Front de libération du Québec (FLQ) | l'Encyclopédie Canadienne

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Front de libération du Québec (FLQ)

Le Front de libération du Québec (FLQ) était un mouvement militant pour l’indépendance du Québec qui a utilisé le terrorisme pour tenter d’obtenir un Québec indépendant et socialiste. Les membres du FLQ, ou felquistes, sont responsables de la mort de 6 personnes dans le cadre de plus de 200 attentats à la bombe et de dizaines de vols entre 1963 et 1970. Leurs actions ont culminé avec l’enlèvement du délégué commercial britannique James Cross, ainsi que le kidnapping et meurtre du ministre québécois Pierre Laporte, dans un conflit que l’on appelle aujourd’hui la crise d’octobre

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Une boîte de dépôt de Postes Canada (où les facteurs récupèrent leur courrier pour livraison) au centre-ville de Montréal à l'été 1971, neuf mois après la crise d'octobre. Le graffiti sur le côté indique "FLQ oui" (FLQ oui).

(avec la permission de Wikimedia Commons)


Fondation du FLQ

Le FLQ est fondé en mars 1963 par deux Québécois, Raymond Villeneuve et Gabriel Hudon, et un Belge, Georges Schoeters, qui ont combattu au sein de la résistance pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Le Québec traverse alors une période de profonds changements politiques, sociaux et culturels, ainsi qu’une hausse du chômage. (Voir Révolution tranquille; Nationalisme francophone au Québec.) Les membres du FLQ, ou felquistes, sont influencés par les mouvements anticolonialistes et communistes d’autres régions du monde, notamment ceux de l’Algérie et de Cuba. Ils partagent la conviction que le Québec doit se libérer de la domination anglophone et du capitalisme par la lutte armée. Leur objectif est de détruire l’influence du colonialisme anglais en s’attaquant à ses symboles. Ils espèrent que les Québécois suivent leur exemple et renversent leurs oppresseurs coloniaux.

Leurs idées et leurs membres sont façonnés par les éléments plus radicaux des premiers mouvements d’indépendance au Québec. Il s’agit notamment du Rassemblement pour l’indépendance nationale (fondé en 1960), du Comité de libération nationale (fondé en 1962), qui encourage la violence pour atteindre des objectifs politiques, et du Réseau de résistance (également fondé en 1962), qui croit en la protestation par le vandalisme.

Le FLQ adopte des symboles liés aux Patriotes, membres du Parti canadien francophone, qui a contribué aux rébellions de 1837-1838 au Bas-Canada. Les communiqués du FLQ comprennent souvent la figure d’un habitant armé pour la révolution. (Voir aussi Rébellion au Bas-Canada; Louis-Joseph Papineau.)

 Un vieux de « 37 »

Un vieux de "37", Artiste: Henri Julien, ca. 1916.
Henri Julien | De la publication: Henri Julien/Album [Montréal: Librairie Beauchemin, Limitée, 1916], p. 186 .


Début de la violence

En avril et mai 1963, les terroristes du FLQ placent des bombes dans des boîtes aux lettres à l’extérieur de trois arsenaux fédéraux et à Westmount, un quartier riche de Montréal habité par des familles anglophones de la classe moyenne supérieure. Wilfrid O’Neil, gardien de nuit d’un centre de recrutement des Forces armées canadiennes situé sur la rue Sherbrooke Ouest à Montréal, est tué par l’explosion d’une bombe. Le FLQ revendique la responsabilité de l’attentat. Le sergent-major Walter Leja, des forces armées, est gravement blessé lorsqu’il tente de neutraliser une bombe dans une boîte aux lettres de Westmount. En octobre 1963, Gabriel Hudon, Raymond Villeneuve, Jacques Giroux et Yves Labonté plaident coupables pour l’homicide involontaire de Wilfrid O’Neil. Leurs peines vont de 6 à 12 ans de prison.

Au sein du FLQ, deux ailes émergent pour fournir au groupe des armes et de l’argent. Robert Hudon, frère cadet du fondateur du FLQ Gabriel Hudon, crée l’Armée de libération du Québec (ALQ). François Schirm, un Hongrois et ancien membre de la Légion étrangère française, fonde quant à lui l’Armée révolutionnaire du Québec (ARQ).

En août 1964, François Schirm et quatre autres membres de l’ARQ volent environ 50 000 dollars en espèces et en matériel militaire et commettent un vol à main armée à l’International Firearms, un magasin d’armes de Montréal. Au cours de ce vol, un membre de l’ARQ tue l’employée Leslie McWilliams. Un autre employé, Alfred Pinisch, est pris pour un voleur et tué par la police. Les cinq membres de l’ARQ sont arrêtés et condamnés. François Schirm et Edmond Guénette, le tireur, sont condamnés à la peine de mort; deux membres sont condamnés à la prison à vie, et le dernier est condamné à 20 ans de prison. Ces condamnations provoquent l’indignation au sein du FLQ.

Intensification des attaques

De 1965 à 1967, le FLQ s’associe aux activités des travailleurs en grève. Bien qu’il ne réussisse pas à infiltrer les syndicats, il commence à cibler les entreprises qui sont impliquées dans des conflits de travail. En mai 1966, Thérèse Morin, secrétaire dans une usine de chaussures à Montréal, est tuée en ouvrant une bombe postale.

Pierre Vallières, ancien journaliste ayant rejoint le FLQ en 1965, publie son autobiographie controversée, Nègres blancs d’Amérique, en 1968. Il l’a écrite alors qu’il est emprisonné à New York pour les activités du FLQ. Le livre dépeint la classe ouvrière du Québec comme un peuple colonisé et soutient que ses conditions ne peuvent être améliorées que par une révolution armée.

Entre octobre 1963 et avril 1967, le FLQ publie plus de 60 numéros de son bulletin d’information, La Cognée. Il est remplacé en novembre 1967 par le nouveau journal de l’organisation, La Victoire, qui commence à inclure des instructions sur la façon de fabriquer des bombes.

Élimination des bombes

Le sergent Robert Côté, à droite de la remorque de déminage utilisée par la police de Montréal, 1968.
(Avec la permission du Musée canadien de l’histoire/IMG2016-0278-0001-Dm)


En 1968, le FLQ commence à utiliser des bombes plus grosses et plus puissantes. Ses cibles comprennent une librairie du gouvernement fédéral; l’Université McGill; la résidence du maire de Montréal, Jean Drapeau; le ministère provincial du Travail; le centre commercial Eaton, au centre-ville de Montréal. En février 1969, un attentat à la bombe à la Bourse de Montréal fait 27 blessés. En juin 1970, une explosion dans l’immeuble du quartier général de la Défense nationale à Ottawa tue Jeanne d’Arc Saint-Germain, superviseure des communications.

En 1970, plus de 20 membres du FLQ sont incarcérés pour ces actes de violence. En mars 1969, Pierre-Paul Geoffroy est arrêté dans son appartement de Montréal, où il entrepose 161 bâtons de dynamite et 35 cylindres de Pento-Mex, un explosif industriel. Il plaide coupable à 31 attentats à la bombe commis entre mai 1968 et mars 1969, dont l’explosion à la Bourse de Montréal. Face à 129 chefs d’accusation, il est condamné à 124 peines d’emprisonnement à vie plus 25 ans; il s’agit, à l’époque, de la plus longue peine de prison jamais prononcée dans le Commonwealth britannique.

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Une des actions les plus spectaculaires du Front de libération du Québec (FLQ) est l’explosion d’une bombe à la Bourse de Montréal en 1969. La Presse, 14 février 1969, p. 7.

(avec la permission de le Musée canadien de l'histoire)


La crise d’octobre

À l’automne 1969, ce qui reste du mouvement du FLQ s’est scindé en deux cellules distinctes basées à Montréal. Le gang de la Rive-Sud, qui devient la cellule Chénier, est dirigé par Jacques Rose; les autres membres sont son frère Paul Rose, Bernard Lortie et Francis Simard. La cellule Libération est quant à elle dirigée par Jacques Lanctôt; les autres membres étaient sa sœur Louise Lanctôt et son mari, Jacques Cossette-Trudel, ainsi que Marc Carbonneau, Nigel Barry Hamer et Yves Langlois.

Peu après 8 heures du matin, le 5 octobre 1970, trois membres armés de la cellule de Libération, dont un déguisé en livreur, enlèvent le commissaire au commerce britannique James Cross à son domicile de Montréal. En échange de la libération de Cross, la cellule émet sept demandes, dont une rançon de 500 000 dollars, la libération de 23 « prisonniers politiques » du FLQ, la diffusion et la publication du manifeste du FLQ et l’exil en toute sécurité vers Cuba ou l’Algérie. La cellule donne au gouvernement 24 heures pour se conformer à leurs demandes. Le gouvernement rejette l’ultimatum, mais indique qu’il est prêt à négocier.

James Cross retenu en captivité

L’attaché commercial britannique James Cross joue au solitaire près d’un mois après son enlèvement sur cette photo rendue publique par ses ravisseurs du FLQ début novembre 1970.

(avec la permission de Canadian Press)


Le 10 octobre, le ministre québécois de la Justice, Jérôme Choquette, annonce que si James Cross est libéré, la cellule de Libération se verrait accorder un passage sûr hors du Canada, mais qu’aucune autre de leurs demandes ne serait satisfaite. Peu après, deux membres masqués de la cellule Chénier enlèvent le ministre québécois du Travail et de l’Immigration Pierre Laporte alors qu’il joue avec son neveu devant sa maison à Saint-Lambert. (Ils ont trouvé son adresse dans l’annuaire téléphonique.)

L’escalade des activités du FLQ incite le premier ministre du Québec Robert Bourassa — nouvellement élu en avril — à demander au premier ministre Pierre Trudeau d’intervenir. Trudeau, à son tour, déploie les forces armées à Québec et à Ottawa et invoque la Loi sur les mesures de guerre. Il s’agit de la première et seule fois qu’elle est utilisée dans une crise intérieure au Canada. Près de 500 personnes sont arrêtées sans inculpation, dont 150 membres présumés du FLQ.

Pierre Laporte est retrouvé mort dans le coffre d’une voiture le 17 octobre, une semaine après avoir été kidnappé. L’autopsie révèle qu’il a été étranglé. (Certains médias émettent l’hypothèse que l’étranglement est accidentel, commis « dans un moment de panique » selon l’un d’entre eux. Dans son autobiographie, cependant, Francis Simard écrit: « Nous l’avons tué, ce n’était pas un accident ».)

Pierre Laporte (1921-1970)

Octobre 1968.fr.


Le 18 octobre, des mandats d’arrêt sont lancés contre Marc Carbonneau et Paul Rose. Ils sont recherchés en lien avec l’enlèvement et le meurtre de Pierre Laporte. Le 23 octobre, la police lance des mandats supplémentaires pour les autres membres de la cellule Chénier: Jacques Rose, Bernard Lortie et Francis Simard. Au 20 octobre, la police a effectué 1628 descentes en vertu de la Loi sur les mesures de guerre.

Le 2 décembre, Jacques Cossette-Trudel et son épouse Louise Lanctôt sont arrêtés par la police de Montréal. Le lendemain, la police a négocié la libération de Jacques Cossette-Trudel en échange du passage à Cuba de tous les membres de la cellule Libération, y compris Jacques Cossette-Trudel et Louise Lanctôt et leur fille en bas âge. Après avoir été détenu dans une chambre d’un appartement de Montréal-Nord pendant 59 jours, James Cross a perdu 22 livres, mais est autrement en bonne santé. Il n’a pas été blessé et a décrit ses ravisseurs comme étant courtois. (Voir aussi Crise d’octobre; Le FLQ et la crise d’octobre: chronologie.)

Contrecoup de la crise d’octobre

Paul et Jacques Rose et Francis Simard sont arrêtés dans une ferme au sud-est de Montréal le 28 décembre. Ils sont accusés, avec Bernard Lortie, de l’enlèvement et du meurtre de Pierre Laporte le 5 janvier 1971. Paul Rose est condamné à la prison à vie pour enlèvement et meurtre; Francis Simard est condamné à la prison à vie pour meurtre; Bernard Lortie est condamné à 20 ans pour enlèvement; et Jacques Rose est acquitté de l’enlèvement et du meurtre, mais condamné à huit ans pour complicité après coup dans l’enlèvement de Laporte.

Tous les membres de la cellule Libération qui ont obtenu un passage sûr hors du Canada en échange de la libération de James Cross rentrent éventuellement au Canada. Jacques Cossette-Trudel et son épouse Louise Lanctôt sont condamnés à deux ans de prison le 7 août 1979 et sont libérés sous conditions en avril 1980. Jacques Lanctôt revient en janvier 1979. Outre les accusations d’enlèvement dans l’affaire Cross, il est également accusé de conspiration en vue de l’enlèvement du délégué commercial israélien Moshe Golem. Nigel Barry Hamer est condamné à 12 mois de prison le 21 mai 1981. Marc Carbonneau est condamné à 20 mois de prison et 3 ans de probation le 23 mars 1982. Yves Langlois, dernier membre de la cellule Libération à revenir d’exil, est condamné à deux ans de prison; il obtient la libération conditionnelle le 27 mai 1983.

Au total, plus de 100 membres et sympathisants du FLQ passent 282 ans en prison et 134 ans en exil. Coupé de tout soutien politique, militaire et populaire, le FLQ cesse ses activités en 1971. Pierre Vallières renonce au FLQ et à l’utilisation du terrorisme et adhère au Parti Québécois. Il publie L’assassinat de Pierre Laporte en 1977, un essai se concentrant sur les actions menées par la police et les fonctionnaires qui ont, selon Vallières, contribué à la mort de Laporte. L’autobiographie de Francis Simard, Pour en finir avec octobre, est publiée en 1987.

Présence dans la culture populaire

L’Office national du film lance deux documentaires acclamés sur la crise d’octobre en 1973, Action: The Octobre Crisis of 1970 (v.f. Les événements d’octobre 1970) et Reaction: A Portrait of a Society in Crisis, tous deux réalisés par Robin Spry. Michel Brault devient le seul Canadien à remporter le prix du meilleur réalisateur au Festival de Cannes avec Les Ordres (1974). Basé sur les expériences de 50 personnes détenues pendant la crise, il est largement considéré comme l’un des meilleurs films canadiens jamais réalisés.

Pierre Falardeau, fervent nationaliste québécois, crée la controverse en 1994 avec le long métrage Octobre. Adapté de l’autobiographie de Francis Simard, le film dresse un portrait sympathique des membres de la cellule Chénier, et de l’enlèvement et meurtre de Laporte. En 2000, la télévision de la CBC diffuse Black October (2000), un documentaire de deux heures sur la crise, avec des entrevues de Pierre Trudeau et de James Cross. En 2006, elle diffuse October 1970, une minisérie de huit épisodes mettant en vedette R.H.Thomson dans le rôle de James Cross et Denis Bernard dans celui de Pierre Laporte. En 2010, à l’occasion du 40e anniversaire de la crise, Radio-Canada diffuse un documentaire radio sur la crise et ses ramifications; il comporte une entrevue avec le neveu de Pierre Laporte, Claude Laporte, qui a été témoin de l’enlèvement de son oncle.

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