Le Canada et le Projet Manhattan | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Le Canada et le Projet Manhattan

Le Canada a contribué au développement des premiers réacteurs nucléaires et des premières armes nucléaires au monde. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le Canada a participé aux recherches britanniques visant à créer une arme atomique. En 1943, le programme britannique d’armes nucléaires a fusionné avec son équivalent américain, le projet Manhattan. La principale contribution du Canada a été le Laboratoire de Montréal, qui est devenu plus tard le Laboratoire de Chalk River. (Voir Centres de recherche en énergie nucléaire.) Cet effort de guerre allié a produit les bombes atomiques larguées sur les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki en 1945. Il a également conduit au développement de l’industrie de l’énergie nucléaire au Canada.

Cliquez ici pour les définitions des principaux termes utilisés dans cet article.

Contexte

Le domaine de la physique nucléaire apparaît au tournant du 20e siècle. En 1896, Henri Becquerel découvre la radioactivité. L’année suivante, J.J. Thompson découvre l’électron. En 1898, Marie et Pierre Curie découvrent le radium et documentent largement le phénomène des radiations. Une autre percée a lieu en 1905, lorsqu’Albert Einstein présente sa théorie de la relativité spéciale et de l’équivalence masse-énergie, mieux connue sous le nom de E=MC2.

À peu près à la même époque, à l’Université McGill de Montréal, Harriet Brooks, première femme physicienne nucléaire du Canada, découvre que des éléments peuvent se désintégrer en d’autres éléments, libérant ainsi des radiations. Ernest Rutherford découvre quant à lui l’idée d’une demi-vie radioactive et du radon, un autre élément radioactif. Ernest Rutherford fait également la distinction entre les différents types de radiations. Pour ces travaux, il reçoit le prix Nobel de chimie en 1908.

Photo de Harriet Brooks

Les théories scientifiques sur la division des atomes pour en libérer l’énergie datent d’avant la Première Guerre mondiale. L’idée d’utiliser cette technique dans la guerre apparaît dès 1914 dans la fiction de l’écrivain anglais H.G. Wells. La théorie devient réalité à la fin de 1938, lorsque le chimiste allemand Otto Hahn découvre la fission nucléaire avec Lise Meitner. Otto Hahn travaille ensuite avec Ernest Rutherford à l’Université McGill de 1905 à 1906.

La découverte de la fission nucléaire ouvre la voie à l’idée des bombes atomiques. Cela se produit moins d’un an avant que l’Allemagne n’envahisse la Pologne en 1939 et ne déclenche la Deuxième Guerre mondiale.

Recherche nucléaire canadienne

Le physicien nucléaire canadien George Laurence expérimente avec la fission de l’uranium dès 1939-1940. Son but est de développer un réacteur uranium-graphite. George Laurence réalise ses expériences à Ottawa pour le Conseil national de recherches du Canada. L’uranium qu’il utilise provient de la mine Eldorado à Port Radium, dans les Territoires du Nord-Ouest. Laurence n’a pas réussi à construire un réacteur. Cependant, ses expériences de 1940 à 1942 ont presque permis de réaliser la première réaction nucléaire en chaîne d’origine humaine au Canada.

Photographie de la mine Eldorado

Un mineur déplace un chariot contenant du minerai de radium argenté à 103 mètres sous la surface, mine Eldorado, Grand lac de l'Ours (T.N-O.), vers 1930.



Tube Alloys

Le gouvernement britannique commence à planifier un projet de recherche sur les armes nucléaires en 1940. Nommé « Tube Alloys » lors de son lancement l’année suivante, il s’agissait du premier programme de recherche sur les armes nucléaires au monde. Au début, Tube Alloys est basé au laboratoire Cavendish de l’Université de Cambridge. Les Britanniques, toutefois, sont à court de ressources et se méfient de la menace que représentent les bombardiers allemands après la bataille d’Angleterre. Ils cherchent donc une nation partenaire pour le projet. En 1942, le Canada accepte la demande britannique de relocaliser le projet de recherche. Le ministre de la production en temps de guerre, C.D. Howe, autorise le développement du laboratoire de Montréal. Il s’agit d’un effort de recherche conjoint canado-britannique basé à l’Université McGill et à l’Université de Montréal.

Conférence de Québec

Lors de la Conférence de Québec de 1943, la Grande-Bretagne et les États-Unis fusionnent leurs recherches sur les armes nucléaires en un seul effort. La Grande-Bretagne a été à la pointe de la recherche nucléaire à la fin des années 1930 et au début de la guerre. Le conflit, toutefois, épuise les ressources et la Grande-Bretagne a pris du retard. L’effort conjoint convenu au Québec prend plus tard le nom de code de l’effort américain : le projet Manhattan.

Conférence de Québec, 1943

À Québec, en août 1943, le président des États-Unis, F.D. Roosevelt; le premier ministre canadien, W.L.M. King; et le premier ministre britannique, Winston Churchill.


Le Canada apporte trois contributions principales au projet Manhattan. Premièrement, le Canada fournit et traite de l’uranium. Les Américains utilisent cet uranium pour la recherche et le développement de bombes atomiques. (Le Canada continuera à fournir aux États-Unis de l’uranium à des fins militaires pendant environ deux décennies après la guerre.) Deuxièmement, le Canada joue un rôle important dans la recherche sur l’extraction et la production du plutonium. Le plutonium est également utilisé dans les armes nucléaires. Troisièmement, le Canada fournit de nombreux chercheurs et scientifiques, ainsi que des installations clés pour la recherche et la production.

Chalk River et réacteurs ZEEP

En 1944, les recherches du laboratoire de Montréal sont transférées dans de nouvelles installations à Chalk River, en Ontario. (Voir Centres de recherche en énergie nucléaire.) Chalk River dispose de deux réacteurs expérimentaux. Le premier est connu sous le nom de ZEEP (Zero Energy Experimental Pile [pile expérimentale de puissance nulle]). Le 5septembre 1945, le ZEEP réalise une réaction nucléaire soutenue et contrôlée en utilisant de l’uranium et de l’eau lourde. Il s’agit du premier réacteur nucléaire construit et exploité en dehors des États-Unis, et il peut également générer du plutonium à partir de l’uranium.

L’autre réacteur expérimental est connu sous le nom de NRX (National Research Experimental). Il ne deviendra critique (c’est-à-dire qu’il ne pourra pas soutenir une réaction nucléaire en chaîne) qu’en 1947. Ensemble, les réacteurs expérimentaux ZEEP et NRX jettent les bases du développement du réacteur nucléaire CANDU. Le réacteur CANDU est utilisé au Canada et dans le monde entier.

Photographie d'un travailler d'usine au laboratoire de Chalk River

Un travailleur d'usine se chausse pour se protéger contre la radioactivité.



Le laboratoire de Montréal ferme ses portes en 1946, ses programmes de recherche se regroupant à Chalk River. En 1952, Énergie atomique du Canada Ltée, une société d’État, reprend la recherche à Chalk River. Le gouvernement fédéral confie à cette société le mandat de développer les utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire, telles que la production d’électricité.

Dénés de Déline

Pendant le projet Manhattan, la mine Eldorado de Port Radium, dans les Territoires du Nord-Ouest, employait des Dénés de la communauté de Déline pour transporter l’uranium. Certains Dénés pensent que l’uranium de cette mine est devenu la matière fissile de la bombe larguée sur Hiroshima le 6août 1945. Ce point est toutefois contesté par certains historiens, dont Robert Bothwell, qui a écrit une histoire de la société Eldorado Mining en 1984. Bothwell suggère que l’uranium que les Dénés transportaient n’était pas assez pur pour être utilisé dans la bombe. Qu’il ait ou non fait partie de l’arme, au moins une partie de cet uranium a été utilisée dans des expériences qui ont conduit au développement d’armes nucléaires et de l’industrie nucléaire canadienne.

Mots clés : Le Canada et le Projet Manhattan

Radiation

Émission d’énergie à travers l’espace ou un milieu matériel sous forme d’ondes ou de particules.

Radioactivité

Émission spontanée de particules énergétiques de certains éléments et isotopes lorsque leurs noyaux atomiques se désintègrent.

Fission nucléaire

Division du noyau d’un atome, qui provoque la libération de grandes quantités d’énergie.

Réacteur nucléaire

Structure qui peut soutenir une réaction nucléaire contrôlée afin de libérer de l’énergie.

Liens externes