Les Canadiens noirs et la conscription pendant la Première Guerre mondiale | l'Encyclopédie Canadienne

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Les Canadiens noirs et la conscription pendant la Première Guerre mondiale

En 1917, le gouvernement canadien a adopté la Loi du service militaire, qui voulait que tous les citoyens masculins (âgés de 20 à 45 ans) soient soumis à la conscription. Alors que la Première Guerre mondiale (de 1914 à 1918) s’éternisait, le Corps expéditionnaire canadien (CEC) avait désespérément besoin de renforts parce que le nombre de volontaires s’était presque tari. Plus tôt durant cette guerre, les volontaires noirs avaient fait face à de la résistance et de l’opposition envers leurs efforts de s’enrôler. Cependant, les Canadiens noirs n’ont pas été exemptés de la conscription et au moins 350 d’entre eux ont été enrôlés dans le Corps expéditionnaire canadien. Ceux qui ont servi outre-mer ont principalement servi dans le Corps forestier canadien, bien que certains ont servi sur les lignes de front.

Dossier de service de Philip Jenkins

Recherche de Noirs dans le Corps expéditionnaire canadien

Durant la Première Guerre mondiale, la milice canadienne ne note pas l’origine ethnique des militaires. Ceci fait en sorte que l’identification des militaires noirs dans les registres est difficile. L’auteur a identifié des soldats noirs en comparant les documents de recensements de 1901 et de 1911 et les états de services militaires de la Première Guerre mondiale. Les chiffres fournis dans cet article sont donc conservateurs; il est probable que le nombre de Canadiens noirs ayant servi dans le Corps expéditionnaire canadien soit plus important.

Conscription

Lorsque la Première Guerre mondiale commence, beaucoup de gens s’attendent à ce que la guerre se termine rapidement. Mais elle s’éternise et l’impasse sur les lignes de front fait de plus en plus de victimes. Le Canada a commencé la guerre avec une division d’infanterie de 12 bataillons d’infanterie; lorsqu’arrive décembre 1916, il ne reste que quatre infanteries au front.

Au départ, les enrôlements volontaires suffisent aux besoins de main-d’œuvre causés par les morts et les blessées. Cependant, au cours de la première moitié de 1916, le nombre de volontaires commence à baisser, et rapidement les politiciens ont l’idée d’instaurer la conscription pour le service militaire. Bien que ce soit controversé, la Loi du service militaire est adoptée le 29 août 1917, obligeant tous les citoyens masculins âgés de 20 à 45 ans à s’inscrire pour le service militaire.

Près de 400 000 Canadiens sont inscrits pour le service à la fin de 1917, bien que la plupart demandent immédiatement une exemption; des milliers refusent de s’inscrire. Au total, environ 125 000 hommes sont appelés à servir pour le Corps expéditionnaire canadien et près de 100 000 sont acceptés. Environ 48 000 hommes sont envoyés outre-mer, incluant 24 000 qui servent en France. Le reste des soldats conscrits restent au Canada.

Deux soldats noirs lavent leurs uniformes

Canadiens noirs et conscription

Au cours des deux premières années de la guerre, les Canadiens noirs ont de la difficulté à s’enrôler en tant que volontaires. Ils ne sont toutefois pas exemptés de la conscription. Malgré le racisme auquel ils ont fait face lorsqu’ils tentaient de se porter volontaires, la plupart des Noirs s’inscrivent pour le service comme l’exige la Loi du service militaire. Par contre, certains d’entre eux décident que s’ils n’étaient pas assez bons en tant que volontaires, ils ne veulent pas s’inscrire pour le service obligatoire. Certains de ces hommes sont arrêtés par des patrouilles de polices et forcés de s’inscrire.

À la fin de la guerre, on estime qu’au moins 358 Canadiens noirs sont enrôlés dans le Corps canadien (le chiffre réel pourrait être plus près de 500). De ceux qui sont conscrits, 220 sont envoyés outre-mer; la plupart d’entre eux restent au Royaume-Uni alors que 12 % sont envoyés au front. En revanche, 50 % des blancs conscrits envoyés outre-mer sont envoyés dans des unités de première ligne en tant que renforts. Plusieurs Noirs conscrits servent avec les unités du Corps canadien au Canada parce que leur catégorie médicale les empêche de servir au front. D’autres sont libérés parce qu’ils sont jugés médicalement inaptes, ou parce qu’ils sont conscrits par erreur étant donné qu’ils sont citoyens américains.

Le saviez-vous ?
Les nouvelles recrues devaient subir un examen médical préliminaire lors de leur enrôlement. Un examen plus approfondi suivait ensuite, qui révélait parfois des problèmes de santé comme la tuberculose, des problèmes pulmonaires, des varices ou un souffle cardiaque. Alors que quelques conscrits étaient libérés pour raisons médicales, plusieurs autres recevaient un rapport médical de catégorie C. Ceci voulait dire qu’ils étaient considérés inaptes pour le combat, mais qu’ils pouvaient tout de même faire un travail utile, par exemple dans le domaine de la sécurité, des services d’administration ou de logistique, ou dans le soutien à la formation.


Les conscrits noirs commencent à arriver au Royaume-Uni à partir du 23 janvier 1918. Leurs nombres augmentent, et près de 91 d’entre eux arrivent en juillet. Ceci inclut un groupe de 56 hommes qui ont été formés dans une unité à London en Ontario pour apporter des renforts au 2e Bataillon de construction. Ils arrivent le 22 juillet, mais ils ne se rendent jamais au bataillon; au lieu, ils servent avec le Corps forestier canadien.

Service avec le Corps forestier canadien

Alors que les conscrits blancs sont envoyés dans des bataillons de réserves pour les préparer au service, la plupart des conscrits noirs sont envoyés au dépôt du Corps forestier canadien. Ceci est une politique délibérée du siège social des Forces militaires du Canada outre-mer à Londres en Angleterre, qui croit que leur présence dans des bataillons de réserves n’est pas souhaitable et est une source de problèmes. Au milieu de l’année 1918, il y a de nombreux Noirs dans le Corps forestier canadien. Les opérations forestières de ce Corps disposent cependant de suffisamment de soldats, alors il n’y a que peu de travail pour les nouveaux arrivants.

Cela change rapidement lorsque l’Aviation royale demande au Corps forestier de soutenir leurs opérations en Belgique et en France en prévision d’un repoussement des Allemands. Le Corps forestier forme sept compagnies pour démanteler les bâtiments des terrains d’aviation afin qu’ils puissent être déplacés vers de nouveaux emplacements, et pour pouvoir réparer et préparer d’autres terrains d’aviation, incluant les emplacements allemands capturés, alors que l’Aviation royale avance sur les lignes de front. Deux compagnies incluent un nombre important de soldats noirs; dans la Compagnie no 8, 169 des 180 soldats sont Noirs, et 15 % des soldats de la Compagnie no 7 sont Noirs. La plupart des soldats sont conscrits; cependant, certains sont des volontaires alors que d’autres sont membres du 2e Bataillon de construction restés en Angleterre.

Service de première ligne

Alors que la conscription est initialement destinée à fournir des renforts pour les unités de première ligne, seulement 28 Noirs conscrits sont envoyés au front. Le premier Noir conscrit envoyé en France est le soldat Joseph Malott, qui arrive le 15 mars 1918 pour servir dans le 13e Bataillon, les Troupes ferroviaires canadiennes. Le groupe le plus important (14 hommes) est envoyé en France à la mi-août, durant la campagne des cent jours du Canada. Le Corps canadien subit de plus lourdes pertes lors de cette campagne que lors de toute autre période de la guerre. Des Noirs conscrits sont répartis entre les bataillons des premières lignes; trois pour chaque bataillon, le 18e, le 47e et le 118e. Des 28 hommes envoyés au front, trois sont tués au cours des 100 jours de la campagne, et neuf sont blessés.

Philip Henry Jenkins, Howard Hesson et Stanley Hosey se joignent au 47e bataillon à la mi-août. Howard Hesson et Henry Jenkins sont tous deux blessés le 28 septembre durant l’attaque d’un village de Raillencourt. Ils sont deux des 66 soldats blessés ce jour-là (15 soldats sont tués). Howard Hesson subit des blessures par balle sur le haut de la cuisse droite et des blessures des éclats d’obus à la jambe gauche. Philip Henry Jenkins subit une blessure par balle à la joue et il retourne à la compagnie trois semaines plus tard. Howard Hesson et Philip Henry Jenkins ont la chance de n’avoir que des blessures qui n’auront pas de conséquences à long terme. Cependant, Stanley Hosey est tué le 1er novembre 1918 lors de la bataille de Valenciennes. Le bataillon perd 16 officiers et soldats ce jour-là en plus de 119 blessés, plus d’un quart des forces du bataillon.

Livre du Souvenir

Importance

Lorsque la Loi du service militaire soumet tous les citoyens masculins à la conscription en 1917, les Canadiens noirs ne sont pas exemptés. Plus tôt lors de cette guerre, les volontaires noirs trouvent qu’il leur est difficile de s’enrôler dans le Corps expéditionnaire canadien en raison de préjugés et d’attitudes racistes. Malgré ceci, la plupart des Canadiens noirs s’inscrivent pour le service militaire, et au moins 350 sont enrôlés dans le Corps canadien. La majorité d’entre eux sont assignés au Corps forestier canadien qui emploie également la plupart des volontaires noirs. Au moins 28 des Noirs conscrits servent dans les unités des premières lignes lors de la campagne des cent jours du Canada, où trois d’entre eux perdent la vie. Bien que les historiens aient débattu au sujet de la valeur militaire de la conscription, ces soldats ont contribué à renforcer les divisions appauvries des Corps canadiens lors des dernières étapes de la guerre. Tout comme leurs homologues blancs, les Noirs conscrits ont contribué à mettre fin à une guerre qui a fait des millions de morts, incluant au moins 66 000 Canadiens et Terre-Neuviens.