Traité de paix entre les Britanniques et les Inuits | l'Encyclopédie Canadienne

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Traité de paix entre les Britanniques et les Inuits

Le traité de paix entre les Britanniques et les Inuits a été signé à Château Bay, au Labrador, le 21 août 1765, entre Hugh Palliser, le gouverneur de Terre-Neuve, et les représentants des Inuits du centre et du sud du Labrador. Les Britanniques avaient suggéré ce traité pour résoudre les tensions entre les Inuits et les Britanniques, pour soutenir les intérêts britanniques, et pour offrir aux Inuits la protection des Britanniques, ainsi que pour certains autres avantages. (Voir aussi Traités avec les peuples autochtones au Canada et Relations entre les Autochtones et les Britanniques avant la Confédération.)

Contexte historique

Depuis le milieu des années 1500, une intense concurrence existe entre les Inuits et les Européens pour les ressources que sont les baleines, les phoques, et les poissons du centre et du sud du Labrador. À partir du milieu du 16e siècle, les Inuits ont quelques escarmouches avec les baleiniers basques et ils les attaquent ensuite afin de protéger leurs terres et ressources. Ceci entrave sérieusement tout effort de la part des chasseurs de baleines basques durant plusieurs années.

À partir d’environ 1610, les attaques inuites dans la région du détroit de Belle-Isle contre les pêcheurs français mènent ces derniers à demander la permission de s’armer. Les Français sont principalement intéressés par le sud du Labrador en raison de sa proximité avec les lieux de pêche lucratifs le long de la côte. Les parties du Labrador se trouvant plus au nord ne les intéressent pas. Lorsqu’arrive le début des années 1700, la France a acquis une reconnaissance internationale pour ses revendications sur le sud du Labrador. (Voir aussi Relations entre les Autochtones et les Français.)

Au cours de la première moitié du 18e siècle, les relations entre les Français et les Inuits ne se sont pas améliorées et le conflit continue. Les Français qui sont sur le long de la côte de ce qui est aujourd’hui le Québec demandent continuellement une protection militaire à la France. Ceci mène à la construction de forts et à une augmentation des attaques contre les Inuits. Par conséquent, dans les années 1730, les Inuits se retirent sur la côte atlantique. Les Inuits continuent de riposter, et en 1741, ils incendient le poste français de Cape Charles. Les Français abandonnent également leur poste de Château Bay quelque temps avant 1757.

Pendant ce temps, la Grande-Bretagne et la France sont elles-mêmes en conflit durant la majeure partie du début des années 1700, un conflit qui culmine avec la guerre de Sept Ans (de 1756 à 1763). La France perd cette guerre et, avec le traité de Paris signé en février 1763, la Grande-Bretagne prend le contrôle de presque tous les territoires nord-américains de la France, incluant le Labrador. Par une proclamation royale promulguée en octobre de la même année, la Grande-Bretagne confie la côte du Labrador au gouvernement colonial de Terre-Neuve.

Relations entre les Inuits et les Britanniques

Bien que Terre-Neuve soit une colonie britannique, ce n’est en fait guère plus qu’un poste de pêche (voir aussi Politique à Terre-Neuve-et-Labrador). Il y a un gouverneur, mais il n’y a que très peu d’autres attributs gouvernementaux comme une assemblée législative. Comme pour les Français, la zone de pêche au large de la côte du Labrador, plus particulièrement le détroit de Belle-Isle, est extrêmement profitable pour les Britanniques. Ils s’intéressent à l’exploitation des ressources, mais pas à la colonisation. Cependant, le conflit de longue date dans la région entre les Inuits et les Européens crée un obstacle pour les Britanniques en termes de commerce et d’obtention de ressources.

En avril 1764, les Lords of Trade and Plantations l (ceux qui supervisent l’administration des colonies britanniques) nomment Hugh Palliser comme lieutenant-gouverneur à la fois de Terre-Neuve et de la côte du Labrador. Les Britanniques veulent que leurs pêcheurs prennent part à la pêche dans le Labrador sans l’obstruction des Français et aux Inuits. Les instructions des Lords of Trade and Plantations à Hugh Palliser, données le 10 avril 1764, lui ordonnent spécifiquement de faire un rapport sur la question de savoir si des forts devraient être construits pour protéger la pêcherie ou si la traite avec les Inuits devrait continuer. Ils lui ordonnent également d’empêcher toute autre nationalité de marchander avec les Inuits, et d’encourager ces derniers à ne marchander qu’avec les Britanniques.

Le 1er juillet 1764, Hugh Palliser émet une proclamation devant les résidents de Terre-Neuve, qui leur ordonne de ne pas causer de torts aux Inuits. Il les informe également qu’il espère convaincre les Inuits de conclure un traité avec les Britanniques. Hugh Palliser informe les Lords qu’il a l’intention de se servir des missionnaires moraves, qui ont visité le Labrador pour la première fois en 1752, pour l’aider à négocier un traité. Ces missionnaires sont membres d’une secte religieuse allemande qui a appris l’inuktitut, une langue inuite, au Groenland. (Voir aussi Langues autochtones au Canada.) Leur objectif est de s’établir parmi les Inuits et de les convertir au christianisme.

Négociations

Peu après avoir reçu les instructions de la part des Lords, Hugh Palliser envoie une invitation aux Inuits, par le biais d’un missionnaire morave, pour le rencontrer. En réponse, plus de 300 Inuits du sud et du centre du Labrador se rassemblent à Château Bay en août 1765 pour rencontrer le gouverneur. Avec l’aide des traducteurs moraves, Hugh Palliser et les représentants inuits tiennent une conférence qui dure plusieurs jours.

Les Britanniques ont auparavant utilisé des traités de paix et d’amitié avec divers peuples autochtones du nord-est de l’Amérique du Nord pour promouvoir de bonnes relations et marchander avec eux. C’est cette méthode qu’ils désirent que Hugh Palliser emploie avec les Inuits.

Résultat

Hugh Palliser et les représentants inuits concluent entre eux un accord avec succès, qui est signé le 21 août 1765. En s’alliant aux Inuits, les Britanniques espèrent se protéger contre l’ingérence des colonies américaines ou de la France. Pour leur part, le traité promet aux Inuits la protection de la Couronne britannique, l’autonomie gouvernementale, l’utilisation de la faune et des ressources naturelles, ainsi que le droit à la traite commerciale.

Nunatukavut

En 1985, la Nation des Métis du Labrador (NML), à l’origine nommée Labrador Métis Association, est formée. (Voir aussi Métis.) Elle est renommée Conseil communautaire de NunatuKavut (CCN) en 2010, et elle représente 6000 Inuits. En se basant sur le traité de 1765, la NML dépose une revendication territoriale auprès du gouvernement fédéral en 1991 pour une importante partie du sud du Labrador, qui, selon la revendication, est le territoire traditionnel des Inuits du centre et du sud. En septembre 2019, le gouvernement fédéral signe un protocole d’entente avec le CCN, établissant les conditions pour de futures négociations sur les droits et l’autonomie gouvernementale. Le CCN nomme leur territoire Nunatukavut (Notre ancienne terre).

Controverse

Selon certains chercheurs, l’accord de 1765 entre les Britanniques et les Inuits du sud du Labrador n’est en fait pas un traité de paix. Ils conviennent qu’une réunion a eu lieu, mais ses termes n’étaient pas du type d’étude approfondie, comme on le trouve généralement dans les traités de paix et d’amitié de l’époque.

Plusieurs organismes autochtones s’opposent également à la revendication territoriale du Conseil communautaire nunatukavut, incluant la Nation innue, le gouvernement du Nunatsiavut (le gouvernement régional des Inuits du Labrador), et Natan Obed, le chef de l’organisme des droits des Inuits, Inuit Tapiriit Kanatami. Plus particulièrement, ils soutiennent que le CCN n’est pas un organisme autochtone. De plus, la Nation innue croit que les revendications territoriales du CCN, qui chevauchent les siennes, affaibliront leurs négociations avec le gouvernement fédéral. En 2019, la Nation innue se rend devant les tribunaux pour contester les revendications d’identité autochtone du CCN. En 2020, le gouvernement du Nunatsiavut se joint au procès en soutien à la Nation innue.