Femmes de la Marine canadienne pendant la Guerre froide | l'Encyclopédie Canadienne

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Femmes de la Marine canadienne pendant la Guerre froide

Pendant la Guerre froide, bon nombre de femmes font partie de la Marine royale canadienne (MRC). Souvent appelées « Wrens » pendant cette période, elles jouent un rôle important dans les missions et les opérations de la MRC, notamment celles liées à la lutte anti-sous-marine. En 1951, la Réserve navale canadienne commence à recruter des femmes, mais ce n’est qu’en 1955 que celles-ci commencent à intégrer la marine régulière. D’ailleurs, la MRC est la première marine du Commonwealth à accepter des femmes dans sa force permanente. Pendant bon nombre d’années, les Wrens occupent des métiers en zone côtière, notamment dans les domaines du commerce, des communications, du renseignement, de la détection de sous-marins et de la médecine. À la fin du conflit, tous les métiers et emplois de la marine, à l’exception de ceux du service sous-marin, sont ouverts aux femmes. (Voir aussi Le Canada et la Guerre froide; Femmes dans les forces armées.)

Codeuses, Deuxième Guerre mondiale

Contexte

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, près de 6 800 femmes canadiennes intègrent le Service féminin de la Marine royale du Canada (SFMRC). Souvent appelées « Wrens », elles occupent 39 métiers différents (en zone côtière) et font notamment du travail de bureau, de la signalisation, du codage et de la télégraphie sans fil. Des milliers de femmes intègrent également le Service féminin de l’Aviation royale du Canada (ARC) et le Service féminin de l’Armée canadienne (CWAC). À la fin de la guerre, les services féminins sont dissous.

Le saviez-vous?
Pour créer son service féminin, la Marine royale canadienne s’appuie sur le modèle du service britannique nommé WRNS (Women’s Royal Naval Service). Le surnom « Wrens », qui provient de l’acronyme anglais, perpétue ainsi la tradition britannique.


Même si certaines femmes sont heureuses de réintégrer la vie civile, d’autres s’en trouvent déçues. De plus, certains officiers supérieurs, hommes et femmes, sont favorables à la poursuite de l’implication des femmes dans les différents services. Au fur et à mesure que les engagements militaires du Canada se multiplient, la pression monte. Entre 1949 et 1951, les forces armées canadiennes connaissent une croissance de 70 % en raison des missions de l’OTAN en Europe et de la participation à la guerre de Corée. Par conséquent, le Canada se trouve face à une pénurie de main-d’œuvre, que les femmes peuvent aider à combler. Lorsqu’éclate la guerre de Corée en 1950, bon nombre d’anciennes combattantes du SFMRC, du service féminin de l’ARC et du CWAC tentent de réintégrer l’armée. Leur vœu est rapidement exaucé : en 1951, les Forces de l’air, l’Armée et la Marine sont à nouveau autorisées à recruter des femmes.

Wrens au travail, Deuxième Guerre mondiale

Wrens dans la Réserve de la Marine royale du Canada

En mai 1951, le Parlement canadien autorise le recrutement de femmes dans la Réserve navale. Tout comme pendant la Deuxième Guerre mondiale, les femmes en service dans la Marine sont nommées Wrens. Cependant, contrairement à celles qui ont participé à la guerre, ces femmes sont membres de la réserve à part entière et reçoivent le même salaire de base que les hommes. En 1946, la capitaine de corvette Adelaide Sinclair recommande fortement une rémunération équivalente dans son rapport sur la participation du SFMRC à la Deuxième Guerre mondiale. Selon elle, il s’agit d’une décision non seulement éthique (parce que les femmes s’étaient avérées tout aussi bonnes, et parfois meilleures, que les hommes) mais aussi économique, puisqu’elle permettrait de simplifier les processus administratifs. Cependant, seules les femmes célibataires peuvent intégrer la Réserve navale. De plus, si une femme tombe enceinte, elle est déclarée médicalement inapte à effectuer un service et libérée de ses fonctions. Cette situation change toutefois en 1971, année à partir de laquelle les femmes mariées et les mères sont autorisées à s’enrôler.

Le recrutement de femmes commence en juillet 1951. Les nouvelles Wrens sont alors formées au NCSM Cornwallis, à Deep Brook, en Nouvelle-Écosse. La première année, 369 officières et femmes d’autres rangs intègrent la Marine. Plusieurs d’entre elles sont d’anciennes combattantes de la Deuxième Guerre mondiale. Les années suivantes, le nombre de recrues oscille entre 300 et 400. La plupart d’entre elles s’engagent pour trois ou cinq ans. Bon nombre de Wrens font un service à temps plein dans la réserve, aussi appelé service naval continu (SNC), et ce, surtout dans la branche des communications, où la demande est très forte.

Le saviez-vous?
Un des quartiers des femmes à la base NCSM Cornwallis est nommé d’après une autre « frégate de pierre » nommée NCSM Conestoga et utilisée pendant la Deuxième Guerre mondiale comme centre d’entraînement pour les Wrens avant sa désaffectation en 1946. La capitaine de corvette Isabel Macneill, qui devient la commandante du NCSM Conestoga en 1943, est la première femme à commander un « navire » en service au Canada.


Réservistes de la marine

Arrivée des Wrens dans la Marine royale canadienne, 1955

En 1954, la commandante Isabel Macneill, une ancienne combattante de la Deuxième Guerre mondiale, devient officière d’état-major pour le chef du personnel de la Marine. Elle reçoit alors le mandat d’aider à mettre en place une unité féminine permanente dans la MRC. Le 26 janvier 1955, le Cabinet autorise le recrutement de femmes dans la MRC et, en février, le ministère de la Défense nationale annonce la création d’un service féminin. Les femmes sont ainsi intégrées pour la première fois dans la force permanente d’une marine du Commonwealth. (L’ARC commence à enrôler des femmes dans sa force régulière en 1951 et dans l’Armée canadienne en 1954.)

L’admission des femmes est toutefois soumise à certaines conditions. Par exemple, la marine fixe une limite de 400 Wrens, et celles-ci peuvent seulement être embauchées pour des emplois qui ne nuiraient pas aux possibilités d’avancement de carrière des hommes. Les femmes sont aussi limitées à des métiers sur la terre ferme, à quelques exceptions près. Le premier groupe est formé de 35 officières et de 365 Wrens, dont plusieurs proviennent de la réserve de la MRC.

Traceuses radar, Guerre froide

Wrens dans les années 1950 et 1960

Sur la côte, les femmes occupent plusieurs métiers différents, notamment dans les milieux de l’administration, de la finance, du commerce, du renseignement, des communications et de la médecine. Elles font leur service à Ottawa, à Esquimalt et à Halifax, ainsi que dans des bases comme le NCSM Coverdale, au Nouveau-Brunswick, ainsi que le NCSM Cornwallis et le NCSM Shelburne, en Nouvelle-Écosse.

Certaines sont impliquées dans la lutte anti-sous-marine, qui s’avère être une part importante de l’engagement du Canada envers l’OTAN et la défense continentale. Bon nombre de Wrens font leur service sur le NCSM/la SFC Shelburne, l’un des réseaux de sonars passifs du SOSUS ayant comme responsabilité de détecter l’activité sous-marine soviétique dans l’océan Atlantique. Lorsque la station Shelburne entre en activité comme installation navale en 1955, cinq Wrens font déjà partie du personnel. (La Marine des États-Unis n’assigne aucune femme aux installations navales avant 1972.)


Le saviez-vous?
Lorsque les femmes intègrent la MRC en 1955, les officières sont finalement autorisées à porter le galon d’or avec la boucle d’officier, comme leurs homologues masculins. Elles perdent toutefois ce droit une fois de plus (tout comme les hommes) lorsque les Forces armées canadiennes sont unifiées en 1968. La marine perd alors également sa mention « royale ». La boucle et la mention sont tous deux sont restaurés en 2011.


Unification et période subséquente

En 1968, la Loi sur la réorganisation des Forces canadiennes entre en vigueur. La Marine royale canadienne devient alors le Commandement maritime des Forces armées canadiennes, et les Wrens deviennent officiellement des « militaires ». De manière non officielle, le nom «  Wrens » continue d’être utilisé jusque dans les années 1980. Bien que les femmes soient entièrement intégrées aux forces armées, certains métiers leur sont encore inaccessibles. De plus, dans les années 1960, elles ne peuvent toujours pas réaliser leur service en mer.

Au fil des années suivantes, plus de métiers deviennent accessibles aux femmes dans les forces armées tout comme dans la vie civile. En 1971, la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme recommande d’ouvrir tous les métiers aux femmes. Au cours de la même décennie, la Loi canadienne sur les droits de la personne (1978) interdit la discrimination sur de nombreuses bases, notamment sur celle du genre. Les employeurs peuvent toutefois exclure certains emplois en cas d’« exigences professionnelles justifiées ». Pour les Forces armées, certains éléments liés aux opérations continuent de poser problème. Dans la Marine, on s’inquiète notamment des limites d’espace à bord des navires et de l’efficacité des équipages mixtes.

Essais du SWINTER, années 1980

Au début des années 1980, les Forces armées canadiennes amorcent le Programme d’emploi expérimental de femmes militaires dans des éléments et des rôles nouveaux (SWINTER) pour évaluer l’employabilité des femmes dans les unités paracombattantes de la force régulière. Cela comprend notamment un essai en mer de 1980 à 1984 sur le NCSM Cormorant, une embarcation-support pour plongeurs. À la fin des essais du SWINTER, les Forces armées annoncent que les femmes sont désormais autorisées à servir dans certaines unités de la force régulière et à occuper certains postes autrefois réservés aux hommes, comme ceux sur les pétroliers ravitailleurs d’escadre, dans les escadrons de patrouille maritime et dans les escadrons de reconnaissance maritime. Elles ne sont toutefois toujours pas autorisées à faire leur service sur les destroyers.

Le saviez-vous?
Les femmes de la Réserve navale commencent à servir sur des navires à partir de la fin des années 1970.


La pression devient de plus en plus forte pour intégrer entièrement les femmes dans les Forces armées, surtout après l’entrée en vigueur de l’article 15 (droit à l’égalité) de la Charte canadienne des droits et libertés en 1985. En 1987, les Forces armées canadiennes annoncent des essais pour le Programme d’emploi des femmes dans des postes liés au combat et commencent à recruter des femmes dans des métiers et des unités de combat. En 1989, à la suite d’une décision du Tribunal canadien des droits de la personne, tous les postes militaires sont ouverts aux femmes. Les seules exceptions touchent les services sous-marins, accessibles aux femmes à partir de 2001, et le titre d’aumônier catholique romain. À la fin de la Guerre froide, les femmes peuvent occuper presque n’importe quel poste, sur presque n’importe quel navire de la Marine canadienne. (Voir aussi Femmes dans les forces armées.)

Le saviez-vous?
La première femme à commander un navire dans la Marine canadienne est la capitaine de corvette Marta Mulkins (de la Réserve navale). C’est en 2003 qu’elle devient commandante du NCSM Kingston, un navire de défense côtière. Six ans plus tard, la commandante Josée Kurtz (de la force régulière) devient commandante du NCSM Halifax, ce qui en fait la première femme à commander un important navire de guerre pour la Marine.

Lecture supplémentaire