La
vaccination consiste à introduire un vaccin dans le corps d’une personne, afin
qu’elle soit immunisée contre une maladie. La réticence à la vaccination est le
refus ou l’acceptation tardive de la vaccination, en raison de craintes ou d’anxiété
à propos des vaccins. Elle englobe un large spectre de sujets d’inquiétude,
notamment l’incertitude quant à la composition exacte des vaccins et à leur
innocuité, ainsi que la croyance qu’ils pourraient être à l’origine de
différents problèmes médicaux, comme l’autisme. La réticence à la vaccination s’appuie
également sur d’autres facteurs comme l’opposition à un contrôle étatique, des
craintes par rapport aux libertés individuelles, des soupçons relatifs à l’industrie
pharmaceutique et une confiance en baisse dans la science et dans la médecine.
Au Canada, comme dans d’autres pays riches, la réticence à la vaccination a
augmenté ces dernières années.
Réticence face à la
vaccination et immunité collective
On estime
que, chaque année, les vaccins préviennent, dans le monde, environ deux à trois
millions de décès chez les jeunes enfants. Pourtant, les experts observent, au
Canada et dans d’autres pays riches, un renforcement de la réticence à la
vaccination. Cette tendance menace l’immunité et la santé collectives.
On parle d’immunité
collective lorsqu’une grande partie de la population est immunisée contre une
maladie. Dans ce contexte, il est peu probable que la maladie se propage d’une
personne à l’autre, protégeant ainsi ceux qui ne peuvent pas être vaccinés ou
qui présentent, par ailleurs, une vulnérabilité particulière. On estime, par
exemple, que, pour atteindre une immunité collective vis‑à‑vis de la rougeole,
il faut qu’environ 95 % de la population soient vaccinés.
La
réticence à la vaccination a contribué à une résurgence, en Amérique du Nord et
en Europe, de la rougeole et d’autres maladies évitables par la vaccination. En 2019,
l’Organisation mondiale de la santé a classé la réticence à la vaccination
comme l’une des « dix plus grandes menaces pour la santé mondiale ».
Règlements sur les vaccins
au Canada
Au Canada,
la vaccination est volontaire. Deux provinces, l’Ontario
et le Nouveau‑Brunswick
, exigent une preuve de vaccination
pour la scolarisation des enfants et des adolescents. Il s’agit notamment de la
vaccination contre la diphtérie, le tétanos, la polio
, la rougeole, les oreillons et la
rubéole. Cependant, même dans ces provinces, les parents peuvent refuser la
vaccination pour des raisons médicales ou idéologiques.
Réticences à la
vaccination et éclosions de maladies au Canada
Le gouvernement canadien
a fixé un objectif de couverture
vaccinale de 95 % pour tous les vaccins infantiles. Cependant, selon
une enquête menée en 2017 par le gouvernement fédéral, la couverture
vaccinale était inférieure à cette cible pour toutes les maladies de ce type,
notamment la rougeole, les oreillons, la rubéole, la coqueluche, la diphtérie
et le tétanos. Selon les estimations de 2018 de l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE), la couverture vaccinale au
Canada était inférieure à celle de nombreux pays riches, dont la Nouvelle‑Zélande,
l’Allemagne, l’Espagne, les Pays‑Bas, le Royaume‑Uni, les États‑Unis, l’Italie,
la Suisse, la Norvège et la France.
Depuis 2005,
le Canada a souffert d’éclosions de maladies évitables par la vaccination,
notamment d’importantes flambées de rougeole, en 2008, en 2010‑2012, en 2014,
en 2015 et en 2019. Beaucoup de ces épisodes étaient liés à des
collectivités au sein desquelles la vaccination était remise en question, voire
découragée. De la même façon, on a observé, entre 2007 et 2010, d’importantes
éclosions d’oreillons en Colombie‑Britannique
, en Alberta
, en Ontario
, au Québec
, en Nouvelle‑Écosse
et au Nouveau‑Brunswick
.
Il est
clair que la réticence à la vaccination influence l’adoption des vaccins au
Canada. Il est toutefois important de noter que les obstacles à un accès à la
vaccination et aux soins de santé en général, jouent également un rôle, surtout
dans les collectivités éloignées du Canada.
Motifs expliquant la
réticence à la vaccination
La réticence à la vaccination englobe de multiples inquiétudes, notamment l’incertitude quant à la composition exacte des vaccins et à leur innocuité. Certaines personnes croient que les vaccins causent d’autres problèmes médicaux, comme l’autisme . Il peut aussi s’agir de craintes vis‑à‑vis d’un contrôle étatique et d’une érosion des droits individuels. La complaisance joue également un rôle dans la réticence à la vaccination. Il en va de même de la montée de la culture des « influenceurs » et du déclin de la confiance en la science et en la médecine. Les parents s’inquiètent des effets secondaires possibles de la vaccination sur leurs enfants par rapport au risque de contracter une maladie potentiellement dangereuse, voire mortelle. En même temps, ils ont parfois du mal à composer avec leurs responsabilités envers l’ensemble de la population.
Relâchement de la
vigilance
La
vaccination a permis l’éradication de la variole
, en 1980, et la baisse de l’incidence des
maladies infantiles telles que la polio
, la diphtérie et la coqueluche.
Cependant, ces succès ont conduit à un relâchement de la vigilance vis‑à‑vis de
ces maladies. Comme elles semblent ne plus représenter une menace, certaines
personnes en viennent à croire que la vaccination n’est plus nécessaire. En
Europe et aux États‑Unis, là où des maladies infantiles, autrefois courantes,
avaient pratiquement disparu, la réticence à la vaccination s’est renforcée,
conduisant à une résurgence de ces maladies.
En
revanche, la couverture vaccinale s’est améliorée dans les pays du Sud, où l’Organisation
mondiale de la santé, l’UNICEF, la Banque mondiale et la Fondation Bill &
Melinda Gates se sont associées à d’autres entités pour donner naissance à
Gavi, une alliance en faveur de la vaccination qui a permis la vaccination de
plus de 760 millions d’enfants depuis sa création. Toutefois, cette
alliance a également reçu son lot de critiques pour son approche « descendante »,
consistant à imposer la vaccination à l’échelon des personnes et des pays. Ce
débat soulève un certain nombre de questions concernant les initiatives mondiales
de vaccination, l’autonomie, les droits individuels et le « bien public ».
Droits individuels et bien
public
Le maintien
de l’immunité collective est crucial pour garantir la santé des personnes
immunodéprimées ou allergiques aux vaccins. Les concepts de « bien public »
et de « santé publique » sont au cœur du débat sur la question de
savoir si les individus ont le droit de choisir de refuser la vaccination.
Ces
discussions ont déjà une longue histoire : au 19e et au 20e siècles,
plusieurs pays ont adopté et fait appliquer des lois sur la vaccination
obligatoire. Ces lois ont été influencées par la croyance émergente selon
laquelle la santé était une préoccupation publique, plutôt qu’une préoccupation
individuelle. Les citoyens ont donc la responsabilité de s’assurer qu’ils ne
transmettent pas de maladies transmissibles aux autres. Pourtant, dès le début,
des gens ont remis en question la vaccination obligatoire et ont protesté en
conséquence, affirmant leur droit individuel de choisir. Dans la Montréal
du 19e siècle,
les Canadiens français résistent, par exemple, à la vaccination contre la
variole. Cette opposition contribue à des taux de mortalité élevés lors de l’épidémie de variole de Montréal de 1885
. En Grande‑Bretagne, la résistance
à la vaccination conduit à la modification de la législation sur la vaccination
obligatoire contre la variole, autorisant, en 1898, les objections de
conscience dans ce domaine. Ces exemptions à la vaccination préfigurent celles
que nous connaissons aujourd’hui.
Risque‑bénéfice
Lorsque les experts discutent de vaccination, ils font souvent référence à une relation risque‑bénéfice. Cela signifie que les bénéfices de la prévention d’une maladie doivent l’emporter sur les risques de préjudice ou d’effets secondaires dus au vaccin. Le consensus médical et scientifique est que les risques de la vaccination sont faibles. Il est vrai que tout vaccin peut provoquer une réaction; toutefois, les effets secondaires sont généralement légers, prenant, par exemple, la forme d’une faible fièvre ou d’une certaine douleur à l’endroit où l’injection a été effectuée. Dans de rares cas, les vaccins peuvent provoquer une réaction allergique grave ou des effets secondaires neurologiques, par exemple une crise épileptique. Cependant, les risques de contracter naturellement des maladies comme la rougeole ou la polio sont bien plus élevés, ces maladies pouvant être mortelles.

Inquiétudes quant à l’innocuité
des premiers vaccins
La
réticence à la vaccination n’est pas un phénomène nouveau. En fait, elle
remonte au premier vaccin contre la variole
, créé en 1796 par Edward Jenner.
Contrairement à aujourd’hui, les premiers vaccins ne devaient pas subir des
tests rigoureux en matière d’innocuité et d’efficacité. Les gens n’étaient, en
conséquence, pas sûrs de leur caractère bénin et de leur capacité à prévenir
les maladies transmissibles. (Certaines personnes se sont également opposées
aux premiers vaccins pour des raisons religieuses, sur la base de croyances sur
le caractère sacré du corps et sur l’importance du maintien de la « pureté ».)
Au 20e siècle,
un certain nombre de catastrophes liées aux vaccins conduisent les populations
à douter de leur caractère inoffensif. Il s’agit notamment d’un épisode tragique,
survenu à Lübeck, en Allemagne, en 1933, au cours duquel 72 nourrissons
sont morts d’un vaccin contre la tuberculose
qui présentait des défauts de
fabrication. Lors de l’incident de Cutter, en Californie, en 1954,
plusieurs milliers d’enfants vaccinés et de personnes avec lesquelles ils
avaient été en contact, au sein de la collectivité, sont infectés par la polio
, à partir d’une version défectueuse
du vaccin antipoliomyélitique de Jonas Salk. Deux cents personnes sont
atteintes de symptômes paralytiques et dix décèdent. Ces deux affaires font la
une des journaux dans le monde entier, sapant encore davantage la confiance du
public vis‑à‑vis de l’innocuité des vaccins.
Vaccins et autisme?
À compter
de la fin des années 1990, de nombreuses personnes s’inquiètent d’un lien
supposé entre les vaccins et l’autisme
. Cette peur naît d’un article, paru
dans la revue Lancet, en 1998, sous la plume d’Andrew Wakefield et
de ses co‑auteurs. Dans cet article, aujourd’hui discrédité, les auteurs
allèguent que leurs recherches leur ont permis d’établir un lien entre le
vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) et l’apparition de
symptômes de l’autisme chez les enfants. L’article ne mentionne toutefois pas l’existence
de données probantes établissant que le ROR serait à l’origine de l’autisme.
Cependant, Andrew Wakefield accorde plusieurs entrevues et publie des
communiqués de presse dans lesquels il demande que le vaccin ne soit plus
administré, tant que le sujet n’aura pas été creusé. En raison de ces
déclarations et du tollé soulevé quant à la sécurité du public, l’article fait
l’objet d’une attention toute particulière de la part des chercheurs et du
grand public.
En 2010,
l’article est retiré du Lancet pour des violations de l’éthique lors du
recrutement de patients. En outre, des études ultérieures ne montrent aucun
lien entre l’autisme et le vaccin ROR. Malgré cela, la couverture médiatique de
la théorie d’Andrew Wakefield contribue à diffuser largement la croyance en l’existence
d’une telle relation.
Culture d’influenceurs et
perte de confiance vis‑à‑vis des médecins et de la science
En dépit de
la réfutation de l’article d’Andrew Wakefield et de ses conclusions, il
conserve son influence dans la culture antivaccination. Cela s’explique, en
partie, par le fait que plusieurs célébrités, dont Jim Carrey
, se sont prononcées en faveur de l’existence
d’une telle corrélation entre le vaccin ROR et l’autisme. La montée de la
culture des célébrités et des « influenceurs » a également mis en
évidence une perte surprenante de confiance vis‑à‑vis des médecins. Certaines
personnes réticentes à la vaccination doutent de leur expertise et de leur
intégrité. Ces personnes s’interrogent sur les liens existant entre les
médecins et les grandes entreprises pharmaceutiques. Elles reprochent également
aux scientifiques et aux experts médicaux de manquer d’ouverture et de ne pas
accepter des points de vue différents des leurs et les preuves qui les appuient.
Certains accusent également les médecins et les gouvernements de dépasser leurs
prérogatives, en limitant les droits et l’indépendance des parents.
Communication et confiance
Alors que les vaccins ont maintenant fait leurs preuves en tant que moyen sûr et efficace de prévenir les maladies transmissibles, il est difficile de communiquer cette notion aux populations de manière claire et convaincante. Pour que cela soit possible, un respect et une confiance mutuels entre les décideurs, les médecins et le public sont indispensables. Les gouvernements et les organisations de santé doivent également prendre acte des complexités de l’immunité collective et des compromis nécessaires à son obtention, et communiquer à ce sujet. Il leur incombe de favoriser une compréhension approfondie des enjeux en matière de responsabilités, mais également de droits liés à la citoyenneté.
Termes clés
Immunité collective
On parle d’immunité
collective lorsqu’une grande partie de la population est immunisée contre une
maladie, rendant improbable sa propagation d’une personne à une autre. Dans un
tel contexte, l’ensemble de la population est protégé, y compris les personnes
qui ne sont pas immunisées vis‑à‑vis de cette maladie, soit parce qu’ils ne
peuvent pas être vaccinés, soit pour toute autre raison.
Vaccin
Un vaccin
est une préparation à base de bactéries ou de virus
, tués ou affaiblis, qui amène le
corps à développer une immunité contre les mêmes bactéries ou virus.
Réticence à la vaccination
La
réticence à la vaccination est le refus ou l’acceptation tardive de la
vaccination.