Thomas « Tommy »
George Prince, héros de guerre, défenseur des droits des Autochtones (né le 25 octobre 1915 à
Petersfield, au Manitoba; décédé le 25 novembre 1977 à Winnipeg). Tommy
Prince est l'un des anciens combattants autochtones les plus décorés au Canada : il a
reçu un total de 11 médailles pour son service durant la Deuxième
Guerre mondiale et à la guerre de Corée. Bien qu’il soit sans-abri au
moment de sa mort, il est honoré à ses funérailles par sa Première Nation, la province
du Manitoba,
le Canada, et les gouvernements de la France, de l’Italie et des États-Unis. (Voir
aussi Les
peuples autochtones et les guerres mondiales.)
Jeunesse
Tommy
Prince naît dans une tente en toile à Petersfield, au Manitoba,
en octobre 1915 et est l’un des 11 enfants de Harry et Elizabeth Prince,
membres de la bande ojibwée Brokenhead. Il est l’un des descendants
de Peguis, le chef salteaux. À l’âge de cinq ans, il
déménage avec sa famille à la réserve
amérindienne Brokenhead (aujourd’hui la nation Brokenhead Ojibway) à
Scanterbury. Tommy Prince est un survivant du système de pensionnats
indiens.
À la
réserve, son père, un chasseur-trappeur, lui apprend à devenir un tireur
extrêmement doué et un excellent traqueur.
Tommy
Prince tente à plusieurs reprises de s’enrôler dans l’armée
canadienne, mais en vain. Les Autochtones
sont alors victimes de discrimination partout au pays, ce qui
explique sans doute le rejet de sa candidature. Il est finalement accepté dans
l’armée au début de la Deuxième Guerre mondiale.
1er Détachement
du service spécial
Tommy
Prince s’enrôle dans l’armée
canadienne le 3 juin 1940 et est affecté à la 1re compagnie
de matériel du Corps du génie royal canadien. En 1942, il est sergent au sein
du Bataillon de parachutistes canadiens. Affecté au 1er Bataillon
canadien de service spécial, il figure parmi un groupe de soldats canadiens
sélectionnés pour être envoyés en formation avec une unité américaine afin de
constituer un groupe d’assaut spécialisé. Ils deviennent le 1er Détachement
du service spécial, que l’ennemi surnomme la « Brigade du diable ».
Ce nom devient le titre d’un film hollywoodien (1968) sur l’unité d’élite.
Tommy Prince y est présenté comme « Chef ».
Tommy
Prince se distingue avec le 1er Détachement du service spécial
en Italie et en France, faisant appel aux habiletés acquises pendant sa
jeunesse à la réserve,
qu’il déploie en février 1944, lors d’une opération acclamée près de la ligne
de combat à Anzio, en Italie. Il s’y porte volontaire pour aller installer une
ligne de communication à 1 400 mètres plus loin, dans une ferme
abandonnée à seulement 200 mètres d’un poste d’artillerie allemand. Il y met
sur pied un poste et, pendant trois jours, rapporte tous les mouvements des
Allemands à l’aide du câble de communication.
Lorsque le
câble est endommagé à cause des bombardements, Tommy Prince se déguise en
paysan et fait semblant de défricher la terre autour de la maison. Il s’arrête
un instant pour attacher ses souliers et répare le câble, sous le regard des
soldats allemands qui ne se doutent de rien. Il va jusqu’à brandir son poing en
direction des Allemands, puis en direction des Alliés, prétendant détester les
deux camps. Grâce aux tactiques de Tommy Prince, quatre chars allemands qui
avaient fait feu sur les troupes alliées sont détruits.
En France,
à l’été 1944, Tommy Prince effectue une expédition exténuante sur un
terrain raboteux et montagneux, pour trouver la position d’un camp ennemi. Il
voyage pendant plus de 72 heures sans eau ni nourriture. Il retourne
ensuite au poste des Alliés et mène la brigade jusqu’au campement allemand, et
contribue ainsi à la capture de plus de mille soldats allemands.
Honoré par le roi George VI
Lorsque les
combats cessent en France, Tommy Prince est convoqué au Palais de Buckingham,
où le roi George VI le décore de la Médaille militaire et, au nom du
Président des États-Unis, de la Silver Star ornée d’un ruban. Il reçoit
également l’Étoile 1939-1945, l’Étoile d’Italie, l’Étoile de France et
d’Allemagne, la Médaille de la Défense, la Médaille canadienne du volontaire
avec barrette et la Médaille de guerre.
Tommy
Prince est l’un des 59 Canadiens à avoir reçu la décoration Silver Star
pendant la
Deuxième Guerre mondiale (seuls trois d’entre eux, dont Tommy Prince, sont
également titulaires de la Médaille militaire). Le 15 juin 1945, il est
démobilisé avec états de service honorables et rentre au Canada.
Le saviez-vous?
En 2020, une campagne est lancée en ligne afin d’honorer Tommy Prince et d’utiliser son visage sur le nouveau billet de cinq dollars.
De retour au Canada
De retour
au pays, Tommy Prince subit le racisme du
gouvernement fédéral. Autochtone,
il n’a pas le droit de voter
aux élections
fédérales (malgré son service militaire) et se voit refuser les droits et
avantages accordés aux vétérans canadiens. (Voir aussi Droit
de vote des peuples autochtones.)
Il ouvre un
commerce qui connaît une brève prospérité, mais le laisse à des amis pour
servir de porte-parole à la Manitoba Indian Association. Il fait alors pression
sur le gouvernement
fédéral pour qu’il change la Loi sur les Indiens. (Voir aussi Autochtones :
organisations et activisme politiques.) Après sa campagne, il rentre chez lui
pour découvrir que le commerce qu’il avait confié à ses amis a fait faillite.
Sans emploi
et victime de discrimination,
il s’enrôle à nouveau dans l’armée et sert au sein du régiment Princess
Patricia’s Canadian Light Infantry (PPCLI).
Guerre de Corée
Tommy
Prince reprend son ancien grade et forme de nouvelles recrues pour la Guerre de Corée. Il est de la première unité
canadienne à mettre le pied en sol coréen, où il sert au sein d’un peloton de
fusiliers pour la PPCLI.
En Corée, Tommy Prince est à la tête de nombreuses « patrouilles
d’enlèvement » : un petit groupe de soldats voyage en territoire
ennemi et lance des attaques subreptices avant de se retirer. L’un de ces raids
nocturnes entraîne notamment la capture de deux mitrailleuses ennemies.
Tommy
Prince doit rentrer au Canada en 1951 afin de suivre un traitement pour ses genoux.
Il retourne toutefois en Corée en 1952. Il est à nouveau blessé et doit rester
des semaines à l’hôpital, où il est en rémission lorsque l’armistice de la
guerre de Corée, conclu en 1953, met fin aux hostilités.
Après deux
périodes d’affectation en Corée, il reçoit la médaille de Corée, la Médaille
canadienne du volontaire et la médaille du Service des Nations unies.
Il rentre
au Canada et demeure dans l’armée,
travaillant au quartier général du personnel à Winnipeg jusqu’en septembre
1954, lorsqu’il est démobilisé avec états de service honorables.
Période difficile
Tommy
Prince a un sens profond du devoir civique et une grande fierté autochtone. Il
milite activement pour que les Autochtones obtiennent plus de droits à l’éducation
et de droits économiques.
« Toute ma vie, j’ai voulu faire quelque chose pour aider mon peuple à
retrouver sa fierté. Je voulais leur prouver qu’ils valaient autant que
n’importe quel homme blanc », a-t-il dit.
Il se marie
et a cinq enfants. En 1955, lorsqu’il aperçoit un homme en train de se noyer
près des quais d’Alexander, à Winnipeg,
il saute à l’eau pour le sauver.
Pendant ses
dernières années, Tommy Prince traverse une période difficile et vit à l’Armée du salut. (Voir aussi Conditions
sociales des peuples autochtones au Canada.) Il meurt à l’hôpital Deer
Lodge à Winnipeg le 25 novembre 1977 à l’âge de 62 ans. Il est
enterré au cimetière militaire Brookside, à Winnipeg. Une délégation de la PPCLI
porte son cercueil et des hommes de sa Première
nation chantent la chanson « Mort d’un guerrier » lors de sa mise
en terre. Plus de 500 personnes assistent à la cérémonie, dont le lieutenant-gouverneur
du Manitoba et les consuls de France, d’Italie et des États-Unis.
Héritage
Bien que la
pierre tombale de Tommy Prince ne mentionne que 2 des 11 médailles qu’il a
reçues, il est un des anciens
combattants autochtones les plus décorés au Canada. Outre ses importantes
contributions militaires à ce pays, Tommy Prince est également connu comme militant
autochtone, revendiquant l’égalité et les droits
de son peuple. Le neveu de Tommy Prince, Jim Bear, a déclaré à CBC
News en 2020 qu’il se souvient de son oncle comme d’un « visionnaire »
qui était en faveur de l’abolition de la Loi sur les
Indiens, ce que, comme le souligne Jim Bear, « nous essayons
toujours de changer ».