, et qualifient les Huskies de « véritables bombes » et promettent aux fans « frissons, émotions, action et excitation ». Les billets se vendent de 0,75 $ à 2,50 $.

Huskies c. Knickerbockers 1946
Une publicité pour le match inaugural de la BAA/NBA du 1er novembre 1946 au Maple Leaf Gardens entre les Huskies de Toronto et les Knickerbockers de New York. Quiconque était plus grand que le joueur de Toronto George Nostrand pouvait assister gratuitement au match. La publicité apparaît dans le Toronto Daily Star le 30 octobre 1946.

Qu’est-ce que vous êtes?

Malgré ces promotions, le match à venir ne crée guère d’engouement. Quand les Knicks de New York arrivent à la frontière canadienne, personne ne semble savoir qui ils sont. Dans la NBA Encyclopedia, Sam Goldaper relate que les douaniers canadiens ont jeté un coup d’œil à ces hommes anormalement grands et leur ont demandé : « Qu’est-ce que vous êtes? »

« Nous sommes les Knicks de New York », répond Neil Cohalan, l’entraîneur-chef. Perplexe, un douanier leur dit qu’il connaît les Rangers de New York, l’une des franchises originales de la LNH. « Êtes-vous quelque chose du genre? »

Neil Cohalan prend le temps d’expliquer au douanier que les Knicks pratiquent un sport différent qui s’appelle le basketball. « Je ne crois pas que vous allez trouver beaucoup de gens ici qui comprendront votre sport… ou qui s’y intéresseront », lui répond le douanier.

Huskies c. Knicks

Bien que le premier match officiel de la BAA attire une foule plus modeste que celle que les propriétaires des Huskies espèrent, il commence par une grande fanfare. La cérémonie d’ouverture met en vedette le maire de Toronto, Robert Saunders, le ministre de la Santé de l’Ontario, Russell T. Kelley, et le président de la ligue, Maurice Podoloff. L’ensemble 48th Highlanders of Canada offre une prestation aux spectateurs, et des cliniques et des démonstrations aident les Canadiens à se familiariser avec le sport.

Le premier panier du match revient à Ossie Schectman, des Knicks, un Juif américain né dans le Queens, à New York, et qui, depuis, a été immortalisé comme le premier joueur à marquer un point dans la NBA.

Rapidement, les Knicks mènent 6-0. Ils ont une avance de 15 points quand Ed Sadowski contribue à diminuer l’écart à 8 à la mi-temps. Cependant, le joueur entraîneur des Huskies commet sa cinquième faute dans le troisième quart – le nombre maximum de fautes acceptées avant d’être évincé du match. George Nostrand, le plus grand joueur de l’équipe, le remplace, et grâce à lui, l’équipe fait une remontée. En début de quatrième quart, Toronto mène avec la marque de 48 à 44. À la fin de la rencontre, les Knicks remportent le match par la marque de 68 à 66.

Le sport est foncièrement différent de celui qu’on connaît aujourd’hui. Il n’y a pas de ligne des 3 points ni de chronomètre qui restreint chaque possession à 24 secondes. Au final, le match, aussi serré soit-il, ne compte pas autant de points qu’aujourd’hui.

Malgré son temps de jeu limité, Ed Sadowski mène au tableau des compteurs avec 18 points, suivi de près par George Nostrand avec 16 points. Du côté des Knicks, Leo Gottlieb mène avec 14 points alors qu’Ossie Schectman en récolte 11.

« C’était intéressant de jouer devant des Canadiens », raconte Sonny Hertzberg, le capitaine des Knicks. « Au départ, les adeptes ne comprenaient pas le jeu. Pour eux, un entre-deux était comme une mise au jeu au hockey. Ils ont fini par comprendre et ont semblé apprécier l’action. »

Fin des Huskies

Ni les Huskies ni la BAA deviennent populaires à Toronto. Plusieurs joueurs, dont Ed Sadowski et Hank Biasatti, quittent l’équipe en mi-saison, et les Huskies terminent la saison inaugurale de la BAA avec une fiche de 22 à 38, à égalité avec les Celtics de Boston pour la dernière place de la division est.

Après une seule saison et un déficit de 100 000 $ pour les propriétaires, la franchise met la clé sous la porte.


Importance

Bien que les Huskies n’existent qu’une seule saison, leur match contre les Knicks demeure un moment crucial dans l’histoire du basketball professionnel. La BAA, rebaptisée NBA en 1949, remporte un vif succès et devient l’une des ligues de sports les plus populaires du monde.

Cependant, ce n’est que 50 ans plus tard que le Canada se targue d’avoir une autre équipe professionnelle de basketball. En 1995-1996, les Raptors de Toronto et les Grizzlies de Vancouver amorcent leur saison inaugurale. Si les Grizzlies déménagent à Memphis, au Tennessee, en 2001, les Raptors s’implantent à Toronto et demeurent la seule franchise canadienne de la NBA. En 2009, l’équipe rend hommage à ses racines et dévoile l’uniforme des Huskies de Toronto. L’équipe le porte six fois durant la saison 2009-2010, notamment pour son match contre les Knicks du 5 mars 2010.

Ce match se déroule mieux pour Toronto, qui l’emporte par la marque de 102 à 96.