James Bartleman | l'Encyclopédie Canadienne

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James Bartleman

James Karl Bartleman, O.C., O.Ont., diplomate, auteur, lieutenant-gouverneur de l’Ontario de 2002 à 2007 (né le 24 décembre 1939 à Orillia, en Ontario; décédé le 14 août 2023). James Bartleman a été diplomate pendant près de 40 ans. Il a occupé le poste de haut-commissaire et d’ambassadeur dans de nombreux pays, dont l’Afrique du Sud, Cuba, et Israël. Il a également été le conseiller en politique étrangère du premier ministre Jean Chrétien. Membre de la Première Nation de Mnjikaning, James Bartleman est devenu le premier Autochtone à être nommé lieutenant-gouverneur de l’Ontario en 2002. Il était reconnu pour sa défense de l’alphabétisation et de l’éducation dans les communautés autochtones et ses efforts pour mettre fin aux préjugés entourant les problèmes de maladie mentale.

Jeunesse

James Bartleman est né à Orillia, en Ontario. Sa mère, Marie Simcoe, est une Chippewa de la Première Nation de Mnjikaning. Elle perd son statut d’Indien en raison des dispositions de la Loi sur les Indiens lorsqu’elle épouse Percy Bartleman, un Canadien d’origine écossaise. (Voir aussi Les femmes autochtones et le droit de vote.)

En 1946, la famille s’installe à Port Carling, en Ontario. Ils passent leurs étés dans une tente à proximité d’un dépotoir, et leurs hivers dans une maison délabrée qu’ils louent. Le père de James Bartleman est ouvrier et il vend du poisson aux restaurants locaux. Sa mère souffre de dépression, ce que James Bartleman associe plus tard à la difficulté de concilier les mondes autochtone et non autochtone. Il fait lui-même face à des défis semblables alors qu’il est l’objet de racisme et de discrimination dans la petite ville. Il se souvient plus tard des blessures laissées vives par le fait d’avoir été traité de « sale métis » dans sa jeunesse. Malgré ceci, il en vient à accepter pleinement son héritage autochtone. « Je pensais que cela me donnait, en tant qu’individu, une vie beaucoup plus riche, sachant à quoi ressemblait la vie autochtone » a-t-il déclaré.

Les visites à la bibliothèque locale avec son père, un lecteur assidu, ouvrent de nouveaux horizons pour James Bartleman et lui inculquent la soif d’apprendre. La petite école de Port Carling n’offre pas la 13e année (qui est alors la dernière année de l’école secondaire), ce qui pourrait mettre fin à l’éducation formelle de James Bartleman. Cependant, il passe les étés de sa jeunesse à travailler pour l’américain Robert Clause, président de la Pittsburgh Plate Glass Company, qui possède un chalet à Muskoka. En 1958, Robert Clause offre de financer non seulement son déménagement à London en Ontario pour qu’il y termine ses études secondaires, mais également ses études universitaires.

Éducation

James Bartleman s’inscrit en l’histoire à l’Université de Western Ontario (aujourd’hui l’Université Western) à London, où il est à nouveau confronté au racisme et à la discrimination. Comme il est l’unique étudiant autochtone de l’université, il s’aperçoit rapidement « que la plupart des Canadiens sont mal à l’aise avec les Autochtones ». Il se souvient que les cours d’histoire sur le Canada auxquels il assiste présentent souvent des généralisations à propos des peuples autochtones. Les interactions des peuples autochtones avec les colons européens sont simplifiées, et leurs contributions au développement du pays sont largement effacées. Malgré tout, James Bartleman se plonge dans ce nouvel environnement d’apprentissage. Il se concentre ses intérêts sur la littérature et l’histoire, et il obtient son baccalauréat spécialisé en 1963.

Après avoir enseigné pendant un an dans le sud-ouest de l’Ontario, James Bartleman part pour l’Europe. Il parcourt le continent avec son sac à dos, voyageant dans des pays comme l’Espagne, la Norvège, et la France. Il s’arrête pour enseigner pendant un moment en Angleterre et à La Haye. Il travaille également dans des centres d’aide aux étudiants en voyage. Durant son année à l’étranger, il vit certaines expériences qui l’inspirent à faire carrière au sein du Service extérieur canadien.

Le 6 décembre 1964, James Bartleman arrive à la cathédrale Saint-Paul de Londres pour assister à un récital d’orgue. Au lieu de cela, il se retrouve parmi le public qui assiste à un discours du leader américain des droits civiques Martin Luther King Jr. Les paroles de Martin Luther King ont un effet profond sur James Bartleman, et elles attisent sa conviction croissante que la paix et la coopération sont des messages qu’il veut répandre. Le mois suivant, il se trouve parmi les foules qui affluent dans les rues de Londres pour apercevoir le cortège funèbre de sir Winston Churchill.

Carrière diplomatique

James Bartleman se joint au Service extérieur en 1966. Il occupe d’abord un poste au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Cela marque le début d’une carrière de près de quatre décennies au sein de la fonction publique et de voyages à travers le monde. En 1972, en tant que haut-commissaire intérimaire, il ouvre la première mission diplomatique du Canada dans la nouvelle république indépendante du Bangladesh. Au cours de sa carrière, James Bartleman est nommé à de nombreux postes diplomatiques, dont celui d’ambassadeur à Cuba de 1981 à 1983. De 1986 à 1990, il occupe simultanément le poste de haut-commissaire à Chypre et celui d’ambassadeur en Israël. Durant les quatre années qui suivent, il est ambassadeur au Conseil de l’Atlantique Nord de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

En 1994, James Bartleman devient le conseiller de politique étrangère du premier ministre Jean Chrétien et secrétaire adjoint du cabinet chargé de la politique étrangère et de la défense, le Bureau du Conseil privé. Au milieu des années 1990, les relations avec plusieurs pays d’Afrique sont particulièrement tendues, une période qui inclut le génocide rwandais de 1994. (Voir aussi Casques bleus canadiens au Rwanda.) James Bartleman déclare plus tard qu’il aurait souhaité en avoir fait davantage en tant que conseiller du premier ministre. Il estime également que le Canada, tout comme les Nations Unies (ONU), a été terni par son inaction au Rwanda. James Bartleman travaille avec le général Roméo Dallaire, commandant de la mission de l’ONU au Rwanda, et il raconte plus tard avoir trouvé « difficile de regarder Roméo Dallaire dans les yeux ». En 1996, dans l’espoir d’éviter une situation semblable au Zaïre (Congo), le gouvernement canadien, avec James Bartleman jouant un rôle clé, tente d’organiser une mission internationale de sauvetage. Cependant, la communauté internationale rejette largement cette idée.

James Bartleman travaille au sein du gouvernement de Jean Chrétien jusqu’en 1998.

En 1998, il occupe pendant un an le poste de haut-commissaire en Afrique du Sud. Il occupe ensuite le poste de haut-commissaire en Australie (de 1999 à 2000). De 2000 à 2002, il est ambassadeur à l’Union européenne.

Lieutenant-gouverneur de l’Ontario

Le 7 mars 2002, James Bartleman est nommé 27e lieutenant-gouverneur de l’Ontario. Il devient le premier vice-royal autochtone de la province. Au cours de son mandat, il se concentre sur trois initiatives : la lutte contre le racisme et la discrimination, la promotion de l’éducation et de l’alphabétisation des jeunes Autochtones, et l’élimination des préjugés entourant les problèmes de santé mentale.

Au cours de ses premières tournées dans les communautés du nord de l’Ontario en tant que lieutenant-gouverneur, James Bartleman remarque que les bibliothèques scolaires de la région ne disposent que de peu de livres. Face à ce constat, il organise en 2004 une campagne de collecte de livres. Environ 900 000 livres sont envoyés aux écoles. Les communautés accessibles seulement par avion ont priorité pour la livraison. Une deuxième campagne en 2007 comprend des livraisons de livres au Nunavut et dans le nord du Québec.

En 2005, James Bartleman lance un programme de jumelage entre les écoles autochtones et non autochtones en Ontario et au Nunavut afin de favoriser la compréhension culturelle et le développement de la communauté. Les étudiants participent à des échanges ainsi qu’à des programmes de correspondance. Des campagnes de collecte de ressources éducatives, comme des livres et des instruments de musique, sont également organisées.

En juillet 2005, James Bartleman annonce la création de camps d’alphabétisation pour les communautés autochtones du nord-ouest de l’Ontario. Les camps comprennent également des activités sportives et des programmes de langue et de culture autochtones. En 2006, les camps s’étendent aux communautés accessibles seulement par avion. Près de 3500 enfants et jeunes de la région s’y inscrivent. Les participants aux camps deviennent membres du Club Amick, un programme de lecture qui comprend éventuellement 5000 participants autochtones.

Les initiatives d’alphabétisation de James Bartleman visent à renforcer l’estime de soi chez les jeunes et à leur offrir diverses possibilités. Mais il estime qu’il faut en faire bien davantage pour améliorer la santé mentale dans les communautés autochtones du nord de l’Ontario. Il partage donc publiquement ses propres expériences dans le but d’atténuer les sentiments de honte souvent associés à la maladie mentale. Il parle entre autres de la lutte de sa mère, dont il a été témoin, ainsi que de son propre combat contre la dépression clinique. James Bartleman s’exprime ouvertement au sujet du stress post-traumatique et de la dépression dont il a souffert après avoir survécu à un violent passage à tabac et un vol à main armée en Afrique du Sud en 1999 : « J’en suis sorti vivant », dit-il, « mais je suis tombé dans une dépression profonde. J’ai eu des pensées suicidaires […] Je n’ai pas eu honte de demander de l’aide ». En parlant ouvertement de cette expérience, il espère atténuer les préjugés qui empêchent de nombreuses personnes souffrant de maladies mentales de se faire soigner.

Attentat d’Air India

En 1983, James Bartleman est nommé chef des services de renseignements pour le ministère des Affaires étrangères (maintenant Affaires mondiales Canada). Il occupe ce poste au moment de l’attentat contre le vol d’Air India en juin 1985. L’attentat terroriste contre le vol 182, qui a décollé de l’aéroport Pearson de Toronto, fait 329 victimes, dont 280 Canadiens. Des séparatistes sikhs de la Colombie-Britannique ont planifié cette attaque. En mai 2006, le gouvernement canadien ouvre une enquête sur la réponse officielle à l’attentat.

En mai 2007, James Bartleman (alors lieutenant-gouverneur de l’Ontario) témoigne devant la Commission Air India. Il affirme avoir vu dans les jours avant la tragédie un rapport des renseignements avertissant d’une attaque imminente contre Air India. Il déclare en avoir discuté avec un officier supérieur de la GRC, mais non pas avec ses supérieurs aux Affaires étrangères. En 20 ans, il n’a jamais révélé ce fait. Cette révélation de James Bartleman secoue l’enquête. On lui reproche de ne pas avoir communiqué cette information plus tôt. Plusieurs responsables des renseignements et de la GRC mettent en doute l’exactitude de ses souvenirs. Le rapport final de l’enquête révèle d’importantes lacunes dans la communication entre les organismes gouvernementaux canadiens, la GRC, et la communauté du renseignement. Après sa comparution devant la commission, James Bartleman présente des excuses publiques auprès des familles des victimes.

Monument commémoratif de la tragédie d'Air India

Chancelier de l’Universitaire de l’EADO

James Bartleman termine son mandat de lieutenant-gouverneur en septembre 2007. Il est ensuite nommé chancelier de l’École d’art et de design de l’Ontario (aujourd’hui l’Université de l’École d’art et de design de l’Ontario). Il occupe ce poste jusqu’en 2012.

Auteur

James Bartleman est un auteur de livres à succès, à la fois de livres de fiction et de non-fiction. Il raconte sa vie diplomatique et personnelle dans quatre mémoires. Les livres Out of Muskoka (2002) et Raisin Wine (2007) sont des réflexions sur son enfance à Port Carling. Il aborde également les défis liés à sa navigation entre la culture autochtone et la culture non autochtone, la lutte contre le racisme et la discrimination, et l’acceptation de son héritage autochtone. Il fait don des profits des ventes de Out of Muskoka à la Fondation nationale des réalisations autochtones. Les profits du livre Raisin Wine sont utilisés pour livrer des livres aux communautés du Nord. Dans On Six Continents (2004) et Rollercoaster (2005), James Bartleman raconte ses décennies de carrière en tant que diplomate et conseiller en politique étrangère, quoique dans Rollercoaster, il se concentre davantage sur son expérience au sein du gouvernement de Jean Chrétien.

James Bartleman s’inspire également de ses expériences pour ses œuvres de fiction. Son premier roman, As Long as The River Flows (2011), explore l’impact générationnel du système de pensionnats autochtones du Canada sur une famille autochtone du nord de l’Ontario. Exceptional Circumstances (2015) est un roman d’intrigues diplomatiques qui se déroulent au milieu de la crise d’octobre en 1970.

Vie privée

Alors qu’il travaille au siège de l’OTAN à Bruxelles, James Bartleman rencontre son épouse Marie-Jeanne Rosillon. Ils se marient en 1975 et ont trois enfants.

Distinctions

James Bartleman a été président honoraire de nombreux organismes, dont la Mood Disorders Association of Ontario, l’Institut de recherches en santé mentale, et le Centre pour la toxicomanie et la santé mentale (CTSM).

En 2008, le gouvernement de l’Ontario crée les Prix James Bartleman pour la création littéraire des jeunes Autochtones en reconnaissance du dévouement de James Bartleman pour encourager l’alphabétisation chez les jeunes Autochtones.

Prix

  • Prix national d’excellence décerné aux Autochtones pour le service public (1999)
  • Membre, Ordre de l’Ontario (2002)
  • Médaille du jubilé de la reine Elizabeth II (2002)
  • Dr. Hugh Lefave Award, Ontario ACT Association (2003)
  • Prix Courage to Come Back, Centre de toxicomanie et de santé mentale (2004)
  • Prix Arthur Kroeger College en éthique en service public, Université Carleton (2007)
  • Prix Joseph Brant (Raisin Wine), Société historique de l’Ontario (2008)
  • Prix de la Journée nationale de l’enfant, Institut canadien de la santé infantile (2008)
  • Officier, Ordre du Canada (2011)
  • Médaille du jubilé de diamant de la Reine Elizabeth II (2012)

Diplômes honorifiques

Lecture supplémentaire