Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle | l'Encyclopédie Canadienne

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Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle

L’Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle de 1869 est une loi adoptée par le Dominion du Canada nouvellement créé visant à contrôler, à réglementer et à assimiler les Premières Nations (appelés « Indiens » dans l’Acte) au Canada. Elle fait suite à deux autres textes législatifs : l’Acte pour mieux protéger les terres et les propriétés de sauvages dans le Bas‑Canada de 1850, et l’Acte pour encourager la civilisation graduelle de 1857, adoptés par la province du Canada (constituée des anciens Haut‑Canada et Bas‑Canada), et elle précède la Loi sur les Indiens de 1876.

Contexte

Lorsque la Grande‑Bretagne prend possession de la Nouvelle‑France en 1763 en vertu du Traité de Paris, les administrateurs coloniaux britanniques élaborent des lois permettant de décider qui peut être qualifié « d’Indien », et ce, notamment pour déterminer les personnes qui pourront vivre sur les réserves. Même si les peuples des Premières Nations conservent leurs propres méthodes d’identification des membres de leurs communautés, celles-ci ne sont pas nécessairement reconnues officiellement par le gouvernement.

Lorsque les colonies du Nouveau‑Brunswick, de la Nouvelle‑Écosse, de l’Ontario et du Québec sont réunies dans le Dominion du Canada en 1867, le gouvernement fédéral se voit octroyer la responsabilité des affaires relatives aux Premières Nations, en vertu de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Deux ans plus tard, en 1869, le gouvernement adopte l’Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle, dont le nom complet est l’Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle des Sauvages, à la meilleure administration des affaires des Sauvages et à l’extension des dispositions de l’acte.

Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle

Dans l’Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle, le terme « émancipation » fait référence au processus dans le cadre duquel les membres des Premières Nations perdent le droit d’être inscrits en tant que membres de leur groupe d’origine, en échange de leur participation à la société canadienne à titre de citoyens. L’objectif déclaré de cette loi est « d’améliorer la gestion des affaires indiennes ». (Voir aussi Ministères fédéraux des Affaires autochtones et du Nord.)

Dispositions de l’Acte

Les sections ci‑après présentent les dispositions de l’Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle. Il s’agit notamment des règles d’émancipation, des responsabilités des chefs élus, de la permission de vivre sur les réserves, du contrôle et du paiement des rentes, de la distribution d’alcool, ainsi que des soins pour les femmes, les enfants, et les personnes âgées des Premières Nations.

Émancipation

Chaque homme des Premières Nations émancipé doit déclarer le nom et le prénom sous lesquels il doit être connu, et sa femme et ses enfants mineurs non mariés sont également considérés comme étant émancipés. De plus, ils ne sont plus considérés comme des « Indiens » sauf pour leur droit à leur part des rentes de leur Première Nation.

Personnes non émancipées

Un homme des Premières Nations non émancipé s’étant faussement déclaré émancipé peut être condamné à une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois mois. Toute personne des Premières Nations non émancipée peut intenter des poursuites relativement à des dettes ou à des torts qu’elle aurait subis, ainsi que pour faire respecter les obligations à son égard.

Résidence

Aucune personne autochtone n’a le droit de résider sur une réserve, quelle qu’elle soit, sauf sous autorisation expresse du surintendant général des Affaires indiennes, faute de quoi elle peut être expulsée du terrain qu’elle occupe.

Alcool

Personne n’est autorisé à fournir de l’alcool à une personne des Premières Nations, sous peine d’amende ou d’emprisonnement en cas de défaut de paiement.

Rentes

Toute rente gouvernementale payable à une Première Nation ne peut être payée qu’à une personne ayant au moins un quart de sang des Premières Nations.

Les veuves et les filles célibataires d’hommes émancipés reçoivent une double part des rentes auxquelles ils auraient eu droit de leur vivant, aussi longtemps qu’elles résident sur la réserve de la Première Nation en question et demeurent célibataires.

Toute personne des Premières Nations ayant droit à une partie d’une rente et qui est condamnée à une peine de prison, perd son argent durant sa période d’emprisonnement. Les frais de procédure judiciaire pour la détermination de la peine peuvent être payés par la rente.

Le surintendant général a le pouvoir d’interrompre le paiement d’une rente à un homme qui abandonne sa femme ou son enfant, et d’utiliser cette rente pour subvenir aux besoins de cette femme ou de cet enfant.

Femmes et enfants

Toute femme des Premières Nations qui épouse un homme non inscrit, qu’il soit Autochtone ou non, cesse d’avoir le statut d’Indienne, tout comme les enfants issus de ce mariage. (Cette disposition n’est modifiée qu’en 1985 (voir aussi  : Questions relatives aux femmes autochtones du Canada et Les femmes et la Loi sur les Indiens).

De plus, lors d’un mariage avec un Indien inscrit, une femme autochtone et ses enfants issus de ce mariage deviennent membres de la Première Nation de cet homme.

Vieillesse et décès

Le surintendant général peut subvenir aux besoins de tout membre d’une Première Nation dont cette dernière ne prend pas soin en raison de son âge, d’une maladie ou d’autres raisons, grâce aux fonds de cette Première Nation.

Au décès d’un homme des Premières Nations, ses terres et ses biens appartiennent à ses enfants tant qu’ils sont vivants, pourvu qu’ils s’occupent de leur mère. Lorsqu’un homme meurt sans enfants, ses terres et ses biens appartiennent à la Couronne qui les utilise au profit de la Première Nation dont l’homme était membre, après avoir subvenu aux besoins de sa veuve.

Lorsqu’un homme des Premières Nations émancipé meurt en laissant un enfant de moins de 21 ans, le surintendant général doit nommer un tuteur ou une personne qui en a la charge, relativement aux droits de propriété de cet enfant, jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 21 ans. La veuve, qui est la mère de l’enfant, doit recevoir une part de la succession tant que l’enfant est mineur, et elle a le droit de vivre sur la propriété du défunt.

Chefs

Les chefs des Premières Nations sont élus par ses hommes âgés de plus de 21 ans, pour une durée de trois ans, à moins qu’ils ne soient destitués pour « malhonnêteté, intempérance ou immoralité ». Un chef et deux deuxièmes chefs doivent être élus pour chaque tranche de 200 personnes, bien qu’une Première Nation de 30 personnes puisse avoir un chef. Tous les chefs à vie peuvent conserver leurs fonctions jusqu’à ce qu’ils meurent ou qu’ils démissionnent, à moins qu’ils ne soient démis de leurs fonctions pour les mêmes raisons que les chefs élus.

Les chefs sont tenus d’entretenir les routes, les ponts, les fossés et les clôtures sur le territoire de leur Première Nation. S’ils ne le font pas, le coût des réparations peut être prélevé sur les rentes versées. Sous réserve de l’approbation du gouvernement, les chefs peuvent établir des règlements en matière de santé publique, d’ordre lors des rassemblements, de répression d’alcool et de gaspillage, d’errance du bétail, d’entretien des routes, des ponts, des fossés et des clôtures, de construction et d’entretien des écoles et des autres bâtiments publics ainsi que de mise en place de fourrières.

Terres

Un homme des Premières Nations peut se voir accorder la propriété à vie des terres qui lui sont attribuées, à condition qu’il atteigne un certain « degré de civilisation », « un caractère d’intégrité et de sobriété », et qu’il semble être « une personne sûre et convenable ». Cette propriété peut être léguée à ses enfants.

Si un homme des Premières Nations émancipé qui possède des terres meurt sans enfants, ses terres reviennent à la Couronne au profit de sa Première Nation. S’il est marié, sa veuve a l’usage des terres jusqu’à ce qu’elle se remarie ou qu’elle meurt.

La superficie des terres attribuées à un homme émancipé doit être proportionnelle à celle octroyée aux autres hommes sur le territoire de la Première Nation.

Suites

L’Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle constitue un exemple de l’attitude paternaliste des autorités coloniales envers les peuples autochtones du Canada. Essentiellement, la Loi sur les Indiens de 1876 combine la Gradual Civilization Act et l’Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle en un texte.